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Décisions | Chambre civile

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C/25918/2020

ACJC/690/2022 du 10.05.2022 sur JTPI/13228/2021 ( OO ) , MODIFIE

Recours TF déposé le 29.06.2022, rendu le 08.06.2023, CASSE, 5A_509/2022
Normes : CC.125
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25918/2020 ACJC/690/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 10 MAI 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, France, appelant d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 octobre 2021, comparant par Me Michel LELLOUCH, avocat, SLRG Avocats, quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée c/o M. C______, rue ______, Genève, intimée, comparant par Me Sirin YÜCE, avocate, Charles Russell Speechlys SA, rue de la Confédération 5, 1204 Genève, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/13228/2021 du 15 octobre 2021, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a dissous par le divorce le mariage contracté le ______ 2008 à D______ (Genève) par A______, né le ______ 1966 à Genève, originaire du E______ et F______ (Neuchâtel) et B______, née ______ [nom de jeune fille] le ______ 1977 à G______ (Turquie), de nationalité turque (chiffre 1 du dispositif), condamné A______ à payer à B______ la somme de 4'000 fr. par mois jusqu’au 31 octobre 2023 (ch. 2), puis la somme de 2'000 fr. par mois du 1er novembre 2023 au 31 août 2031 (ch. 3) et ordonné à la Caisse de prévoyance H______ de verser, au débit du compte LPP de A______, la somme de 115'639 fr. 65 en faveur du compte de prévoyance professionnelle de B______ auprès de la Fondation institution supplétive LPP (ch. 4). Le Tribunal a par ailleurs arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr., compensés partiellement avec l’avance fournie par A______ en 1'000 fr., les a répartis à raison de la moitié à la charge de chacune des parties, dit que la part incombant à B______ était supportée par l’Etat de Genève, sous réserve des décisions de l’assistance juridique et ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer 250 fr. à A______ (ch. 5), n’a pas alloué de dépens (ch. 6) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B.            a. Le 17 novembre 2021, A______ a formé appel contre le jugement du 15 octobre 2021, reçu le 20 octobre 2021, indiquant que l’appel était également dirigé contre l’ordonnance de preuve ORTPI/529/2021 du 18 mai 2021, plus particulièrement contre le chiffre 2 de son dispositif, lequel avait refusé l’audition de ses témoins. L’appelant a conclu, préalablement, à ce que l’audition de cinq témoins soit ordonnée et au fond à l’annulation des chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement attaqué, ainsi que du chiffre 2 du dispositif de l’ordonnance de preuve du 18 mai 2021 et cela fait, à ce qu’il soit dit qu’il ne doit aucune contribution d’entretien en faveur de B______, avec suite de frais judiciaires de la procédure d’appel à la charge de celle-ci. Subsidiairement, l’appelant a conclu à l’annulation du jugement attaqué et du chiffre 2 du dispositif de l’ordonnance du 18 mai 2021 et cela fait au renvoi de la cause au Tribunal, celui-ci devant être invité à entendre cinq témoins, avec suite de frais judiciaires d’appel à la charge de sa partie adverse.

L’appelant a produit des pièces nouvelles devant la Cour (pièces 88 à 92), soit un article paru dans K______ le ______ 2021, ainsi que quatre courriers de quatre personnes dont il a sollicité l’audition en tant que témoins, datées respectivement des 10, 11 (deux lettres) et 15 novembre 2021.

b. Dans sa réponse à l’appel du 18 janvier 2022, B______ a conclu à la confirmation du jugement attaqué et à ce que les pièces 88 à 92 produites par l’appelant soient déclarées irrecevables, avec suite de frais et dépens à la charge de l’appelant.

c. Ce dernier a répliqué le 10 février 2022, persistant dans ses conclusions.

d. L’intimée a dupliqué le 9 mars 2022, persistant dans les siennes.

e. Par avis du greffe de la Cour du 15 mars 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis à la Cour.

a. A______, né le ______ 1966 à Genève, originaire du E______ et F______ (Neuchâtel) et B______, née ______ [nom de jeune fille] le ______ 1977 à G______ (Turquie), de nationalité turque, ont contracté mariage le ______ 2008 à D______ (Genève).

