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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/1786/2012

ACPR/133/2012 du 28.03.2012 ( MP ) , REJETTE

Descripteurs : POLICE JUDICIAIRE; AUDITION OU INTERROGATOIRE; DROITS DE LA DÉFENSE; AVOCAT; DÉFENSE NÉCESSAIRE
Normes : CPP.158.1; CPP.130; CPP 131.2
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1786/2012 ACPR/133/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 28 mars 2012

 

Entre,

 

A______, actuellement détenu à ______, comparant par Me Ilir CENKO, avocat, rue de Candolle 18. 1205 Genève.

 

recourant,

contre la décision rendue le 9 février 2012 par le Ministère public refusant d'écarter de la procédure le procès-verbal de son audition par la police du 6 février 2012,

 

Et

 

LE MINISTèRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565 - 1211 Genève 3.

 

intimé.

 


EN FAIT

A. a) Enquêtant depuis plusieurs semaines sur les agissements d'une "équipe" de trafiquants d'héroïne d'origine ______, la Brigade des stupéfiants a, le 5 février 2012, procédé à une perquisition dans un appartement sis ______, à ______, loué au nom de B______, dans lequel se trouvaient, à ce moment-là, C______ - identifié comme étant le chef de cette "équipe", qui logeait dans ledit appartement - ainsi que D______ et A______, ce dernier se rendant régulièrement dans ledit appartement, alors qu'il n'y résidait pas et qui, plus tôt dans la soirée, avait été observé, y pénétrant, porteur de deux sacs.

La fouille de l'appartement susmentionné a permis de découvrir l'existence de deux sacs de poudre brune, vraisemblablement du produit de coupage - d'un poids brut respectifs de 2,035 kilos et 996,4 grammes -, de 10 pucks d'héroïne - d'un poids total de 5,371 kilos -, de matériel de conditionnement (sachets "minigrips" vides, balance électronique) ainsi que de 26'500 € et de 500 USD, de même que d'un revolver de marque Smith & Wesson, calibre 357, avec une boîte de munition.

Par la suite, les policiers ont également procédé à une perquisition dans un appartement sis ______, à ______, dans lequel logeait A______, ce qui a permis la découverte de 3 paquets en aluminium contenant des sachets "minigrips" d'héroïne, d'un poids de 310,2 grammes, de 57,5 grammes de haschich, de 0,6 gramme de cocaïne, ainsi que des montants de 3'565 € et de 1'635 fr.

b) C______, D______ et A______ ont ensuite été emmenés dans les locaux de la police où ils ont été interrogés, le 6 février 2012, en présence d'un interprète.

A______ a expliqué être de retour à ______ depuis deux semaines environ et, depuis lors, se livrer au trafic d'héroïne, qu'il livrait par quantités minimales de 50 grammes, à d'autres trafiquants ______, estimant ainsi avoir écoulé 1,5 kilo de cette drogue. Les 300 grammes d'héroïne découverts à son domicile lui appartenaient, mais il ne voulait rien dire au sujet de la personne qui les lui avait remis et à qui il devait transmettre l'argent résultant de sa vente. C'est lui qui avait amené le produit de coupage dans l'appartement de la rue ______, peu avant l'intervention de la police. Les prévenus ont bénéficié de l'assistance d'un traducteur, qui a été rendu attentif aux conséquences légales d'une fausse traduction, au sens de l'art. 307 CP.

c) ca) Les mentions suivantes résultent du début du procès verbal d'audition de l'intéressé :

"Remarques préliminaires

Je prends note que je suis entendu en qualité de prévenu au sens des art. 107, 113, 157 et ss CPP. Un formulaire contenant mes droits et obligations m'a été préalablement remis. J'en ai pris connaissance et j'ai bien compris son contenu.

Les faits suivants me sont reprochés : trafic de stupéfiants (héroïne)

Défense

Vous m'informez que l'infraction / les infractions qui m'est / me sont reprochée(s) m'autorise(nt) à faire appel à un avocat de permanence pour m'assister (art. ARP.8 LPAV). Je peux en outre faire appel à un avocat de mon choix.

