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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/22553/2016

ACJC/333/2019 du 28.02.2019 sur JTBL/150/2018 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 08.04.2019, rendu le 29.07.2019, IRRECEVABLE, 4A_173/19
Descripteurs : BAIL À LOYER ; CONTESTATION DU CONGÉ ; SOUS-LOCATION ; INTERDICTION DES IMMISSIONS EXCESSIVES ; FARDEAU DE LA PREUVE
Normes : CO.257f.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22553/2016 ACJC/333/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du JEUDI 28 FEVRIER 2019

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 21 février 2018, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

et

B______[caisse de pension], sise ______, intimée, comparant par Me Emmanuelle GUIGUET-BERTHOUZOZ, avocate, place Longemalle 1, 1204 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/150/2018 du 21 février 2018 notifié aux parties par pli du 22 février 2018, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a constaté la validité du congé notifié à A______ par B______ par avis officiel du 14 octobre 2016 pour le 30 novembre 2016, concernant l'appartement de quatre pièces situé au 4ème étage de l'immeuble sis [route] 1______ à Genève (ch. 1 du dispositif), débouté A______ de ses conclusions (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

Les premiers juges ont retenu que l'appartement n'était en tous cas plus occupé depuis 2012 par A______, son compagnon et leur fille, dont le centre de vie familiale se trouvait à C______ (VD); le logement avait été occupé régulièrement par un couple, puis dès le printemps 2016, par deux jeunes femmes et d'autres personnes; la locataire n'avait pas établi disposer de moyens financiers suffisants pour mettre gratuitement l'appartement à disposition de tiers qui n'étaient ni des proches, ni des familiers; en refusant de réintégrer le logement et de communiquer les conditions de sous-location, elle n'avait pas déféré aux mises en demeure de la bailleresse des 30 juin et 27 septembre 2016. Le congé avait donc été valablement notifié pour le 30 novembre 2016, en application de l'art. 257f al. 3 CO.

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice 9 avril 2018, A______ (ci-après : l'appelante) a formé appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle a conclu à ce que l'inefficacité du congé immédiat donné le
14 octobre 2016 pour le 30 novembre 2016 soit constatée.

b. Dans sa réponse déposée 9 mai 2018, B______ (ci-après : la bailleresse ou l'intimée) a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

c. Le 7 juin 2018, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger, l'appelante n'ayant pas fait usage à son droit de réplique.

C. Les éléments suivants ressortent de la procédure :

a. Selon contrat du 29 novembre 2006, A______, locataire, et B______, bailleresse, ont convenu de la location d'un appartement de 4 pièces au 4ème étage de l'immeuble sis [route] 1______, à Genève, pour un loyer de 1'534 fr. par mois, plus 220 fr. de charges.

Le bail a débuté le 16 décembre 2006 et pouvait être résilié toutes les fins de mois, hormis le 31 décembre, moyennant un préavis contractuel de quatre mois.

b. Le 6 juin 2016, D______, locataire dans l'immeuble, s'est plainte auprès de la régie du comportement bruyant émanant de l'appartement de la famille A______, de jour comme de nuit, notamment par la diffusion de musique et par des bruits de conversation à des niveaux sonores disproportionnés.

c. Le 9 juin 2016, la régie a interpellé A______ et sollicité qu'elle mette fin à bref délai aux bruits émanant de son appartement, lui rappelant l'art. 43b des règles et usages locatifs applicables au bail et interdisant d'incommoder le voisinage entre 22h00 et 7h00.

d. Le 21 juin 2016, l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM) a attesté à la bailleresse que A______ n'était plus domiciliée officiellement sur le canton de Genève.

e. Par courrier du 29 juin 2016, A______ a sollicité une baisse de loyer fondée sur l'adaptation du taux hypothécaire de référence.

f. Par courrier du 30 juin 2016, la bailleresse a indiqué à A______ que selon des plaintes reçues de certains voisins et au vu des informations reçues par l'OCPM, elle n'occupait plus le logement. Elle était mise en demeure de réintégrer immédiatement celui-ci, de cesser toute sous-location et de se mettre en règle auprès de l'OCPM, faute de quoi elle s'exposait à la résiliation immédiate de son bail.

g. Dans sa réponse du 4 juillet 2016, A______ s'est dite surprise par les plaintes du voisinage. L'appartement était souvent vide durant de longues périodes. Elle expliquait avoir prévenu les voisins qu'elle avait organisé une fête le 3 juin 2016. Les bruits perçus dans les appartements provenaient de la mauvaise qualité de construction de l'immeuble.

Elle indiquait également qu'elle ne sous-louait plus l'appartement depuis qu'il était occupé, depuis 2011, soit temporairement par des enfants adultes de ses amis lors de ses fréquents voyages, soit par elle-même.

h. Par courriels des 4 et 5 juillet 2016, la régie a sollicité que divers documents lui soit remis, en vue de s'assurer qu'elle était toujours titulaire d'un permis d'établissement valable l'autorisant à séjourner de manière constante en Suisse et de réactualiser son dossier.

i. Par réponse du 7 août 2016, A______ a expliqué que son changement de domiciliation trouvait sa raison dans l'achat d'un bien immobilier en Suisse qui s'accompagnait d'une domiciliation «d'office» à cet endroit et qu'elle conservait le logement en location à Genève pour des raisons autant personnelles que professionnelles. Elle contestait la validité de la mise en demeure du 30 juin 2016 et sollicitait une réponse sur sa requête de baisse de loyer.

j. Le 26 août 2016, A______ a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyer d'une requête en diminution de loyer, inscrite sous numéro de cause C/2______/2016.

