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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/21496/2011

ACJC/512/2013 du 22.04.2013 sur JTBL/1031/2012 ( OBL ) , JUGE

Recours TF déposé le 27.05.2013, rendu le 07.11.2013, CASSE, 4A_285/2013
Descripteurs : ; BAIL À LOYER ; FORMULE OFFICIELLE ; COPIE ; ABUS DE DROIT ; RÉSILIATION
Normes : CO.266.o CC.2
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21496/2011 ACJC/512/2013

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 22 AVRIL 2013

Entre

Madame A______, domiciliée ______ Genève, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 24 septembre 2012, comparant par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6 en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

d'une part,

 

et

 

B______, ayant son siège ______ (Genève), intimée, comparant par Me Olivier Carrard, avocat, rue Bovy-Lysberg 2, case postale 5824, 1211 Genève 11, en l'étude duquel elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

d'autre part,

 


EN FAIT

A. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ est locataire d'un appartement de 3 pièces no 32 au 3ème étage de l'immeuble sis 66A, route C______.

b. Le bail, conclu le 4 décembre 2000, s'est renouvelé tacitement d'année en année depuis son échéance initiale fixée au 31 décembre 2001.

c. Le loyer a été fixé en dernier lieu à 560 fr. par mois, charges comprises.

d. La locataire a vécu dans ce logement avec D______ et leur enfant jusqu'à leur séparation en 2003, époque à laquelle elle est partie vivre au 8, boulevard E______. Depuis lors, c'est D______, seul occupant de l'appartement, qui s'est acquitté du loyer, au moyen de bulletins de versement envoyés à A______ à l'adresse des locaux loués.

e. Le 15 juillet 2009, la régie a écrit une lettre recommandée à la locataire, à l'adresse du 8, boulevard E______, pour lui rappeler qu'elle restait dans l'attente de savoir si elle comptait réintégrer son logement du 66A, route C______ et dans la négative, la priait de résilier son bail.

f. A______ a répondu ce qui suit, par courrier du 18 juillet 2009 sur lequel figure son adresse du 8, boulevard E______ :

"Mesdames, Messieurs,

Par la présente je vous communique que je ne désire pas résilier le bail de l'appartement 66a, Rte C______, 3ème étage.

Merci d'en prendre note, avec mes salutations les meilleures."

(pièce 29, demanderesse)

g. La régie a réitéré sa requête par courriers des 24 juillet et 28 août 2009, également envoyés au 8, boulevard E______, avec un délai au 15 septembre pour communiquer sa réponse.

h. Par avis officiel de résiliation du 30 septembre 2009, notifié à l'adresse du bail, soit au 66A, route C______, la bailleresse a communiqué à la locataire son congé pour l'échéance contractuelle du 31 décembre 2010. Ce pli recommandé n'a pas été reçu par l'intéressée et est revenu à son expéditeur avec la mention "a déménagé, délai de réexpédition expiré".

La bailleresse a dès lors retourné à la locataire, par pli simple du 9 novembre 2009, à l'adresse des locaux loués toujours, une copie noir et blanc de l'avis de résiliation du bail, ainsi que des directives de la régie relatives à l'état des lieux de sortie. Le courrier d'accompagnement, signé, l'informait de la tenue d'un état des lieux de sortie le 3 janvier 2011.

A______ admet avoir reçu, à une date non précisée, ce pli simple du 9 novembre 2009.

i. Le congé du 30 septembre 2009 n'a pas été contesté.

j. La bailleresse, sous la plume de son conseil, a rappelé le 20 décembre 2010 à la locataire la tenue d'un état des lieux de sortie, le 3 janvier 2011. Ce courrier lui a été envoyé tant à l'adresse du 8, boulevard E______ qu'à celle du 66A, route C______.

k. Par courriers des 23 décembre 2010 et 24 janvier 2011, la locataire a refusé de libérer l'appartement. Elle a fait valoir que ce congé n'avait pas été valablement notifié, faute d'avoir été envoyé à son domicile E______ où la régie lui avait pourtant envoyé ses précédentes communications. A cela s'ajoutait que le pli simple ne contenait qu'une photocopie de l'avis officiel du 30 novembre 2009.

l. Par requêtes déposées le 27 avril 2011 au Tribunal de baux et loyers s'agissant de la locataire et au Tribunal de première instance s'agissant de D______, la bailleresse a requis, par la voie des cas clairs, leur évacuation de l'appartement.

