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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/35528/1996

ACJC/1350/2000 du 21.12.2000 sur JTBL/59/2000 ( OBL ) , JUGE

Descripteurs : LCP.312; LCP.132; CO.256.1; CO.259.d

 

COUR DE JUSTICE

Case postale 3108

1211 Genève 3

┌───────────────────┐ Chambre d'appel en matière de

│ Réf. C/35528/96 │ Baux et Loyers

│ │

│ │ Entre

ACJC/1350/00

└───────────────────┘

 

 

Madame A______, domiciliée ______, élisant domicile auprès de l'ASLOCA-VOLTAIRE, 1-3 rue de Chantepoulet, 1201 Genève, partie appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 20 janvier 2000,

 

d'une part,

 

 

et

 

 

 

SI B______, p.a. C______, ______, élisant domicile en l'étude de Me Pierre SIDLER, avocat, rue de la Fontaine 7, 1204 Genève, partie intimée,

 

d'autre part,


 

 

 

- EN FAIT -

 

 

A.   Par acte expédié au Greffe de la Cour le 21 février 2000, A______ appelle d'un jugement du Tribunal des Baux et Loyers du 20 janvier 2000, reçu le 21 janvier, et qui réduit de 15% du 1er juillet 1996 au 31 juillet 1997 le loyer de l'appartement de 4 pièces au 1er étage de l'immeuble 52, rue 1______ qu'elle occupe .

 

B.   Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

 

 

A______ a conclu le 12 décembre 1978 un contrat de bail portant sur l'appartement susdécrit avec [la régie immobilière] C______, gérante de la SI B______ [au n° 52, rue 1______], propriétaire des locaux. Le loyer a été fixé en dernier lieu à 15'060 fr., charges non comprises, depuis le 1er avril 1995.

 

Par courrier du 5 mars 1996, C______ adressait à tous les locataires des immeubles sis rue 1______ n° 50 à 58 une lettre-circulaire les informant de ce que les propriétaires entendaient procéder à divers travaux d'entretien visant la rénovation des façades, avec mesures prises contre la carbonatation, le remplacement des carrelages des balcons, le remplacement des vitrages avec pose de double-vitrage, le remplacement des stores et toiles de tente, et la rénovation de la chaufferie; une demande d'autorisation de construire avait été déposée à cet effet, qui fut délivrée le 30 mai 1996, sous n° APA 2______ par le Département des travaux publics.

 

Les locataires furent conviés à une réunion d'information le 14 juin 1996. Les travaux commencèrent le 17 juin 1996 avec la pose des échafaudages.

 

Par courrier du 3 juillet 1996, les locataires furent informés du déroulement précis des travaux par le bureau d'architectes D______ SA, mandaté pour la planification du chantier. En particulier, il est dit que les travaux de transformation des installations de la chaufferie ont débuté le


 

le 1er juillet 1996; ceux relatifs aux travaux de façades (fixation du revêtement pierre du pignon, du traitement des dessous de dalle de balcon et le nettoyage des allèges en béton) devaient commencer vers la mi-juillet et durer approximativement deux mois.

 

Le 11 septembre 1996, D______ SA communiquait aux locataires du n° 50, rue 1______, les dates d'intervention pour chaque appartement. Il s'agissait des travaux de piquage, d'évacuation du carrelage des balcons avec la pose d'un nouveau carrelage, du traitement carbonatation "sous dalle plafond" et du remplacement des vitrages. Les travaux étaient planifiés jusqu'au 26 novembre 1996.

 

Le 8 janvier 1997, une deuxième autorisation de construire No APA 3______ fut délivrée par le Département des travaux publics. Elle concernait la rénovation de 13 appartements sis 50-52, rue 1______.

 

Le 23 février 1997, A______ écrivait à C______ et se plaignait des dégâts d'eau infiltrée et de fissures au plafond occasionnés par les travaux sur son balcon, abîmant ainsi son parquet pour lequel elle demandait la réparation aux frais de C______. Elle dénonçait également les nuisances encourues du fait du chantier (bruit, poussière, saleté, coupures d'eau, de chauffage, retard de plus de cinq mois dans les travaux selon programme annoncé, perte de quiétude et d'intimité, changement de fenêtres au mois de janvier). Elle n'a plus pu utiliser son balcon depuis le 1er juillet 1996.