Selon le procès-verbal de conciliation du 13 octobre 2016, le loyer mensuel, charges non comprises, a été fixé à 1'457 fr. dès le 1er décembre 2016.

k. Par courrier du 27 septembre 2016, la bailleresse a mis en demeure A______ de lui faire parvenir, dans les 10 jours, une copie du contrat de sous-location la liant à E______, et la date à laquelle elle allait réintégrer définitivement le logement, sous menace de résiliation immédiate du bail en application de l'art. 257f al. 3 CO.

La bailleresse relevait que A______ était seule propriétaire d'une maison d'environ 86 m2 au [chemin] 3______, à C______ (VD), qu'elle disposait d'un permis d'établissement délivré par le canton de Vaud où elle était officiellement inscrite depuis le 7 octobre 2015, et que son courrier reçu au 1______ avait été transféré à la poste de C______; E______ était en outre officiellement domicilié à cette dernière adresse depuis plusieurs années selon l'OCPM.

l. Le 30 septembre 2016, la locataire a répondu que E______ était son compagnon; son nom figurait ainsi sur la plaquette de la boîte-aux-lettres; le logement n'était pas sous-loué; elle ne logeait pas dans la maison construite à C______, qui n'était pas terminée; elle ne devait donc pas réintégrer un logement qu'elle n'avait jamais quitté.

m. Par avis officiel notifié le 14 octobre 2016, B______ SA a résilié le bail, en application de l'art. 257f al. 3 CO, pour le 30 novembre 2016.

Dans le courrier accompagnant cet avis, elle prenait acte du refus de la locataire de transmettre les conditions de la sous-location et indiquait que le logement continuait d'être sous-loué, alors que l'adresse officielle de la locataire se trouvait à C______.

n. Le congé a été contesté par A______ auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 16 novembre 2016.

o. Les 12 décembre 2016 et 27 janvier 2017, F______, locataire au 3ème étage de l'immeuble considéré, a indiqué à la régie être fréquemment dérangé par des aboiements de chien en pleine nuit provenant de l'appartement de la famille A______ et ce depuis l'installation de nouveaux locataires au printemps 2016; il sollicitait que ceux-ci soient rendus attentifs aux conséquences pénibles que cela pouvait provoquer pour le voisinage.

Par courrier du 25 janvier 2017, G______, également locataire au 3ème étage, a confirmé à la régie l'existence de nuisances sonores provenant de l'appartement de A______ avant le mois de juin 2016 (nuisances, bruits nocturnes, talons, aboiements, déplacements de meubles, travaux après minuit), et qui persistaient toujours, regrettant l'absence de respect du voisinage dès 22 heures le soir.

Le 26 février 2017, M______ et D______, locataires de l'immeuble, se sont également plaints auprès de la régie du volume sonore excessif de la musique en pleine journée, d'éclats de voix et d'aboiements de chiens provenant du logement considéré.

Le 9 mai 2017, F______ a indiqué que les nuisances sonores (tapages nocturnes tous les soirs, bruits de fêtes, hurlements, disputes, déplacements de meubles et bruits de talons durant la nuit jusqu'au matin) avaient augmenté depuis plusieurs semaines, que les occupants du logement changeaient à intervalles réguliers et que les derniers occupants s'étaient installés il y a environ une année; il avait passé des «nuits blanches» extrêmement pénibles et développé des problèmes de santé à cause de la fatigue et du stress généré par ces bruits continus.

p. La tentative de conciliation du 23 mai 2017 ayant échoué, la locataire a saisi le Tribunal le 21 juin 2017 d'une requête dans laquelle elle a conclu, principalement, à l'inefficacité du congé du 14 octobre 2016, subsidiairement à son annulation et, plus subsidiairement, à l'octroi d'une prolongation de bail de quatre ans échéant le 30 novembre 2020.

Elle a allégué ne pas résider dans la maison acquise à C______, dont la construction et l'aménagement étaient toujours en cours; pour des raisons personnelles, elle avait changé de domiciliation en maintenant son adresse à Genève; elle effectuait des démarches pour se domicilier à nouveau à Genève, sur demande de la bailleresse. En définitive, son centre de vie se trouvait à Genève, tant au niveau professionnel que personnel.

E______ étant son compagnon et résidant à l'adresse [de la route] 1______ depuis près de dix ans, le logement n'était pas sous-loué.

q. Dans sa réponse du 23 août 2017, B______ a conclu au rejet de la demande et à la confirmation de l'efficacité du congé.

