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Décisions | Chambre civile

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C/25954/2013

ACJC/757/2014 du 20.06.2014 ( IUO ) , ADMIS

Descripteurs : RAISON DE COMMERCE; PROTECTION DES MARQUES; VIOLATION DU DROIT À LA MARQUE(DROIT CIVIL); RISQUE DE CONFUSION
Normes : CO.951.2; CO.956.1; LPM.13; LPM.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25954/2013 ACJC/757/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 20 JUIN 2014

 

Entre

A______, sise ______ (VD), demanderesse, comparant par Me Urs Saal, avocat, rue Sénebier 20, case postale 166, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______, sise ______ (GE), défenderesse, comparant en personne.

 

 


EN FAIT

A. a. La société A______, dont le siège est à ______ (VD), a été inscrite le 17 mai 2001 au Registre du commerce du canton de Vaud.

b. Le but de la société est le suivant: "études, ingénierie et conseils indépendants de toute entité externe. Location de service et placement de personnel".

c. Il ressort des explications fournies par A______ qu'elle est principalement active dans les domaines de l'ingénierie et du conseil en matière de systèmes de communication et de sécurité pour les bâtiments. Elle n'effectue en revanche pas de transactions immobilières et ne s'occupe pas de ventes ou de locations de biens immobiliers.

Elle est active dans les cantons de Vaud, Neuchâtel et Genève, où elle a plusieurs clients, dont, par exemple, C______ et D______.

d. Le 24 décembre 2010, A______ a déposé auprès de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle la marque verbale "E______" qui, n'ayant fait l'objet d'aucune opposition, a été enregistrée le 14 avril 2011.

Les domaines de protection relatifs à cette marque concernent les classes 9 (notamment appareils de contrôle et de secours, appareils de transmission du son et de l'image, etc.), 35 (publicité, affaires commerciales), 37 (construction, services d'installation), 38 (télécommunications), 41 (éducation et formation), 42 (services scientifiques) et 45 (services de sécurité), selon classification du traité de Nice.

B. a. La société B______, avec siège à ______ (GE), a été inscrite au Registre du commerce de Genève le 23 août 2011.

b. A teneur de ce registre, le but social de cette société est le suivant: "bureau d'ingénieur et consulting, activités immobilières, gestion de projets immobiliers, pilotage d'opérations immobilières, gestion de chantiers, entreprise générale, gestion des projets liés au développement durable et à la mobilité douce, import-export et toutes activités électriques, électroniques, informatiques, éclairage et de télécommunication".

c. Elle a expliqué qu'elle est active dans le secteur immobilier, en qualité de régie immobilière et de promotrice dans le domaine des villas préfabriquées. Elle a également une activité de conseil dans le domaine de la mobilité douce (vélo en libre-service, télécabine urbain, suppression des bouchons automobiles). Ses principaux clients, en ce qui concerne son activité dans le domaine immobilier, sont des membres de la famille de son administrateur.

C. Une première procédure judiciaire a opposé les parties.

a. En octobre 2011, A______ s'est inquiétée auprès du bureau de conseils en matière de propriété intellectuelle F______ de la proximité de sa raison sociale avec celle, nouvellement inscrite, de Ba______ (ancienne raison sociale de B______).

b. Par courrier du 7 décembre 2011, F______ a sommé Ba______ de cesser de faire usage de sa raison sociale et d'entreprendre dans les 10 jours les démarches utiles pour la modifier, compte tenu du risque de confusion que sa raison sociale créait avec celle d'A______.

c. Aucune solution amiable n'ayant été trouvée entre les parties, A______ a, par acte déposé le 9 juillet 2012 auprès du greffe de la Cour de justice, ouvert action à l'encontre de Ba_______. Elle a conclu à ce qu'il soit ordonné à celle-ci de cesser d'utiliser la raison sociale Ba______ en Suisse, voire tout signe similaire au terme "E______" pour les services et produits qu'elle propose et de faire radier la référence "E______" de sa raison sociale, alternativement de la modifier de telle manière que le sigle "E______" ou un signe similaire à "E______" n'y figure plus.

