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Décisions | Chambre civile

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C/28887/2018

ACJC/329/2020 du 21.02.2020 sur JTPI/11644/2019 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CC.122; CC.124b.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/28887/2018 ACJC/329/2020

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 21 FEVRIER 2020

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 août 2019, comparant par Me Magali Buser, avocate, boulevard Saint-Georges 72, 1205 Genève, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me Daniel Meyer, avocat, rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/11644/2019 du 22 août 2019, notifié le 23 août 2019 à A______, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a prononcé le divorce des parties (chiffre 1 du dispositif), attribué à B______ la jouissance exclusive du domicile conjugal (ch. 2), dit que le régime matrimonial de la séparation de biens, auquel étaient soumises les parties, était dissous (ch. 3), dit qu'il n'y avait pas lieu de procéder au partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés durant le mariage (ch. 4), dit que la requête de provisio ad litem de A______ était devenue sans objet (ch. 5), arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr., répartis à raison de la moitié à la charge de chacune des parties, la part de A______ étant provisoirement prise en charge par l'Etat de Genève, condamné B______ à payer à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, un montant de 750 fr., dit que A______, bénéficiaire de l'assistance judiciaire, pourrait être tenu au remboursement des frais judiciaires dans les limites de l'art. 123 CPC (ch. 6), dit qu'il n'était pas alloué de dépens
(ch. 7), condamné les parties en tant que de besoin à exécuter les dispositions du jugement (ch. 8) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 9).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour le 23 septembre 2019, A______ a formé appel de ce jugement, dont il a sollicité l'annulation des chiffres 4 à 7 du dispositif.

Il a conclu, principalement, à ce que soit ordonné le partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés durant le mariage conformément à l'art. 122 CC, à ce qu'il soit par conséquent ordonné à la Caisse de prévoyance C______ de transférer un montant de 115'436 fr. 72 par le débit du compte de libre passage de B______ sur son compte de libre passage auprès de la Fondation F______, à la condamnation de B______ au versement d'une provisio ad litem de 4'000 fr. pour la première instance, sous suite de frais judiciaires et dépens de première instance et d'appel, et à ce qu'il soit dit qu'il ne devait pas restituer la provisio ad litem concernant la procédure d'appel.

Subsidiairement, il a pris les mêmes conclusions s'agissant du partage des avoirs de prévoyance professionnelle et il a conclu au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision concernant la provisio ad litem de la première instance dans le sens des considérants, sous suite de frais judiciaires et dépens de première instance et d'appel, et à ce qu'il soit dit qu'il ne devait pas restituer la provisio ad litem concernant la procédure d'appel.

Il a conclu préalablement à la condamnation de B______ au versement d'une provisio ad litem de 2'000 fr. en sa faveur pour la procédure d'appel, à ce qu'il soit dispensé de procéder à une avance de frais, à la condamnation de B______ à effectuer ladite avance de frais au vu de la situation financière des parties et à ce qu'il soit ordonné à B______ de produire tous documents utiles pour déterminer sa situation financière actuelle.

b. Par décision du 1er octobre 2019, A______ a été admis au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la présente procédure d'appel - limitée à 10 heures d'activité d'avocate - avec effet au 2 septembre 2019.

c. Par écritures du 14 octobre 2019, B______ a conclu au déboutement de A______ de ses conclusions sur provisio ad litem, sous suite de frais et dépens de l'instance.

d. Dans sa réponse du 30 octobre 2019, B______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais judiciaires et dépens.

e. Par arrêt ACJC/1619/2019 du 5 novembre 2019, la Cour de justice a débouté A______ des fins de sa requête de mesures provisionnelles sollicitant le versement d'une provisio ad litem pour la procédure d'appel.

f. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

A l'appui de sa réplique du 25 novembre 2019, A______ a produit une fiche de salaire établie le 21 octobre 2019.

g. Les parties ont été avisées par avis du greffe de la Cour du 27 décembre 2019 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivant ressortent de la procédure :

a. B______, née [B______] le ______ 1961, de nationalité suisse, et A______, né le ______ 1980 en Tunisie, de nationalité tunisienne, se sont mariés le ______ 2010 à G______ (GE).

Aucun enfant n'est issu de cette union.

b. Au début de leur vie commune, A______ s'est installé dans le logement appartenant à B______, laquelle a pourvu à son entretien.

c. Les parties se sont séparées en juillet 2011.

d. Le 5 octobre 2011, les parties ont conclu un contrat de séparation de biens.

