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Décisions | Chambre civile

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C/28815/2019

ACJC/1728/2021 du 29.12.2021 sur JTPI/14742/2021 ( SDF )

Recours TF déposé le 07.02.2022, rendu le 12.04.2022, IRRECEVABLE, 5A_99/2022
Normes : cpc.315.al5
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/28815/2019 ACJC/1728/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MERCREDI 29 DECEMBRE 2021

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ (Grande-Bretagne), appelant d'un jugement rendu par la 20ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le
22 novembre 2021, comparant par Me Xavier-Romain RAHM, avocat, CieLex Sàrl,
place d'Armes 19, 1227 Carouge, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, comparant par
Me Alain BERGER, avocat, BRS Berger Recordon & de Saugy, boulevard des Philosophes 9, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


Attendu, EN FAIT, que par jugement JTPI/14742/2021 du 22 novembre 2021, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment donné acte à A______ et B______ de ce qu'ils s'étaient séparés (ch. 1), attribué à la précitée la jouissance exclusive du domicile conjugal, à savoir deux appartements réunis en un seul au 4ème étage de l'immeuble sis 1______ à Genève, ainsi que les parkings correspondants, copropriétés des parties, avec l'ensemble des droits et obligations qui en découlaient (ch. 2) et condamné A______ à verser en mains de B______, par mois et d'avance, une contribution d'entretien de 20'000 fr. dès le 1er août 2019, sous déduction d'un montant total de 182'360 fr. déjà versé à ce titre (ch. 4);

Que dans sa requête de mesures protectrices du 19 décembre 2019, B______ a allégué que les époux avaient toujours eu un niveau de vie élevé grâce aux revenus substantiels de A______, lesquels avaient permis de payer la scolarité privée de leurs enfants (des jumeaux nés en ______ 2001), l'acquisition d'un grand appartement à Genève, les charges liées à cet appartement, ainsi que des voyages dans de beaux hôtels; qu'elle-même n'avait jamais travaillé durant le mariage, contracté en 1993, et avait besoin d'une contribution mensuelle de 20'000 fr. pour maintenir son train de vie antérieure à la séparation, survenue le 1er août 2019;

Que A______ a allégué que le train de vie de la famille était standard, les seules charges importantes consistant dans l'écolage privé des enfants et l'appartement de Genève; que suite à la perte d'un important client en 2014, sa situation financière s'était dégradée à compter de l'année 2015; que son revenu mensuel actuel, de l'ordre de 6'942 fr., ne lui permettait pas de couvrir ses charges mensuelles en 12'120 fr. (dont 700 fr. de vacances), de sorte qu'il n'était pas en mesure de contribuer à l'entretien de son épouse;

Que s'agissant de la situation personnelle des parties, le Tribunal a retenu que B______, âgée de 59 ans, ne réalisait aucun revenu, n'ayant pas travaillé du temps de la vie commune; qu'elle disposait d'un héritage de son père, dont le solde s'élevait à 225'559 fr. 75 en septembre 2019 et à 139'797 fr. en juillet 2021; qu'elle utilisait ces fonds pour subvenir à son entretien, raison pour laquelle le solde avait diminué avec le temps; qu'elle faisait par ailleurs l'objet de poursuites pour des charges de copropriété non payées en 2019 et 2020, relatives au domicile conjugal, pour un montant total de 22'850 fr.;

Que de son côté, A______ était actif dans le domaine de l'intermédiation financière internationale et la vente de fonds; qu'en 2018, il avait déclaré à l'administration fiscale un revenu de 210'115 fr. et une fortune de 6'793'453 fr. (dont 2'984'977 fr. de fortune mobilière et 3'783'476 fr. de fortune immobilière); qu'en 2019, il avait déclaré à l'administration fiscale un revenu de 243'614 fr. et une fortune de 6'945'813 fr. (dont 3'341'467 fr. de fortune mobilière et 3'584'346 fr. de fortune immobilière); qu'il occupait (ou avait occupé) des fonctions dirigeantes au sein de sociétés actives dans les investissements alternatifs et la gestion de fortune; qu'il était le premier bénéficiaire d'un trust dont le bilan faisait état d'actifs nets de 106'626 GBP au 31 décembre 2020, étant précisé que ce trust avait effectué des versements réguliers en faveur de A______ et sa famille (notamment 181'511 fr. en 2016, 148'450 fr. en 2017, 161'190 fr. en 2018, et 144'542 fr. 15 en 2019); qu'en avril 2020, l'époux avait requis deux cartes de crédit gold auprès de [la banque] C______, avec un plafond à 30'000 fr., en indiquant, dans le formulaire ad hoc fourni par la banque, qu'il bénéficiait d'un revenu annuel brut de 685'000 fr.; que son compte privé auprès de C______ – désormais nanti en faveur de la banque – présentait un solde de 2'133'894 fr. en juin 2019, de 2'342'035 fr. en décembre 2019 et de 759'835 fr. en juin 2021; qu'il ressortait en outre de ses relevés bancaires que l'époux avait transféré les montants suivants à sa nouvelle compagne : 1'100'000 fr. le 15 janvier 2020, 20'000 fr. le 25 janvier 2021 et 17'000 fr. le 31 mars 2021; qu'interrogé par le Tribunal le 1er septembre 2021, A______ a déclaré qu'il avait vendu son véhicule [de la marque] E______ au prix de 210'000 EUR en juin 2021 et que son véhicule [de la marque] F______ avait une valeur estimée de 400'000 fr.;