Elle a fondé son action sur la violation de l'art. 951 al. 2 CO, relatif à la protection des raisons de commerce, et de l'art. 13 LPM, concernant le droit des marques.

d. Ba______ a conclu au déboutement de la demanderesse, déniant tout risque de confusion entre sa raison sociale et celle de sa partie adverse.

e. Dans le cadre de cette procédure, l'administrateur de Ba______ a, notamment, exposé que le choix des lettres formant le mot "E______" faisait référence aux termes "engineering", transaction, immobilier et conseil, qui appartenaient à ses domaines d'activité.

f. Par arrêt 1______ du 11 janvier 2013, la Cour a ordonné à Ba______ de ne plus faire usage de sa raison sociale après l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la réception de cet arrêt et de modifier sa raison sociale et l'inscription y relative portée au Registre du commerce de Genève dans un délai de 30 jours suivant la réception de l'arrêt, le tout sous la menace de la peine de l'art. 292 CP.

La Cour a relevé que le terme "E______" était placé en première position de la raison sociale de Ba______ et présenté en lettres majuscules, de sorte qu'il était absolument identique, dans sa composition, son emplacement et sa présentation, à celui figurant dans la raison sociale de la demanderesse. Le terme "G______", purement descriptif, n'avait par ailleurs pas de force d'individualisation. Il existait dès lors un risque de confusion directe et indirecte, tant sous l'angle du droit des raisons sociales que de celui du droit des marques, pour les classes 9, 35, 37 et 38.

g. Ba______ ne s'étant pas exécutée dans le délai imparti par la Cour, A______ a déposé plainte pénale à son encontre le 12 mars 2013.

Invitée par le Ministère public à modifier sa raison sociale, Ba______ a fait inscrire au Registre du commerce celle de B______ le 21 mars 2013.

D. A la suite de l'inscription de cette nouvelle raison sociale, A______ a invité B______, le 5 septembre 2013, à modifier sa raison sociale, estimant que celle-ci ne respectait pas l'arrêt de la Cour du 11 janvier 2013.

B______ ne s'est pas déterminée sur cette requête.

a. Par demande déposée au greffe de la Cour le 29 novembre 2013, A______ a conclu à ce qu'il soit ordonné à B______, avec effet immédiat, de cesser d'utiliser, elle-même ou avec le concours de tiers, la raison sociale B______ en Suisse, voire tout signe similaire au terme "E______" pour les services et produits qu'elle propose et de lui ordonner de faire radier, dans un délai maximum de 30 jours après l'entrée en force de l'arrêt, la référence "E______" de sa raison sociale, alternativement de la modifier de telle manière que le sigle "E______" ou un signe similaire à "E______" n'y figure plus, le tout sous la menace de la peine de l'art. 292 CP et avec suite de frais et dépens.

b. Aux termes de sa réponse du 17 janvier 2014, B______ a conclu à ce qu'il soit "déclaré" que l'utilisation de la raison sociale B______ était conforme à la loi et n'enfreignait pas les droits d'A______, dont elle se différenciait suffisamment, à ce qu'il soit "déclaré" qu'elle pouvait continuer à utiliser la raison sociale B______, à ce que A______ soit déboutée de toutes ses conclusions, et à ce que chaque partie supporte ses propres dépens.

Elle a notamment expliqué à cette occasion que le terme de "H______" devait évoquer des valeurs suisses, par opposition à des valeurs étrangères.

Elle a également expliqué lors de l'audience qui s'est tenue devant la Cour le 25 mars 2013 que selon elle, le terme de "H______" consistait en un seul terme composé, original, qui ne comprenait pas le terme "E______".

c. Lors de cette même audience, les parties ont déclaré ne pas avoir de preuve à faire administrer, renoncer à la phase des débats principaux et autoriser la Cour à garder la cause à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La demanderesse invoque à l'appui de ses conclusions le droit des raisons de commerce ainsi que le droit des marques.

Conformément à l'art. 5 al. 1 lit. a et lit. c CPC, le droit cantonal institue la juridiction compétente pour statuer en instance cantonale unique sur les litiges relatifs à ces matières, soit, à Genève, la Cour de justice (art. 120 al. 1 lit. a LOJ), qui est ainsi compétente à raison de la matière.