Le même jour, elles ont conclu un pacte successoral par lequel elles ont renoncé réciproquement à tous droits quelconques et notamment à la réserve légale qu'elles pourraient avoir dans la succession l'une de l'autre.

e. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 2018, A______ a formé une requête unilatérale en divorce. Il a conclu au prononcé du divorce, à l'attribution du domicile conjugal à B______, à ce qu'il soit donné acte aux parties de ce qu'aucune contribution d'entretien post-divorce n'était due entre elles, à ce qu'il soit dit et constaté que le régime matrimonial était liquidé et que les parties n'avaient plus aucune prétention à faire valoir l'une envers l'autre, à ce que le Tribunal ordonne le partage des avoirs de prévoyance professionnelle conformément à l'art. 122 CC et à la condamnation de B______ en tous les frais et dépens.

Préalablement, il a notamment conclu à la condamnation de B______ à lui verser un montant de 4'000 fr. à titre de provisio ad litem et à produire tout document utile pour déterminer sa situation financière.

f. B______ allègue que A______ lui avait demandé de retarder le dépôt de la demande en divorce pour lui permettre de prolonger son séjour en Suisse. Il se serait engagé en contrepartie à renoncer au partage des avoirs de prévoyance professionnelle.

g. Deux audiences de conciliation ont eu lieu les 29 janvier 2019 et 5 mars 2019.

Lors de l'audience tenue le 29 janvier 2019, les parties ont demandé au Tribunal de surseoir à statuer sur les mesures provisionnelles.

h. Dans sa réponse du 1er avril 2019, B______ a pris les mêmes conclusions que A______, à l'exception du partage des avoirs de prévoyance professionnelle, concluant à ce qu'il n'y soit pas procédé, subsidiairement à ce que les avoirs accumulés du 30 avril 2010 au 11 juillet 2011 soient partagés et à ce qu'il soit renoncé au partage pour la période postérieure.

B______ a produit une attestation de sa caisse de prévoyance indiquant le montant de ses avoirs accumulés jusqu'au 18 juillet 2018.

i. Lors de l'audience de débats d'instruction, d'ouverture des débats principaux et de premières plaidoiries du 21 mai 2019, A______ a persisté dans sa demande de production de pièces visant les trois dernières fiches de salaire de B______, ses relevés de comptes bancaires en Suisse ou à l'étranger, son avis de taxation 2017 ainsi que sa déclaration d'impôts 2017, sa requête devant être considérée comme une demande en reddition de comptes.

Il a également sollicité du Tribunal qu'il soit statué sur la question de la provisio ad litem à titre provisionnel.

j. A l'issue de cette audience, le Tribunal a gardé la cause à juger sur mesures provisionnelles.

k. Par ordonnance du 28 mai 2019, le Tribunal a considéré que la cause était en état d'être jugée sur le fond, précisant que les problématiques de la provisio ad litem et de la reddition de compte seraient traitées avec le fond.

l. Lors de la dernière audience du 28 juin 2019, A______ a persisté dans ses conclusions. B______ a conclu au rejet de la requête en reddition de comptes et en versement d'une provisio ad litem et persisté dans ses conclusions au fond.

Le Tribunal a imparti à B______ un délai au 22 août 2019 pour produire une attestation actualisée relative aux avoirs de prévoyance professionnelle accumulés du 30 avril 2010 au 12 décembre 2018, précisant que la cause serait gardée à juger à réception de ce document.

m. Le 2 août 2019, B______ a produit l'attestation requise.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a refusé de procéder au partage des avoirs de prévoyance professionnelle des parties, considérant qu'il se révélait inéquitable et qu'il revenait à un détournement de la finalité du principe du partage. En effet, A______ disposait encore de vingt-sept ans pour se constituer une prévoyance adéquate, tandis que B______ ne bénéficiait plus que de six ans pour cotiser à la prévoyance professionnelle. Les avoirs qu'elle avait accumulés pendant le mariage l'avaient été en grande partie après la cessation de la vie commune, laquelle n'avait duré qu'une année, alors que A______ n'avait que peu travaillé pendant la vie commune. La séparation avait eu lieu dans un contexte de violences, et les époux n'avaient pas eu d'enfant commun.