Se fondant sur un rapport d'enquêteurs privés établi le 22 septembre 2016 - dont le contenu a été confirmé par son auteur, H______, lors de sa déposition en qualité de témoin -, elle a allégué que :

- l'adresse officielle de la locataire était au [chemin] 3______, à C______ (VD) depuis le 7 octobre 2015;

- la locataire était seule propriétaire d'une maison de 86 m2 à cette même adresse, acquise le 9 novembre 2007 - dont les travaux de construction et d'aménagement devaient manifestement être terminés;

- E______ était officiellement domicilié [à la route] 1______, à Genève, depuis son arrivée en Suisse le 7 mai 2010;

- la locataire avait procédé à de nombreux changements de domicile (janvier 2006 à décembre 2009 : [route] 1______, à Genève; décembre 2009 à septembre 2011 : canton de Schwytz; septembre 2011 à juin 2012 : [route] 1______, à Genève; juin 2012 à octobre 2015 : [route] 4______ [à] I______ (GE); depuis octobre 2015 : [chemin] 3______, à C______ (VD), permettant de douter d'une réelle cohabitation de la locataire et du précité;

- la locataire disposait d'une adresse postale au 1______, avec une notification de transfert de son courrier pour la poste de C______.

En raison de ces éléments, des plaintes du voisinage et de l'incapacité de ce dernier à pouvoir déterminer l'occupant du logement - A______ n'ayant jamais été vue en personne -, elle a soutenu avoir démontré que l'appartement était sous-loué. Vu le refus de communiquer les conditions de la sous-location, le consentement à celle-ci pouvait être refusé. Le congé devait donc être déclaré efficace, les conditions d'application de l'art. 257f al. 3 CO étant réalisées.

r. Lors de l'audience du 18 octobre 2017, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

A______ a déclaré être en couple avec E______ depuis plus de dix ans et avoir eu avec ce dernier une fille (âgée de 8 ans), qui habitait avec son père à C______ dans la maison acquise en 2007 et qui était scolarisée à C______ depuis 2016. Pour sa part, elle partageait son temps pour moitié entre C______ [VD] et 1______ [GE], étant en fréquents déplacements à l'étranger pour des raisons professionnelles. La maison de C______ était habitable, mais des travaux étaient encore nécessaires; elle avait pour projet de louer cette maison, ce qui n'était toutefois pas possible puisqu'elle n'était pas terminée. Le centre de vie de la famille était à Genève; sa fille vivait à C______ durant les périodes scolaires. Elle-même était toutefois obligée, à cause de son travail, d'être à [la route] 1______. Elle a toutefois ensuite précisé n'être pas contrainte de se rendre tous les matins auprès de clients à Genève. Elle avait pour projet que la famille se réunisse le plus souvent possible à [la route] 1______. Sa fille était scolarisée à C______ - plutôt que dans le quartier de [la route] 1______ - et y était domiciliée, pour pouvoir bénéficier d'un enseignement de meilleure qualité dans le canton de Vaud. Lorsque E______ était absent pour des raisons professionnelles en raison d'horaires irréguliers, des amis s'occupaient de leur fille.

Consultante financière indépendante, elle travaillait sur mandat et disposait d'une clientèle dans le monde entier; elle disposait de ce fait de revenus irréguliers pouvant atteindre 10'000 à 12'000 fr. par mois; elle n'avait aucun problème financier, le revenu de ses investissements ne la contraignant pas à travailler. Sa domiciliation à C______ était due à des raisons fiscales. E______ ne participait pas au paiement du loyer du logement de [la route] 1______ et ne payait rien non plus pour la maison de C______. Ce dernier partageait son temps entre la Suisse et l'Espagne; lorsqu'il était en Suisse, il passait la plupart de son temps à C______.

Elle ne possédait pas de chien, ni E______ et aucun couple belge n'avait occupé le logement. Lorsqu'elle se rendait à [la route] 1______, elle dormait avec sa fille dans l'une des deux chambres; E______ dormait également dans cette chambre; elle était dans l'incapacité d'indiquer le nombre de nuits passées dans cet appartement; de janvier à mars 2017, lors d'un déplacement en Espagne, le logement avait été occupé gratuitement par J______, une ressortissante kazakhe et E______ passait le plus de temps possible avec leur fille à C______.

s.a Lors de sa déposition du 10 novembre 2017, A______ a déclaré avoir rencontré des difficultés avec l'entreprise de construction mandatée pour réaliser sa villa de C______, qui avait livré une maison finalement dépourvue de finitions. Une cuisine y était désormais installée, des parquets avaient été posés et le chauffage était fonctionnel; la maison ne pouvait toutefois pas être mise en location.

Sa fille avait débuté sa scolarité à I______, puis avait été prise en charge en Espagne par sa grand-mère, au moment de sa séparation d'avec E______, où elle avait été scolarisée jusqu'en 2015, année où elle avait intégré l'école de C______. Depuis 2015, E______ s'occupait de leur fille; quant à elle, elle devait s'occuper de son père en Espagne, atteint de la maladie d'Alzheimer. Pendant cette période, elle se rendait à C______ autant que possible.

En raison de contrats avec [les sociétés] K______ et L______, elle était le 75% de son temps de travail en déplacement hors de Genève; des contrats signés avec des clients privés l'obligeaient à être domiciliée à Genève. Lorsqu'elle avait besoin d'être à Genève, elle logeait à 1______, qui était sa base. En 2011, les parents de E______ et sa mère étaient venus habiter à C______ pour les aider.

S'agissant de sa situation financière, elle n'a pas été en mesure d'indiquer le montant de ses revenus pour les années 2016 et 2017; l'hypothèque de la maison coûtait environ 1'000 fr. par mois; comme la maison était un simple placement, elle désirait en «sortir» au plus vite et n'a jamais envisagé de s'y installer.