Néanmoins je renonce à ce droit et je suis d'accord d'être auditionné hors la présence d'un avocat".

cb) Le formulaire auquel se réfèrent les "Remarques préliminaires" susmentionnées, signé par le prévenu et le traducteur, avait le contenu suivant :

"DROITS ET OBLIGATIONS DU PREVENU

(PERSONNE MAJEURE)

En application des articles 87, 88, 107, 113, 143, 158, 159 et 214 du code de procédure pénale, vous êtes informé(e) et rendu(e) attentif(-tive) aux droits et obligations suivants :

-          Vous êtes entendu en qualité de prévenu.

-          Vous avez le droit de refuser de déposer et de collaborer. Si vous parlez, vos déclarations peuvent être utilisées comme moyen de preuve. La poursuite pénale est poursuivie, même si vous refusez de collaborer.

-          Vous pouvez en tout temps faire appel à un avocat. Lors de votre première audition par la police, vous pouvez faire appel à un avocat de choix, à vos frais. Si l'infraction est grave, vous pouvez faire appel à un avocat de permanence. Préalablement à cette première audition, vous pouvez communiquer librement avec votre avocat si vous faites l'objet d'une arrestation provisoire.

-          Vous pouvez demander l'assistance d'un traducteur ou d'un interprète.

-          Dans la suite de la procédure pénale à laquelle vous êtes partie, vous pouvez consulter le dossier (après décision du Ministère public), participer à des actes de procédure, vous prononcer au sujet de la cause de la procédure et déposer des propositions relatives aux moyens de preuve.

-          Si vous avez votre domicile ou résidence habituelle à l'étranger, ou si vous n'avez pas de domicile fixe ou connu, vous êtes tenu(e) de désigner une personne en Suisse pour recevoir à votre place toutes correspondances, avis de procédure ou décisions concernant cette affaire. Si vous ne le faites pas, les décisions pourront vous être valablement notifiées dans la Feuille d'avis officielle. Les ordonnances de classement et les ordonnances pénales sont réputées notifiées même en l'absence d'une publication.

-          A moins que le but de l'instruction ne l'interdise ou que vous vous y opposez expressément, la police informe vos proches de votre arrestation provisoire. A votre demande, la police informe votre employeur ou votre consulat de votre arrestation provisoire".

d) Prévenu, le 6 février 2012, par le Ministère public, d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup), A______ a admis avoir apporté dans l'appartement sis à la rue ______ deux sacs contenant des sachets "minigrips" et du produit de coupage, reconnaissant, par ailleurs, avoir distribué de l'héroïne à des dealers, à raison de 50 grammes, parfois de 25 grammes, et ce une à deux fois par jour. Par ailleurs, c'est lui qui avait caché les 300 grammes d'héroïne et les 3'200 € trouvés dans l'appartement de la rue ______, mais pas les francs suisses. Il s'était déjà rendu à trois ou quatre reprises dans l'appartement de la rue ______.

A l'issue de l'audience, le conseil du prévenu s'est plaint de ce que son client n'avait pas été assisté d'un défenseur lors de son audition à la police et a demandé que les déclarations faites à cette occasion soient retirées du dossier.

e) Par lettre du 9 février 2012, le Ministère public a rejeté cette demande, aux motifs que, lors de son audition à la police, le prévenu, assisté d'un interprète, avait été informé de ses droits conformément à l'art. 158 al. 1 CPP, avant de renoncer, valablement, à être assisté d'un avocat.

B. a) Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 23 février 2012, A______ recourt contre cette décision, dont il sollicite, avec des mesures provisionnelles, qu'elle soit réformée, en ce sens que les déclarations qu'il avait faites lors de son audition à la police le 6 février 2012 ainsi que le résumé qui en était fait en page 8 et 9 du rapport d'arrestation du même jour, et, toutes pièces s'y référant et/ou en découlant soient retirés du dossier. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de la décision querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants de l'arrêt. Il sollicite, enfin, "en tout état, que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat" et que ce dernier soit "condamné à lui verser un montant de 4'320 fr. à titre de juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la présente procédure de recours".

