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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/13/2020

ACPR/159/2021 du 10.03.2021 ( PSPECI ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.04.2021, rendu le 01.09.2021, REJETE, 6B_422/2021
Descripteurs : DÉBAT DU TRIBUNAL;DROIT DE S'EXPRIMER;EXPULSION(DROIT PÉNAL);RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);REPORT(DÉPLACEMENT);IMPOSSIBILITÉ
Normes : CP.66a; CP.66d

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/13/2020 ACPR/159/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 10 mars 2021

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'Établissement B______, comparant par Me Guglielmo PALUMBO, avocat, Bianchischwald Avocats, rue Jacques-Balmat 5, case postale 5839, 1211 Genève 11,

recourant,

 

contre la décision rendue le 5 février 2020 par l'Office cantonal de la population et des migrations,

 

et

L'OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS, Service asile et départ, Secteur mesures, route de Chancy 88, case postale 2652, 1211 Genève 2,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte daté du 11 février 2020, expédié depuis B______ le 18 suivant au greffe de la Chambre de céans, A______ recourt contre la décision de non-report de son expulsion judiciaire, prononcée par l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 5 février 2020, notifié le 7 suivant.

Le recourant conteste cette décision.

b. Par ordonnance du 20 février 2020 (OCPR/9/2020), la Direction de la procédure de la Chambre de céans a accordé d'office l'effet suspensif au recours.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par jugement du Tribunal correctionnel du 11 décembre 2018, aujourd'hui définitif et exécutoire, A______, ressortissant tunisien, a été déclaré coupable d'abus de confiance, vol, escroquerie par métier, séquestration, lésions corporelles simples, mise en danger de la vie d'autrui, faux dans les titres, infractions aux art. 19 al. 1 let. d et 19a ch. 1 LStup, entrée et séjour illégaux et exercice d'activités lucratives sans autorisation. Il a été condamné à une peine privative de liberté de 36 mois, sous déduction de 590 jours de détention avant jugement, sans sursis à raison de 18 mois. Pour le surplus, il a été mis au bénéfice du sursis partiel pendant 5 ans. Il a également été condamné à une amende de CHF 300.-.

Son expulsion judiciaire du territoire suisse (art. 66a al. 1 CP) pour une durée de 5 ans a en outre été prononcée.

b. Le 31 janvier 2020, l'OCPM a imparti un délai à A______ pour faire valoir ses observations sur la décision qu'il entendait prendre de l'expulser du territoire suisse.

C. Dans sa décision, l'OCPM a refusé le report de l'expulsion judiciaire prononcée le 11 décembre 2018 à l'encontre de A______. Il n'existait en effet aucun obstacle à l'exécution de son expulsion du territoire suisse.

D. a. À l'appui de son recours, A______ dit ignorer vers quelle destination il serait renvoyé. Le service de l'asile ne l'avait pas entendu. Il avait ses enfants en Suisse. Il souhaitait se rendre en France pour y rejoindre sa nouvelle compagne. Il n'avait aucune famille en Tunisie et plusieurs problèmes avec ce pays qui mettaient sa vie en jeu.

b. Dans ses observations du 16 décembre 2020, le Ministère public conclut au rejet du recours. Le condamné se limitait à contester le principe de l'expulsion, pourtant définitivement jugée, et à se plaindre de son absence de choix sur le pays dans lequel il serait expulsé. Ces éléments n'étaient pas un motif de report au sens de l'art. 66d al. 1 CP.

c. Dans ses observations du 11 janvier 2021, l'OCPM conclut au rejet du recours. L'intéressé ne jouissait pas du statut de réfugié et ne faisait pas valoir que son retour en Tunisie l'exposerait à la torture ou à des peines ou traitements inhumains. Il souhaitait se rendre en France pour rejoindre sa compagne mais n'avait aucun titre de séjour dans ce pays, raison pour laquelle sa réadmission avait été refusée par les autorités françaises (obs., annexe 1). Son argument selon lequel il souhaitait voir ses enfants qui vivent à Genève ne pouvait plus être pris en compte au stade de l'exécution de l'expulsion pénale, le Tribunal correctionnel ayant statué en faveur d'une mesure d'éloignement. L'intéressé avait été reconnu par les autorités tunisiennes, qui étaient disposées à délivrer un laissez-passer (obs., annexe 4).

