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Décisions | Chambre civile

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C/758/2017

ACJC/1621/2018 du 20.11.2018 sur OTPI/411/2018 ( OO ) , CONFIRME

Descripteurs : SÛRETÉS
Normes : CPC.99.al1; CPC.100; RTFMC.84; RTFMC.85; LaCC.23.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/758/2017 ACJC/1621/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 20 NOVEMBRE 2018

 

Entre

A______ SA, ayant son siège ______ [GE], recourante d'une ordonnance rendue par la 16ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 juin 2018, comparant par Me B______ et Me C______, avocats, ______, en l'étude desquels elle fait élection de domicile,

et

D______ SA, ayant son siège ______, Panama, intimée, comparant par Me Olivier Cramer, avocat, rampe de la Treille 5, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           a. Par demande formée le 7 juillet 2017 devant le Tribunal de première instance, D______ SA, société incorporée au Panama, a assigné A______ SA, société suisse ayant son siège à Genève, en paiement de 200'000 USD avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2011, sous suite de frais et dépens.

En substance, D______ SA a allégué être active dans le domaine du commerce de produits pétroliers. En 2010, les deux sociétés étaient entrées en contact
afin de mettre en place une collaboration concernant des activités de trading de pétrole brut et produits raffinés. Dans le cadre de leurs relations contractuelles,
D______ SA avait notamment été mandatée par A______ SA pour procéder aux démarches visant à faire enregistrer cette dernière auprès du Ministère du pétrole et des mines du Soudan du Sud. Pour l'activité déployée à ce titre, D______ SA devait percevoir une rémunération forfaitaire de 300'000 USD, payable en trois tranches. Seules les deux premières tranches de 50'000 USD lui avaient été versées, raison pour laquelle D______ SA assignait A______ SA en paiement du solde impayé de 200'000 USD.

b. Le 4 décembre 2017, dans le délai de réponse fixé par le Tribunal, A______ SA a soulevé une exception d'arbitrage, faisant valoir que la demande de D______ SA s'inscrivait dans le cadre de l'exécution de deux contrats – un contrat d'agence et un contrat de partage des profits – conclus par les parties le 25 août 2011. Ces deux contrats contenaient chacun une clause compromissoire prévoyant que tout litige en découlant ou s'y rapportant serait résolu par une procédure arbitrale.

A______ SA a sollicité du Tribunal qu'il limite la procédure à cette question et, cela fait, qu'un délai lui soit à nouveau imparti pour déposer sa réponse. Selon elle, l'exception d'arbitrage devait être tranchée à titre préjudiciel, dès lors qu'en cas d'admission, le Tribunal n'aurait pas à statuer sur le fond des prétentions de D______ SA. Or, ces prétentions nécessitaient un examen minutieux, tant au niveau des faits que du droit, le litige étant a priori soumis à un droit étranger.

c. D______ SA s'est opposée à cette requête, exposant que le contrat de mandat relatif à l'enregistrement de A______ SA auprès des autorités soudanaises avait été conclu indépendamment des deux autres contrats, de sorte que le litige n'était pas soumis à la compétence d'un tribunal arbitral.

d. Par ordonnance du 2 février 2018, le Tribunal a rejeté la requête de
A______ SA tendant à limiter la procédure et fixé à cette dernière un délai
pour répondre à la demande.

e. Le 26 février 2018, A______ SA a déclaré maintenir son exception d'arbitrage, ajoutant : "Dans la mesure où cette question ne sera finalement pas tranchée de façon préalable, [elle devait] maintenant faire face à des frais plus importants en lien avec la procédure au fond". En conséquence, elle entendait déposer une requête visant à ce que D______ SA soit condamnée à fournir des sûretés en garantie des dépens.

f. Par requête du 9 avril 2018, déposée dans le délai fixé à cet effet par le Tribunal, A______ SA a conclu à ce que celui-ci ordonne à D______ SA de fournir des sûretés en garantie des dépens d'un montant de 30'740 fr. au moins, sous réserve d'amplification en cours de procédure, cela sous peine d'irrecevabilité de la demande, avec suite de frais.