Celles-ci ont été déclarées irrecevables par ces juridictions respectives en date des 5 septembre et 3 octobre 2011. Il a été retenu que la situation juridique n'était pas claire, au regard de l'art. 257 CPC, compte tenu de l'argument tiré de la nullité de la notification du congé et donc de l'absence de résiliation valable du bail.

m. Par requête déposée à la commission de conciliation en matière de baux et loyers le 7 octobre 2011, la bailleresse a conclu à l'évacuation, avec exécution directe, de la locataire.

n. Par ordonnance du 30 mars 2012, le Tribunal a limité dans un premier temps la procédure aux conclusions en évacuation, compte tenu de l’art. 26 al. 3 a LaCC (art. 30 al. 3 LaCC depuis le 1er janvier 2013) qui prévoit que le Tribunal siège dans une composition particulière lorsqu'il est amené à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation.

o. Devant le Tribunal des baux et loyers, la locataire a conclu au rejet de la demande. Elle a réitéré n'avoir pas été valablement atteinte par le congé notifié le 30 septembre 2009 et que ce vice n'avait pas été guéri par l’envoi subséquent du congé sous pli simple, puisqu'il s'agissant d'une simple photocopie noir et blanc de l'avis officiel de couleur bleue. A l'audience de débats du 3 septembre 2012, elle a indiqué ne pas avoir contesté le congé reçu avec le courrier du 9 novembre 2009 car, "après renseignement auprès d'amis juristes, on (lui) avait dit qu'un tel congé était nul."

p. Par jugement du 24 septembre 2012 communiqué aux parties du 1er octobre 2012, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement l’appartement situé 66A route C______ à Carouge (ch. 1 du dispositif), a réservé la suite de la procédure (ch. 2) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3). En bref, les premiers juges ont considéré que le pli recommandé du 30 septembre 2009, par lequel l'original de l'avis de résiliation avait été expédié, n'avait pas atteint la locataire. En revanche, le pli simple du 9 novembre 2009, contenant la photocopie de la formule officielle de l'avis de résiliation accompagnée d'une lettre avec signature manuscrite de la régie, avait été reçu. Le Tribunal a estimé que, dans la mesure où l'utilisation de la formule officielle vise à garantir l'information du locataire à propos du droit de solliciter l'annulation du congé, ce but était également atteint par l'envoi d'une photocopie. Le congé envoyé par pli du 9 novembre 2009 a par conséquent été déclaré valable. En l'absence de contestation dans le délai de 30 jours prévu par l'art. 273 al. 1 CO, le contrat de bail avait pris fin, de sorte que la demande en évacuation devait être admise.

B. Par acte déposé le 30 octobre 2012 au greffe de la Cour, A______ forme appel de ce jugement, concluant à son annulation. Elle soutient que le congé est nul, puisque le seul avis officiel de résiliation reçu était une photocopie noir et blanc, sans signature en originale. Avec son appel, elle produit une procuration ainsi qu'une copie du jugement attaqué.

Par mémoire de réponse du 3 décembre 2012, la B______ conclut à la confirmation du jugement attaqué et produit une procuration.

La cause a été mise en délibération le 5 décembre 2012.

EN DROIT

1. 1.1 En vertu de l’art. 311 al. 1 CPC, l’appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision motivée. Il peut être formé pour violation de la loi (art. 310 let. a CPC) ou constatation inexacte des faits (310 let. b CPC).

En l'espèce, le jugement attaqué a été adressé aux parties en date du 1er octobre 2012, et l'appelante l'a reçu à son domicile élu le 2 du même mois. Remis au greffe de la Cour le 30 octobre 2012, l'appel est déposé en temps utile.

1.2 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), sous réserve des exceptions prévues à l'art. 309 CPC. Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC). La valeur litigieuse se calcule en fonction du dernier état des conclusions litigieuses devant le tribunal de première instance (RETORNAZ, L'appel et le recours, in Procédure civile suisse - Les grands thèmes pour les praticiens, 2010, p. 349 ss, 363; JACQUEMOUD-ROSSARI, Les voies de recours, in Le Code de procédure civile - Aspects choisis, 2011, p. 111 ss, 115).