Qu'en substance, le Tribunal a considéré qu'en dépit du manque de transparence et de collaboration de l'époux pour établir sa situation financière, il ressortait du dossier que celui-ci avait indiqué disposer d'un revenu annuel brut de l'ordre de 685'000 fr. en avril 2020, soit 57'080 fr. par mois, ce qui couvrait largement les dépenses du ménage avant la séparation; qu'ainsi, à teneur des pièces produites, la famille avait dépensé, en 2018, un montant mensuel moyen de 43'080 fr. (dont 5'600 fr. d'intérêts hypothécaires et 4'370 fr. d'écolage privé); qu'il était donc vraisemblable que le revenu effectif de l'époux correspondait au montant précité de 57'080 fr.; qu'à teneur de ses déclarations fiscales, la fortune de l'époux avait augmenté entre 2018 et 2019, de sorte que, contrairement à ses allégations, celui-ci n'avait pas eu à puiser dans sa fortune personnelle pour couvrir les besoins financiers de la famille;

Que le train de vie de B______ avant la séparation pouvait être arrêté à 22'205 fr. par mois, ce qui incluait les frais liés au domicile conjugal (5'600 fr.), ainsi que la moitié du montant des dépenses mensuelles moyennes du couple durant la vie commune (16'605 fr.); qu'au vu de ses ressources, l'époux était tout à fait apte à payer la contribution d'entretien requise en 20'000 fr. par mois, avec effet rétroactif à la date de la séparation (sous déduction de 182'360 fr. déjà versés), en sus de ses charges personnelles;

Que par acte expédié le 6 décembre 2021 à la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement; qu'il a notamment conclu, avec suite de frais, à l'annulation des chiffres 2 et 4 de son dispositif et à ce qu'il soit dit qu'il ne devait aucune contribution d'entretien à son épouse;

Qu'il a conclu, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif à son appel;

Qu'il a fait valoir que le Tribunal avait mal apprécié la situation financière des parties, notamment la quotité de ses revenus et le train de vie de la famille pendant la vie commune, que la contribution d'entretien fixée en faveur de son épouse était totalement excessive et qu'à défaut de se voir octroyer l'effet suspensif, il s'exposait à faire l'objet de poursuites, mais également d'une procédure pénale pour violation de son obligation d'entretien (son épouse ayant déjà porté plainte contre lui de ce chef, ce qui avait entraîné son interpellation par la Police en septembre 2021); qu'il risquait dès lors de subir un préjudice difficilement réparable, alors que son épouse, qui n'avait pas suffisamment établi ses charges, vivait "manifestement sans aucun problème de sa fortune personnelle";

Que B______ a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif;

Qu'elle a exposé être sans ressources depuis le 31 janvier 2020, date à laquelle son époux avait cessé tout versement en sa faveur; que de son côté, A______ n'avait produit aucune pièce relative à son budget, à ses revenus et à ses dépenses, se bornant à alléguer contre toute évidence qu'il était démuni et dépendait financièrement de sa compagne; que dans la mesure toutefois où l'époux avait – notamment – consenti un prêt de 1'000'000 fr. à un ami en mai 2019 (pièce 48 intimée), acquis un immeuble à Londres en octobre 2019 (pièce 148 intimée) et gratifié sa compagne d'un montant de 1'100'000 fr. en janvier 2020 (fait admis en audience), force était d'admettre que le versement de l'arriéré et de la pension courante fixée par le Tribunal n'était pas de nature à le gêner financièrement;

Considérant, EN DROIT, que la Cour est saisie d'un appel au sens de l'art. 308 CPC; que le jugement querellé portant sur des mesures provisionnelles, l'appel n'a pas d'effet suspensif ex lege (art. 315 al. 4 let. b CPC);