Les parties ont conclu un contrat de séparation de biens le 28 juillet 2008.

Aucun enfant n’est issu de cette union.

b. Les parties ont débuté leur relation en 2002, en Turquie.

A______ s’est installé en Suisse en septembre 2007 selon une attestation délivrée par l’Office cantonal de la population du 5 octobre 2007. B______ l’y a rejoint dans le courant de l’année 2008.

Les déclarations des parties divergent concernant la date de leur séparation. Selon A______, celle-ci serait intervenue à la fin de l’année 2014; elle daterait d’octobre 2020 selon B______.

Il résulte d’une attestation de l’Office cantonal de la population versée à la procédure que A______ a annoncé son départ pour J______ (France) le 23 janvier 2017, B______ étant, pour sa part, restée à Genève.

c. Le 14 décembre 2020, A______ a formé une demande unilatérale en divorce, concluant, s’agissant du seul point litigieux en appel, à ce qu’il soit dit que les parties ne se doivent aucune contribution d’entretien post divorce.

d. Le 11 mars 2021, B______ a sollicité le prononcé de mesures provisionnelles, concluant à ce que A______ soit condamné à lui verser la somme de 3'550 fr. par mois dès le 1er avril 2021 à titre de contribution à son entretien.

e. Lors de l'audience du 15 mars 2021, A______ a persisté dans ses conclusions. B______, bien que contestant vivre séparée de son époux depuis 2014 ou 2017, ne s’est toutefois pas opposée au prononcé du divorce.

A______ s'est engagé à prendre en charge tous les frais de son épouse pour un total de 2'654 fr. par mois tant qu'elle continuerait d'occuper le logement qu'il sous-louait au 1______ à Genève à l'une de ses collègues de travail. A______ s'est par ailleurs engagé, dès le déménagement de B______ de ce logement, à contribuer à son entretien et à prendre en charge son futur loyer pour un appartement équivalent (studio ou deux pièces), à hauteur de 1'200 fr. par mois au maximum.

Sur ce, les parties ont déclaré être d'accord avec le prononcé d'une décision sur mesures provisionnelles non motivée, fixant la contribution d'entretien due à B______ à 3'000 fr. par mois dès son départ de son domicile actuel. Les parties ont par ailleurs déclaré être d'accord avec la réduction dudit montant, si B______ devait trouver un appartement pour un prix inférieur à 1'200 fr. par mois.

f. Par ordonnance du 15 mars 2021 rendue sur mesures provisionnelles, le Tribunal a donné acte à A______ de ce qu'il s'engageait à verser à B______, par mois et d'avance, à titre de contribution à son entretien, le montant de 3'000 fr. dès son départ de l'appartement sis 1______ à Genève et l'y a condamné en tant que de besoin.

g. Dans sa réponse du 30 avril 2021, B______ a conclu, sur le seul point litigieux en appel, à ce que A______ soit condamné à lui verser, par mois et d'avance, la somme de 4'331 fr. 20 (sic) dès le 1er avril 2021 et jusqu'en août 2031 à titre de contribution à son entretien.

h. Le Tribunal a tenu une nouvelle audience le 17 mai 2021.

B______ a indiqué avoir quitté l’appartement sis 1______ mais ne pas avoir encore de loyer à sa charge.

A______ a admis avoir passé une partie du confinement chez son épouse. Cette dernière était partie durant cinq mois à Istanbul et pendant ce temps il s’était occupé de ses chats. Il l’avait ensuite rejointe en Turquie pour quelques jours durant les fêtes de Pâques et tous deux avaient séjourné sous le même toit. Selon B______, ces faits s’étaient déroulés en 2019. A______ a ensuite reconnu avoir dormi chez son épouse en 2020, durant le confinement, tout en précisant que tous deux n’entretenaient plus de relations intimes depuis plusieurs années ; il a déposé une liste de quatre témoins. B______ s'est opposée à l'audition des témoins de son époux, au motif que celui-ci avait admis avoir vécu avec elle "une partie du confinement notamment".