1.2 La demanderesse a son siège dans le canton de Vaud, alors que la défenderesse est inscrite au Registre du commerce du canton de Genève.

Selon l'art. 10 al. 1 lit. b CPC, les actions dirigées contre les personnes morales le sont au for de leur siège, sauf disposition contraire de la loi. Pour les sociétés qui doivent être inscrites au Registre du commerce, le siège dépend de cette inscription (Haldy, in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 14
ad art. 10 CPC).

L'art. 10 al. 1 lit. b CPC est applicable aux actions fondées sur le droit des raisons de commerce. Il s'applique aussi aux actions relatives à la propriété intellectuelle dans la mesure où elles ne découlent pas d'actes illicites (HOHL, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, n. 354 p. 79).

La Cour de céans est ainsi compétente à raison du lieu.

1.3 La procédure ordinaire (art. 219 ss CPC) est applicable (cf. art. 243 al. 3 CPC a contrario).

2. La demanderesse invoque qu'il existe un risque de confusion entre sa raison de commerce et sa marque et la raison de commerce de la défenderesse (art. 951
al. 2 CO et 956 al. 2 CO; art. 13 LPM).

2.1
2.1.1 La société anonyme crée librement sa raison de commerce, mais celle-ci doit désigner la forme juridique de la société (art. 950 CO). La raison de commerce peut donc comporter des noms de personnes, des indications sur la nature de l'entreprise ou des mots de fantaisie, pourvu qu'elle soit conforme à la vérité, ne puisse induire en erreur et ne lèse aucun intérêt public (art. 944 al. 1 CO). Dès que la raison de commerce a été inscrite au Registre du commerce et publiée, l'ayant droit en a l'usage exclusif (art. 956 al. 1 CO). S'il subit un préjudice du fait de l'usage indu d'une raison de commerce, il peut demander au juge d'y mettre fin et, s'il y a faute, réclamer des dommages-intérêts (art. 956 al. 2 CO).

Une nouvelle raison de commerce doit se distinguer nettement de toute autre raison d'une société déjà inscrite en Suisse (art. 951 al. 2 CO). Sur la base de son droit d'exclusivité, le titulaire d'une raison de commerce antérieure peut donc agir contre le titulaire d'une raison postérieure et lui en interdire l'usage s'il existe un risque de confusion entre les deux raisons sociales (ATF 131 III 572 consid. 3; 122 III 369 consid. 1). Cette question relève du juge civil et n'est pas examinée par le préposé au Registre du commerce au stade de l'inscription de la seconde raison sociale (ATF 123 III 220 consid. 4b). Comme les sociétés anonymes peuvent choisir en principe librement leur raison de commerce, des exigences élevées quant à leur caractère distinctif sont posées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_45/2012 du 12 juillet 2012 consid. 3.2.2 et les références citées).

On se montrera plus strict s'il existe un rapport de concurrence entre les entreprises, si elles ont des buts statutaires identiques, ou si elles exercent leurs activités dans un périmètre géographique restreint, auquel cas les raisons de commerce doivent se distinguer nettement (ATF 131 III 572 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_315/2009 du 8 octobre 2009 consid. 2.1).

2.1.2 L'art. 13 al. 1 LPM accorde au titulaire le droit exclusif de faire usage de la marque pour distinguer les produits ou les services enregistrés et d'en disposer. En vertu de l'art. 13 al. 2 LPM, le titulaire peut interdire à des tiers l'usage des signes dont la protection est exclue en vertu de l'art. 3 al. 1 LPM, en particulier de l'utiliser pour offrir ou fournir des services (let. c), de les apposer sur des papiers d'affaires, de les utiliser à des fins publicitaires ou d'en faire usage de quelqu'autre manière dans les affaires (let. e), y compris comme raison sociale (ATF 120 II 144 consid. 2b). L'art. 3 al. 1 LPM exclut les signes les plus récents de la protection du droit des marques lorsqu'ils sont semblables à une marque plus ancienne au point de créer un risque de confusion (ATF 128 II 146 consid. 2a = JdT 2002 I p. 495). A l'exception des marques de haute renommée, la marque est protégée uniquement pour les classes de produits ou les prestations de services revendiquées (ATF 127 III 160 consid. 2 = JdT 2001 I p. 345).