S'agissant de la quotité des sûretés requises, A______ SA a fait valoir qu'il se justifiait de majorer de 10% le défraiement de son représentant professionnel (art. 84 et 85 RTFMC), eu égard à la complexité de la cause (du fait notamment que la question de l'exception d'arbitrage était soumise au droit anglais) et au temps que celui-ci aurait à consacrer à la défense de ses intérêts. Compte tenu
de la valeur litigieuse, le défraiement ainsi majoré s'élevait à 17'002 fr. 54. Elle devait en outre faire appel aux services d'un avocat [britannique], spécialisé en droit des affaires, pour analyser l'exception d'arbitrage et les prétentions de D______ SA sous l'angle du droit anglais applicable au litige. Au vu du taux horaire moyen de 409 GBP (ou 552 fr. 77) pratiqué par les avocats (non spécialisés) [britanniques], il convenait d'ajouter au défraiement de son conseil un coût supplémentaire minimum de 8'180 GBP pour 20 heures d'activité, soit
11'055 fr. 35. En tenant compte des débours de 3% sur un défraiement global de 28'255 fr. 89 (17'002 fr. 54 + 11'055 fr. 35), le total des dépens provisionnels s'élevait donc à 29'103 fr. 57. S'y ajoutait encore la TVA, à calculer sur les seuls honoraires et débours suisses, soit un montant de 1'364 fr. 17. Par conséquent, les sûretés à verser s'élevaient au moins à 30'467 fr. 74, montant arrondi à 30'470 fr.

g. Dans sa réponse à la requête de sûretés du 4 juin 2018, D______ SA s'en est rapportée à justice sur le principe de la fourniture de sûretés en garantie des dépens, celles-ci devant "en tout état" être limitées à 15'600 fr. au maximum.

Contrairement à ce que prétendait sa partie adverse, la cause ne revêtait aucune complexité particulière et le droit anglais ne s'appliquait pas au litige. Il convenait donc de minorer de 10% le montant de base prévu à l'art. 84 RTFMC, étant relevé que les sûretés n'avaient pas été requises immédiatement, alors que le siège panaméen de D______ SA était déjà connu de A______ SA au jour du dépôt de la demande. Les 20 heures d'activité alléguées pour un avocat [britannique] ne se justifiaient pas, le litige ne soulevant "aucune question sortant du champ de compétence d'un avocat genevois […] d'ores et déjà rompu au droit commercial et à l'arbitrage". Sur la base d'un défraiement minoré de 10% (soit 14'073 fr. 18), débours à 3% et TVA en sus, les sûretés exigibles s'élevaient tout au plus à 15'611 fr. 50, montant arrondi à 15'600 fr.

B.            Par ordonnance OTPI/411/2018 du 22 juin 2018, le Tribunal a condamné D______ SA à fournir, soit en espèces, soit sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse, des sûretés en garantie des dépens d'un montant de 22'000 fr. (ch. 1 du dispositif), imparti un délai au 27 juillet 2018 à D______ SA pour déposer lesdites sûretés, soit en espèces auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire, soit sous forme de garantie auprès de la chambre du Tribunal (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 1'000 fr., mis à la charge de D______ SA et compensés avec l'avance de frais fournie (ch. 3) et condamné D______ SA à payer à A______ SA 1'000 fr. à titre de dépens (ch. 4).

Le Tribunal a retenu qu'en application des art. 17, 84 et 85 RTFMC et au vu notamment des principes de proportionnalité et d'équivalence, il se justifiait de condamner D______ SA à fournir des sûretés à hauteur de 22'000 fr.

C.           a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 5 juillet 2018, A______ SA recourt contre l'ordonnance du 22 juin 2018, reçue le 25 juin 2018, dont elle requiert annulation en ce qu'elle fixe le montant des sûretés à 22'000 fr. Cela fait, elle conclut, principalement, au renvoi de la cause au Tribunal "avec instruction de motiver sa décision et son calcul du montant des sûretés" et, subsidiairement, à ce que D______ SA soit condamnée à fournir des sûretés – dans les formes prévues à l'art. 100 al. 1 CPC – à hauteur de 30'740 fr., sous réserve d'amplification en cours de procédure, un délai de 30 jours devant lui être imparti à cet effet, avec suite de frais et dépens.