L'appartement de 1______ était souvent vide, J______ ne l'occupant pas toujours; elle l'avait occupé à deux reprises pendant l'été 2017 et s'y rendait aussi souvent que possible avec sa fille et E______; il n'y avait aucun aménagement pour sa fille dans la maison de C______, dans laquelle elle disposait toutefois de sa propre chambre, ce qui n'était pas le cas dans l'appartement de 1______.

s.b M______, ayant habité au 4ème étage de l'immeuble à plein temps entre novembre 2014 et septembre 2016, puis le week-end de septembre 2016 à mars 2017, entendu comme témoin, a déclaré n'avoir jamais rencontré A______.

Lors d'un contact téléphonique en décembre 2016, celle-ci lui avait fait part de son intérêt à récupérer le logement de deux pièces et demie qu'il occupait pour y installer son père malade, ce qu'il avait refusé.

Lorsqu'il avait évoqué le bruit provenant du logement, elle était apparue très surprise. Les fêtes duraient jusqu'à 4h du matin; les deux jeunes filles qui occupaient alors le logement s'étaient excusées lorsqu'il avait évoqué avec elles ces nuisances, mais avaient recommencé. La locataire lui avait indiqué, sauf erreur, que les deux jeunes femmes, d'origine kazakhe, étaient les filles d'un ami diplomate, auquel elle avait rendu service. Avant elles, un couple de hollandais, sans enfants et parti au printemps 2016, occupait le logement avec un chien, qui aboyait moins que celui détenu par les deux jeunes femmes. Il n'y avait pas eu d'autres occupants dans l'appartement. Il n'avait pas vu entrer ou sortir des enfants la semaine, mais avait entendu des enfants le week-end; il n'avait jamais vu un homme qui se serait présenté comme M. E______.

s.c Le témoin F______, locataire au 3ème étage de l'immeuble depuis 2009, a déclaré n'avoir jamais rencontré A______. Un couple, détenteur d'un chien, vivait dans l'appartement jusqu'au printemps 2016, puis s'y étaient installées deux jeunes femmes. Les aboiements du bichon-maltais de celles-ci l'avaient dérangé; ce chien aboyait continuellement certaines nuits en semaine comme durant les week-ends. Les nuisances provenaient ensuite des nombreuses soirées qui pouvaient durer jusqu'à 3h-4h du matin; lorsque de nouvelles nuisances sonores étaient apparues au mois de mai 2017, il avait adressé un courriel de plainte et avait constaté, avec un voisin, que le logement semblait sous-loué. En octobre 2017, en allant sonner à la porte après une fête s'étant terminée au petit matin, il avait été accueilli par deux jeunes femmes ne parlant pas le français, s'étant présentées comme les nouvelles personnes responsables et qui n'étaient pas les mêmes que celles rencontrées en 2016. Il n'avait pas souvenir d'avoir constaté qu'un enfant habitait dans l'appartement, ni avoir croisé un homme donnant l'impression d'y vivre.

s.d Le témoin G______, locataire au 3ème étage depuis 1950, a déclaré que A______ et son mari avaient occupé l'appartement deux à trois ans avant de le quitter peu après la naissance de leur enfant. Il y avait ensuite eu un va-et-vient de personnes; il était monté plusieurs fois pour se plaindre en frappant à la porte; deux à trois fois, on lui avait ouvert et il s'agissait à chaque fois de personnes différentes; il avait apposé un billet sur la porte à l'attention de A______ à propos du bruit provoqué par deux jeunes femmes vivant dans le logement, mais également par un couple dont le petit chien aboyait tous les soirs, et par une femme dont le bichon aboyait sans cesse; il avait entendu des bruits d'enfants en visite, mais pas d'enfant vivant dans le logement. N'ayant pas vu A______ ces dernières années, il n'avait pu lui parler directement; il n'était pas non plus parvenu à lui parler par téléphone.

s.e Le témoin N______, locataire du 4ème étage depuis 2004, a déclaré qu'après la naissance de leur enfant, A______ et son mari étaient partis. Elle les croisait de temps en temps, mais ils ne vivaient pas dans l'appartement; d'autres personnes l'occupaient, dont un couple qui ne parlait pas français et des jeunes filles dont l'une possédait un chien. En septembre 2017, elle avait croisé A______, son mari et sa fille qu'elle n'avait plus revue depuis qu'elle était bébé; ils avaient discuté à cette occasion du projet de la locataire de revenir dans l'appartement et de trouver à l'étage un appartement pour son père malade.

s.f Après l'audition des témoins précités, A______ a déclaré que le logement avait été occupé par son amie O______, née à P______ [Pays-Bas], et l'époux américain de celle-ci prénommé Q______, dont elle n'a su épeler le nom de famille, de manière épisodique et sans régler de loyer, pendant une année et demi, tout comme d'autres amis et membres de la famille.

t. Le 13 novembre 2017, sur demande du Tribunal, A______ a fourni une liste de sept personnes ou couples ayant occupé le logement depuis l'année 2005, en sus de membres de la famille, pour des périodes d'une semaine à quelques mois. Y figurent notamment les noms de O______ et Q______, pour les années 2014-2015, R______, pour les années 2012-2013, J______ depuis l'été 2016, ainsi que les noms et prénoms de trois couples supplémentaires (S______ en 2008-2009-2011-2013-2015; T______ en 2012-2013; U______ en 2011).