 

D'autres travaux se sont déroulés durant l'année 1998 dans cinq appartements des immeubles n° 50 et 52 suite à la délivrance d'une troisième autorisation de rénovation APA 4______ du 16 janvier 1998. Ces travaux ont consisté, en particulier, dans le percement de murs et abattage de galandage, travaux dont les locataires furent avisés par lettre du 25 février 1997 de D______ SA.

 

 


 

Les travaux de rénovation des immeubles se sont déroulés en trois étapes successives, selon les procès-verbaux de chantier:

-   la première étape portant sur l'immeuble n° 50 et une partie de l'immeuble n° 52 a débuté par la pose des échafaudages le 17 juin 1996, échafaudages démontés le 10 avril 1997;

-   la deuxième étape porte sur les immeubles n° 52 et 54, les échafaudages ont été posés entre le 3 février 1997 et le 30 juillet 1997;

-    la troisième étape concerne les immeubles n° 56 et 58 pour lesquels les échafaudages sont restés en place du 21 avril 1997 à fin novembre 1997.

 

Enfin, durant le premier semestre 1999 des travaux de démolition des locaux de dévaloir pour procéder à l'agrandissement des cages d'ascenseur et à l'installation de nouveaux ascenseurs ont été entrepris. Plusieurs autres travaux se sont poursuivis dans les alentours de l'immeuble tels que des aménagements extérieurs et des rénovations complètes d'appartements. Des courriers de D______ SA du 26 février 1999, du 2 juin et du 15 juin 1999 attestent du déroulement de tous ces travaux, en particulier de sciage des murs et dalles, mais précisent toutefois leur échéance à fin juin 1999 pour la plus grande partie; ils admettent que ces travaux ont occasionné des nuisances aux installations électriques et sanitaires.

 

Diverses photos des lieux montrent les différentes étapes des travaux susdécrits.

 

C.    Par requête du 4 décembre 1996, déclarée non conciliée à l'audience de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du

8 avril 1997, et portée par-devant le Tribunal des baux et loyers le 17 avril 1997, A______ a agi en réduction du loyer. Elle a sollicité une réduction de loyer de 30% dès le 1er juillet 1996 et ce jusqu'à la fin des travaux en raison du chantier en cours.

 

Dans un premier temps, la SI B______ s'est opposée à toute réduction de loyer au motif que les nuisances dont la requérante se plaignait auraient été d'intensité variable tout au long du chantier et que


ces inconvénients passagers se trouvaient largement compensés par les prestations supplémentaires apportées par les travaux, sans aucune augmentation de loyer.

Le Tribunal a ouvert des enquêtes, puis ordonné la prorogation des enquêtes en fixant un dernier délai aux parties pour déposer leurs listes de témoins au 18 février 1998. Il a ainsi procédé à l'audition de 11 témoins lors de 7 audiences qui se sont tenues durant la période du 18 septembre 1997 au 4 février 1999, puis a déclaré la clôture des enquêtes.

 

Il ressort des témoignages recueillis par le Tribunal que :

 

 

-    les travaux ont consisté, d'une part, en la transformation complète de quelques appartements dans les immeubles 50, 52 et 54, rue 1______, d'autre part en travaux sur les immeubles précités, à savoir la rénovation des façades, le remplacement des vitrages, la révision de la chaufferie, des travaux sur la toiture et la réfection complète des balcons;

-   les filets recouvrant l'immeuble et entourant les échafaudages étaient quasi transparents, et non pas verts comme les treillis usuels;

-     les bruits principaux provenaient de la destruction des carrelages des balcons et, le béton étant transmetteur de bruit, tout l'immeuble subissait, à des degrés moindres, les bruits y relatifs. De façon générale les travaux, notamment les travaux bruyants, ont été effectués pendant les heures et les jours de bureau;