Elle produit une pièce nouvelle.

b. Par arrêt du 24 juillet 2018, la Cour a fait droit à la requête de A______ SA tendant à suspendre le caractère exécutoire de l'ordonnance attaquée, la question des frais étant renvoyée à la décision au fond.

c. Dans sa réponse du 21 août 2018, D______ SA a conclu au rejet du recours sous suite de frais et dépens.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Par avis du 11 octobre 2018, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.


 

EN DROIT

1.             1.1 Selon l'art. 103 CPC, les décisions relatives aux avances de frais et aux sûretés peuvent faire l'objet d'un recours.

La décision entreprise est une ordonnance d'instruction, soumise au délai de recours de dix jours de l'art. 321 al. 2 CPC (art. 319 let. b ch. 1 CPC; Tappy in CPC Code de procédure civile commenté, Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/ Tappy [éd.], 2011 CPC, n. 4 et 11 ad art. 103 CPC; Suter/Von Holzen, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Sutter-Somm/ Hasenböhler/Leuenberger [éd.], éd. 2016,
n. 14 ad art. 99 CPC et n. 8 ad art. 103 CPC).

En l'espèce, le recours a été formé dans les délai et forme prescrits par la loi (art. 321 al. 1 et 142 al. 3 CPC), de sorte qu'il est recevable.

1.2 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., Berne 2010, n. 2307). Si la violation du droit invoquée concerne une décision relevant du pouvoir d'appréciation du juge, l'autorité de recours doit faire preuve d'une certaine retenue (arrêt du Tribunal fédéral 5A_265/2012 du 30 mai 2012 consid. 4.3.2).

La nature du procès en constitution de sûretés, qui exige une décision rapide, commande de lui appliquer la procédure sommaire, au moins par analogie, même si elle ne figure pas parmi les cas d'application de cette procédure désignés par la loi (OGer/BE du 25 août 2014 (ZK 14 262) consid. 1.1 et 1.2; TAPPY, op. cit.,
n. 13 ad art. 101 LP).

2. Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). Pour examiner si la loi a été violée, la Cour doit se placer dans la situation où se trouvait le premier juge lorsque celui-ci a rendu la décision attaquée.

Ainsi, la pièce nouvelle produite par la recourante est irrecevable.

3. En premier lieu, la recourante fait grief au Tribunal d'avoir violé son droit d'être entendue, faute d'avoir suffisamment motivé sa décision, de sorte que l'on ne discerne pas les motifs l'ayant conduit à retenir le montant de 22'000 fr. et non celui réclamé de 30'470 fr.

3.1 Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) implique l'obligation, pour l'autorité, de motiver sa décision, afin que son destinataire puisse la comprendre et l'attaquer utilement s'il y a lieu. Le juge n'a, en revanche, pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties.
Il suffit qu'il mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause
(ATF 129 I 232 consid. 3.2, JdT 2004 I 588; arrêt du Tribunal fédéral 5A_598/2012 du 4 décembre 2012 consid. 3.1).

Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 5A_111/2015 du 20 octobre 2015 consid. 3.1).

Si l'autorité de recours a une cognition complète, il est en principe admissible, sous l'angle du droit constitutionnel, de guérir les défauts de motivation du jugement de première instance (cf. ATF 135 I 279 consid. 2.6.1, JdT 2010 I 255; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2, SJ 2011 I 345; arrêt du Tribunal fédéral 5A_638/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.5.2).

3.2 En l'espèce, l'on comprend que le Tribunal a fixé les sûretés en majorant de 10% le défraiement prévu à l'art. 84 RTFMC, en y ajoutant les débours à 3% et la TVA, ainsi qu'un montant additionnel pour tenir compte des spécificités de la cause (cf. infra consid. 4.2.2). Cette motivation, certes succincte, est suffisante, en particulier en procédure sommaire, et a d'ailleurs permis à la recourante de contester utilement l'ordonnance de sûretés. En tout état, la Cour dispose d'un pouvoir de cognition complet sur les questions litigieuses, qui relèvent du droit, de sorte qu'un éventuel défaut de motivation pourrait être guéri dans le cadre du présent arrêt.