u.a Lors de l'audience du 1er décembre 2017, E______, entendu comme témoin, a déclaré être le compagnon de A______ depuis 2003; il s'était installé à la route 1______ en 2006; la maison achetée à C______ par sa compagne n'était pas terminée et il avait entrepris, avec des amis, les travaux de finition; la maison étant habitable, bien que pas terminée, il y habitait depuis trois ou quatre ans; sa fille était scolarisée à C______ depuis l'année 2016 et y habitait; il s'en occupait avec l'aide d'amis à proximité lors de ses absences professionnelles; il n'était pas en mesure d'indiquer combien de jours par mois sa compagne était présente en Suisse; il lui arrivait de rester seul à 1______ lorsqu'il terminait tard son travail ou devait commencer tôt; il partageait le logement de [la route] 1______ lorsque des amis ou des enfants majeurs de clients de sa compagne y venaient; il n'y avait jamais vécu lorsque O______ et Q______ s'y trouvaient; en revanche, il lui était arrivé d'y être en même temps que J______. Il occupait la grande chambre de droite lorsqu'il s'y rendait et y dormait à trois lorsque sa fille et sa compagne étaient présents. Il ne versait rien à sa compagne, que ce soit pour l'appartement, la maison de C______ ou pour leur enfant.

u.b Le témoin J______, dont le père était un ami de A______, a déclaré avoir occupé l'appartement de [la route] 1______ un an et demi auparavant, pendant ses études à [l'école] V______; elle y passait trois à quatre jours par semaine; en octobre 2016, elle y avait passé trois semaines complètes en compagnie d'une amie qui lui rendait visite et restait dormir; cette amie possédait un bichon maltais et ne parlait pas français; elle dormait avec elle dans la chambre de gauche. Il lui était arrivé de vivre dans l'appartement avec A______; lorsque cette dernière y venait avec sa fille ou que E______ s'y trouvait, elle se déplaçait autant que possible à son domicile à W______ [VD] ; elle n'avait jamais partagé l'appartement avec qui que ce soit d'autre; elle ne payait rien à A______ pour le loyer et lui en était reconnaissante. Elle avait organisé une fête lors de son arrivée et avait prévenu les voisins directs qu'il pourrait y avoir du bruit; à une seconde occasion, un voisin lui avait demandé de baisser la musique un soir d'été; pour le surplus, les voisins ne s'étaient jamais plaints de bruit auprès d'elle.

v. Dans leurs plaidoiries finales écrites du 2 février 2018, les parties ont persisté dans leurs précédents développements et conclusions.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C_310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; JEANDIN, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 13 ad art. 308 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effective-ment été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par
l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel de l'appartement, charges non comprises, s'élève à 18'408 fr.

En prenant en compte uniquement la durée de protection de trois ans et le montant du loyer, charges non comprises, la valeur litigieuse est déjà supérieure à 10'000 fr. (18'408 fr. x 3 = 55'224 fr.).

La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.3 Selon l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier d'appel.

En l'occurrence, l'acte déposé au greffe de la Cour l'a été dans le délai légal de 30 jours (cf. également art. 145 al. 1 let. a CPC), et répond en outre aux exigences de forme et motivation, de sorte qu'il est recevable.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; HOHL, Procédure civile, tome II, 2ème éd. 2010, n. 2314 et 2416; RETORNAZ in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

2. L'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir mal apprécié les preuves en retenant l'existence d'une sous-location et en admettant de ce fait l'efficacité du congé notifié en application l'art. 257f al. 3 CO.

2.1
2.1.1
Lorsque le maintien d'un bail d'habitation est devenu insupportable pour le bailleur parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite, persiste à enfreindre son devoir de diligence, le bailleur peut résilier le contrat moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d'un mois (cf. art. 257f
al. 3 CO). Une sous-location sans le consentement du bailleur peut justifier une résiliation anticipée selon cette disposition. Encore faut-il que le bailleur ait été
en droit de refuser son consentement (cf. art. 262 al. 2 CO; ATF 134 III 300 consid. 3.1 p. 302 s.) ou que le locataire abuse de son droit à la sous-location (arrêt du Tribunal fédéral 4A_209/2014 du 16 décembre 2014 consid. 4.1).

Selon la jurisprudence, lorsque la résiliation est donnée par le bailleur en relation avec la sous-location de la chose louée, à laquelle le locataire peut prétendre
aux conditions de l'art. 262 CO (cf. art. 271a al. 1 let. a CO; ATF 138 III 59 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2015 du 9 septembre 2015 consid. 4.2), il faut distinguer selon que la sous-location est totale ou seulement partielle (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2015 déjà cité consid. 4.3 et 4.4; 4A_227/2017 du 5 septembre 2017 consid. 4.2).

En cas de sous-location totale, il faut distinguer selon que le bailleur y a consenti ou non (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2015 déjà cité consid. 4.3).

Si le bailleur n'a pas donné son consentement à la sous-location, il peut valablement résilier le bail s'il était en droit de refuser son consentement, de même qu'en cas d'abus de droit du locataire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2015 précité consid. 4.3.1). Si le locataire continue à utiliser les locaux (sous-location partielle), mais n'avait pas obtenu le consentement du bailleur à la sous-location, il convient de raisonner comme en cas de sous-location totale (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2015 précité consid. 4.4.1).