En conformité avec l'art. 51 al. 2 LTF, tel qu'interprété par la jurisprudence (arrêt 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2.2) et la doctrine (LACHAT, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2011, p. 49), la valeur litigieuse équivaut, en l'espèce, à la somme des loyers pendant la période de protection de trois ans prescrite par l’art. 271a al. 1 let. e CO. L’intimée ayant allégué un loyer de 560 fr. par mois, charges comprises (cf. demande, p. 3, ch. 4 et p. 11, ch. 52), sans être contredite par l'appelante, la valeur litigieuse s'élève à 20'160 fr. (560 fr. x 36).

L'appel est recevable sous cet angle.

1.3 La Cour examine d'office la recevabilité des pièces produites en appel. Selon l'art. 317 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant le juge de première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (JEANDIN, Code de procédure civile commenté, Bâle 2011, art. 317 n. 6).

L'appelante produit, avec son mémoire d'appel, une procuration et une copie du jugement attaqué. Dans la mesure où ces pièces ne constituent pas de nouveaux moyens de preuve, elles sont recevables en appel. Il en est de même de la procuration produite par l'intimée.

1.4 Saisie d'un appel, la Cour de justice revoit la cause avec un pouvoir de cognition complet, c'est-à-dire tant en fait qu'en droit. Elle n'est nullement liée par l'appréciation des faits à laquelle s'est livré le juge de première instance (JEANDIN, op. cit., art. 310, n. 6).

2. 2.1 L'appelante reproche au Tribunal des baux et loyers d'avoir retenu que l'envoi, par pli simple du 9 novembre 2009, d'une photocopie de l'avis officiel de résiliation du 30 septembre 2009 constituait une résiliation valable. Elle soutient que la jurisprudence n'a jamais admis l’usage, par la partie bailleresse, d'une simple photocopie noir et blanc de la formule officielle de résiliation. Elle relève également que la photocopie en question ne porte pas la signature manuscrite originale des représentants de la bailleresse. Pour ces deux motifs, la résiliation devrait être déclarée nulle, selon l'appelante.

L'intimée considère que la résiliation serait valable, dans la mesure où l'original de l'avis officiel a été envoyé à l'intimée, à l'adresse des locaux loués, conformément aux règles et usages locatifs intégrés au contrat. L'intéressée devait par ailleurs s'attendre à recevoir un avis de résiliation et dès lors faire en sorte d'être en mesure de le recevoir. S'agissant de l’envoi du 9 novembre 2009, il serait également valable, puisque la doctrine a admis la validité d'une reproduction fidèle de la formule officielle. Elle soutient enfin que l'appelante commettrait un abus de droit à faire valoir la nullité de la résiliation plus d'une année après avoir reçu le courrier du 9 novembre 2009 de la régie.

2.2 Il convient en premier lieu d’écarter le grief de l'intimée portant sur l'envoi de l'avis de résiliation du 30 septembre 2009. Il ressort en effet du dossier que l'intimée a envoyé, par l’intermédiaire de la régie, plusieurs correspondances à l'appelante, à son adresse du 8 boulevard E______. Ces courriers sont manifestement arrivés à destination, puisque l'intéressée y a répondu à au moins une reprise. Aucune des parties n’a prétendu, en première instance, que les lettres subséquentes des 24 juillet et 28 août 2009 ne seraient pas parvenues à la locataire. Dans ces conditions et en application des règles de la bonne foi, l'appelante ne devait pas s'attendre à recevoir un avis de résiliation à l'adresse de l'objet loué. C'est bien plutôt la bailleresse qui a adopté un comportement contradictoire en expédiant plusieurs courriers, dont un en recommandé, à l'adresse effective de la locataire, puis en optant pour la notification du congé à l'adresse des locaux objets du bail. Il n'existe, en toutes hypothèses, aucune mauvaise foi de la part de l'appelante à ne pas avoir entrepris de démarches particulières visant à faire suivre une résiliation adressée le 30 septembre 2009 à son ancien domicile, qu'elle avait quitté depuis 2003, alors que la représentante de la bailleresse lui avait écrit à plusieurs reprises et au cours des trois mois précédents à son domicile effectif.