i. Par ordonnance de preuve ORTPI/529/2021 du 18 mai 2021, le Tribunal a admis, à titre de moyen de preuve, pour les deux parties, l'interrogatoire, voire la déposition et a refusé l'audition des témoins de A______. Le premier juge a retenu que le litige portait « sur le partage des avoirs de prévoyance professionnelle » et que les parties n'étaient pas d'accord sur la date de leur séparation, l'époux souhaitant faire entendre quatre témoins sur cette question. Or, il ne se justifiait pas de procéder à l'audition des témoins, les allégués 10 à 14 et 40 de la demande (portant sur la date à partir de laquelle les parties avaient vécu séparément selon A______), concernés par ces auditions, n'étant pas pertinents pour l'issue du litige.

j. Le Tribunal a tenu une nouvelle audience le 12 octobre 2021.

B______ a allégué vivre en sous-location chez un ami, solution provisoire prolongée jusqu'au 31 décembre 2021. Elle s'acquittait d'un loyer en 800 fr. par mois.

Pour le surplus, les parties ont fourni des explications sur leur situation personnelle.

A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

k. La situation des parties a été retenue comme suit par le Tribunal.

k.a A______ est enseignant de latin et de français au cycle d'orientation. Il y a deux ou trois ans selon ses déclarations, il a réduit son taux d'activité à 80% et perçoit un revenu mensuel net de 6'930 fr., pour des charges qu'il estime à 2'051 fr. 60. Il est propriétaire d'un appartement sis à J______ (France), libre d'hypothèque, dans lequel il vit. Il s'acquitte des charges de copropriété en 154 fr. 40 par mois. Selon le fisc français, il apparaît comme étant toujours domicilié en Turquie.

K.b B______ a une formation de secrétaire, profession qu'elle n'a exercée qu'en Turquie. A Genève, elle a travaillé en tant que serveuse dans un tea-room durant un an et demi en 2009, pour un salaire compris entre 2'000 fr. et 2'500 fr., une année dans le nettoyage pour 700 fr. par mois en 2012, ainsi qu'à l'accueil de la patinoire pendant la saison 2013/2014 (pendant sept mois), pour un revenu mensuel brut de 5'700 fr. Elle a ensuite été en arrêt maladie pendant plusieurs mois et n'a plus travaillé depuis lors. Elle a produit devant le Tribunal un certificat médical du 22 décembre 2020 de son médecin traitant, la Dre I______, généraliste, qui mentionne qu'elle souffre d'un trouble anxieux généralisé évoluant depuis 2012, avec attaques de panique, hyperventilation, palpitations, vertiges, diarrhées, encore aggravé par la situation sanitaire ainsi que par une procédure de divorce et une menace de résiliation du bail au 31 mars 2021. Toujours selon le même certificat, la patiente n'était, "actuellement", pas en état de travailler. B______ a produit un second certificat de la Dre I______ du 23 mars 2021, mentionnant qu'elle souffre d'un trouble du transit avec diarrhées chroniques, toujours présentes malgré les avis spécialisés et les traitements entrepris, qui l'empêchaient fréquemment de mener une vie normale. Il pouvait arriver qu'elle renonce à sortir, craignant de se trouver dans une situation délicate. La patiente devait à nouveau consulter un spécialiste.

Le Tribunal a tenu compte des charges à hauteur de 2'606 fr. par mois (recte : 2'626 fr.) (minimum vital OP en 1'200 fr., loyer actuel de 800 fr., assurance maladie en 516 fr., frais de téléphonie en 60 fr., frais médicaux en 50 fr.).

Dans sa demande de divorce, A______ a admis avoir payé les charges de son épouse durant « ces dernières années ».