Le premier grief de la recourante est ainsi infondé.

4. La recourante reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte des particularités du cas concret en fixant la quotité des sûretés en garantie des dépens – en particulier la nécessité de recourir aux services d'un avocat anglais rompu aux litiges commerciaux de nature internationale –, ce qui consacre selon elle une violation des principes généraux du règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC), mais également de l'art. 23 al. 1 LaCC.

4.1 L'art. 99 al. 1 CPC prévoit que le demandeur doit, sur requête du défendeur, fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens, notamment lorsqu'il n'a pas de domicile ou de siège en Suisse (let. a).

L'institution des sûretés, connue antérieurement sous la dénomination de "cautio judicatum solvi", a pour but de donner au défendeur une assurance raisonnable que, s'il gagne son procès, il pourra effectivement recouvrer les dépens qui lui seront alloués à la charge de son adversaire : le procès implique en effet des dépenses, que le défendeur n'a pas choisi d'exposer et dont il est juste qu'il puisse se faire indemniser si la demande dirigée contre lui était infondée (TAPPY, op. cit., n. 3 ad art. 99 CPC).

En l'espèce, seul le montant des sûretés est litigieux, le principe de celles-ci n'étant, à juste titre, pas remis en cause par l'intimée.

4.2
4.2.1
Les sûretés doivent en principe couvrir les dépens présumés que le demandeur aurait à verser au défendeur s'il succombe. Il s'agit de tous les dépens envisagés à l'art. 95 al. 3 CPC (TAPPY, op. cit., n. 7 ad art. 100 CPC). Ces dépens devront être estimés sur la base du tarif cantonal (art. 96 CPC) et de l'expérience du juge, qui dispose d'un grand pouvoir d'appréciation (URWYLER/GRÜTTER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2016, n. 1 ad art. 100 CPC). A défaut de précision dans le texte légal, les sûretés ne peuvent porter que sur les dépens de l'instance saisie (TAPPY, op. cit., n. 7 ad art. 100 CPC).

Selon le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du canton de Genève (RTFMC), le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 84 RTFMC). A teneur de l'art. 85 RTFMC, une valeur litigieuse au-delà de 160'000 fr. et jusqu'à 300'000 fr. donne lieu à des dépens de 14'500 fr. plus 3,5% de la valeur litigieuse dépassant 160'000 fr., auxquels sont ajoutés les débours (3%) et la TVA (7.7% depuis le 1er janvier 2018) ainsi que le prévoient les art. 25 et 26 LaCC. Le montant fixé à l'art. 85 RFTMC peut être augmenté ou réduit de 10% en fonction des critères de l'art. 84 RTFMC. L'art 23 al. 1 LaCC prévoit que lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la présente loi et le travail effectif de l'avocat, le juge peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus. La valeur du litige est déterminée par les conclusions, les intérêts et les frais de la procédure n'étant pas pris en compte (art. 91 al. 1 CPC).

Le CPC ne spécifie pas à quel moment la partie défenderesse doit déposer sa requête de sûretés. Comme les sûretés ne peuvent en principe être accordées que pour les opérations futures, et que la partie défenderesse veut obtenir des sûretés pour l'ensemble de ses frais, une telle requête est possible très tôt dans la procédure. Idéalement, elle devrait intervenir après fixation du délai pour répondre selon l'art. 222 al. 1 CPC. Si la cause de sûretés ne se présente qu'en cours de procédure, les sûretés ne pourront être requises que pour les opérations non encore effectuées. BAKER/McKENZIE, Schweizerische Zivilprozessordnung (ZPO), Bern 2010, n. 6 ad art. 99).