Le Tribunal a également débouté A______ de sa conclusion au versement d'une provisio ad litem, au motif qu'elle était devenue sans objet, la procédure étant arrivée à son terme. En outre, il ne se justifiait pas de statuer sur cette question à l'issue de l'audience du 21 mai 2019, puisque la procédure était alors déjà en état d'être jugée sur le fond.

Enfin, le Tribunal a retenu que les pièces dont la production était requise par A______ n'étaient ni utiles ni adéquates pour statuer sur le partage des avoirs de prévoyance professionnelle de B______. La demande de provisio ad litem étant devenue sans objet, elles n'étaient pas non plus nécessaires pour statuer sur ce point, de sorte qu'il convenait de débouter A______ de sa requête en reddition de comptes.

E.            La situation personnelle et financière des parties est la suivante :

a. Titulaire d'un permis B, A______ a occupé plusieurs petits emplois depuis son arrivée en Suisse en 2010 et a perçu l'aide de l'Hospice général depuis le 1er février 2018.

Il admet avoir pourvu seul à son entretien depuis la séparation des parties.

Depuis le prononcé du jugement entrepris, il a retrouvé un travail et ne dépend plus de l'Hospice général. Il ressort d'une fiche de salaire établie par [l'entreprise] D______ qu'il a perçu un revenu mensuel net de 2'400 fr. 60 en octobre 2019.

Son loyer mensuel s'élève à 1'550 fr., charges comprises, et sa prime d'assurance maladie à 398 fr. 20.

Il fait l'objet d'une soixantaine de poursuites postérieures à la séparation des parties, initiées notamment par le Service des contraventions C______ et d'autres services de contentieux.

b. Quant à B______, elle a travaillé en tant que ______ pour [l'institution] E______ et a été licenciée pour le 31 août 2018. Elle a perçu son dernier salaire mensuel, de 7'200 fr. bruts, à fin février 2019 et elle touchait, en mai 2019, des prestations de l'assurance-chômage. Elle est copropriétaire de son logement.

c. Les avoirs de prévoyance professionnelle accumulés au 1er janvier 2019 par A______ auprès de la Fondation F______ s'élèvent à 3'011 fr. 46, étant précisé qu'aucun avoir n'a été accumulé entre 2015 et fin 2018.

d. Pour sa part, B______ a accumulé auprès de la [caisse de prévoyance] C______ un montant de 233'884 fr. 90 du 30 avril 2010 au 31 décembre 2018.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours (art. 142 al. 1, 143 al. 1 et 311 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC), à l'encontre d'une décision finale qui porte sur des conclusions pécuniaires qui sont supérieures à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

1.3 Le juge établit les faits d'office pour toutes les questions qui touchent à la prévoyance professionnelle (art. 277 al. 3 CPC; art. 73 al. 2 LPP). En seconde instance, les maximes des débats et de disposition sont applicables (arrêts du Tribunal fédéral 5A_18/2018 du 16 mars 2018 consid. 6 et 5A_478/2016 du 10 mars 2017 consid. 10.1 et les références citées).

2.             Les parties, dont l'une est de nationalité étrangère, sont domiciliées à Genève. Avec raison, elles ne remettent pas en cause la compétence de la Cour de justice pour connaître du litige (art. 51 let. b, 59 et 63 al. 1 et 1bis LDIP), ni l'application du droit suisse (art. 61 et 63 al. 2 LDIP).

3.             L'appelant a produit une pièce nouvelle à l'appui de sa réplique.

3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

3.2 En l'espèce, la fiche de salaire produite par l'appelant et les faits qui en ressortent datent du mois d'octobre 2019. Ils ont donc été établis après le prononcé du jugement entrepris et après l'expiration du délai d'appel. Ainsi, l'appelant n'était pas en mesure de produire plus tôt dans la procédure cette pièce, laquelle a été produite sans retard à l'appui de sa réplique, de sorte qu'elle est recevable.

4.             L'appelant sollicite la production par l'intimée de tous documents utiles pour déterminer sa situation financière actuelle.