-   une goulotte a été placée du 9ème étage au rez-de-chaussée au niveau des allées 50, 52 et 58, rue 1______ selon les plans déposés par le témoin E______;

-   le loyer actuel est de moins de 4'000.- fr./pièce/par an;

-   les locataires ne pouvaient pas ouvrir leurs fenêtres en raison de la poussière, ni utiliser leur balcon;

-    pendant plusieurs mois, les locataires ou les visiteurs des résidents ne pouvaient pas utiliser les places de parking visiteur;

-    tant le parking extérieur que le parking souterrain étaient occupés par la présence de camions;

-      plusieurs appartements ont été modifiés (structure et redistribution des volumes), occasionnant ainsi des bruits fréquents à


 

l'intérieur de l'immeuble et un va-et-vient permanent des ouvriers.

 

 

De plus, en date du 19 mars 1998, le témoin F______ déclarait que la date de fin de chantier avait été repoussée à plusieurs reprises, la dernière information indiquant que celle-ci interviendrait en décembre 1997. Il a affirmé que les échafaudages avaient été enlevés au mois de janvier 1998, mais que les travaux à l'intérieur des immeubles se poursuivaient provoquant des bruits de machines de chantier.

 

D.     Dans son mémoire après enquêtes du 26 avril 1999, A______ a préalablement conclu à la réouverture des enquêtes concernant les nuisances subies à compter du mois de janvier 1998, dans la mesure où elle avait dû déposer sa liste de témoins sur prorogations d'enquêtes le 15 janvier 1998, soit avant le début des autres travaux, et principalement, à une réduction de loyer de 30% depuis le 15 juin 1996, jusqu'à l'achèvement des travaux. A l'appui de ses conclusions, elle évoque les faits nouveaux relatifs tant aux travaux de rénovation entrepris dans les appartements dès 1998 que les travaux relatifs à la démolition des murs du dévaloir de l'immeuble.

 

La cause a été remise pour plaider au 23 septembre 1999.

 

 

En date des 26 avril, 6 mai, 15 juin et 6 septembre 1999, A______ signifia des chargés de pièces complémentaires dont les courriers de D______ SA des 26 février 1999, 2 juin et 15 juin 1999 relatifs aux travaux de démolition des locaux dévaloir et d'aménagement des nouveaux ascenseurs, des photos des lieux intérieurs et extérieurs des immeubles prises en mars 1998, en mai 1999, en juin 1999 et en juillet 1999 relatifs aux travaux effectués depuis 1998. Le 6 septembre 1999, A______ amplifiait ses conclusions initiales et concluait désormais à ce que le Tribunal lui accorde une réduction de loyer de 30% du 15 juin 1996 au 31 décembre 1998 et de 50% du 1er janvier 1999 jusqu'à l'achèvement des travaux.

 

Dans son écriture après enquêtes du 13 septembre 1999, la bailleresse a conclu à une réduction de 20% du loyer de l'appartement


 

occupé par A______ pour la période du 1er août 1996 au 30 juin 1997. Elle considère que les travaux n'ont été effectués que pendant les heures de bureau et que les locataires ne subissaient aucune nuisance avant 8 ou 9 heures du matin, entre 12 et 14 heures, ainsi que le soir dès 17 heures. S'agissant de la demande d'amplification, elle considère qu'elle est tardive, les faits nouveaux s'étant produits plus d'un an auparavant. Pour le dommage, elle le considère comme non établi.

 

E.   Dans son jugement du 20 janvier 2000, le Tribunal des baux et loyers a réduit de 15% le loyer de l'appartement occupé par A______ pour la période du 1er juillet 1996 au 31 juillet 1997. Il l'a déboutée de toutes ses autres conclusions.

 

En substance, le Tribunal a retenu que, compte tenu du loyer de A______ (inférieur à 4'000.- fr./pièce/an) et du fait qu'elle habite dans une allée n'ayant pas de goulotte du 9ème au rez-de-chaussée, une réduction de 15% se justifiait, notamment au vu de la casuistique en la matière. La période de réduction a été fixée, s'agissant du début des travaux, en référence aux allégations faites par les parties et selon un procès verbal de chantier pour la fin de la première série de rénovation d'appartements. Le premier juge a écarté la demande d'amplification de A______ pour motif de tardiveté, les faits étant connus depuis plus d'une année.