b) Le recourant soutient que, ne maîtrisant pas la langue française et compte tenu des imperfections inévitables d'une traduction simultanée, il avait retenu des informations fournies par les policiers que s'il voulait se faire assister par un avocat, il devrait le rémunérer à titre de défenseur privé, n'ayant pas été rendu attentif à son droit de faire appel à un avocat de permanence désigné d'office et rémunéré par l'Etat. Le formulaire "Droits et obligations du prévenu (personne majeure)" qu'il avait signé ne contenait qu'une information abstraite et ne portait aucune mention de ce qu'il était en droit, dans le cas concret, de faire appel à un avocat de permanence. L'information qui lui avait été fournie à ce sujet était ainsi incomplète et non conforme aux exigences de l'art. 158 al. 1 let. c CPP de sorte que les pièces litigieuses devaient être retirées du dossier pénal en application de l'art. 141 al. 5 CPP.

c) Par ordonnance du 27 février 2012, la direction de la procédure de la Chambre de céans a rejeté la demande d'effet suspensif formée par A______.

d) A sa réception, le recours a été gardé à juger sans échanges d'écritures ni débats.

EN DROIT

1. Le recours est recevable pour avoir été interjeté dans les délai, forme et motifs prévus par la loi (art. 385 al.1, 390 al. 1 et 396 al. 1CPP; art. 393 al. 2 lit. a CPP), contre une décision du TMC sujette à recours (art. 393 al. 1 lit. a CPP), devant l'autorité compétente en la matière, soit à la Chambre de céans (art. 20 et 393 CPP; 128 al. 1 lit. a LOJ/GE) et émaner d'un prévenu, qui a qualité de partie à la procédure (art. 104 al. 1 lit. a CPP) et qui, en cette qualité, a un intérêt juridique à l'annulation de l'ordonnance entreprise (art. 104 al. 1 lit. a, 382 al. 1 et 222 CPP).

2. La Chambre de céans peut décider de rejeter les recours manifestement mal fondés, sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2, 1ère phrase, a contrario, CPP).

Tel est le cas du présent recours pour les raisons exposées ci-dessous.

3.

3.1. L'art. 158 CPP (Informations à donner lors de la première audition) a la teneur suivante:

1 Au début de la première audition, la police ou le ministère public informent le prévenu dans une langue qu’il comprend :

a.     qu’une procédure préliminaire est ouverte contre lui et pour quelles infractions;

b.     qu’il peut refuser de déposer et de collaborer;

c.     qu’il a le droit de faire appel à un défenseur ou de demander un défenseur d’office;

d.     qu’il peut demander l’assistance d’un traducteur ou d’un interprète.

2 Les auditions effectuées sans que ces informations aient été données ne sont pas exploitables.

3.2. En l'occurrence, il résulte du procès-verbal de l'audition du recourant, le 6 février 2012, à la police que lui ont été données les informations qui, à teneur de l'art. 158 al. 1 CPP, doivent être communiquées à tout prévenu au début de sa première audition par la police, notamment s'agissant de son droit de se faire assister d'un défenseur.

Ainsi, le formulaire "Droits et obligations du prévenu (personne majeure)" qui lui a été remis, et traduit, indiquait qu'il pouvait en tout temps faire appel à un avocat, que lors de sa première audition par la police il pouvait recourir à un avocat de choix, à ses frais, et que si l'infraction était grave, il pouvait faire appel à un avocat de permanence.

Le recourant a déclaré avoir pris connaissance de ce document et avoir bien compris son contenu.

Par ailleurs, au début de son audition, le recourant - qui passe ce fait sous silence - avait également été informé que l'infraction qui lui était reprochée, à savoir un trafic d'héroïne, l'autorisait à faire appel à un avocat de permanence pour l'assister et qu'il pouvait, en outre, faire appel à une avocat de son choix.

Dès lors, il résulte de l'ensemble des informations fournies par la police que le prévenu a été informé qu'il pouvait être assisté, lors de sa première audition à la police, par un avocat de son choix, mais à ses frais, et que les infractions, graves, qui lui étaient reprochées en l'occurrence l'autorisaient à faire appel à un avocat de permanence, ce qui sous-entendait clairement, par opposition à l'avocat de choix qu'il devait rémunérer par ses propres moyens, que tel n'était pas le cas de l'avocat de permanence qui pouvait lui être désigné s'il en faisait la demande.

