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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/569/2001

ACOM/106/2001 du 17.08.2001 ( CRUNI ) , ADMIS

En fait
En droit

RÉPUBLIQUE ET

 

CANTON DE GENÈVE

 

DÉCISION

DE

LA COMMISSION DE RECOURS DE L’UNIVERSITE

Du 17 août 2001

 

Dans la cause

 

Madame S______

 

contre

 

INSTITUT UNIVERSITAIRE DE HAUTES ETUDES INTERNATIONALES

et

UNIVERSITE DE GENEVE

 

 

 

 

A/569/2001-CRUNI

EN FAIT

Née le X______ 1978, originaire de Pologne, Mademoiselle S______ s’est immatriculée à l’Université de Genève, à la faculté des sciences économiques et sociales.

La première partie de son programme d’études auprès de la faculté précitée s’est déroulée normalement.

Elle a été admise ensuite au programme de deuxième cycle de l’Institut des hautes études internationales (HEI) en vue d’obtenir une licence en relations internationales.

2. Malgré des problèmes de santé et les conseils qui lui ont été prodigués au sein de l’Université, Mme S______ s’est néanmoins présentée à la session d’examens de juin/juillet 2000. Le 26 juin, à l’examen d’Histoire des relations internationales, elle a rendu une feuille blanche. Le 28 juin, elle a passé l’examen de science politique et organisation internationale et elle a obtenu la note de 3,5. Le 30 juin, en droit international, elle a rendu à nouveau une feuille blanche. Le 3 juillet, date de l’examen d’Economie internationale, elle ne s’est pas présentée. Elle a fourni un certificat médical daté du lendemain, du Dr Higelin, spécialiste FMH en médecine interne, lequel a certifié que l’intéressée avait présenté une affection médicale l’ayant empêchée de se présenter à son examen du 3 juillet.

Se fondant sur ce certificat, Mme S______ a tenté d’obtenir l’annulation de toute la session, mais l’attestation médicale n’a été prise en compte que pour le dernier examen, aucun certificat n’ayant été produit pour les trois autres.

3. L’étudiante s’est présentée à nouveau à la session d’octobre 2000, mais elle s’est retirée. Elle a produit à cette occasion un certificat médical du 3 octobre 2000 émanant du Dr Zawodnik, spécialiste FMH en maladies allergiques. Le médecin a certifié que l’état de santé de l’intéressée justifiait l’arrêt de son activité universitaire pour une période de six mois.

L’Institut HEI a accepté ce certificat.

4. Mme S______ s’est néanmoins présentée à la session d’examens de février 2001, où elle a passé les quatre mêmes examens qu’à la session de juin 2000. Elle a obtenu les notes respectivement de 3,25, 4,25, 3,5 et 3,5.

5. Ayant obtenu seulement douze crédits, ce deuxième échec a été considéré comme définitif. Une décision d’élimination lui a été communiquée le 23 février 2001.

6. Mme S______ a fait opposition à cette décision par acte du 11 mars 2001. Sans fournir d’autres documents médicaux, elle a insisté sur les graves ennuis de santé qu’elle avait connus à partir du mois de mai 2000. Aussi avait-elle subi un traitement intensif auprès de son médecin de famille en Pologne pendant la période estivale qui avait suivi. Mais les longs mois de traitement et de rechute l’avaient sérieusement affectée sur le plan psychique. C’était précisément en raison de ses troubles psychiques qu’elle avait cru pouvoir se présenter et réussir avec succès les examens de la session de février 2001, malgré son état maladif.

7. Le 12 avril 2001, Mme S______ a été entendue par deux professeurs de l’Institut HEI.

8. Par décision du 30 avril 2001, le collège des professeurs a rejeté la demande de Mme S______. Ceux-ci ont constaté que l’intéressée n’avait contesté ni ses notes, ni les conditions dans lesquelles elles lui avaient été conférées. Ils ont relevé qu’elle s’était présentée en pleine connaissance de cause à la session de février 2001. Si elle invoquait des troubles psychiques qui justifiaient son mauvais choix, rien dans le dossier ne permettait d’établir que Mme S______ n’avait pas été en état de discerner la portée de ses décisions. Aucun certificat médical n’avait été présenté qui pouvait justifier son retrait ou l’annulation des examens de février. L’échec de l’examen était entièrement imputable à la candidate, et à elle seule.

