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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/32452/1998

ACJC/220/2001 du 12.03.2001 sur JTBL/305/2000 ( OBL ) , JUGE

Descripteurs : CO.259.a; DECHOL; RENOVA

COUR DE JUSTICE

Case postale 3108

1211 Genève 3

┌───────────────────┐ Chambre d'appel en matière de

│ Réf. C/32452/98 │ Baux et Loyers

│ │

│ │ Entre

ACJC/220/01

└───────────────────┘

 

Monsieur et Madame A______ et B______, domiciliés ______, élisant domicile auprès de l'ASLOCA-VOLTAIRE, 1‑3 rue de Chantepoulet, 1201 Genève, parties appelantes d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 mars 2000,

 

d'une part,

 

et

 

 

CAISSE D______, représentée par [la régie immobilière] E______, ______, partie intimée,

 

d'autre part,

 




EN FAIT

 

1. B______ et A______ sont liés à la CAISSE D______ (ci-après : la D______) par un bail à loyer portant sur un appartement de 5 pièces au 16ème étage de l'immeuble sis no. ______, avenue 1______ à C______ [GE].

 

2. Le loyer annuel, charges non comprises, a été porté à 19'956 fr. dès le 1er janvier 1998 par avis de modification autorisé par le Service de Surveillance des Loyers.

 

3. Par courrier du 17 septembre 1996, la bailleresse a averti les locataires qu'en 1997 elle allait entreprendre d'importants travaux d'entretien, à savoir :

 

Traitement du béton des façades, y compris rhabillage et peinture de la finition;

 

Remplacement des fenêtres par modèles en verre isolant en matière synthétique ;

 

Etanchéité et isolation des terrasses et toitures;

 

Peinture des loggias.

 

Dans ce même courrier, la bailleresse informait les locataires que, d'un commun accord avec l'Office financier du logement, les loyers seraient échelonnés de la manière suivante :

 

6 % dès le 1er janvier 1998;

 

6 % dès le 1er janvier 1999.

 

4. En date du 5 janvier 1998, la bailleresse a informé les locataires d'un accord de principe quant au versement d'une indemnité suite aux nuisances provenant du chantier, notamment le piquage des parapets de balcons.

5. La bailleresse a indiqué aux locataires, par courrier du 28 septembre 1998, que ce montant, octroyé à titre de dédommagement, avait été fixé de manière forfaitaire à 500 fr.

 

6. Par courrier du 7 octobre 1998, A______ informa la bailleresse qu'il acceptait la somme de 500 fr. à titre d'acompte pour les nuisances subies durant une année de travaux, mais qu'il estimait cette somme insuffisante vu l'importance des dérangements subis. Les locataires ont adressé à la bailleresse la liste suivante :

 

Le montage des échafaudages avec leur filet nous a privés de vue et de lumière durant 8 à 10 mois;

 

Notre balcon a été inutilisable durant toute cette période (pieu au beau milieu);

 

Le bruit strident du meulage pour faire ressortir les fers à béton siffle encore dans mes oreilles (durée 2 semaines environ);

 

Le piquage des façades insupportable nous faisait fuir (pendant les mercredis de congé) car impossible de travailler chez soi (3 à 4 semaines);

 

Le perçage des éléments préfabriqués de façade pour les assembler à la dalle (1 semaine);

 

Les infiltrations de poussière dans l'appartement ont donné à la
ménagère du travail supplémentaire;

 

Le changement des stores dans l'appartement (1 jour + 1 jour de
protection et de nettoyage à notre charge);

 

Dérangement pour prises de rendez-vous, pose de fenêtres et peinture + passages de contrôle;

 


Travail dans l'appartement, pose des fenêtres + peinture (1 semaine: nettoyage à notre compte).

 

Vitres nouvelles souillées par la présence d'échafaudages, nettoyage à notre compte ;

 

Augmentation des pannes d'ascenseur (habituelles) plus fréquentes lors du montage des cadres de fenêtres et des vitres.

 

Au vu de ces éléments, les époux A______/B______ ont sollicité une réduction de loyer de 30 % durant la période des travaux.

 

7. Suite au refus de la bailleresse d'entrer en matière, les locataires ont saisi la Commission de Conciliation en matière de Baux et Loyers d'une requête en réduction de loyer en date du 10 décembre 1998.

 

8. Non conciliée, la cause a été portée devant le Tribunal des Baux et Loyers dans le délai légal de 30 jours.

 

9. Les enquêtes ont permis de retenir les faits suivants :


Les échafaudages ont été montés entre fin août 1997 et fin février 1998. Ils sont restés en place jusqu'en septembre 1998.

 

Le travail sur les façades a consisté, d'une part, à remettre en état le béton dégradé de manière ponctuelle et, d'autre part, à consolider la fixation des parapets. Pour ce dernier travail, la direction des travaux a procédé par forage sans percussion, ce qui diminue le bruit, s'agissant d'une technique qui utilise de l'eau.