d. Le recourant réplique par la voix de son conseil. La Tunisie était en proie à des violentes attaques terroristes, auxquelles s'ajoutait une propagation importante de l'épidémie de covid-19. Cet État ne figurait pas dans la liste des pays qualifiés de "sûrs". Par conséquent, il était une destination dangereuse. Il y était menacé de mort par ses cousins en raison d'un conflit sur un héritage. Il avait également de fortes attaches avec ses trois enfants qui résident en Suisse. Une expulsion rendrait ses contacts avec eux difficiles, voire impossibles. Il sollicite de pouvoir être auditionné par la Chambre de céans afin de s'exprimer sur les dangers qu'il encoure en cas de renvoi, dès lors qu'il n'avait pas été entendu par le service de l'asile. Il conclut, sous suite de frais, à l'annulation de la décision attaquée et au report de son expulsion.

Par courrier daté du 22 janvier 2021, le recourant précise que malgré la séparation d'avec la mère de ses enfants, qui avait la garde de ces derniers, il n'avait jamais cessé d'essayer de les voir. Il allait continuer à se battre, auprès des instances civiles, pour obtenir le droit d'entretenir des relations personnelles avec eux. Il réitère n'avoir plus de famille en Tunisie, hormis des personnes qui voulaient sa mort.

EN DROIT :

1.             1.1. Dans son arrêt du 23 novembre 2020 (ACST/34/2020), la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice a admis que la Chambre de céans était compétente pour connaître des recours contre les décisions de l'OCPM rendues en matière de report de l'exécution de l'expulsion pénale au sens de l'art. 66d CP.

Cette attribution résultera en outre de la modification de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LaLEI) en cours, laquelle confère au Département de la sécurité, de l'économie et de la santé, soit pour lui l'OCPM, la compétence pour statuer sur le report de l'exécution de l'expulsion. Le nouvel art. 5 al. 5 LaCP entraînera ainsi la compétence de la Chambre pénale de recours pour statuer sur les recours en la matière, par le truchement des art. 40 al. 1 et 42 al. 1 let. a LaCP.

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. Le recours émane du condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP).

1.3.1. Le recours doit être motivé par écrit et adressé à l'autorité de recours dans le délai de 10 jours à compter de la notification de la décision querellée (art. 396 al. 1 et 90 al. 1 CPP).

Selon l'art. 91 al. 2 CPP, les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'autorité pénale, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral.

1.3.2. En l'espèce, le recourant s'est vu notifier la décision querellée le 7 février 2020, de sorte que le délai pour recourir arrivait à échéance le 17 suivant. Expédié par la poste le lendemain, le recours est a priori tardif.

On ignore toutefois à quelle date la remise de l'acte au greffe de l'établissement pénitentiaire, qui l'a ensuite posté, a eu lieu. La question de la recevabilité du recours, sous cet angle, peut, quoi qu'il en soit, rester ouverte, vu ce qui suit.

2. Le recourant souhaite être auditionné par la Chambre de céans pour expliquer de vive voix les dangers qu'il encoure en cas de renvoi en Tunisie.

Il ne conteste pas s'être exprimé devant l'OCPM avant le prononcé de la décision litigieuse. Partant, son droit d'être entendu a été respecté et on ne voit pas à quel titre il devrait être entendu une nouvelle fois. Il a pu faire valoir librement ses arguments par écrit au stade du recours. Le droit d'être entendu n'impose pas à l'autorité d'auditionner le justiciable (ATF 134 I 140 consid. 5.3).

3. Le recourant souhaite le report de son expulsion.

3.1. L'art. 66a CP stipule que le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans pour les infractions qu'il liste soit notamment pour vol qualifié (art. 139 ch. 1 et 2 CP), brigandage (art. 140 ch. 1 al. 1 et 2 CP).

À teneur de l'art. 66a al. 2 CP, le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.