Le droit à la marque appartient à celui qui la dépose en premier (art. 6 LPM). Ce droit exclusif souffre d'une exception en faveur du tiers qui utilisait un signe identique ou similaire avant le dépôt et qui pourra en poursuivre l'usage dans la même mesure que jusque-là (art. 14 al. 1 LPM; ATF 125 III 91 consid. 3b). La personne qui subit une violation de son droit à la marque peut demander au juge de la faire cesser, si elle dure encore (art. 55 al. 1 let. b LPM).

2.1.3 La notion de risque de confusion – qui est identique dans l'ensemble du droit des biens immatériels (ATF 132 III 572 consid. 3) – signifie qu'un signe distinctif, à considérer le domaine de protection que lui confère le droit des raisons de commerce, le droit au nom, le droit des marques ou le droit de la concurrence, est mis en danger par des signes identiques ou semblables dans sa fonction d'individualisation de personnes ou d'objets déterminés. Ainsi, des personnes qui ne sont pas titulaires du droit exclusif à l'usage d'un signe peuvent provoquer, en utilisant des signes identiques ou semblables à celui-ci, des méprises en ce sens que les destinataires vont tenir les personnes ou les objets distingués par de tels signes pour ceux qui sont individualisés par le signe protégé (confusion dite directe). La confusion peut également résider dans le fait que les destinataires parviennent certes à distinguer les signes, par exemple des raisons sociales, mais sont fondés à croire qu'il y a des liens juridiques ou économiques entre l'utilisateur de la raison et le titulaire de la raison valablement enregistrée (confusion dite indirecte; ATF 131 III 572 consid. 3).

Savoir si deux signes distinctifs se distinguent clairement se détermine sur la base de l'impression d'ensemble qu'elle donne au public. Les signes ne doivent pas seulement se différencier par une comparaison attentive de leurs éléments, mais aussi par le souvenir qu'ils peuvent laisser (ATF 131 III 572 consid. 3; 128 III 401 consid. 5; ATF 127 III 160 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 4A_315/2009 du 8 octobre 2009 consid. 2.1, publié in SJ 2010 I 129).

Il convient surtout de prendre en compte les éléments frappants que leur signification ou leur sonorité met particulièrement en évidence, si bien qu'ils ont une importance accrue pour l'appréciation du risque de confusion (ATF 131 III 572 consid. 3; ATF 127 III 160 consid. 2b/cc). Cela vaut en particulier pour les désignations de pure fantaisie, qui jouissent généralement d'une force distinctive importante, à l'inverse des désignations génériques appartenant au domaine public (ATF 131 III 572 consid. 3). Lorsqu'une raison sociale est composée de termes génériques, un élément additionnel, même revêtu d'un caractère distinctif relativement faible, peut suffire à exclure la confusion (ATF 131 III 572 consid. 3; 122 III 369 = JdT 1997 I 239 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_315/2009 du 8 octobre 2009 consid. 2.1). En effet, comme le public ne perçoit les désignations génériques que comme des indications sur le genre de l'entreprise et son activité, et qu'il ne leur attribue donc qu'une importance limitée en tant qu'élément distinctif, il accorde plus d'attention aux autres éléments de la raison sociale. A cet égard, le Tribunal fédéral a nié tout risque de confusion entre les raisons sociales "SMP Management Programm St. Gallen AG" et "MZSG Management Zentrum St. Gallen" en particulier au motif qu'il y avait une nette distinction entre les acronymes "SMP" et "MZSG" (ATF 122 III 369 = JdT 1997 I 239).