D.    a. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a retenu que les parties avaient fait ménage commun en Turquie, puis en Suisse, jusqu’en 2017 en tous les cas. Depuis son arrivée en Suisse en 2008 et hormis durant les années 2009, 2012 et pendant sept mois en 2013/2014, l’intimée n’avait jamais travaillé, A______ ayant subvenu à ses besoins depuis la fin de son droit à des indemnités chômage/perte de gains pour cause de maladie. A partir de 2017, les parties avaient eu des domiciles séparés en raison de problèmes de couple. A______ avait toutefois conservé les clés de l’appartement occupé par son épouse, qu’il louait à son nom et dans lequel il séjournait régulièrement. Les parties avaient passé des vacances ensemble jusqu’en 2019 et avaient encore des projets pour l’été 2020 selon ce qui ressortait des pièces produites. Le Tribunal a également retenu que B______ souffrait de problèmes de santé depuis 2012, l’empêchant de travailler et qu’elle n’avait aucune chance réelle de travailler actuellement, de sorte qu’elle avait droit à une contribution à son entretien. Toutefois, compte tenu du fait qu’elle n’avait pas déposé de demande de prestations auprès de l’assurance invalidité et que les attestations médicales produites ne mentionnaient pas une incapacité de travail, ni la durée d’un traitement médical, il convenait de fixer la contribution à son entretien à 4'000 fr. par mois dès l’entrée en force du jugement et pendant deux ans (comprenant un futur loyer en 1'500 fr., le minimum vital en 1'200 fr., la prime d’assurance maladie en 516 fr., les frais médicaux en 50 fr., l’abonnement aux TPG en 70 fr., et les frais de téléphonie en 60 fr., montants auxquels s’ajoutaient 604 fr. à titre de répartition de l’excédent). La contribution d’entretien devait ensuite être réduite à 2'000 fr. par mois, B______ devant, après un délai de deux ans, soit bénéficier d’une rente invalidité, soit réaliser un revenu mensuel de 2'000 fr. par mois au vu de sa formation et de son expérience professionnelle, contribution due jusqu’à ce que A______ atteigne l’âge de la retraite.

b. Dans son appel, ce dernier fait grief au Tribunal d’avoir retenu que les parties avaient fait ménage commun jusqu’en 2017, alors que l’union conjugale avait pris fin en 2014 et que depuis lors, elles s’étaient vues de temps en temps en toute amitié. Lors du confinement lié à la situation épidémique, il avait parfois dormi au domicile de l’intimée, sans faire lit commun et uniquement afin de pouvoir se rendre à son travail alors que les frontières étaient fermées ou parce qu’il l’avait accompagnée au service des urgences des HUG tard dans la soirée. Les témoins dont il sollicitait l’audition étaient en mesure de confirmer ses allégations.

L’appelant a allégué réaliser un salaire mensuel net moyen, treizième salaire compris et impôts à la source déduits, de 6'880 fr. 80, pour des charges de 2'051 fr. 60.

L’appelant a reproché au premier juge de ne pas avoir imputé un revenu hypothétique à l’intimée, qui pouvait être estimé à 4'000 fr. par mois. En ce qui concernait ses charges, il convenait de les retenir à concurrence de 1'994 fr. 80 par mois, au motif que seul un loyer de 500 fr. par mois devait être retenu, duquel une allocation de logement devait être déduite. L’intimée pourrait également bénéficier d’un subside pour le paiement de son assurance maladie, couvrant l’intégralité de la prime. Le prix de l’abonnement aux transports publics aurait dû être retenu à hauteur de 41 fr. 70 par mois. L’intimée pouvait dès lors non seulement couvrir ses charges, mais également bénéficier d’un solde disponible de plus de 2'000 fr. par mois.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) dans les causes patrimoniales si la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions de première instance, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

En l'occurrence, le litige porte sur les contributions d’entretien allouées par le Tribunal en faveur de l’intimée jusqu’à ce que l’appelant atteigne l’âge de la retraite. La valeur litigieuse de 10'000 fr. est par conséquent dépassée (art. 92 al. 1 CPC) et la voie de l'appel est ouverte.

Déposé en temps utile et dans la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et, 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

La maxime des débats s'applique à la procédure concernant les contributions d’entretien après le divorce (art. 277 al. 1 CPC).

2. La cause présente un élément d’extranéité compte tenu de la nationalité turque de l’intimée.

A raison, aucune des parties n’a remis en cause la compétence des autorités judiciaires genevoises, ni l’application du droit suisse (art. 59 let. a et 61 LDIP).