 

F.   Dans son appel expédié le 21 février 2000 au greffe de la Cour, A______ a conclu à une réduction de son loyer de 30% dès le 15 juin 1996 et de 50 % dès le 1er janvier 1998 jusqu'à la fin de l'année 1999. Elle reproche en outre au Tribunal :

 

-      d'avoir réduit le loyer de l'appartement de manière insuffisante, soit de 15% au lieu de 30% alors même que la bailleresse admettait une diminution de loyer de 20%;

-   d'avoir accordé cette réduction de loyer pour une période trop courte, puisque les nuisances avaient réellement commencé le 15 juin 1996 par le montage de l'échafaudage et ne s'étaient terminées que fin décembre 1999, et


 

-    d'avoir refusé de réouvrir les enquêtes pour les nouvelles nuisances subies depuis janvier 1998 et depuis janvier 1999.

 

La SI B______, quant à elle, a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

 

Lors de l'audience qui s'est tenue devant la Chambre d'appel, les conseils des parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions.

 

 

- EN DROIT -

 

1.   L'appel est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 443 et 444 LPC).

 

Les dernières conclusions prises en première instance ayant porté sur une valeur litigieuse supérieure à 8'000 fr. en capital, le Tribunal a statué en premier ressort; dans un tel cas, la Chambre d'Appel des baux et loyers revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 22, 24, 25 et 56N LOJ; 291 LPC).

 

2. A______ a amplifié ses conclusions par courrier daté du 6 septembre 1999 en sollicitant la réouverture des enquêtes alors qu'elle avait déposé son mémoire après enquêtes le 29 avril 1999. Le Tribunal a rejeté cette amplification pour motif de tardiveté.

 

Selon l'art. 5 al. 2 LPC, l'amplification de la demande, la formation d'une demande additionnelle ou d'une demande reconventionnelle se font par la remise au greffe de conclusions motivées.

 

Entre l'introduction de l'action et le moment du jugement, l'objet du litige peut varier, que ce soit par la volonté des parties ou sous l'influence des circonstances (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, n. 2 ad art. 5 LPC). C'est pour ce motif que le législateur a choisi une forme simplifiée pour régler le sort des demandes supplémentaires formulées postérieurement à l'introduction


d'une instance opposant les mêmes parties. En effet, le principe de l'économie de procédure interdit de figer le débat de la sorte et d'imposer l'introduction d'une nouvelle demande à chaque changement de conclusions des parties; en revanche l'assignation reste la règle pour une demande entièrement nouvelle, soit celle qui est sans rapport avec les faits qui sont à la base de la demande originaire (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n. 2 ad art.5 LPC).

 

En l'espèce, l'appelante a, dès ses premières conclusions, sollicité l'octroi d'une réduction de loyer jusqu'à la fin des travaux. En précisant ainsi dans ses conclusions du 6 septembre 1999 qu'elle étendait ses prétentions jusqu'à la fin complète du chantier, l'appelante ne faisait que renouveler des conclusions prises dès l'origine. En revanche, elle a amplifié le montant des conclusions prises en tant qu'elle réclamait cette fois une réduction de 50% au lieu de 30% dès le 1er janvier 1999.

 

A cet égard, il y a lieu de relever que depuis le dépôt de la requête initiale, introduite le 17 avril 1997 devant le Tribunal des Baux et Loyers, la bailleresse s'est vu délivrer en janvier 1998 le droit de procéder à la réfection de cinq autres appartements, faits ignorés de la locataire au moment du dépôt de sa demande; de plus dès 1999 des travaux de démolition du local dévaloir et d'agrandissement de l'ascenseur ont également été entrepris. Tous ces faits étant postérieurs à l'introduction de la cause, la locataire était en droit de s'y référer pour chiffrer en fin de procédure le montant exact de ses prétentions. Or, l'augmentation du pourcentage de réduction de loyer invoqué par la locataire ne constitue pas une prétention nouvelle sans relation avec les faits de la cause, mais se trouve en étroite connexité avec les différentes étapes du chantier qui était en cours au moment du dépôt de la demande. Il serait donc contraire à une saine économie de procédure d'inviter la locataire à procéder par une nouvelle demande pour les prétentions postérieures au 31 juillet 1997.