Les cas dans lesquels le bailleur peut refuser son consentement, énumérés de manière exhaustive à l'art. 262 al. 2 CO, sont les suivants : lorsque le locataire refuse de lui communiquer les conditions de la sous-location (a), lorsque les conditions de la sous-location, comparées à celle du contrat de bail, sont
abusives (b), et lorsque la sous-location présente pour le bailleur des inconvénients majeurs (c).

A ces cas s'ajoute l'interdiction générale de l'abus de droit au sens de l'art. 2
al. 2 CC : en effet, lorsque le locataire abuse de son droit à la sous-location, il ne saurait être protégé et il faut raisonner comme si son droit n'existait pas
(ATF 134 III 446 consid. 2.4 p. 450; arrêt du Tribunal fédéral 4A_367/2010 du
4 octobre 2010 consid. 2.1). Selon la jurisprudence, la sous-location est en principe conçue pour le cas où le locataire n'a temporairement plus l'usage de la chose louée - par exemple en raison d'un stage professionnel ou d'études dans un autre lieu -; il le remet alors provisoirement à un tiers pour se décharger,
d'un point de vue économique, du fardeau du loyer le temps de son absence
(ATF 138 III 59 consid. 2.2.1 p. 62 s.).

Il a déjà été jugé que le bailleur était autorisé à résilier de manière anticipée le bail d'un locataire qui refusait de lui fournir les conditions de la sous-location sans devoir au préalable exiger la fin de la sous-location ou menacer de résilier le bail; lorsque le locataire ne respectait pas son devoir de solliciter l'autorisation de
sous-louer et de communiquer les conditions de la sous-location malgré les relances du bailleur, ce dernier disposait d'un motif valable de s'opposer à la sous-location au sens de l'art. 262 al. 2 let a. CO, confirmant le caractère insupportable du maintien du bail (arrêt du Tribunal fédéral 4A_379/2014 du 10 mars 2015 consid. 4.4 et 4.5).

2.1.2 Pour les baux d'habitations, sauf stipulation contraire, le locataire n'est pas tenu d'occuper lui-même la chose louée (HIGI, Commentaire zurichois, n° 27 ad art. 253CO; SVIT-Kommentar Mietrecht, 3ème éd. 2008, n° 14 ad art. 257f CO; LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 80). L'usage normal des locaux d'habitation autorise l'hébergement des membres de la famille et des proches du locataire (LACHAT, Commentaire romand, Code des obligations I, n. 6 ad art. 253 CO et n. 6 ad art. 257f CO; SVIT-Kommentar Mietrecht, op. cit., n. 13 ad art. 257f CO).

La sous-location est un contrat onéreux. Sans loyer, il n'y a pas de sous-location. L'hébergement de parents, d'un concubin ou d'une personne en visite ne constitue pas une forme de sous-location (LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 567 ch. 2.1; dans le même sens, CPra Bail - Michel BISE/Aurélie PLANAS, art. 262 CO n. 16). Tant que l'appartement n'est pas suroccupé, l'hébergement durable d'un membre de la famille (par ex. enfant, épouse) est autorisé; il en va de même de l'hébergement gratuit d'un tiers pendant une longue durée (cf. BURKHALTER/
MARTINEZ-FAVRE, Commentaire SVIT du droit du bail, Lausanne 2011, art. 262 CO, p. 320 n. 7).

Lorsque la cession par contrat de l'usage d'une chose est opérée sans aucune contre-prestation - c'est-à-dire à titre gratuit -, les parties concernées sont soumises aux règles du prêt à usage des art. 305 ss CO, et non pas à celles régissant le bail (SCHÄRER/MAURENBRECHER, Commentaire bâlois, Obligationenrecht I, 4ème éd., n. 3 ad art. 305 CO; TERCIER/FAVRE, Les contrats spéciaux, 4ème éd., ch. 1969, p. 290; ATF 136 III 186 consid. 3.2.3).

2.1.3 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC). Un fait n'est établi que si le juge en est convaincu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_491/2008 du 4 février 2009 consid. 3; 5C_63/2002 du 13 mai 2002 consid. 2). Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). Ce faisant, le tribunal décide d'après sa conviction subjective personnelle si les faits se sont produits ou non, c'est-à-dire s'ils sont prouvés ou non (HOHL, Procédure civile, Tome I, 2001, n. 1105). Le juge forge sa conviction sur la base de sa seule appréciation de toutes les preuves qui auront été réunies au cours de la phase probatoire (ATF 132 III 109 consid. 2; JEANDIN, L'administration des preuves, in Le Code de procédure civile, aspects choisis, 2011, p. 93).

L'appréciation des preuves par le juge consiste, en tenant compte du degré de la preuve exigé, à soupeser le résultat des différents moyens de preuves administrés et à décider s'il est intimement convaincu que le fait s'est produit, et partant,
s'il peut le retenir comme prouvé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2015 consid. 5.2).

Le principe de la libre appréciation des preuves est par exemple violé lorsque l'on dénie par avance à certains moyens de preuve, de façon générale, la force probante, ou lorsqu'en appréciant des preuves, le tribunal ne suit pas sa propre conviction (arrêt du Tribunal fédéral 5A_250/2012 du 18 mai 2012 consid. 7.4).