4.1 Conformément à l'art. 316 al. 3 CPC, l'instance d'appel peut librement décider d'administrer des preuves : elle peut ainsi ordonner que des preuves administrées en première instance le soient à nouveau devant elle, faire administrer des preuves écartées par le Tribunal de première instance ou encore décider l'administration de toutes autres preuves. Néanmoins, cette disposition ne confère pas à l'appelant un droit à la réouverture de la procédure probatoire et à l'administration de preuves. Le droit à la preuve, comme le droit à la contre-preuve, découlent de l'art. 8 CC ou, dans certains cas, de l'art. 29 al. 2 Cst., dispositions qui n'excluent pas l'appréciation anticipée des preuves. L'instance d'appel peut en particulier rejeter la requête de réouverture de la procédure probatoire et d'administration d'un moyen de preuve déterminé présentée par l'appelant si celui-ci n'a pas suffisamment motivé sa critique de la constatation de fait retenue par la décision attaquée. Elle peut également refuser une mesure probatoire en procédant à une appréciation anticipée des preuves, lorsqu'elle estime que le moyen de preuve requis ne pourrait pas fournir la preuve attendue ou ne pourrait en aucun cas prévaloir sur les autres moyens de preuve déjà administrés par le Tribunal de première instance, à savoir lorsqu'il ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves qu'elle tient pour acquis (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1. et 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_228/2012 consid. 2.3 et 5A_906/2012 du 18 avril 2013 consid. 5.1.2).

4.2 En l'espèce, la question litigieuse de la prévoyance professionnelle des parties est suffisamment documentée.

Pour le surplus, il n'y a pas lieu de donner suite à la requête de l'appelant, compte tenu du sort réservé à ses conclusions sur provisio ad litem dans les considérants qui suivent. En tout état, les éléments qui figurent au dossier suffisent pour statuer.

L'appelant sera donc débouté des fins de sa conclusion en production de pièces.

5.             Dans un premier grief, l'appelant reproche au Tribunal d'avoir renoncé au partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les parties pendant le mariage.

5.1 A teneur de l'art. 122 CC, les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu'à l'introduction de la procédure de divorce sont par principe partagées entre les époux. Les prestations de sortie acquises, y compris les avoirs de libre passage et les versements anticipés pour la propriété du logement, sont partagées par moitié entre les époux (art. 123 al. 1 CC).

Le juge peut toutefois attribuer moins de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier ou n'en attribuer aucune pour de justes motifs (art. 124b al. 2 CC). C'est le cas en particulier lorsque le partage par moitié s'avère inéquitable en raison de la liquidation du régime matrimonial ou de la situation économique des époux après le divorce (ch. 1) ou des besoins de prévoyance de chacun des époux, compte tenu notamment de leur différence d'âge (ch. 2).

Toute inégalité consécutive au partage par moitié ou persistant après le partage par moitié ne constitue pas forcément un juste motif au sens de l'art. 124b al. 2 CC. Les proportions du partage ne doivent toutefois pas être inéquitables. L'iniquité se mesure à l'aune des besoins de prévoyance professionnelle de l'un et de l'autre conjoint; le partage est inéquitable lorsque l'un des époux subit des désavantages flagrants par rapport à l'autre conjoint (Message du Conseil fédéral du 29 mai 2013 concernant la révision du code civil suisse [Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce], FF 2013 4341 ss, p. 4371 [cité ci-après : Message LPP]). Il faut veiller à ce que chaque conjoint dispose d'une pension de retraite suffisante (Geiser, Gestaltungsmöglichkeiten beim Vorsorgeausgleich, in RJB 2017 1, p. 13 s., ch. 3.3.2).

L'art. 124b al. 2 CC ne dresse pas une liste exhaustive des justes motifs pour lesquels le juge peut renoncer au partage par moitié. D'autres cas de figure sont envisageables, comme par exemple celui où le conjoint créancier ne se serait pas conformé à son obligation d'entretien, auquel cas il paraîtrait insatisfaisant qu'il puisse exiger la moitié de la prestation de sortie du conjoint débiteur. L'art. 124b al. 2 CC ne doit toutefois pas vider de sa substance le principe du partage par moitié. Des différences de fortune ou de perspectives de gains ne constituent pas un motif suffisant pour déroger à ce principe (Message LPP, p. 4371).

Le comportement des époux durant le mariage ne constitue en principe pas un critère à prendre en considération dans le cadre du partage; il ne s'agira donc pas d'analyser dans chaque situation la proportion dans laquelle chaque époux s'est impliqué dans l'entretien de la famille et de pondérer le partage des avoirs en fonction de ces éléments. Une éventuelle violation par un époux de son obligation d'entretien de la famille peut entrer en ligne de compte, mais uniquement de manière restrictive, afin d'éviter que le principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle des époux ne soit vidé de sa substance. En particulier, c'est seulement dans des situations particulièrement choquantes que de tels justes motifs peuvent l'emporter sur les considérations économiques liées aux besoins de prévoyance respectifs des époux, de sorte que le juge est habilité, sur cette base, à refuser totalement ou partiellement le partage des avoirs de prévoyance professionnelle, et ce même si la prévoyance du conjoint créancier n'apparaît pas adéquate (ATF 145 IIII 56 consid. 5.4).