 

Les travaux de forage ont duré en moyenne deux mois pour la façade nord et deux mois pour la façade sud.

 

Les travaux sur béton ont été effectués par piquages manuels ponctuels et une spatule mécanique a été occasionnellement utilisée pour enlever certains matériaux (témoin F______).

 

Un compresseur a été utilisé pour laver les peintures à haute pression.

 

Les nouvelles fenêtres ont été appliquées en superposition sur les anciens cadres qui ont été découpés. Les portes-fenêtres ont été changées pour la partie vitrée.

 

Certains de ces travaux ont occasionné du bruit parfois d'une intensité telle qu'il empêchait les locataires de parler au téléphone (témoins G______ et H______).

 

Le témoin I______, locataire du même immeuble, relève qu'elle a souffert d'infiltrations de poussière durant 6 mois. Sur ce point, le responsable des travaux, F______, relève qu'en ce qui concerne la poussière générée par les travaux, les locataires l'ont enlevée eux-mêmes.

 


10. Par jugement du 14 mars 2000, le Tribunal des Baux et Loyers a débouté les époux A______/B______ de toutes leurs conclusions.

 

Il a estimé que l'indemnité de 500 fr. allouée aux demandeurs qui correspond à une baisse de loyer de 15 % sur 2 mois, soit les deux mois de forages pénibles, était suffisante, au vu des circonstances, et qu'il ne se justifiait pas d'octroyer aux locataires une réduction de loyer plus importante.

 

11. Les époux A______/B______ ont fait appel de ce jugement par mémoire déposé au Greffe de la Cour le 13 avril 2000. Ils concluent à l'annulation du jugement, et réclament une réduction de loyer de 30% du 1er septembre 1997 au 1er octobre 1998.

 

Ils font en particulier grief au Tribunal d'avoir retenu que la fixation des parapets avait été exécutée sans forage, alors que c'est le contraire qui s'est produit, de n'avoir pas pris en compte les travaux de traitement du béton de la façade qui ont provoqué des nuisances sonores, et de n'avoir pas considéré les désagréments dus au changement des fenêtres.

 

12. La D______ a conclu à la confirmation du jugement attaqué et au déboutement des appelants de toutes leurs conclusions.

 

13. L'argumentation des parties sera reprise dans la partie "en droit" en tant que de besoin.

 

EN DROIT

 

I. A la forme

 

Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable. En vertu de l'art. 56 N LOJ, le Tribunal des Baux et Loyers connaît en premier ressort les contestations qui dépassent la valeur litigieuse de 8'000 fr., ainsi que celles qui ne sont pas fondées sur le chapitre 2 du titre VIII du CO.

 

En l'espèce, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 8'000 fr. et le litige se fonde sur le chapitre 1er du titre VIII du CO.

 

La voie de l'appel ordinaire est par conséquent ouverte aux parties (art. 291 LPC).

 

II. Au fond

 

1. L'article 256 CO prévoit que le bailleur est tenu de délivrer la chose à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée et de l'entretenir en cet état.

 

Selon la doctrine, constitue un défaut tout ce qui s'écarte de cet état qualifié par la loi d'approprié (Lachat,"Le Droit du Bail, Lausanne 1997, page 141).

 

Ainsi, le défaut est tout ce qui exclut, entrave ou restreint l'usage de la chose louée. La notion est à la fois relative et large. Elle est relative puisqu'elle dépend avant tout de la convention des parties, interprétée au besoin selon le principe de la confiance. Dans les baux immobiliers, par exemple, il faut tenir compte de la destination des locaux (habitation, commerce, dépôt), de la nature de la construction (âge, type), de la contre‑prestation du locataire (montant du loyer).

La notion est aussi large dans la mesure où le défaut peut consister dans l'absence d'une qualité normalement attendue, comme le mauvais fonctionne- ment d'un appareil ou l'isolation déficiente d'un bâtiment. Le défaut peut consister dans l'absence d'une qualité spécifiquement promise; il peut être matériel ou immatériel, de nature économique, juridique, voire esthétique (CdB 3/97, page 95).

 

Conformément aux articles 259 a et 259 d CO, lorsque apparaissent des défauts qui ne sont pas imputables au locataire, et auxquels il ne doit pas remédier à ses frais, ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut exiger du bailleur, notamment, une réduction de loyer.

 

Pour calculer la réduction de loyer, on procède selon la méthode dite "proportionnelle". On compare l'usage actuel de la chose louée affectée de défaut, avec son usage conforme au contrat, exempt de défaut. Dans certains cas, le calcul est relativement facile, par exemple lorsque l'une des 4 pièces d'un appartement est humide au point d'être inhabitable. On pourra alors admettre une réduction du loyer de 25 %, ou prendre le pourcentage de la surface de cette pièce par rapport à la surface totale des chambres.