9. Celle-ci a recouru par acte du 3 juin 2001 auprès de la commission de recours de l’université (ci-après : la CRUNI). Elle a insisté sur l’état physique et psychique dans lequel elle se trouvait entre juin 2000 et février 2001 qui ne lui avait pas permis de passer des examens et de prendre des décisions réfléchies. Les répercussions psychologiques de ces longues maladies l’avaient empêchée de porter un jugement lucide sur sa capacité de se présenter aux examens et son échec définitif de février 2001 n’avait fait qu’amplifier sa dépression, ce qui pouvait expliquer qu’elle n’ait pas joint à son opposition du 11 mars 2001 les certificats médicaux indispensables. Elle avait rendez-vous le 8 juin avec son psychiatre et elle fournirait le rapport de celui-ci ultérieurement.

Elle a conclu à l’annulation de sa session d’examens (implicitement : celle de février 2001).

Mme S______ a joint à son recours un certificat médical du Dr Baumann, spécialiste FMH en médecine interne et en gastro-entérologie, lequel a certifié qu’il suivait sa patiente pour des troubles digestifs gênant l’alimentation et le sommeil, responsables d’une perte de poids et d’une fatigue physique et psychique. L’intéressée à produit un autre certificat du Dr Zawodnik du 6 juin 2001. Selon ce document, le praticien relevait une susceptibilité élevée aux infections bactériennes, virales, mycothiques et parasitaires qui avait nécessité une multitude de traitements aux antibiotiques. La succession des états infectieux avait affaibli considérablement la patiente et avait nécessité des périodes de convalescence prolongées « Une fatigabilité accrue, résultant des affections et des traitements susmentionnés ont certainement influencé défavorablement sur son psychisme (état dépressif) ». Elle souffrait également de plusieurs maladies du système digestif. Les contrôles médicaux et les traitements multiples avaient indubitablement perturbé le déroulement de ses études universitaires. Tout en insistant sur les répercussions psychologiques qui l’avaient empêchée de porter un jugement lucide sur sa capacité à se présenter aux examens, le praticien a terminé ainsi : « Elle n’a pas pu ou voulu reconnaître un état dépressif et accepter un traitement adéquat. Cette attitude explique le fait que la patiente n’ait pas présenté un certificat médical lors de ses examens du mois de février 2001 auxquels elle n’aurait pas dû se présenter.

10. L’Institut HEI s’es opposé au recours. Les nouveaux certificats médicaux fournis par la recourante n’apportaient pas d’éléments nouveaux susceptibles de modifier son point de vue. Aucun de ces certificats n’était produit par un médecin-psychiatre. Le dernier certificat du Dr Zawodnik ne permettait pas d’attester que lorsqu’elle s’était présentée à la session de février 2001, elle ne mesurait pas la portée et les conséquences de ses choix.

11. Par lettre du 24 juin 2001 (recte 24 juillet), Mme S______ a fait parvenir à la CRUNI un certificat médical daté du 6 juillet 2001 établi par la Dresse Barbara Busino, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

Le certificat est ainsi libellé : « J’ai vu la patiente le 8 juin 2001 en consultation pour un suivi psychiatrique. Elle présente un état dépressif majeur sévère évoluant depuis de nombreux mois et un trouble anxieux important rendant un traitement nécessaire. Actuellement, elle ne présente plus aucune tolérance au stress. Au vu de l’état psychique actuel de la patiente, il est quasi certain qu’elle ne pouvait pas se présenter à ses examens en février 2001. Elle décrit par ailleurs, à cette période, un repli total chez elle avec un état dépressif qui rendait toute démarche administrative impossible. Ne reconnaissant pas la gravité de son état, elle n’a pas consulté de médecin psychiatre, ni demandé de certificat médical ».

EN DROIT

Dirigé contre la décision sur opposition du 30 avril 2001 et interjeté dans le délai légal et la forme prescrite auprès de l’autorité compétente, le recours est recevable (art. 62 de la loi sur l’université du 26 mai 1973 C/1/30 – LU ; art. 87 du règlement de l’université du 7 septembre 1988 C/1/30.06 – RU ; art. 26 et 27 du règlement interne relatif aux procédures d’opposition et de recours du 25 février 1977 – RIOR)

2. La recourante est soumise au règlement d’études d’octobre 2000, dont la deuxième partie est consacrée à l’Institut universitaire de hautes études internationales.