 

Partant, c'est à tort que les premiers juges ont considéré comme tardive les conclusions en amplification de la demande du 9 septembre 1999, soit avant l'audience de plaidoiries du 23 septembre.


 

3. Sauf à prolonger sans fin l'instruction de la cause, on ne saurait certes reconnaître aux parties, sans de strictes conditions, le droit d'invoquer des faits nouveaux postérieurement à la clôture de l'instruction (art. 133 LPC). La possibilité d'invoquer un fait nouveau est limitée à la date à laquelle les parties sont autorisées à signifier leurs dernières conclusions avant le jugement au fond. Postérieurement à cette échéance, la recevabilité de faits nouveaux est subordonnées aux règles régissant l'appel (art. 312 LPC) ou la révision (art. 154 et 157 LPC) (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la LPC, No 4 ad art. 197 LPC).

 

Ainsi, les enquêtes ne peuvent êtres réouvertes que si une partie allègue des faits nouveaux, c'est à dire survenus, ou parvenus à sa connaissance, postérieurement à l'audience d'enquêtes. L'offre de preuve sur faits nouveaux doit comporter des précisions sur la date de l'événement nouveau et sur les circonstances dans lesquelles le plaideur en a acquis la connaissance (SJ 1979 p. 148).

 

Or, l'appelante a fait état des travaux supplémentaires qui ont eu lieu en 1998 et en 1999 dans ses dernières conclusions du 26 avril 1999 avant l'audience de plaidoiries fixée au 23 septembre 1999.

 

L'appelante relève avec pertinence, que contrairement à ce qui a été retenu par le Tribunal des Baux et Loyers, elle ne pouvait pas faire citer des témoins en relation avec les nuisances subies depuis 1998 dans la mesure où elle avait dû déposer sa liste de témoins en prorogation d'enquêtes le 15 janvier 1998.

 

De plus, elle a produit dans ses chargés complémentaires des 26 avril, 6 mai, 15 juin et 6 septembre 1999 diverses pièces dont les courriers de D______ SA et des photos des lieux démontrant la réalité de la continuation de travaux en 1998 et 1999. Or, ces pièces ne pouvaient être connues au moment des enquêtes étant donné qu'elles concernaient des travaux nouveaux et que le chantier dont la durée n'était pas prévisible évoluait au jour le jour. Ces faits nouveaux étaient donc recevables et le Tribunal des Baux et Loyers aurait dû les prendre en considération pour


 

déterminer la quotité et la durée de la réduction du loyer.

 

 

Or, ces travaux, au demeurant non contestés par la bailleresse, n'ont pas été examiné par le Tribunal qui n'a ainsi procédé à aucune appréciation des preuves sur la période de travaux postérieure au 31 juillet 1997 alors même que la locataire, par ses conclusions du 26 avril 1999, avait valablement formulé une offre de preuve sur faits nouveaux et produit des pièces y relatives.

 

En conséquence, la Chambre d'appel des baux et loyers examinera la réalité et la quotité des nuisances encourues du fait de ces travaux supplémentaires.

 

2.   L'appelante critique d'abord le jugement du Tribunal pour avoir retenu une réduction de loyer de 15% seulement en raison des nuisances subies pendant les travaux de rénovation de l'immeuble, alors qu'elle avait requis une réduction de 30% et que la bailleresse, dans ses dernières conclusions acceptait une diminution du loyer de 20% pour la période du 1er août 1996 au 30 juin 1997. L'intimée admettait ainsi un trop perçu de loyers de 2'761 fr. (205 sur 11 mois) sur cette période alors que le Tribunal n'a alloué que 2'447 fr. 25 (15% sur 13 mois).