4.2.2 En l'espèce, les parties conviennent que la valeur litigieuse s'élève à 192'481 fr. 60, contrevaleur de 200'000 USD au jour du dépôt de la demande. Selon l'art. 85 RTFMC, le défraiement du représentant professionnel de la recourante, en cas de rejet de la demande, s'élève donc à 15'636 fr. 86 (14'500 fr. + 3.5% de 32'481 fr. 60). En tenant compte d'une majoration de 10% vu la complexité de la cause et le caractère international du litige, le défraiement s'élève à 17'200 fr. 54. Avec les débours à 3% et la TVA (à calculer sur le montant du défraiement sans les débours), les sûretés s'élèvent à 19'041 fr. (17'200 fr. 54 + 516 fr. + 1'324 fr. 45), ce dernier montant ayant encore été augmenté par le Tribunal pour parvenir à la quotité retenue de 22'000 fr.

Compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont il bénéficie en la matière, le premier juge a correctement pris en compte l'ensemble des critères pertinents pour fixer les dépens présumés. Il a en particulier majoré de 10% le défraiement calculé selon l'art. 85 RTFMC, au vu des griefs soulevés par la recourante, impliquant, le cas échéant, d'analyser l'exception d'arbitrage ainsi que les prétentions de l'intimée sur le fond à l'aune du droit anglais. A cet égard, l'intimée relève avec raison que la recourante n'a pas requis de sûretés en soulevant l'exception d'arbitrage dans ses écritures du 4 décembre 2017. Cela tend à démontrer que cette problématique ne revêt pas, en soi, une difficulté particulière justifiant de recourir aux services d'un conseil [britannique] spécialisé dans le droit des affaires. Par ailleurs, l'état de fait tel qu'il ressort de la demande et des explications fournies par les parties ne paraît pas soulever de questions particulières que les conseils genevois de la recourante, rompus à l'arbitrage international et au droit commercial, ne pourraient résoudre eux-mêmes dans une très large mesure. Le montant additionnel retenu par le Tribunal pour couvrir l'intervention éventuelle d'un avocat anglais s'avère dès lors proportionné et adéquat vu les circonstances du cas concret.

Il suit de là que le montant des sûretés a été fixé par le premier juge conformément à la loi et dans les limites de son pouvoir d'appréciation.

4.3 Le recours sera donc rejeté.

Au vu de l'écoulement du temps, il sera imparti à l'intimée un délai de 30 jours, dès la notification du présent arrêt, pour déposer – dans les formes prévues à l'art. 100 al. 1 CPC – les sûretés de 22'000 fr. auxquelles elle a été condamnée par l'ordonnance entreprise. A défaut de paiement dans le délai imparti, le tribunal n'entrera pas en matière sur la demande (art. 59 al. 2 let. f et 101 al. 1 et 3 CPC).

5. Les frais judiciaires de recours, comprenant les frais relatifs à la décision rendue sur effet suspensif, seront arrêtés à 800 fr. (art. 41 RTFMC) et partiellement compensés avec l'avance de frais en 600 fr. versée par le recourante, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Celle-ci a obtenu gain de cause sur la question de l'effet suspensif, mais a été déboutée sur le fond. Les frais judiciaires seront par conséquent mis à concurrence de 600 fr. à la charge de la recourante et de 200 fr. à la charge de l'intimée.

La recourante sera par ailleurs condamnée à payer à l'intimée la somme de 600 fr., débours inclus, à titre de dépens de recours, ce montant tenant compte du fait que la recourante a obtenu gain de cause sur l'effet suspensif (art. 84 ss RTFMC, notamment 85, 88 et 90 RTFMC).

* * * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 5 juillet 2018 par A______ SA contre l'ordonnance OTPI/411/2018 rendue le 22 juin 2018 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/758/2017-16.

Au fond :

Le rejette.

Impartit à D______ SA un délai de 30 jours, dès la notification de la présente décision, pour déposer auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire les sûretés d'un montant de 22'000 fr. auxquelles elle a été condamnée par l'ordonnance attaquée.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 800 fr., les met à hauteur de 600 fr. à la charge de A______ SA et de 200 fr. à la charge de D______ SA et les compense avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne D______ SA à verser la somme de 200 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Condamne A______ SA à verser à D______ SA la somme de 600 fr. à titre de dépens de recours.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Sandra MILLET, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Sandra MILLET

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.