En cas de grande différence d'âge, un partage schématique par moitié pourrait affecter le conjoint le plus âgé bien plus que le conjoint le plus jeune (Message LPP, p. 4355). Ainsi, il peut être justifié de déroger au principe du partage par moitié lorsqu'il existe une grande différence d'âge entre les époux, afin de tenir compte de la situation du conjoint qui, du fait d'un âge plus avancé et de la progressivité des cotisations (7% de 25 à 34 ans, 10% de 35 à 44 ans, 15% de 45 à 54 ans et 18 % de 55 à 65 ans, cf. art. 16 LPP), a accumulé des prétentions de prévoyance beaucoup plus importantes durant le mariage (arrêt du Tribunal fédéral 5A_153/2019 du 3 septembre 2019 consid. 6.3.2).

Il serait, en effet, inéquitable d'ordonner le partage des avoirs de prévoyance du conjoint proche de la retraite, alors que le conjoint plus jeune a la possibilité de se constituer une prévoyance adéquate dans les années à venir (Leuba/Udry, Partage du 2ème pilier : premières expériences, in Entretien de l'enfant et prévoyance professionnelle, 9ème Symposium en droit de la famille 2017, Université de Fribourg, 2018, p. 1 ss, p. 17; dans le même sens : Grütter, Der neue Vorsorgeausgleich im Überblick, in FamPra.ch 2017 p. 127 ss, p. 140 s. et Dupont, Les nouvelles règles sur le partage de la prévoyance en cas de divorce, in Le nouveau droit de l'entretien de l'enfant et du partage de la prévoyance, 2016, n. 85 p. 81, note de bas de page 184).

Dans le cadre des travaux parlementaires, cette différence d'âge a été illustrée en prenant l'exemple de conjoints ayant au moins vingt années d'écart entre eux. La doctrine situe elle aussi la différence pertinente aux alentours de vingt ans (arrêt du Tribunal fédéral 5A_153/2019 du 3 septembre 2019 consid. 6.3.2 et les réf. citées: BO CN 2015 p. 761; Leuba/Udry, op. cit., p. 17; Leuba, Le nouveau droit du partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce, in FamPra.ch 2017, p. 3 ss, 25; contra : Jungo/Grütter, in FamKommentar Scheidung, 3e éd., 2017, n° 16 ad art. 124b, selon qui une différence d'âge de dix ans peut aussi être prise en compte lorsque l'un des époux est proche de la retraite).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans l'application de l'art. 124b CC (arrêt du Tribunal fédéral 5D_148/2017 du 13 octobre 2017 consid. 4.1), soit notamment lorsqu'il s'agit d'analyser l'existence de justes motifs permettant de refuser ou de réduire les prétentions de prévoyance en faveur d'un conjoint (Oberson/Waelti, Nouvelles règles de partage de la prévoyance : les enjeux du point de vue judiciaire, in FamPra.ch 2017, p. 100 ss, 125).

5.2 En l'espèce, l'intimée est âgée de cinquante-neuf ans. En cas de partage par moitié de ses avoirs de prévoyance, elle ne disposerait plus que de six ans pour cotiser à la prévoyance professionnelle et reconstituer son avoir - tâche rendue d'autant plus difficile qu'elle se trouve désormais au chômage, de sorte que ses perspectives de prévoyance s'en trouveraient fortement péjorées.

Pour sa part, l'appelant a emménagé à l'époque du mariage dans le logement appartenant à l'intimée, laquelle, au vu des revenus respectifs des parties, a assuré l'entretien du couple pendant la vie commune, ce qui est admis par l'appelant. Il y a ainsi lieu d'admettre qu'il disposait de temps libre et de circonstances favorables lui donnant l'occasion, dès son arrivée en Suisse, et en fournissant les efforts qui pouvaient être attendus de lui, de s'investir pleinement dans une activité professionnelle ou d'entreprendre une formation à cet effet. Ainsi, rien ne l'empêchait d'obtenir des revenus plus élevés et donc, de disposer d'avoirs de prévoyance plus importants que le montant s'élevant à 3'011 fr. au jour de l'introduction de sa demande de divorce. Or, il n'a pas travaillé de manière continue pendant le mariage ou a perçu un salaire trop faible pour cotiser.