 

2.1.    Les conclusions déposées à l'audience de plaidoiries forment le cadre des débats et limitent la mission du juge; s'il s'en écarte, il s'expose à statuer ultra petita (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit.,

n. 1 ad art. 132 LPC). En adjugeant ainsi à l'appelante moins que ce que la bailleresse proposait, le Tribunal des Baux et Loyers est allé au-delà des conclusions des parties sur la quotité de la diminution de loyer. Il lui incombait d'examiner le pourcentage de réduction entre 30% sollicité par la demanderesse et 20% admis par la défenderesse.

 

2.2.    Aux termes de l'art. 256 al. 1 CO, le bailleur est tenu de délivrer la chose à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée, et de l'entretenir en cet état. Si surviennent, en cours de bail, des défauts qui entravent ou restreignent l'usage pour lequel la chose a été louée, le locataire peut exiger du bailleur une


 

réduction proportionnelle du loyer (art. 259d CO).

 

 

Le code des obligations ne définit pas ce qu'il entend par défaut, mais cette notion doit être rapprochée de l'état approprié à l'usage pour lequel la chose a été louée, au sens de l'art. 256 al. 1 CO; elle suppose la comparaison de l'état réel de la chose avec l'état convenu.

 

En l'espèce, il ne fait aucun doute que les nuisances alléguées sont contraires à l'usage convenu. En effet, il ressort des témoignages recueillis lors des enquêtes ainsi que des pièces produites par l'appelante, que le chantier a occasionné nombre de désagréments pour les locataires. Ces nuisances ont diminué la jouissance de l'appartement et de l'immeuble que le locataire est en droit de retirer en temps normal. En effet, la présence d'ouvriers, leur va-et-vient dans l'immeuble, la perte de l'intimité des locataires, le bruit, la poussière et l'impossibilité d'utiliser les balcons des appartements, la piscine et les parkings alentours sont constitutifs de nuisances pour lesquels une réduction du loyer doit être opérée.

 

2.3.   Le degré de réduction du loyer correspond à la restriction de l'usage pour lequel la chose a été louée. La perte de jouissance doit s'apprécier objectivement en regard à l'usage convenu, et sans tenir compte des circonstances personnelles au locataire d'espèce (Corboz, Les défauts de la chose louée, in SJ 1979 p. 138).

 

Pour le calcul de la réduction du loyer, on procède selon la méthode dite proportionnelle ou relative. On compare l'usage actuel de la chose louée, affectée de défauts, avec son usage conforme au contrat, exempt de défauts. En d'autres termes, il s'agit de réduire le loyer dans un pourcentage identique à la réduction effective de l'usage des locaux (Lachat, Le bail à loyer 1999, p. 169).

 

Cependant dans certains cas, la question de la réduction de loyer se pose en des termes plus compliqués lors de la diminution de jouissance consécutive à des travaux de rénovation (Laurent Rizzolio, Les travaux de rénovation et de modification de la chose louée entreprise par le bailleur,


 

thèse, 1998). Dans ce cas, l'évaluation de la diminution de la jouissance de la chose louée se fait en équité. En effet, des travaux de rénovation entrepris dans un immeuble sont, selon les jours, d'intensité variable, et les preuves ne peuvent être fournies au jour le jour (Lachat, op. cit., p. 169).

 

En l'espèce, des travaux de longue durée ont été entrepris dans les immeubles de la SI B______ avec des perturbations pour les locataires d'intensité variable selon les travaux effectués. Ils ont consisté dans un premier temps, dans la réfection des façades, le changement des vitrages et des stores: tous ces travaux s'accompagnaient de la pose d'échafaudages et d'une goulotte contre les façades de l'immeuble, créant ainsi une emprise sur les balcons des locataires. Dans un deuxième temps, soit dès le mois de janvier 1998 (témoin F______), les travaux se sont poursuivis à l'intérieur des immeubles avec la transformation de plusieurs appartements, avec démolition de certains murs, occasionnant ainsi des nuisances à l'intérieur du bâtiment. En juin 1998, les travaux d'aménagements extérieurs (parking et jardins) ont également occasionné des nuisances. Enfin, c'est dans le premier semestre de l'année 1999 que les travaux de démolition des murs du dévaloir et le remplacement des ascenseurs ont été effectués, suscitant à nouveau une diminution de la jouissance de l'immeuble par des nuisances sur les installations électriques et sanitaires.