3. a. Selon l’article 63 D alinéa 3 LU, en vigueur depuis le 28 octobre 2000, les conditions d’élimination des étudiants sont fixées par le règlement de l’Université.

b. Selon l’article 22 alinéa 2 lettre b RU, est éliminé l’étudiant qui ne subit pas les examens et ne termine pas ses études dans les délais fixés par le règlement d’études.

c. L’article 105 alinéa 2 du règlement dispose que l’étudiant peut se présenter au maximum deux fois aux examens de la première partie. L’article 106 alinéa 1 quant à lui prévoit que l’étudiant est éliminé s’il n’a pas satisfait aux exigences formulées notamment à l’article 105.

d. Au terme de l’article 106 alinéa 2 deuxième phrase, sont réservés les cas exceptionnels (maladie, service militaire, activité professionnelle, etc.) qui sont appréciés par le directeur de l’Institut.

4. Dans la présente affaire, il est constant que la recourante souffre de plusieurs affections assez sévères depuis mai 2000. Les maux et les traitements qu’elle a subis ont eu des répercussions évidentes sur les examens qu’elle a passés. D’abord en juin 2000, elle a présenté une feuille blanche à l’examen du 26 juin et de nouveau à l’examen du 30 juin. Elle ne s’est pas présentée le 3 juillet. Un certificat médical a été accepté à cette occasion. Puis, lors de la session d’octobre 2000, la recourante s’est retirée et a produit un certificat médical justifiant une interruption de ses études pendant six mois. En février 2001, soit près de quatre mois après l’émission du certificat précité, elle s’est néanmoins présentée aux examens et elle a échoué. Tout en admettant la présence d’affections certaines et des divers traitements subis, l’autorité intimée estime que la recourante était libre de choisir de ne pas se présenter aux sessions où elle se sentait affaiblie physiquement et psychiquement et qu’elle aurait été mieux inspirée de se retirer ou de se mettre en congé. Or, selon l’autorité intimée, la recourante doit assumer les conséquences de ses choix, puisqu’elle avait opté pour une solution différente.

C’est oublier que le propre d’une affection psychique, surtout si elle est sévère, peut empêcher le sujet d’apprécier pleinement les conséquences de ses choix et de se déterminer d’après cette appréciation. Sur ce point, le certificat médical produit, tardivement il est vrai, et émanant de la Dresse Busino est illustratif, puisque, durant la période de la session de février 2001, l’état dépressif majeur sévère dans lequel elle évoluait rendait toutes démarches administratives impossibles. Il faut ainsi reconnaître, avec le praticien, que l’état de la recourante lorsqu’elle s’est présentée aux examens de février 2001 était tel qu’elle avait perdu la faculté de mesurer la portée et les conséquences de ses choix.

Le cas de la recourante doit ainsi être rangé dans les situations exceptionnelles telles que prévues aussi bien à l’article 106 alinéa 2 2e phrase du règlement qu’à l’article 22 alinéa 3 RU qui dispose qu’il doit être tenu compte des situations exceptionnelles lors d’une décision d’élimination. Une telle situation peut être, selon la jurisprudence, qualifiée d’exceptionnelle lorsqu’elle est particulièrement grave et difficile pour l’étudiant. Il est nécessaire que les effets perturbateurs aient été dûment prouvés, ce qui est le cas en l’espèce, même si la démonstration l’a été avec retard.

Le recours sera ainsi admis en ce sens que la recourante pourra repasser les quatre examens auxquels elle s’était présentée lors de la session de février 2001.

6. Vu la nature de la cause et l’issue du litige, il n’y a pas lieu de percevoir un émolument (art. 33 RIOR). La recourante ayant agi en personne et n’alléguant aucuns frais particuliers, il n’y a pas lieu de lui allouer une indemnité.

PAR CES MOTIFS

La commission de recours

De l’université :

A la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté par Madame S______ contre la décision sur opposition du 30 avril 2001 de l’Institut universitaire de hautes études internationales;

 

Au fond :

 

l’admet;

 

dit qu’aucun émolument n’est perçu, ni aucune indemnité allouée;

 

communique la présente décision, en copie, à la recourante, au service juridique de l’université, à l’Institut universitaire de hautes études internationales, ainsi qu’au département de l’instruction publique.

 

 

Siégeant : Monsieur Schucani, président-suppléant

Messieurs Verniory et Pétroz, membres

 

 

 

 

Au nom de la commission de recours :

la greffière : le président-suppléant :

C. Abbondanzieri D. Schucani

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

Genève, le p.o. la greffière :

 

Mme M. Oranci