Outre le principe de proportionnalité ancré à l'art. 36 al. 3 Cst., l'art. 66a al. 2 CP vise à assurer le respect de règles de droit international. En effet, le législateur, en introduisant cet article, visait à tenir compte des accords internationaux interdisant l'expulsion, soit en particulier l'art. 8 CEDH et l'art. 17 Pacte ONU II (droit au respect de la vie privée et familiale) et la Convention relative aux droits de l'enfant, qui interdit de séparer les enfants de leurs parents contre leur volonté et assure leur droit à entretenir des relations personnelles et des contacts réguliers. Bien que formulé de manière potestative, l'art. 66a al. 2 CP impose au juge de renoncer à expulser l'étranger lorsque le cas de rigueur est réalisé. (L. MOREILLON/ A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I : art. 1-110 CP, Bâle 2021, ns. 47 et 48 ad art. 66a).

3.2. Selon l'art. 66d al. 1 CP, l'exécution de l'expulsion obligatoire ne peut être reportée que lorsque la vie ou la liberté de la personne concernée dont le statut de réfugié a été reconnu par la Suisse serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (let. a) ou lorsque d'autres règles impératives du droit international s'opposent à l'expulsion (let. b).

L'autorité cantonale compétente doit tenir compte d'office des obstacles à l'exécution qui sont portés à sa connaissance par l'étranger condamné ou dont elle apprend l'existence par d'autres sources (Message du Conseil fédéral concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire [Mise en oeuvre de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels] du 26 juin 2013, FF 2013 5373 ss, 5429). Elle présume, au moment de prendre sa décision, qu'une expulsion vers un État que le Conseil fédéral a désigné comme un État sûr au sens de l'art. 6a al. 2 de la loi sur l'asile (LAsi) ne contrevient pas à l'art. 25 al. 2 et 3 Cst. (al. 2). L'annexe 2 de l'OA 1 dresse la liste des pays exempts de persécution, parmi lesquels ne figurent pas la Tunisie. Toutefois, les ressortissants de ce pays obtiennent généralement un faible taux de protection dans les procédures d'asile (SEM, Pays à faible taux de protection, état au 1er octobre 2019, 13 juillet 2020).

3.3.En l'espèce, le Tribunal correctionnel a prononcé l'expulsion obligatoire du recourant (art. 66a al. 1 CP). Cette décision est aujourd'hui définitive et exécutoire.

Les relations entre le recourant et ses enfants, qui ont été examinées par les premiers juges, n'ont pas été considérées comme suffisamment étroites pour faire obstacle à son renvoi de Suisse. Le recourant ne saurait ainsi, au détour de sa contestation de l'exécution de son expulsion, obtenir un réexamen de cette question.

Pour s'opposer à son expulsion, le recourant prétend être en danger en Tunisie, des membres de sa famille avec lesquels il était en conflit voulant sa mort. Ces allégués, énoncés pour la première fois au stade de la réplique, sont invérifiables. Le recourant ne démontre pas non plus qu'un renvoi en Tunisie l'exposerait à des persécutions ou à d'autres traitements inhumains ou dégradants. Il n'est enfin pas notoire que son pays d'origine serait en proie à des violentes attaques terroristes depuis le prononcé attaqué.

Quant la pandémie de covid-19, il n'est pas établi qu'elle sévirait davantage en Tunisie qu'ailleurs. Quand bien même, il n'apparaît pas que le recourant, de par son âge, en particulier, serait plus sensible au virus qu'une autre personne dans la même situation que la sienne. On ne voit en outre pas en quoi il courrait moins de danger s'il était expulsé vers la France, comme il le souhaite.

Son renvoi ou son expulsion n'étant pas impossible - la Tunisie l'ayant reconnu comme son ressortissant et étant disposée à lui délivrer un laissez-passer - le recourant ne peut continuer à séjourner en Suisse. La mesure n'avait pas à être différée. L'OCPM a statué à bon droit.

4. Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP), qui comprendront un émolument de décision de CHF 800.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprendront un émolument de décision de CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, à l'OCPM et au Ministère public.

La communique pour information à la police (Brigade migration et retour).

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/13/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

800.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

885.00