Celui qui emploie comme éléments de sa raison de commerce des désignations génériques identiques à celles d'une raison plus ancienne a le devoir de se distinguer avec une netteté suffisante de celle-ci en la complétant avec des éléments additionnels qui l'individualiseront (arrêt du Tribunal fédéral 4C.197/2003 du 5 mai 2004 consid. 5.3, non publié à l'ATF 130 III 478; ATF 122 III 369 consid. 1). Les éléments descriptifs qui ont trait à la forme juridique ou au domaine d'activité de l'entreprise ne sont généralement pas suffisants (arrêt du Tribunal fédéral 4C.197/2003 du 5 mai 2004 consid. 5.3 non publié à l'ATF 130 III 478; ATF 100 II 224 consid. 3; arrêt 4C.206/1999 consid. 2a, in: sic! 2000
p. 399 s.).

A cet égard, il a été jugé que l'adjonction des termes "Frauenfeld" (ATF 88 II 293 consid. 3; Merkur Liegenschaften AG Frauenfeld/Merkur Immobilien AG) ou "Finanz" (ATF 100 II 224 consid. 3; Aussenhandels-Finanz AG/Aussenhandel AG) n'était pas suffisante en raison de leur faible force distinctive.

Il a également été considéré que le terme "SWISS", qui constitue une description géographique purement descriptive, n'a pas de force distinctive particulière (arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2010 du 9 juin 2011 consid. 5.3; cf. également l'arrêt du Tribunal administratif fédéral B-8028/2010 du 2 mai 2012 consid. 7.1.3, à propos des marques "VIEW" et "SWISSVIEW"). De même, l'adjonction "Assurance Pour Impayés de Loyer" après le terme "APIL" n'est pas suffisant pour éviter un risque de confusion avec la marque "APRIL" (arrêt du Tribunal administratif fédéral B-2681/2012 du 22 juillet 2013 consid. 9.2 dans la cause APRIL/APIL - Assurance Pour Impayés de Loyer).

2.2 En l'espèce, le terme "E______" figure dans les raisons de commerce de la demanderesse et de la défenderesse. Le terme "E______" est celui qui retient plus particulièrement l'attention dans chacune d'elles dans la mesure où il est bref et sonore. Le fait que, dans la raison de commerce de la défenderesse, ce terme soit relié avec un tiret au terme "H______" et fasse partie d'un nom composé ne change rien au fait que ladite raison de commerce comporte ce terme, tant d'un point phonétique qu'orthographique. Le terme "E______" est en outre celui enregistré comme marque par la demanderesse.

Les deux raisons de commerce se distinguent en revanche par le fait que celle de la défenderesse comprend, en première position, le terme "H______", et celle de la demanderesse comporte les termes "I______, J______, K______".

Le terme "H______" est toutefois une indication géographique dépourvue d'une force distinctive particulière. Il ne permet dès lors pas de distinguer nettement la raison de commerce de la défenderesse de celle de la demanderesse. Le seul fait qu'il se trouve au début de la raison de commerce n'est à cet égard pas déterminant puisqu'il n'est pas de nature, en lui-même, à particulièrement marquer l'esprit du public.

Quant aux termes "I______, J______, K______" figurant dans la raison de commerce de la demanderesse, ils appartiennent au domaine public. Ils sont descriptifs, dans la mesure où ils ne font qu'indiquer les différents domaines d'activités de la demanderesse et précisent l'offre des services proposés par elle; ceux-ci pourraient, d'ailleurs, également être fournis par la défenderesse. Ils ne sont dès lors pas de nature à frapper particulièrement l'attention des destinataires et ne constituent pas une mention supplémentaire propre à distinguer les deux raisons sociales.

Enfin, les lettres « SA » se retrouvent dans les deux raisons de commerce. Il s'agit uniquement de la mention obligatoire de la forme juridique, qui est d'emblée dépourvue de tout effet distinctif, puisque les deux sociétés sont l'une et l'autre des sociétés anonymes.

Au vu de ce qui précède, il doit être considéré qu'outre le terme "E______", qui se retrouve dans les deux raisons de commerce, aucun autre élément n'est de nature à permettre de distinguer celles-ci suffisamment. La raison de commerce de la défenderesse est ainsi similaire à celle de la demanderesse, ainsi qu'à la marque qu'elle a enregistrée, et elle crée un risque de confusion avec ces dernières, étant relevé que les parties sont actives dans le même périmètre géographique, soit, notamment, dans le canton de Genève.