A cela s'ajoute que l'appelant, âgé de trente-huit ans au moment de l'introduction de la procédure de divorce, et sans problèmes de santé particuliers, est encore jeune et dispose d'une pleine capacité de travail qu'il pourra mettre à profit pendant encore de nombreuses années, soit près de vingt-sept ans, pour se constituer par ses propres moyens une prévoyance professionnelle adéquate. A cet égard, le fait qu'il ait perçu en octobre 2019 un revenu mensuel net de 2'400 fr. pour un emploi récemment trouvé dans la restauration - dont on ne connaît au demeurant pas le taux d'activité - ne signifie pas pour autant qu'il n'est pas capable de percevoir un revenu plus élevé en mettant à contribution sa pleine et entière capacité de travail. Son manque de formation ne saurait l'empêcher de travailler à plein temps ni de cotiser pour l'avenir, ce d'autant que cela fait maintenant près de dix ans qu'il est arrivé en Suisse et qu'il allègue avoir rapidement pourvu seul à son entretien après le mariage. Il n'a pas non plus allégué ni offert de prouver qu'il lui serait particulièrement difficile de trouver un emploi même en entreprenant des recherches sérieuses et assidues.

L'intimée n'a certes pas démontré ses allégations selon lesquelles l'appelant aurait insisté pour retarder leur divorce en vue de prolonger son séjour en Suisse et qu'il aurait en contrepartie renoncé à une participation à son deuxième pilier. Il n'en demeure pas moins que leur vie commune n'a duré qu'environ une année, soit une durée particulièrement courte au regard des huit années et demie écoulées entre le mariage et le dépôt de la requête en divorce. A cela s'ajoute encore qu'en concluant, peu après leur séparation, un contrat de séparation de biens et en renonçant par acte notarié à toute expectative successorale réciproque, les époux ont pris des dispositions concrètes marquant une volonté claire de vivre financièrement indépendamment l'un de l'autre. Cette volonté est confirmée par ailleurs par le fait que l'appelant a renoncé à toute contribution d'entretien à charge de l'intimée.

Dès lors, compte tenu de leur grande différence d'âge de plus de dix-neuf ans et de leurs perspectives de prévoyance inégales, il apparaîtrait inéquitable d'ordonner le partage des avoirs de l'intimée accumulés à hauteur de 233'884 fr. 90 - en grande partie après la cessation de la vie commune -, puisqu'elle subirait ainsi un désavantage flagrant et s'en trouverait bien plus affectée que l'appelant. Ce sentiment d'iniquité est par ailleurs renforcé lorsque l'on tient compte des autres particularités du cas d'espèce, à savoir, la très courte durée de la vie commune, pendant laquelle l'appelant n'a pas participé à l'entretien du couple, les dispositions que les parties ont prises peu après leur séparation dans la perspective d'une indépendance financière, le fait qu'elles ont vécu séparées pendant plus de sept ans, soit la grande majorité de la durée du mariage, et le fait qu'elles n'ont pas eu d'enfant commun. Compte tenu de tous ces éléments, il apparaîtrait particulièrement choquant de procéder au partage, même partiel, des avoirs.

Il résulte de de ce qui précède que le Tribunal n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation et que c'est à bon droit qu'il a considéré qu'au vu de l'ensemble des circonstances, un partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par les parties durant le mariage se révélait inéquitable et qu'il existait, dès lors, de justes motifs d'y renoncer.

Par conséquent, le ch. 4 du jugement entrepris sera confirmé.

6.             L'appelant reproche également au Tribunal de ne pas avoir donné suite à sa requête de provisio ad litem.

6.1 L'obligation d'une partie de faire à l'autre l'avance des frais du procès pour lui permettre de sauvegarder ses intérêts découle du devoir général d'entretien et d'assistance des conjoints (art. 163 CC; ATF 117 II 127 consid. 6).

Le montant de la provisio ad litem doit être proportionné aux facultés financières de l'autre conjoint et correspondre aux frais prévisibles de l'action judiciaire entreprise (ATF 103 Ia 99 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_778/2012 du 24 janvier 2013 consid. 6.1; arrêt de la Cour de justice du 30 mai 1980 publié in SJ 1981 p. 126).