Il ne résulte pas du procès-verbal que le recourant - qui ne l'allègue du reste pas - ait posé la moindre question au sujet de la rémunération du défenseur auquel il avait la possibilité de faire appel lorsqu'il a pris connaissance de ses droit de se faire assister d'un conseil, ce qu'il n'aurait certainement pas manqué de faire s'il avait eu un doute à ce sujet.

Les informations fournies au recourant satisfaisaient ainsi aux exigences en la matière prévues à l'art. 158 al. 1 let. c CPP, notamment en matière de défense.

C'est donc en toute connaissance de cause et sans aucune contrainte que le recourant a renoncé à être assisté d'un avocat et a été d'accord de répondre aux questions de la police.

Le grief de violation du droit à l'information doit dès lors être rejeté.

4. Il en va de même s'agissant de l'allégation de violation de l'art. 130 CPP.

En effet, la défense obligatoire, telle que prévue par cette disposition - en particulier lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de plus d'un an ou une mesure entraînant une privation de liberté (lit. b) - n'a pas à être mise en œuvre lors de l'audition à la police (ACPR/314/2011 du 2 novembre 2011 consid. 3. 1).

En effet, l'art. 131 al. 1 CPP indique que c'est à la "direction de la procédure" qu'incombe l'obligation de pourvoir à ce que le prévenu soit assisté aussitôt d'un défenseur en cas de défense obligatoire. Or, la police ne figure pas au nombre des autorités, limitativement énumérées à l'art. 61 CPP, autorisées à exercer la directions de la procédure, soit le ministère public, jusqu'à la décision de classement ou la mise en accusation (lit. a), l'autorité pénale compétente en matière de contravention, s'agissant d'une procédure de répression des contraventions (lit. b), le président du tribunal, s'agissant d'une procédure devant un tribunal collégial (lit. c) et le juge, s'agissant d'une procédure devant un juge unique (lit. d).

En outre, l'art. 131 al. 2 CPP précise que si les conditions requises pour la défense obligatoire sont remplies lors de l'ouverture de la procédure préliminaire, la défense doit être mise en œuvre après la première audition par le ministère public, et, en tout état de cause, avant l'ouverture de l'instruction. C'est donc seulement à l'issue de la première audition par le ministère public ou si un certain temps s'écoule après l'audition du prévenu par le ministère public et que les conditions de la défense obligatoire sont remplies que ledit ministère public devra ordonner une défense obligatoire avant de rendre son ordonnance d'ouverture d'instruction (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n 7 ad art. 131).

Enfin, il sera rappelé que la proposition qui avait été faite au Conseil national de prévoir, au cas où les conditions en seraient remplies, une défense obligatoire avant la première audition par le ministère public, avait été rejetée (cf. N. SCHMID, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, Zurich/St-Gall, 2009, N 737 n. 200), tout comme n'avait trouvé aucun écho, lors de la procédure de consultation du CPP, la proposition de certains cantons de prévoir une défense obligatoire au stade des auditions par la police déjà (cf. office fédéral de la justice, Synthèse des résultats de la procédure de consultation relative aux avant-projets de code de procédure pénale suisse et de la loi fédérale régissant la procédure pénale applicable aux mineurs, Berne, février 2003, 41).

Le recourant n'avait ainsi pas à être pourvu d'un défenseur d'office lors de son audition par la police.

5. En tant qu'il succombe, A______ supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Reçoit le recours interjeté par A______ contre la décision rendue le 9 février 2012 par le Ministère public refusant d'écarter de la procédure le procès-verbal de son audition par la police du 6 février 2012,

Le rejette

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui s'élèvent à 660 fr., y compris un émolument de 600 fr.

Siégeant :

Messieurs Christian COQUOZ, président; Louis PEILA et Christian MURBACH, juges; Thierry GILLIERON, greffier.

 

Le Greffier :

Thierry GILLIERON

 

Le Président :

Christian COQUOZ

 

Indication des voies de recours :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

 

éTAT DE FRAIS

P/1786/2012

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10 03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (litt. a)

CHF

     

- délivrance de copies (litt. b)

CHF

     

- état de frais (litt. h)

CHF

50.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision indépendante (litt. c)

CHF

600.00

-

CHF

     

Total

CHF

660.00