2.2 En l'espèce, l'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir mis à sa charge le fardeau de la preuve de l'existence d'une sous-location illicite alors que cette charge revenait à la bailleresse, qui a notifié un congé immédiat. Elle soutient que le Tribunal a violé son libre pouvoir d'appréciation des preuves en omettant sciemment de se fonder sur les témoignages J______ et E______, deux de ses proches qui ont confirmé avoir occupé gracieusement le logement au fil du temps, la première en raison de la relation amicale nouée avec son père, et le second en raison de son statut de concubin.

2.2.1 Comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, il est établi que l'appelante n'occupe plus l'appartement depuis 2012 en tous cas, à l'exception de quelques présences sporadiques, ce qui permet de considérer que l'occupation est très partielle.

L'année 2012 correspond à la prise de domicile de l'appelante à I______, auprès d'une amie, lorsqu'elle a rencontré des difficultés dans sa relation avec E______. Ce dernier a déclaré vivre dans la maison de C______ - acquise par l'appelante en 2007 - depuis trois à quatre ans, soit depuis l'année 2013, avec sa fille; l'appelante a également admis se rendre autant que possible à C______ pour partager du temps avec son compagnon et leur fille, volonté qui s'est concrétisée par une domiciliation officielle depuis le mois d'octobre 2015 à C______ et par le fait de faire suivre à C______ le courrier reçu à la route 1______. Selon l'expérience générale de la vie, le locataire qui acquiert un logement et s'y établit a l'intention de créer ainsi une situation durable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_367/2010 du 4 octobre 2010 consid. 2.3). Cette installation durable à C______ est corroborée également par la scolarisation de la fille de la locataire dans l'école du quartier en 2015 et par les travaux d'aménagement effectués par E______ dans la villa, dans laquelle la fille dispose de sa propre chambre, ce qui n'est pas le cas dans le logement de [la route] 1______. La nécessité de conserver le logement de [la route] 1______ à des fins professionnelles n'est pas vraisemblable, l'appelante n'ayant pas démontré, par la production d'un contrat, une obligation contractuelle de disposer d'un domicile sur le canton de Genève; au contraire, l'appelante a confirmé ne pas être tenue de se rendre tous les matins auprès de clients à Genève.

De l'aveu même de l'appelante, le logement de [la route] 1______ a été occupé, depuis l'année 2012, par quatre couples et trois autres personnes seules, dont J______ en tout cas jusqu'en décembre 2017. La déposition de l'appelante apparaît ainsi peu crédible, lorsqu'elle soutient que le centre de vie de sa famille se trouve à Genève, ce qui est d'ailleurs contredit par les déclarations des voisins habitant dans l'immeuble. E______ a de plus admis que l'appelante restait très rarement seule à [la route] 1______ et que, pour sa part et depuis la scolarisation de leur fille à C______, il passait la quasi-totalité de son temps dans ce village. Les voisins entendus (témoins F______, G______ et N______) ont tous confirmé que peu après la naissance de sa fille, l'appelante avait quitté l'appartement et n'avait plus été vue sur place sauf rares exceptions; ces brèves occupations, tout comme celles de E______, ne sont pas de nature à emporter la conviction de la Cour quant à l'existence d'un centre de vie familial à Genève et quant à une domiciliation à C______ pour de simples raisons fiscales, comme allégué par l'appelante.

L'ensemble des indices susmentionnés permettent de retenir que l'appelante, son compagnon et leur fille ont déplacé leur centre de vie à C______ dans la maison acquise de longue date par l'appelante et dont les aménagements réalisés permettent une occupation permanente.

En outre, comme retenu par le Tribunal, il apparaît que le logement de [la route] 1______ a été occupé de manière régulière par un couple, puis, dès le printemps 2016, par deux jeunes femmes. Le témoin G______ a été confronté à des occupants différents lorsqu'il s'est rendu dans le logement afin de se plaindre des nuisances. Le témoin M______ a déclaré, de manière précise et convaincante, que le logement avait été occupé par un couple de hollandais, dont le chien dérangeait, puis, dès le printemps 2016, par deux femmes d'origine kazakhe dont l'une était également détentrice d'un chien qui aboyait davantage; son témoignage a été corroboré par celui de F______, qui a constaté que deux femmes différentes de celles rencontrées en 2016 lui avaient répondu lorsqu'il s'était plaint de nouvelles nuisances en octobre 2017.

Ces témoignages, mis en rapport avec l'admission tardive de l'appelante de la mise à disposition du logement à quatre couples et trois personnes seules, corroborent le fait que durant de longues périodes (2014-2015 pour le couple O______/Q______, puis depuis le printemps 2016 par J______) l'occupation du logement s'apparentait davantage à une sous-location qu'à l'hébergement de parents, d'un concubin ou d'une personne proche en visite - ce qui semble avoir été le cas des membres de la famille de l'appelante, listés dans son envoi du
13 novembre 2017, et de E______. Toutefois, comme déjà indiqué ci-dessus, cette occupation par des proches a été marginale et épisodique, et non pas prépondérante, en tous cas depuis 2012.

Au vu de l'ensemble des éléments rapportés ci-dessus, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré que la mise à disposition du logement à des tiers ne pouvait être assimilée à l'hébergement gracieux de proches ou de familiers, mais constituait une sous-location.