2.3 Le bailleur qui loue des habitations ou des locaux commerciaux doit donner le congé en utilisant une formule agréée par le canton et qui indique au locataire la manière dont il doit procéder s'il entend contester le congé ou demander la prolongation du bail (art. 266l al. 2 CO). Le congé qui ne satisfait pas à ces exigences de forme est nul (art. 266o CO).

Dans un arrêt du 8 juillet 2003 (publié en français in CdB 2003 p. 97 ss) portant sur l'obligation de recourir à la formule officielle pour les majorations de loyer au sens de l’art. 269d CO, le Tribunal fédéral a rappelé que, pour qu'un acte juridique soumis à des exigences de forme soit valable, la forme exigée devait être respectée même si le but poursuivi pouvait en l'espèce être atteint d'une autre manière. S'agissant de la signature autographe et originale de la bailleresse, les juges fédéraux ont observé que la signature fait partie intégrante, dans divers domaines de l'ordre juridique, de la forme écrite requise pour une démarche donnée. La signature permet à la fois d'identifier la personne du déclarant et de connaître le contenu de la déclaration, fixée sur un support durable. Dans la mesure où la formule exigée à l'art. 269d CO pour les augmentations de loyer implique la forme écrite, la signature de la personne qui émet la déclaration de volonté fait partie de cette exigence de forme. La modification unilatérale du contrat de bail que constitue une majoration du loyer représente une démarche standard, qui ne peut être déclarée valable si elle est dépourvue de forme. Afin que l'identité du déclarant soit clairement établie, mais aussi afin que le contenu puisse être imputé à quelqu'un, la signature est par conséquent un élément de la forme écrite requise en même temps que l'utilisation de la formule officielle pour la déclaration du bailleur.

Toujours dans le même arrêt, le Tribunal fédéral a précisé que le but poursuivi par la forme ne permet pas de renoncer à la signature. Ainsi, le fait que l'obligation d'utiliser la formule officielle ait pour but d'informer le locataire de ses droits n'exclut pas que la signature constitue un élément important de la forme, lorsque sans cela l'identité du déclarant ou le contenu de la déclaration demeureraient peu clairs. Sous réserve de l'art. 14 al. 2 CO qui n'est pas invoqué par les parties, la signature de la bailleresse, en tant qu'élément fondamental de la forme écrite, est nécessaire au respect de la forme écrite qualifiée de la formule officielle. Le Tribunal fédéral a dès lors confirmé que la formule officielle de majoration devait être revêtue de la signature autographe et originale et qu'à défaut ledit avis était inopérant, en application de l'art. 269 a al. 2 CO.

Le Tribunal fédéral a constaté dans un arrêt rendu le 10 novembre 2004 dans la cause 4C.308/2004 (consid. 2.2.2; voir également BOHNET, Droit du bail à loyer, Commentaire pratique, ad art. 266l, n. 19), que les considérations qui précèdent peuvent être reprises s'agissant de la formule officielle de résiliation de bail, les exigences matérielles des art. 269d CO et 266l CO étant identiques. L'avis officiel de résiliation de bail doit dès lors comporter la signature manuscrite du bailleur ou de son représentant, à l'instar de ce que le Tribunal fédéral a retenu dans l'arrêt susmentionné s'agissant de l'avis de majoration du loyer.

Dans un arrêt plus récent, rendu le 6 novembre 2012 dans la cause 4A_374/2012, le Tribunal fédéral a répété que le droit du bail est caractérisé par de strictes exigences de forme et qu'il n'admet en principe pas de dérogation aux règles de forme édictées pour la protection du locataire. Selon les juges fédéraux, le congé est nul si la formule officielle n'est pas signée; le fait que la lettre d'accompagnement le soit est sans pertinence et ne permet pas de réparer le vice, la règle de l'art. 19 al. 1bis OBLF, applicable aux hausses de loyer, n'ayant pas été introduite à l'art. 9 OBLF par le Conseil fédéral (consid. 3 et 4). Le Tribunal fédéral a en conséquence confirmé la nullité d'un avis officiel de résiliation qui ne mentionnait pas expressément la date à laquelle le congé devait prendre effet, même si cette information figurait dans la lettre d'accompagnement.