3. 3.1 Conformément à l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

A propos de la diligence requise, il ne suffit pas qu’une pièce ait été créée ou obtenue après la survenance du jugement querellé pour en faire un vrai nova, dans la mesure où le critère relevant consiste à déterminer si ledit moyen de preuve aurait pu être obtenu avant la clôture des débats principaux de première instance, à l’instar d’attestations (p. ex. médicales) utiles dans le cadre d’un litige ayant pour objet la garde d’un enfant (Jeandin, CR CPC, 2ème éd. 2019, ad art. 317 n. 8c et les références citées).

3.2 En l’espèce, l’article produit par l’appelant devant la Cour sous pièce 88 est paru postérieurement au prononcé du jugement attaqué, de sorte qu’il est recevable. Il est toutefois dénué de toute pertinence, un simple article de presse ne pouvant fonder la fixation d’un revenu hypothétique.

Les attestations produites par l’appelant sous pièces 89 à 92 sont certes postérieures au prononcé du jugement litigieux. L’appelant aurait toutefois pu solliciter lesdites attestations, s’il les considérait utiles, alors que la procédure était encore pendante devant le Tribunal. Elles sont dès lors irrecevables. Au demeurant et pour les raisons qui seront explicitées ci-après, ces pièces sont sans pertinence pour l’issue du litige.

4. L’appelant sollicite, devant la Cour, l’audition de cinq témoins.

4.1 L’instance d’appel peut ordonner des débats ou statuer sur pièces (art. 316 al. 1 CPC). Elle peut administrer les preuves (art. 316 al. 3 CPC).

L'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves lorsqu'elle estime opportun de renouveler leur administration ou de donner suite à une offre que l'instance inférieure a refusé d'accueillir, de procéder à l'administration d'un moyen nouveau ou d'instruire à raison de conclusions et/ou de faits nouveaux (arrêt du Tribunal fédéral 5A_851/2015 du 23 mars 2016 consid. 3.1; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 5 ad
art. 316 CPC).

L'autorité jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 142 III 413 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_37/2017 du 10 juillet 2017 consid. 3.1.2).

4.2 En l’espèce, c’est à juste titre que le Tribunal a refusé de procéder à l’audition des témoins figurant sur la liste de l’appelant. Outre le fait que l’intimité d’un couple peut difficilement être constatée par des tiers, les déclarations des personnes citées ne seraient, quoiqu’il en soit, d’aucune utilité pour l’issue du litige. L’intimée ne s’est en effet pas opposée au principe du divorce et la seule question litigieuse devant la Cour concerne la contribution à son entretien, qui peut être résolue, conformément à ce qui va suivre, sans qu’il soit nécessaire de déterminer la date précise de la séparation des parties.

5. L’appelant conteste devoir contribuer à l’entretien de l’intimée.

5.1.1 En vertu de l'art. 125 CC, un époux peut solliciter une contribution d'entretien de la part de son conjoint s'il ne peut raisonnablement subvenir lui-même à son entretien convenable, y compris à la constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée.

Cette disposition concrétise deux principes : d'une part, celui de l'indépendance économique des époux après le divorce, qui postule que, dans toute la mesure du possible, chaque conjoint doit désormais subvenir à ses propres besoins; d'autre part, celui de la solidarité, qui implique que les époux doivent supporter en commun non seulement les conséquences de la répartition des tâches convenue durant le mariage (art. 163 al. 2 CC), mais également les désavantages qui ont été occasionnés à l'un d'eux par l'union et qui l'empêchent de pourvoir à son entretien. Dans son principe, comme dans son montant et sa durée, l'obligation d'entretien doit être fixée en tenant compte des éléments énumérés de façon non exhaustive à l'art. 125 al. 2 CC (ATF 137 III 102 consid. 4.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1008/2017 du 7 mars 2018 consid. 4.2.1). 

Une contribution est en principe due si le mariage a concrètement influencé ("lebensprägend"). la situation financière de l'époux crédirentier (ATF 137 III 102 consid. 4.1.2). Lors de cet examen, plusieurs critères peuvent plaider en faveur ou en défaveur d'une présomption du caractère "lebensprägend", notamment la durée du mariage, la présence d'enfants et la répartition des tâches durant le mariage, le déracinement culturel de l'un des conjoints ou tout autre motif créant une position de confiance digne de protection, notamment une maladie durable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_623/2012 du 28 janvier 2013 consid. 5.1). Aucun de ces critères n'a cependant valeur absolue s'agissant de leur conséquence. Il s'agit de principes, applicables à des situations moyennes. Il appartient au juge, en utilisant son pouvoir d'appréciation, de les appliquer aux cas qui lui sont soumis (arrêt du Tribunal fédéral 5A_215/2018 du 1er novembre 2018 consid. 3.1).