Qu'à teneur de l'art. 315 al. 5 CPC, l'exécution de mesures provisionnelles peut exceptionnellement être suspendue si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable, notion permettant de tenir compte également d'un préjudice de fait et s'examinant à l'aune de l'efficacité du jugement à rendre à l'issue de la procédure ordinaire, qui en serait compromise (ATF 138 III 378 consid. 6.3; arrêt du Tribunal fédéral 4P_5/2002 du 8 avril 2002 consid. 3a);

Que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, concernant le paiement d'une somme d'argent, il appartient en particulier à la partie recourante de démontrer qu'à défaut d'effet suspensif, elle serait exposée à d'importantes difficultés financières ou qu'elle ne pourrait pas obtenir le remboursement du montant payé au cas où elle obtiendrait gain de cause au fond (arrêt du Tribunal fédéral 5A_708/2013 du 14 mai 2014 consid. 1.1); qu'en matière de contributions d'entretien, le Tribunal fédéral n'accorde en règle générale pas l'effet suspensif pour les contributions courantes (arrêt du Tribunal fédéral 5A_954/2012 du 30 janvier 2013 consid. 4);

Que l'autorité cantonale doit faire preuve de retenue et ne modifier la décision de première instance que dans des cas exceptionnels; qu'elle dispose cependant d'un large pouvoir d'appréciation permettant de tenir compte des circonstances concrètes du cas d'espèce (ATF 137 III 475 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_941/2018 du 23 janvier 2019, consid. 5.3.2);

Qu'en l'espèce, l'appelant a certes contesté le raisonnement du Tribunal s'agissant de la quotité de ses revenus et du train de vie mené par la famille durant la vie commune; que sur ces points toutefois, son appel n'apparaît pas, d'entrée de cause, comme étant manifestement fondé;

Qu'il apparaît vraisemblable, au stade de l'examen prima facie du dossier, que l'appelant dispose d'une fortune personnelle (mobilière et immobilière) non négligeable;

Que l'époux a – notamment – déclaré fiscalement une fortune globale supérieure à 6'000'000 fr. (dont env. 3'000'000 fr. de fortune mobilière) en 2018 et 2019, octroyé un prêt de 1'000'000 fr. à un ami en mai 2019, versé à sa compagne un montant total de 1'137'000 fr. entre 2020 et 2021, confirmé avoir vendu un de ses véhicules au prix de 210'000 EUR en juin 2021 et disposer d'une F______ d'une valeur de 400'000 fr. – le tout en dépit des importantes difficultés financières qu'il dit éprouver depuis l'année 2015;

Que de son côté, l'intimée n'a pas travaillé pendant la vie commune, qui a duré 26 ans, et ne perçoit aucun revenu propre qui lui permettrait de couvrir ses charges courantes, ce qui inclut les frais relatifs au domicile conjugal; qu'elle fait d'ailleurs l'objet de poursuites pour des charges de copropriété impayées en 2019 et 2020;

Qu'en conséquence, l'appelant ne rend pas d'emblée vraisemblable que le versement à l'intimée de la somme de 20'000 fr. par mois porterait atteinte à son minimum vital et lui causerait de ce fait un préjudice irréparable;

Qu'il en va de même s'agissant du versement du rétroactif (soit 397'640 fr. pour la période d'août 2019 à décembre 2021 : 20'000 fr. x 29 mois - 182'360 fr.), étant précisé que l'appelant ne soutient pas – et a fortiori ne rend pas vraisemblable – qu'il lui serait impossible de récupérer les montants éventuellement payés à tort pendant la procédure d'appel s'il obtenait gain de cause sur le fond;

Qu'à cela s'ajoute que la présente cause est soumise à la procédure sommaire, de sorte qu'elle devrait être jugée dans des délais raisonnables;

Qu'enfin, l'appelant admet qu'il fait déjà l'objet d'une procédure pénale pour violation de son obligation d'entretien, de sorte que l'octroi de l'effet suspensif ne saurait le prémunir d'une telle éventualité;

Que la requête tendant à suspendre le caractère exécutoire du chiffre 4 du dispositif du jugement attaqué sera donc rejetée; qu'elle le sera également en tant qu'elle vise le chiffre 2 du dispositif, l'appelant n'ayant fourni aucune motivation à cet égard;

Qu'il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision avec la décision au fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire du jugement
entrepris :

Rejette la requête formée par A______ tendant à suspendre le caractère exécutoire des chiffres 2 et 4 du dispositif du jugement JTPI/14742/2021 rendu le 22 novembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/28815/2019.

Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente ad interim; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF - RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités (art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.