2.4 En l'espèce, l'appelante admet avoir reçu le pli simple du 9 novembre 2009, contenant une photocopie de l'avis officiel de résiliation daté du 30 septembre 2009 et une lettre d'accompagnement. L'avis officiel, en noir et blanc, ne comporte dès lors aucune signature manuscrite originale, mais uniquement une reproduction de celles qui avaient été apposées sur l'avis envoyé à la fin septembre 2009. Il s'agit d'un simple facsimilé, semblable à celui qui a fait l'objet de l'arrêt du Tribunal fédéral du 8 juillet 2003 (publié en français in CdB 2003 p. 97 ss), déjà mentionné plus haut. Compte tenu du formalisme dont est empreint le droit du bail, il faut en déduire qu'en tant que telle la notification, par la bailleresse, d'une simple photocopie d'une formule officielle de résiliation du contrat ne respecte pas les exigences posées par l'art. 266l al. 2 CO et l'art. 9 OBLF, ce que le Tribunal des baux et loyers a également constaté (consid. 3, p. 5, 2ème et 3ème paragraphes du jugement).

Les premiers juges ont toutefois considéré que l'avis officiel de résiliation, même sous forme de photocopie, pouvait valablement être accompagné d'un courrier du bailleur, dûment signé. Or la jurisprudence susmentionnée (arrêt rendu le 6 novembre 2012 dans la cause 4A_374/2012) démontre qu’il n'en est rien. C'est bel et bien la formule officielle, elle-même, qui doit remplir toutes les exigences de l'art. 9 OBLF et, en particulier, être munie d'une signature manuscrite. Le fait que la locataire ait pu recevoir l'information relative aux possibilités de contestation du congé n'est pas suffisant, compte tenu de l'exigence de la forme écrite qualifiée. Le congé litigieux, dès lors qu'il ne respecte pas les conditions formelles déduites des art. 266 l CO et 9 OBLF, est en conséquence nul (art. 266o CO).

Cette situation est d'autant plus justifiée en l'espèce que le courrier d'accompagnement daté du 9 novembre 2009 ne mentionne, dans son texte même, ni la volonté de la partie bailleresse de mettre fin au bail, ni la date à laquelle la résiliation envisagée est donnée. Il y est simplement indiqué qu'un courrier recommandé du 30 septembre 2009 lui a été envoyé, et que celui-ci n'est pas parvenu à destination, un état des lieux de sortie étant pour le surplus fixé au début janvier 2011. La copie de l’avis officiel, en noir et blanc et jointe à un autre document (directives élaborées par la régie en vue de préparer l'état des lieux de sortie), n'apparaît que comme une pièce secondaire, sur laquelle l'attention de la locataire n’est aucunement attirée. A cet égard, cette formule photocopiée ne remplit pas les objectifs de politique juridique poursuivis par la loi lorsqu'une forme spécifique est imposée.

2.5 Il reste à examiner si l'attitude de l'appelante, entre septembre 2009 et le dépôt de la procédure d'expulsion dont elle a fait l'objet, est constitutive d'abus de droit, comme le soutient l'intimée.

2.5.1 Aux termes de l'art. 2 CC, chacun est tenu d'exercer ses droits selon les règles de la bonne foi et l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Un abus de droit peut être réalisé lorsqu'une institution juridique est utilisée dans un but étranger à celui qui est le sien.

Dans le cas d'un congé fondé sur l'art. 257f CO, le Tribunal fédéral a admis que le locataire qui entend contester la résiliation au motif qu'il n'a, à son avis, pas enfreint ses devoirs envers le bailleur ou les voisins, peut le faire en saisissant l'autorité de conciliation dans le délai de trente jours dès la réception du congé, en application de l'art. 273 al. 1 CO, puis en agissant en justice si la conciliation n'a pas abouti. Il lui est aussi loisible de soulever ce moyen plus tard, au stade de sa défense dans l'action en évacuation des locaux que le bailleur lui intentera après l'expiration du délai de congé (ATF 121 III 156). Le locataire est toutefois déchu de cette voie d'exception s'il a expressément ou tacitement, notamment en s'abstenant de protester contre le congé tenu pour injustifié, reconnu la validité de ce congé.