2.2.2 Reste dès lors à examiner si le caractère onéreux de la mise à disposition des locaux à des tiers a été établi de manière suffisamment convaincante, ce que conteste l'appelante.

L'appelante reproche aux premiers juges d'avoir écarté le témoignage J______. Cette dernière a expliqué être la fille d'un ami de l'appelante, sans autre précision, et avoir occupé le logement trois à quatre jours par semaine depuis le printemps 2016 et ce encore au mois de septembre 2017, date à laquelle elle s'était fait remettre les clés de l'appartement. Elle a expliqué avoir passé, en octobre 2016, trois semaines consécutives dans le logement avec une amie kazakhe qui détenait un bichon maltais, excluant avoir par la suite vécu avec qui que ce soit d'autre hormis l'appelante et E______. Or, ces constats ne se recoupent pas avec ceux des occupants de l'immeuble, qui ont relaté avoir été fortement dérangés par les aboiements de chiens, ce jusqu'au mois de janvier et février 2017 encore, le témoin F______ ayant même identifié le chien comme étant un bichon maltais. Il apparaît donc douteux que le logement ait été occupé par J______ seule, elle-même n'ayant pas de chien à l'instar de l'appelante et de son compagnon, et son amie kazakhe étant seule détentrice d'un bichon maltais. Les nuisances ne pouvaient donc provenir que d'autres occupants, que l'appelante n'a manifeste-ment pas porté sur la liste versée à la procédure le 13 novembre 2017. S'il est exact que le témoin J______ a indiqué être logée gratuitement, il n'est pas dans le cours ordinaire des choses d'accorder pareille gratuité aux enfants d'un ami, dont les liens avec l'appelante ne peuvent être qualifiés à l'identique de ceux noués avec des proches ou des familiers; il n'apparaît pas non plus qu'une telle faveur répondait à une nécessité financière.

Sur ce point, il y a lieu de relever que l'appelante n'a pas collaboré à la détermination de sa situation financière qu'elle dit être aisée au point d'être en mesure de mettre à disposition partiellement et à titre gratuit le logement considéré à des tiers. Elle a en effet refusé de communiquer ses revenus des années 2016 et 2017. Or, l'activité passée de l'appelante auprès de banques privées de la place ne permet pas encore de conclure à l'existence d'une situation financière aisée lui permettant de loger gracieusement des tiers; si tel avait été le cas, on comprend mal les raisons qui l'ont conduite à ne pas achever plus rapidement les travaux d'aménagement de la maison de C______ pour la mettre en location, puisque tel semblait être le motif originaire de cette acquisition. Le fait d'avoir masqué, dans un premier temps, l'existence de la mise à disposition du logement à des tiers, finalement admise tardivement à l'issue des audiences d'enquêtes, et l'absence de production de titres permettant d'établir sa situation financière réelle sont autant d'éléments qui permettent de douter de la mise à disposition du logement à titre gracieux. Comme déjà relevé, les tiers bénéficiaires du logement n'étaient ni des proches, ni des familiers, point qui se trouve renforcé par le fait que l'appelante n'a pas été en mesure d'orthographier le nom de famille du couple O______/Q______, tous deux présentés comme des amis proches et derniers occupants du logement avant J______.

A l'instar des premiers juges, la Cour a acquis la conviction que la mise à disposition gratuite du logement n'apparaît pas crédible, à plus forte raison lorsque la jouissance du logement a été remise à des tiers à sept reprises, dont quatre fois à des couples, pour de longues périodes. Le seul témoignage de J______, dont les constats ne se recoupent avec ceux des autres témoins entendus, ne suffit donc pas pour admettre l'existence d'une mise à disposition gratuite du logement.

Les déclarations souvent confuses de l'appelante et son manque de collaboration dans l'établissement des faits doivent donc être interprétés en sa défaveur. Le Tribunal a ainsi procédé à une juste appréciation de l'ensembles des preuves disponibles en retenant l'existence d'une sous-location et en arrivant à la conclusion que la mise à disposition gratuite du logement à des tiers, qui n'étaient ni des proches, ni des familiers, n'étant pas établie, l'appelante ayant échoué à démontrer une situation financière lui permettant de renoncer à toute perception d'un loyer.

Face au refus de l'appelante de communiquer les conditions de la sous-location, malgré une vaine mise en demeure, la bailleresse était en droit de refuser son consentement à la sous-location selon l'art. 262 al. 2 let a CO et de résilier le bail avec effet immédiat, les conditions d'application de l'art. 257f al. 3 CO étant pour le surplus réalisées.

Il apparaît de surcroît que la locataire a perdu définitivement l'usage de l'appartement, dans la mesure où elle vit dans le canton de Vaud et n'as plus la volonté de réintégrer le logement litigieux, en dépit de ce qu'elle soutient.

Le congé notifié le 14 octobre 2016 pour le 30 novembre 2016 est donc efficace et le jugement entrepris sera confirmé.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé le 9 avril 2018 par A______ contre le jugement JTBL/150/2018 rendu le 21 février 2018 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/22553/2016-2-OSB.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ et Madame Eleanor McGREGOR, juges; Monsieur Alain MAUNOIR et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

Indication des voies et délais de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss. de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.