 

Dans d'autres cas, notamment lorsque des travaux de longue durée sont entrepris dans l'immeuble, on évaluera en équité la diminution de jouissance de la chose louée (Lachat, ibid. page 169).

 

Dans la casuistique citée par CORBOZ, dans SJ 1979, page 145, on peut relever les exemples suivants :


Privation d'un ascenseur pour un locataire habitant au 4ème étage :
10 % de réduction;

 

Locataire habitant un immeuble évacué et en chantier : réduction 35 %;

 

Plafond de plusieurs pièces taché et papier peint décollé : réduction de 10 %;

Murs de plusieurs pièces tachés, sol détérioré au salon et dans le hall (lames de parquet enlevées) : réduction de 15 %;

 

Changement de la baignoire et de la tuyauterie dans la salle de bains. Service de l'eau temporairement coupé. Enlèvement des catelles, trous dans le mur : réduction de 10 % pendant la durée des travaux de plomberie.


 

2. En l'espèce, les locataires estiment que la réduction de loyer de 15 % durant 2 mois est insuffisante au vu des nuisances qu'ils ont subies durant une année de chantier.

 

Il apparaît de fait que, si cette réduction de loyer tient compte des travaux les plus bruyants, soit les travaux de forage qui ont été exécutés de mi-janvier à mi-mars 1998, elle ne prend en revanche pas en considération les autres nuisances subies par les locataires.

 

Tout d'abord, il y a lieu de relever que ceux-ci ont été entièrement privés de l'usage de leur balcon, de février à septembre 1998. Si un tel défaut apparaît relativement peu important durant la mauvaise saison, il n'en va pas de même durant les mois d'été pendant lesquels les locataires font en général un usage accru de leur balcon.

 

Par ailleurs, il est également vrai que les échafaudages ont diminué la luminosité de l'appartement durant les 8 mois pendant lesquels ils ont été en place et que les locataires ont été exposés au va et vient des ouvriers devant leurs fenêtres.

 

Au vu de ces éléments, il se justifie d'accorder aux locataires une réduction de loyer de 10 % durant 3 mois. Ce pourcentage tient compte de la privation d'usage du balcon par les locataires de mi-juin à mi-septembre, ainsi que du désagrément résultant du manque de lumière et de la perte d'intimité durant les 8 mois de travaux.

 

Par ailleurs, les travaux sur le béton ont été faits par piquages manuels ponctuels et occasionnellement au moyen d'une spatule mécanique, et un compresseur a été utilisé pour laver les peintures à haute pression. Selon l'expérience générale, ces techniques ne sont pas silencieuses.

 

Enfin, le changement de l'ensemble des fenêtres a provoqué pour les locataires des allées et venues d'ouvriers et de la poussière dans l'appartement.

 

Les durées exactes de ces divers travaux et des nuisances qu'ils ont provoquées pour les locataires ne peuvent être déterminées avec certitude. La Cour fixera dès lors la diminution de loyer en équité, en se basant néanmoins sur les éléments suivants : il apparaît vraisemblable que le changement des vitrages de l'appartement a duré entre quatre et cinq jours, nettoyage, visites de contrôles et retouches comprises. Les travaux sur le béton et le lavage de la peinture au niveau des derniers étages de l'immeuble ne sauraient raisonnablement avoir excédé trois semaines.

 

Dès lors, pour tenir compte de l'ensemble de ces éléments, il se justifie d'accorder aux locataires une réduction de loyer de 15 % durant 1 mois.

 

Par conséquent, les réductions de loyer, outre celle déjà accordée aux locataires à raison de 500 fr., s'établissent comme suit :


· Diminution de loyer de 10% durant 3 mois : fr. 499.‑

· Diminution de loyer de 15% durant 1 mois fr. 249.‑

 

Total fr. 748.‑


Le jugement attaqué doit par conséquent être annulé, et la Cour rendra une nouvelle décision, conformément à ce qui précède.

 

L'intimée qui succombe est condamnée à verser un émolument de 200 fr. en faveur de l'Etat.

 

* * * * *

 


P A R C E S M O T I F S

 

L A C O U R

 

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ et B______ contre le jugement No 305/2000 rendu par le Tribunal des Baux et Loyers le 14 mars 2000, cause No C/32452/1998‑3‑L

Au fond :

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Condamne la Caisse D______ à payer à A______ et B______ la somme de 1'248 fr., sous déduction de 500 fr. déjà versés, avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 1998, sur 748 fr.

Condamne la Caisse D______ au paiement d'un émolument de procédure de 200 fr. en faveur de l'Etat.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

 

Siégeant :

M. Stéphane Geiger, président; M. Pierre‑Yves Demeule,
M. Michel Criblet, juges; M. Pierre Sidler, Mme Yasmine Djabri, juges assesseurs; Mme Julia Fuentes, greffière.