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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/1771/2012

ACPR/147/2012 du 11.04.2012 ( MP ) , REFUS

Recours TF déposé le 14.05.2012, rendu le 21.05.2012, IRRECEVABLE, 1B_278/2012
Descripteurs : DÉFENSE NÉCESSAIRE; AUDITION OU INTERROGATOIRE; POLICE JUDICIAIRE
Normes : CPP.130; CPP.131
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1771/2012ACPR/147/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 11 avril 2012

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Robert ASSAEL, avocat, rue de Hesse 8-10, Case postale 5715, 1211 Genève 11,

 

recourant,

 

contre la décision rendue le 5 mars 2012 par le Ministère public refusant d'écarter de la procédure le procès-verbal de son audition par la police du 5 février 2012,

 

Et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565 - 1211 Genève 3,

 

intimé.


 

EN FAIT :

A. Par acte déposé le lundi 19 mars 2012 au greffe de la Chambre de céans, A______ recourt contre la décision du 5 mars 2012, notifiée le surlendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'écarter de la procédure le procès-verbal de son audition par la police du 5 février 2012.

Le recourant demande à la Chambre de céans d'écarter de la procédure le compte rendu, en raison de l'absence à ses côtés d'un défenseur, ce qui constituait une violation de l'art. 130 let. b CPP.

B. Il résulte du dossier les faits pertinents suivants :

a) Le dimanche 5 février 2012, après 04h00, A______, alors qu'il était sous l'influence de l'alcool, est sorti de l'établissement B______, situé dans ______, et a pris sa voiture, dans l'intention de foncer sur un videur avec lequel il avait eu un différend deux semaines plutôt. Ce faisant, il a renversé trois personnes se trouvant à proximité de l'entrée de cet établissement et a ensuite endommagé 8 voitures d'occasion stationnées sur un parking privé, en face du B______.

Une des personnes blessées a reçu des soins à l'hôpital de ______, ayant des douleurs aux jambes, alors que les deux autres ont été conduites au Service des urgences ______, l'une présentant de sérieuses blessures au visage et l'autre une fracture du fémur.

b) Le test de l'éthylomètre, pratiqué à 5h34, a révélé un taux de 1,69%0.

c) Entendu par la police le 5 février 2012 dès 7h36, A______ a pris note qu'il l'était en qualité de prévenu au sens des art. 107, 113 et 157 et ss CPP, un formulaire contenant ses droits et obligations lui ayant été préalablement remis. Il a déclaré en avoir pris connaissance et l'avoir bien compris. Immédiatement après, les faits qui lui étaient reprochés lui ont été énoncés, à savoir "conduite en état d'ébriété présumée, lésions corporelles graves intentionnelles". Informé de ce que ces infractions l'autorisaient à faire appel à un avocat de permanence pour l'assister, il y a renoncé et a accepté d'être auditionné hors la présence d'un avocat.

Ensuite, il a notamment expliqué qu'il voulait s'en prendre à un videur qui l'avait empêché d'entrer au B______ deux semaines auparavant ("je voulais faire payer au videur ce qu'il m'avait fait"), et qu'il avait décidé "de lui foncer dessus". Il se souvenait avoir foncé sur des gens, mais sans savoir si le groupe visé comprenait le videur. Il a terminé sa déposition en ces termes : "Par rapport à ce qui est arrivé, j'accepte d'être puni et je suis un con".

Le procès-verbal d'audition a été clôturé à 9h05 et A______ en a signé toutes les pages.

d) Le Procureur a ouvert une procédure préliminaire à l'encontre de A______ et l'a prévenu, le 6 février 2012, de lésions corporelles graves, de mise en danger de la vie d'autrui et d'infractions graves à la LCR. A______ a indiqué qu'il ne se souvenait pas d'avoir eu un litige avec un videur, même s'il ne l'excluait pas, et a précisé que, lorsqu'il buvait, il lui arrivait "d'exagérer un peu". Il ne conservait en fait plus aucun souvenir de la soirée du 4 février 2012, ignorait pourquoi il était sorti du B______, s'il était allé chercher sa voiture et ne savait plus où celle-ci était garée.

e) Par requêtes des 5 et 7 février 2012, le Procureur a invité la police à procéder à diverses auditions et investigations, tendant notamment à identifier le videur du B______ concerné et tous les témoins qui avaient assisté aux événements reprochés au prévenu.

f) Le 6 février 2012, le Procureur a demandé, et obtenu, la mise en détention de A______, afin d'éviter qu'il ne compromette l'enquête en prenant contact avec les personnes devant être entendues (victimes, videur, compagne, etc.).

g) Lors de l'audience d'instruction du 23 février 2012, le conseil de A______ a fait noter que, selon lui, la première audition à la police aurait dû se dérouler en présence d'un avocat et qu'il ne renonçait pas à demander le retrait du dossier de cette pièce. Le Procureur en charge de la procédure en a pris note, en s'étonnant qu'une telle requête n'ait pas été formulée auparavant, et a fait savoir qu'il produirait à bref délai une détermination écrite.

Le nouveau conseil du prévenu a rappelé au Procureur, par courrier du 1er mars 2012, qu'il attendait sa détermination, laquelle constitue la décision présentement querellée.

C. Dans celle-ci, le Procureur a rappelé que l'art. 159 CPP procurait au prévenu un droit et non une obligation d'être assisté d'un défenseur lors de son audition par la police. La faculté de recourir à l'avocat de permanence était par ailleurs prévue par l'art. 8A LPav, en cas d'infraction grave, parmi lesquelles figuraient notamment les lésions corporelles graves et la mise en danger de la vie d'autrui. A______ avait été informé de ce droit et y avait expressément renoncé. De surcroît, le Ministère public était d'avis que le prévenu ne devait pas nécessairement être assisté d'un avocat lorsqu'il avait été entendu à la police, dès lors que la question d'une éventuelle défense obligatoire ne se posait pas à ce stade, ce que la Chambre pénale de recours avait déjà constaté (ACPR/314/2011). En conséquence, le Ministère public a refusé de répondre favorablement à la requête de la défense.