Un mariage ayant concrètement influencé la situation des époux ne donne toutefois pas automatiquement droit à une contribution d'entretien: conformément au principe de l'indépendance économique des ex-époux, qui se déduit de l'art. 125 CC, le conjoint demandeur ne peut prétendre à une pension que s'il n'est pas en mesure de pourvoir lui-même à son entretien convenable (arrêts du Tribunal fédéral 5A_1008/2017 précité consid. 4.2.1; 5A_97/2017 et 5A_114/2017 du 23 août 2017 consid. 7.1.1).

5.1.2 Lorsque l'union conjugale a durablement marqué de son empreinte la situation de l'époux bénéficiaire, le principe est que le standard de vie choisi d'un commun accord durant la vie commune doit être maintenu pour les deux parties dans la mesure où leur situation financière le permet (art. 125 al. 2 ch. 3 CC; ATF 137 III 102 consid. 4.2.1.1; 132 III 593 consid. 3.2). Il s'agit de la limite supérieure de l'entretien convenable (ATF 141 III 465 consid. 3.1; 137 III 102 consid. 4.2.1.1).

5.1.3 Pour fixer le montant de la contribution d'entretien, le juge doit notamment tenir compte des revenus et de la fortune des époux (art. 125 al. 2 ch. 5 CC). Si les revenus (du travail et de la fortune) suffisent à l'entretien des conjoints, la substance de la fortune n'est normalement pas prise en considération. (ATF 138 III 289 consid. 11.1.2).

De manière générale l'art. 125 CC laisse une large place au pouvoir d'appréciation du juge fondé sur l'ensemble des circonstances du cas d'espèce dans l'octroi et la fixation de la contribution d'entretien (ATF 138 III 289 consid. 11.1.1; 127 III 136 consid. 3a; arrêt 5A_25/2008 et 5A_34/2008 du 14 novembre 2008 consid. 8.4 non publié aux ATF 135 III 153).

5.1.4 Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail
(ATF 143 III 233 précité consid. 3.2; 137 III 118 précité consid. 3.2; 137 III 102 précité consid. 4.2.2.2; 128 III 4 consid. 4c/bb; arrêts du Tribunal fédéral 5A_645/2020 consid. du 19 mai 2021 5.2.1; 5A_272/2019 du 9 juin 2020 consid. 3.1; 5A_584/2018 précité consid. 5.1.2).

Auparavant, la jurisprudence considérait que l'on ne devait en principe plus exiger d'un époux qui n'avait pas exercé d'activité lucrative pendant un mariage de longue durée de se réinsérer dans la vie économique lorsqu'il était âgé de 45 ans au moment de la séparation, limite d'âge qui tendait à être augmentée à 50 ans (ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_745/2019 du 2 avril 2020 consid. 3.2.1). Le Tribunal fédéral a ensuite abandonné la "règle des 45 ans", considérant que l'âge n'avait plus une signification abstraite détachée des autres facteurs à prendre en considération dans l'examen portant sur la reprise d'une activité lucrative. Seul un examen concret entre désormais en considération, basé sur les critères tels que l'âge, la santé, les connaissances linguistiques, l'éducation et la formation passées et futures, les activités antérieures, la flexibilité personnelle et géographique et la situation sur le marché du travail (ATF 147 III 308, consid. 5.5 et 5.6, SJ 2021 I p. 328 ss.).

5.1.5 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

5.2 En l’espèce, les parties ont contracté mariage en 2008, l’intimée ayant quitté son pays d’origine, la Turquie, dans lequel elle vivait et avait travaillé, pour s’installer en Suisse avec l’appelant. L’intimée a de ce fait subi un déracinement culturel, qui l’a contrainte à s’adapter à un nouvel environnement et à apprendre une autre langue. Ainsi et bien que les parties n’aient pas eu d’enfant, il doit être admis que son mariage avec l’appelant, indépendamment de sa durée, a marqué de son empreinte la vie et la situation financière de l’intimée.