En matière de résiliation de bail, le Tribunal fédéral a tenu pour contraire à la bonne foi, et par conséquent, constitutif d'abus de droit, l'argument d'une locataire invoquant les dispositions de protection du logement familial (art. 169 CC, 266m et 266n CO) alors qu'elle était séparée de son mari, qui avait quitté définitivement les lieux et se désintéressait du sort de l'appartement en cause. Les juges fédéraux ont considéré que l'intéressée invoquait en réalité l'intérêt d'un tiers, alors que ce dernier se désintéressait totalement de la question. Elle tentait, selon l'appréciation du Tribunal fédéral, d'utiliser une norme protectrice d'une manière totalement étrangère à son but (arrêt du Tribunal fédéral 4A_313/2012 du 5 novembre 2012).

Dans un arrêt du 7 novembre 2011, le Tribunal fédéral a également qualifié d'abus de droit le fait, pour un locataire, d'invoquer l'absence de notification du loyer initial sur formule officielle pour s'opposer à une résiliation de bail fondée sur le non-respect, à plusieurs reprises, des échéances pour le paiement du loyer. La juridiction fédérale a considéré que, dès lors que le locataire ne contestait pas le montant du loyer et qu’il n'avait engagé aucune procédure en contestation du loyer, l'argument formulé revenait à utiliser une institution juridique (l'exigence de la formule officielle de fixation du loyer initial) d'une manière contraire à son but, ce qui relevait de l'abus de droit.

Les juges fédéraux n'ont en revanche constaté aucun abus de droit de la part de locataires qui, contestant un congé fondé sur l’art. 257f CO, ont saisi l'autorité de conciliation sans respecter le délai de trente jours prescrit par l’art. 273 al. 1 CO, ont laissé celle-ci tenir une audience qui n'a pas abouti, puis n'ont pas porté l'affaire devant le Tribunal des baux loyers, pour finalement invoquer l'inefficacité du congé à l’occasion de la procédure en évacuation engagée quelques mois plus tard par la partie bailleresse. Le fait de saisir l'autorité de conciliation ne pouvait, selon le Tribunal fédéral, être considéré comme abusif, compte tenu de la mission assignée à la Commission de conciliation (art. 274a aCO); il ne s'agit pas non plus d'un procédé purement dilatoire, dès lors qu'il n'était pas propre à empêcher la partie bailleresse d'entreprendre une action en évacuation (arrêt du Tribunal fédéral du 8 janvier 2013 dans la cause 4A_485/2012).

2.5.2 Dans le cas d'espèce, l'appelante n'a certes pas saisi la juridiction des baux et loyers dans le délai de trente jours fixé par l’art. 273 al. 1 CO, à compter du jour où elle a pris connaissance du courrier contenant la photocopie de l'avis officiel de résiliation. Elle n'en avait toutefois pas l'obligation, puisque, comme rappelé ci-dessus, la partie locataire qui entend faire valoir la nullité ou l'inefficacité du congé est, en principe, libre de le faire dans le cadre de la procédure en évacuation intentée par le bailleur. On ne saurait dès lors reprocher à l'appelante de ne pas avoir elle-même saisi l'autorité de conciliation. Le fait qu'un temps relativement long se soit écoulé entre l’envoi du courrier du 9 novembre 2009 et le dépôt des premières requêtes en évacuation déposées par l'intimée en avril 2011 ne lui est pas imputable, mais découle au contraire du respect des délais et échéances contractuels. Elle n'a pour le surplus adopté aucun comportement effectif dont la bailleresse aurait pu légitimement déduire que le congé, bien que notifié sur une formule officielle photocopiée et non signée en original, était accepté.

Le comportement de l'appelante n'est dès lors pas davantage constitutif d'un abus de droit.

Il s'ensuit que, conformément au considérant ci-dessus (consid. 2.4), le congé daté du 30 septembre 2009 est entaché de nullité, ce qui conduit à la réforme du jugement attaqué.

3. Il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (art. 22 LaCC).

4. La valeur litigieuse est supérieure à 15'000 fr. (consid. 1.2 ci-dessus).

* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTBL/1031/2012 rendu par le Tribunal des baux et loyers en date du 24 septembre 2012 dans la cause C/21496/2011-5-OSD.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Cela fait et statuant à nouveau :

Constate la nullité de l'avis de résiliation du bail daté du 30 septembre 2009.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Monsieur Blaise PAGAN et Madame Elena SAMPEDRO, juges, Monsieur Pierre DAUDIN et Monsieur Alain MAUNOIR, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 150'000 fr.