2.3 La raison de commerce de la demanderesse et la marque "E______" dont elle est titulaire sont antérieures à la raison de commerce de la défenderesse. La demanderesse dispose dès lors du droit exclusif d'en faire usage en Suisse et d'empêcher la défenderesse d'user de sa raison de commerce puisqu'elle crée un risque de confusion.

Le fait que les deux sociétés ne soient pas directement concurrentes ou qu'il ne soit pas établi que des confusions se sont effectivement produites n'est pas déterminant sous l'angle du droit des raisons de commerce. La Cour avait en revanche jugé aux termes de son arrêt du 11 janvier 2013 que, sous l'angle du droit des marques, le risque de confusion valait uniquement pour les classes de services similaires à celles proposées par la défenderesse, dans son but social, et pour lesquelles la demanderesse était au bénéfice d'une protection, à savoir les classes 9, 35, 37 et 38. Le but social des parties étant inchangé, cette considération reste pleinement valable.

En outre, même si d'autres raisons de commerce inscrites au Registre du commerce comportent le mot "E______", sans que la demanderesse en ait réclamé la modification, cela ne suffit pas pour admettre que son droit à l'encontre de la défenderesse est périmé (cf. ATF 92 II 95, consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 4C.403/2006 du 6 juin 2007 consid. 3.3); toute utilisation de ce mot ne crée pas nécessairement, en tout état de cause, à elle seule, un risque de confusion (cf. infra consid. 2.4).

Il sera par conséquent fait droit à la demande en tant que la demanderesse a conclu à ce qu'il soit ordonné à la défenderesse de ne plus faire usage de sa raison de commerce et de modifier celle-ci et l'inscription y relative portée au Registre du commerce de Genève dans un délai de 30 jours suivant l'entrée en force du présent arrêt, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP.

2.4 La demanderesse conclut encore à ce que la raison de commerce de la défenderesse soit modifiée de telle manière que le sigle "E______" n'y figure plus.

Or, ainsi que la Cour l'a déjà relevé aux termes de son arrêt du 3 janvier 2013, il ne peut être d'emblée exclu que la défenderesse puisse adopter une nouvelle raison de commerce qui, tout en conservant le terme "E______", se distingue néanmoins suffisamment de celle de la demanderesse, puisque c'est l'impression d'ensemble qui doit conduire le juge à admettre ou à écarter le risque de confusion, et non un terme unique.

Il ne sera dès lors pas fait droit à la demande à cet égard.

3. La défenderesse, qui succombe, sera condamnée aux frais (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront arrêtés à 1'000 fr. correspondant à l'avance de frais fournie par la demanderesse, qui reste acquise à l'Etat par compensation (art. 111 al. 1 CPC). La défenderesse sera dès lors condamnée à rembourser le montant de 1'000 fr. à la demanderesse.

Les dépens de la demanderesse, représentée par un avocat, sont fixés à 6'000 fr., débours et TVA compris (art. 95 al. 3, 96, 105 al. 2 CPC; art. 20, 25, 26 LaCC, 84, 85 al. 2 RTFMC). La défenderesse sera condamnée à verser ce montant à la demanderesse.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

1. Ordonne à B______ de ne plus faire usage de sa raison de commerce après l'expiration d'un délai de 30 jours suivant l'entrée en force du présent arrêt.

2. Ordonne à B______ de modifier sa raison de commerce et l'inscription y relative portée au Registre du commerce de Genève dans un délai de 30 jours suivant l'entrée en force du présent arrêt.

3. La condamne à exécuter les chiffres 1 et 2 précités sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP.

4. Arrête les frais judiciaires à 1'000 fr. et les met à la charge de B______.

Dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais de même montant versée par A______, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

5. Condamne B______ à rembourser à A______ le montant de 1'000 fr. qu'elle a versé à titre d'avance de frais judiciaires.

6. Condamne B______ à verser à A______ le montant de 6'000 fr. à titre de dépens.

7. Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Florence KRAUSKOPF, présidente; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Nathalie DESCHAMPS, greffière.

 

La présidente :

Florence KRAUSKOPF

 

La greffière :

Nathalie DESCHAMPS

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF : RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.