D. a) À l'appui de son recours, A______ considère que, à teneur de l'art. 130 al. b CPP, le prévenu doit avoir un défenseur notamment lorsqu'il encourt une peine privative de liberté de plus d'un an, ce dont il faut déduire que la loi exige cette assistance et interdit au prévenu d'y renoncer. Cette question était clairement identifiable au stade de la première audition à la police, ce que le Procureur a confirmé le lendemain, lors de la mise en prévention, puisqu'il a rappelé au recourant qu'il avait l'obligation d'être défendu par un avocat, au vu des faits qui lui étaient reprochés.

Par ailleurs, l'état du prévenu empêchait également la police de l'entendre. En conséquence, en application de l'art. 131 al. 3 CPP, les preuves administrées alors que la nécessité d'une défense obligatoire aurait dû être reconnue étaient viciées et devaient être écartées de la procédure.

b) À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'observations ni débats.

EN DROIT :

1. Le recours est recevable pour avoir été interjeté dans les délai, forme et motifs prévus par la loi (art. 385 al.1, 390 al. 1 et 396 al. 1CPP; art. 393 al. 2 lit. a CPP), contre une décision du Ministère public sujette à recours (art. 393 al. 1 lit. a CPP), devant l'autorité compétente en la matière, soit à la Chambre de céans (art. 20 et 393 CPP; 128 al. 1 lit. a LOJ/GE) et émaner d'un prévenu, qui a qualité de partie à la procédure (art. 104 al. 1 lit. a CPP) et qui, en cette qualité, a un intérêt juridique à l'annulation de l'ordonnance entreprise (art. 104 al. 1 lit. a, 382 al. 1 et 222 CPP).

2. La Chambre de céans peut décider de rejeter les recours manifestement mal fondés, sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2, 1ère phrase, a contrario, CPP).

Tel est le cas du présent recours pour les raisons exposées ci-dessous.

3. C'est en vain que le recourant se plaint de n'avoir pas été assisté d'un avocat lors de sa première audition devant la police.

La défense obligatoire, telle que prévue par l'art. 130 CPP - en particulier lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de plus d'un an ou une mesure entraînant une privation de liberté (lit. b) - n'a pas à être mise en œuvre lors de l'audition à la police (ACPR/314/2011 du 2 novembre 2011 consid. 3. 1).

En effet, l'art. 131 al. 1 CPP indique que c'est à la "direction de la procédure" qu'incombe l'obligation de pourvoir à ce que le prévenu soit assisté aussitôt d'un défenseur en cas de défense obligatoire. Or, la police ne figure pas au nombre des autorités, limitativement énumérées à l'art. 61 CPP, autorisées à exercer la direction de la procédure, soit le ministère public, jusqu'à la décision de classement ou la mise en accusation (lit. a), l'autorité pénale compétente en matière de contravention, s'agissant d'une procédure de répression des contraventions (lit. b), le président du tribunal, s'agissant d'une procédure devant un tribunal collégial (lit. c) et le juge, s'agissant d'une procédure devant un juge unique (lit. d).

En outre, l'art. 131 al. 2 CPP précise que, si les conditions requises pour la défense obligatoire sont remplies lors de l'ouverture de la procédure préliminaire, la défense doit être mise en œuvre après la première audition par le ministère public, et, en tout état de cause, avant l'ouverture de l'instruction. C'est donc seulement à l'issue de la première audition par le ministère public ou si un certain temps s'écoule après l'audition du prévenu par le ministère public et que les conditions de la défense obligatoire sont remplies que ledit ministère public devra ordonner une défense obligatoire avant de rendre son ordonnance d'ouverture d'instruction (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n 7 ad art. 131).

Enfin, il sera rappelé que la proposition qui avait été faite au Conseil national de prévoir, au cas où les conditions en seraient remplies, une défense obligatoire avant la première audition par le ministère public, avait été rejetée (cf. N. SCHMID, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, Zurich/St-Gall, 2009, N 737 n. 200), tout comme n'avait trouvé aucun écho, lors de la procédure de consultation du CPP, la proposition de certains cantons de prévoir une défense obligatoire au stade des auditions par la police déjà (cf. office fédéral de la justice, Synthèse des résultats de la procédure de consultation relative aux avant-projets de code de procédure pénale suisse et de la loi fédérale régissant la procédure pénale applicable aux mineurs, Berne, février 2003, 41).

Le recourant n'avait ainsi pas à être pourvu d'un défenseur d'office lors de son audition par la police, immédiatement après la survenance des faits et avant l'ordonnance d'ouverture d'instruction.

4. En tant qu'il succombe, le recourant supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP).

 

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

le recours formé par A______ contre l'ordonnance rendue le 5 mars 2012 par le Tribunal des mesures de contraintes dans la procédure P/1771/2012.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Monsieur Louis PEILA et Monsieur Christian MURBACH, juges; Monsieur Thierry GILLIÉRON, greffier.

 

Le Greffier :

Thierry GILLIÉRON

 

Le Président :

Christian COQUOZ

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110) ; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

 

éTAT DE FRAIS

P/1771/2012

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10 03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (litt. a)

CHF

- délivrance de copies (litt. b)

CHF

- état de frais (litt. h)

CHF

50.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision indépendante (litt. c)

CHF

1'000.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'060.00