La provisio ad litem est une simple avance, qui doit en principe être restituée. Lorsque la procédure est arrivée à son terme, il ne se justifie plus de statuer sur l'octroi d'une telle avance mais uniquement, dans l'hypothèse où une provisio ad litem aurait été octroyée au cours de la procédure de divorce, de trancher la question de son éventuelle restitution dans le cadre de la répartition des frais judiciaires et des dépens (ATF 66 II 70 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_777/2014 du 4 mars 2015 consid. 6.2 et 6.3; ACJC/873/2018 du 19 juin 2018 consid. 4.1).

6.2 En l'espèce, la procédure devant le premier juge étant terminée, la demande de provisio ad litem est sans objet de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner plus avant les griefs de l'appelant sur ce point. Il sera en revanche revenu sur la question de la répartition des frais de première instance ci-après.

Le ch. 5 du jugement entrepris sera donc confirmé.

6.3 Quant à la procédure d'appel, la demande de provisio ad litem a été refusée par arrêt sur mesures provisionnelles, de sorte que la demande de restitution de l'appelant est sans objet.

La question des coûts que l'appelant doit supporter pour la défense de ses intérêts devant la Cour relève désormais du règlement des frais, au sens des art. 95 ss CPC, soit de l'allocation d'éventuels dépens au sens de ces dispositions. Cette question sera examinée ci-après.

7.             L'appelant fait grief au Tribunal de ne pas avoir mis les frais judiciaires et dépens de première instance uniquement à charge de l'intimée.

7.1 Les frais (frais judiciaires et dépens) sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 95 et 106 al. 1 CPC).

Le Tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC) ou lorsque des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable (art. 107 al. 1 let. f CPC).

Très large, la règle de l'art. 107 al. 1 let. c CPC permet une répartition en équité même lorsque le procès reste fondé sur le modèle classique de parties opposées. Le Tribunal peut par exemple tenir compte d'éléments comme l'inégalité économique des parties (Tappy, in CR, Code de procédure civile, 2ème éd., ad art. 107 n. 19).

Lorsque la partie au bénéfice de l'assistance judiciaire succombe, les frais judiciaires sont à la charge du canton (art. 122 al. 1 let. b CPC). Elle est tenue de rembourser l'assistance judiciaire dès qu'elle est en mesure de le faire (art. 123 al. 1 CPC)

7.2.1 En l'espèce, dès lors que le litige relève du droit de la famille, le Tribunal était légitimé à répartir les frais judiciaires et les dépens selon sa libre appréciation. Il ne saurait donc lui être reproché d'avoir réparti les frais judiciaires par moitié entre les parties et de ne pas avoir alloué de dépens, pour des motifs d'équité liés à la nature et à l'issue du litige, étant en outre précisé que l'appelant a succombé entièrement dans sa conclusion en partage des avoirs LPP, seul point litigieux au fond. La dérogation aux règles générales de répartition des frais lui était ainsi en l'occurrence avantageuse. Au demeurant, la situation financière de l'appelant a été prise en compte dans la mesure où il a été mis au bénéfice de l'assistance judiciaire, et qu'il ne devra rembourser les frais à sa charge que lorsqu'il sera en mesure de le faire.

Dès lors, les chiffres 6 et 7 du jugement entrepris seront confirmés.

7.2.2 Les frais judiciaires d'appel, y compris ceux de l'arrêt sur mesures provisionnelles du 5 novembre 2019, seront arrêtés à 1'200 fr. (art. 30 et 35 RTFMC). Bien que l'appelant succombe entièrement dans ses conclusions, ils seront mis à la charge des parties pour moitié chacune, afin de tenir compte de la nature familiale du litige et de leur situation financière respective. L'appelant plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, sa part sera provisoirement supportée par l'Etat de Genève, lequel pourra en demander le remboursement ultérieurement aux conditions fixées par la loi. L'intimée sera en conséquence condamnée à verser 600 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, à titre de frais judiciaires.

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 23 septembre 2019 par A______ contre le jugement JTPI/11644/2019 rendu le 22 août 2019 par le Tribunal de première instance dans la cause C/28887/2018-13.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'200 fr. et les met à charge de chacune des parties par moitié.

Laisse provisoirement à la charge C______ la part des frais judiciaires d'appel de A______.

Condamne B______ à verser la somme de 600 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Pauline ERARD et Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Christel HENZELIN, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.