Depuis l’arrivée de l’intimée à Genève, l’appelant a pour l’essentiel subvenu à ses besoins. Il n’apparaît pas nécessaire de déterminer précisément quand la vie conjugale des parties a pris fin. En effet, même en admettant que celles-ci ne formaient plus un couple depuis la fin de l’année 2014, comme le soutient l’appelant, ou encore depuis 2017, date à laquelle il s’est domicilié en France, il n’en demeure pas moins que ce dernier a continué de subvenir aux besoins de l’intimée, laquelle n’a plus exercé aucune activité lucrative depuis 2014, de sorte que son droit à des prestations de l’assurance chômage s’est éteint depuis longtemps. L’appelant a d’ailleurs explicitement admis, dans sa demande de divorce, avoir subvenu aux besoins de l’intimée durant ces dernières années. Ces circonstances ont par conséquent créé, chez l’intimée, une position de confiance, digne de protection. C’est par conséquent à juste titre que le Tribunal a admis le principe du versement d’une contribution d’entretien post divorce en sa faveur.

Il reste à en déterminer la durée et le montant, ce qui implique d’examiner la possibilité d’imputer à l’intimée un revenu hypothétique.

L’intimée atteindra l’âge de 45 ans le 13 juin 2022. Elle allègue être atteinte dans sa santé et ne pas pouvoir travailler. Elle n’a toutefois produit, sur ce point, que deux certificats médicaux de son médecin traitant, l’un du 22 décembre 2020 et l’autre du 23 mars 2021. Tous deux font certes état de la présence de troubles physiques, mais leur teneur ne permet pas de retenir que lesdits troubles seraient incurables et rendraient impossible toute activité lucrative. Si tel était le cas, il est vraisemblable que l’intimée aurait effectué toutes démarches utiles auprès de l’assurance invalidité, ce qu’elle n’a pas fait, sans fournir la moindre explication sur les raisons de ce renoncement. Il y a par conséquent lieu de retenir que les problèmes de santé de l’intimée ne s’opposent pas à la reprise d’une activité, ce qui est confirmé par le fait que, bien que les troubles soient présents depuis 2012 selon son médecin traitant, elle a travaillé pendant sept mois en 2013/2014. Il y a toutefois lieu de considérer qu’étant fragile et âgée de 45 ans, il ne saurait être exigé d’elle qu’elle reprenne une activité dans des domaines physiquement exigeants, tels que le nettoyage ou la restauration. Le secrétariat, profession pour laquelle elle est au bénéfice d’une formation et qu’elle a exercée en Turquie, semble par conséquent plus adéquat. L’intimée n’a toutefois jamais travaillé dans ce domaine en Suisse et elle est éloignée du monde du travail depuis de nombreuses années. Il ne paraît par conséquent pas réaliste qu’elle puisse se réinsérer dans un court délai. Elle aura au contraire besoin de temps pour mettre sa formation à niveau s’agissant notamment du maniement des outils informatiques et du français ; un délai de deux ans lui sera par conséquent octroyé pour ce faire, période durant laquelle l’appelant devra assumer ses charges courantes.