 

Quant au bruit, occasionné par des machines de chantier, il convient également de retenir qu'il se produisait avec intensité variable, mais souvent de manière très soutenue.

 

Par l'exécution de ces travaux dans l'immeuble, ainsi qu'à l'extérieur de celui-ci (jardins et parking), A______ a souffert d'une entrave à sa jouissance normale de la chose louée. Cette entrave n'étant pas localisée en un seul point du logement et, compte tenu du fait que l'intensité des nuisances a varié selon le type de travaux effectués, la réduction du loyer ne pourra en l'espèce être fixée qu'à un taux forfaitaire apprécié en équité et selon les circonstances particulières et objectives du cas concret.


 

2.4.    La réduction de loyer est due dès le moment où le bailleur a eu connaissance du défaut et jusqu'à son élimination effective (Lachat, op. cit., p. 168). Par rapport au défaut particulier que constituent les travaux de rénovation, il va sans dire que le bailleur a connaissance du défaut que subira le locataire dès qu'il prend la décision de rénover (Laurent Rizzolio, op. cit., p. 308, note 31).

 

La durée de réduction de loyer à laquelle peut prétendre le locataire est fonction de la persistance du défaut, à savoir, dans le cas présent, la durée des travaux.

 

L'art. 259d CO dispose que la réduction de loyer dure jusqu'à la suppression définitive du défaut. Dans l'hypothèse de travaux de rénovation et de modifications présentés généralement comme des travaux de longue durée, générateurs de défauts graves, la diminution de la jouissance varie d'un jour à l'autre en fonction des diverses étapes effectuées. Il importe toutefois de garder à l'esprit que la qualité de vie est dans son ensemble durablement amoindrie du fait des bruits, de la poussière et de la présence des corps de métiers dans la totalité de l'immeuble (Laurent Rizzolio, op. cit., p. 310).

 

Ainsi, en l'occurrence, compte tenu de toutes ces circonstances, notamment au vu des témoignages recueillis, des procès-verbaux de chantier et des photos produites par l'appelante, la réduction de loyer sera fixée à 25%

depuis la pose des échafaudages jusqu'à leur démontage, soit du 17 juin 1996 jusqu'au 31 décembre 1997, et, à compter du 1er janvier 1998 jusqu'à fin juin 1999, à 15% en raison des travaux de moindre importance (travaux de rénovation dans les immeubles, installation du nouvel ascenseur et divers travaux d'aménagement extérieur). Ces deux taux se justifient par la nature et l'importance des travaux effectués dans l'immeubles et par les nuisances variables qu'ils ont engendrés dans leur période respective.

 

3.   Le jugement sera modifié dans ce sens. L'intimée qui succombe sera condamnée à un émolument de 300 fr. en faveur de l'Etat (art. 447 al. 2 LPC).


 

 

 

 

 

P a r c e s m o t i f s

 

 

L a C o u r

 

 

A la forme :

Déclare recevable le présent appel interjeté par A______ contre le jugement JTBL/59/2000 rendu le 20 janvier 2000 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/35528/1996-4-D.

Au fond :

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Réduit le loyer l'appartement de 4 pièces au 1er étage de l'immeuble 52, rue 1______ occupé par A______ de 25% du 17 juin 1996 au 31 décembre 1997 et de 15% du 1er janvier 1998 au 30 juin

1999.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Condamne la SI B______ à un émolument de 300 fr. en faveur de l'Etat.

 

Siégeant :

Mme Laura Jacquemoud-Rossari, présidente; MM. Pierre Heyer, Christian Murbach, juges; MM. Pierre Daudin, Daniel Perren, juges assesseurs; Mme Julia Fuentes, greffier.