L’appelant a contesté le loyer hypothétique de 1'500 fr. que le premier juge a retenu dans les charges de l’intimée. Or, ce montant n’a rien d’excessif, étant relevé qu’il correspond au prix du marché pour un logement comprenant une cuisine, un salon et une chambre à coucher et qu’il ne saurait être imposé à l’intimée de vivre dans un studio, alors que tel n’est pas le cas de l’appelant. Rien ne permet de considérer que l’intimée percevra une allocation logement, de sorte que c’est à juste titre que le Tribunal ne l’a pas retenue. Il en va de même d’un éventuel subside pour le paiement de la prime d’assurance maladie, non perçu en l’état. Quant à la réduction que l’appelant voudrait voir appliquer au prix d’un abonnement pour les transports publics, sans remettre en cause sa prise en considération, elle est dérisoire et n’est pas de nature à modifier le montant alloué, qui sera, quoiqu’il en soit, arrondi et non calculé au franc et centime près. A l’instar du Tribunal, la Cour retiendra les charges de l’intimée à hauteur de 3'396 fr. par mois, constituées d’un loyer en 1'500 fr., de son minimum vital en 1'200 fr., de sa prime d’assurance maladie en 516 fr., de ses frais médicaux non remboursés en 50 fr., d’un abonnement aux TPG en 70 fr. et de frais de téléphonie en 60 fr. En revanche, il ne se justifie pas d’attribuer à l’intimée une part de l’excédent de l’appelant. En effet, rien ne permet de retenir que les parties ont, durant la vie commune, bénéficié d’un train de vie allant au-delà de la couverture de leurs charges courantes et il ne ressort pas du dossier que l’appelant aurait, durant les dernières années, contribué à l’entretien de son épouse par des prestations dépassant la couverture de ses besoins courants. Dès lors, le chiffre 2 du dispositif du jugement attaqué sera annulé et l’appelant sera condamné à verser à l’intimée, par mois et d’avance dès l’entrée en force du jugement de divorce, soit, par mesure de simplification, dès le 1er janvier 2022, la somme de 3'400 fr. à titre de contribution post divorce à son entretien, sous déduction des sommes versées depuis cette date. Ce montant sera dû pendant une période de deux ans, jusqu’au 31 décembre 2023.

Dès cette date, il peut être attendu de l’intimée qu’elle reprenne une activité lucrative. Compte tenu de la longue durée sans activité, il n’est pas certain qu’elle trouve d’entrée de cause un emploi à plein temps ; il est plus vraisemblable qu’elle ne parvienne initialement à reprendre qu’une activité à 50%.

Salarium, calculateur statistique de salaires de l’Office fédéral de la statistique, mis à jour le 21 décembre 2021, retient, pour un activité administrative d’employée de bureau, sans fonction de cadre, à raison de 20 heures par semaine, pour une personne de sexe féminin au bénéfice d’un permis d’établissement, un salaire mensuel brut de 2'291 fr., correspondant à un revenu net de l’ordre de 2'000 fr. Dès lors et à compter du 1er janvier 2024, la contribution à l’entretien de l’intimée sera ramenée à 1'400 fr. par mois pour une durée de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2025. Dès le 1er janvier 2026, il peut être attendu de l’intimée qu’elle pourvoie seule à son entretien. Le chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué sera par conséquent annulé et il sera statué à nouveau conformément à ce qui précède.

Les montants ainsi fixés laissant à l’appelant une quotité disponible importante, il n’est pas nécessaire de déterminer si son salaire mensuel net, impôts déduits, est de 6'880 fr. 80, comme il l’a allégué dans son appel, ou de 6'930 fr., comme l’a retenu le Tribunal.

6. 6.1 Compte tenu de l'issue du litige et de sa nature familiale (art. 107 al. 1 let. c CPC), les frais judiciaires, arrêtés à 1’250 fr. (art. 30 et 35 RTRMC), seront mis intégralement à la charge de l’appelant, lequel n’a obtenu que partiellement gain de cause et dont les moyens financiers sont supérieurs à ceux de l’intimée. Ils seront compensés avec l’avance de frais versée, qui reste acquise à l’Etat de Genève.

En revanche, chaque partie assumera ses propres frais d’avocat.

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PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/13228/2021 rendu le 15 octobre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25918/2020.

 

 

Au fond :

Annule les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement attaqué et cela fait, statuant à nouveau sur ces points :

Condamne A______ à verser à B______, par mois et d’avance, dès le 1er janvier 2022, la somme de 3'400 fr., sous déduction des montants déjà versés depuis cette date, et ce jusqu’au 31 décembre 2023.

Condamne A______ à verser à B______, par mois et d’avance, dès le 1er janvier 2024, la somme de 1’400 fr., et ce jusqu’au 31 décembre 2025.

Confirme pour le surplus le jugement attaqué.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais de la procédure d’appel à 1'250 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l’avance de frais versée, qui reste acquise à l’Etat de Genève.

Dit qu’il n’est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.