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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/12771/2013

ACJC/161/2015 du 16.02.2015 sur JTBL/1127/2014 ( SBL ) , CONFIRME

Descripteurs : ÉVACUATION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LaCC.30.4; CPC.338; CPC.335
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12771/2013 ACJC/161/2015

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 16 FéVRIER 2015

 

Entre

A______, sise ______, recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 6 octobre 2014, représentée par la REGIE ZIMMERMANN SA, rue de Richemont 19, 1202 Genève, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

et

B______, domiciliée ______, intimée, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile aux fins des présentes.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement du 6 octobre 2014, reçu par les parties le 16 octobre 2014, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a décidé de surseoir à l'exécution par la force publique du jugement du Tribunal du 28 mai 2014 jusqu'au
31 juillet 2015 (chiffre 1 du jugement), autorisé A______ (ci-après également : la recourante ou la bailleresse) à faire exécuter par la force publique ce jugement à partir du 1er août 2015 (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

Le Tribunal a retenu que le sursis à l'exécution du jugement d'évacuation se justifiait au regard du fait que celui-ci n'avait été rendu qu'un peu plus de quatre mois auparavant, que B______ (ci-après également : la locataire ou l'intimée), qui occupait l'appartement avec ses deux filles âgées de 11 et 20 ans, n'avait pas trouvé de solution de relogement et que, compte tenu de sa situation sociale très modeste - son revenu étant de l'ordre de 3'000 fr. par mois -, elle rencontrerait des difficultés particulièrement importantes pour se reloger. La bailleresse ne pouvait quant à elle se prévaloir d'aucune urgence à faire exécuter le jugement d'évacuation, dans la mesure où la résiliation était motivée par le comportement inadéquat du fils de la locataire et que celui-ci était désormais placé en foyer; depuis ce placement la bailleresse n'avait plus reçu de plainte au sujet de la famille B______.

b. Par acte expédié à la Cour de justice le 22 octobre 2014, la bailleresse forme un recours contre ce jugement, sollicitant l'annulation des chiffres 1 et 2 de celui-ci. Elle conclut à ce que la Cour constate que la locataire doit évacuer immédiatement de sa personne, de ses biens, ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec elle, l'appartement de 4 pièces au 5ème étage de l'immeuble situé ______ à Genève et déboute la locataire de toutes autres conclusions.

c. Par écriture de réponse du 3 novembre 2014, la locataire a conclu à la confirmation du jugement et au déboutement de la bailleresse de toutes ses conclusions. Elle fait valoir que le loyer est régulièrement payé, qu'elle a entrepris de nombreuses démarches pour se reloger et que le comportement de la famille n'a fait l'objet d'aucune plainte depuis le départ de son fils.

d. Les parties ont été informées par avis du 24 novembre 2014 de ce que la cause était gardée à juger, la bailleresse n'ayant pas fait usage de son droit de réplique.

B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure.

a. Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 4 pièces au 5ème étage de l'immeuble situé ______ à Genève. Le loyer a été fixé à 1'450 fr. par mois charges comprises.

b. Le 19 novembre 2012, la bailleresse a résilié le bail pour le 31 décembre 2012. Le congé était motivé par des nuisances sonores provoquées par le fils de la locataire.

c. Par demande expédiée en conciliation le 7 juin 2013, la bailleresse a requis l'évacuation de la locataire et le prononcé de mesures d'exécution du jugement.

d. Par jugement du 28 mai 2014, le Tribunal a condamné la locataire à évacuer immédiatement l'appartement litigieux et a transmis la cause, à l'expiration du délai d'appel, à la 7ème chambre du Tribunal, siégeant dans la composition prévue à l'art. 30 LaCC pour statuer sur les mesures d'exécution sollicitées.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris a sursis à l'exécution du jugement du 28 mai 2014 jusqu'au 31 juillet 2015 et autorisé la bailleresse à faire exécuter ce jugement le 1er août 2015.

Seule la voie du recours est ouverte contre l'exécution d'un jugement d'évacuation (art. 309 let. a CPC et 319 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être déposé dans un délai de dix jours à compter de sa notification (art. 321 al. 1 et 2 CPC), le Tribunal ayant rendu sa décision en procédure sommaire (art. 339 al. 2 CPC).

En l'espèce, le recours a été formé dans le délai et la forme prévus par la loi de sorte qu'il est recevable.

1.2 L'instance de recours peut connaître de la violation du droit et de la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

2. La recourante fait valoir que le sursis à l'exécution de l'évacuation au 31 juillet 2015 accordé par le Tribunal est excessivement long.

2.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est régie par le droit fédéral (cf. art. 335 ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b p. 339; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1).

L'article 30 al. 4 de la Loi genevoise d'application du Code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile (RS GE E 1 05 - LaCC) prévoit également que le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire.

La Cour de céans a par exemple retenu que l'octroi d'un sursis de neuf mois était proportionné et n'équivalait pas à la durée d'une prolongation de bail, dans une situation où le locataire se trouvait à l'assistance publique et où le bailleur n'avait aucune urgence particulière à reprendre possession du logement (ACJC/2013/2012 du 20 février 2012).

Dans une autre décision, un sursis de neuf mois a été octroyé à un locataire vivant avec sa mère âgée de 84 ans et atteinte dans sa santé, l'intéressé étant au bénéfice de prestations sociales, mais néanmoins en mesure de s'acquitter d'un loyer mensuel de 3'500 fr. Dans ce dossier, le locataire avait bénéficié d'une prolongation de bail de quatre ans, sans suffisamment mettre à profit ce laps de temps pour effectuer des recherches sérieuses de relogement, et le bailleur avait besoin de reprendre possession du logement pour y loger sa fille malade (ACJC/706/2014 du 16 juin 2014 de la Cour).

2.2 En l'espèce, la Cour constate que c'est à bon droit, compte tenu des circonstances du cas d'espèce, que le Tribunal a octroyé à l'intimée un sursis d'une durée se situant dans la fourchette maximum des délais admissibles.

En effet, la recherche d'un nouveau logement par l'intimée est sérieusement entravée par le fait que son revenu mensuel n'est que de 3'000 fr. et qu'elle a besoin d'un espace suffisant pour y loger également ses deux filles de 11 et 20 ans. Contrairement à ce qu'allègue la recourante, aucun élément du dossier ne permet de retenir que l'intimée a tardé à effectuer des démarches en vue de trouver un nouveau logement. Le fait que l'intimée n'ait, selon la recourante, pas su "gérer l'ensemble de sa famille" est quant à lui irrelevant dans le cadre de la pesée des intérêts à opérer en application de l'art. 30 LaCC.

En ce qui concerne l'intérêt de la bailleresse, c'est à bon droit que le Tribunal a relevé que la recourante ne fait valoir aucune urgence à l'appui de sa requête en exécution. En effet, la recourante n'a pas contesté que, depuis le placement en foyer du fils de l'intimée, les nuisances sonores ont cessé. La simple possibilité que celui-ci revienne peut-être habiter avec sa mère avant fin juillet 2015 ne saurait conférer un caractère d'urgence au besoin de la bailleresse de récupérer son bien, ce d'autant plus que rien ne permet de penser que le séjour en foyer du jeune homme ne permettra pas d'améliorer son comportement. Enfin, il sera encore souligné que le loyer est régulièrement versé.

Au regard de ce qui précède, la durée du sursis accordé à l'intimée pour évacuer son logement est conforme au principe de la proportionnalité.

Partant, le recours sera rejeté.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 22 octobre 2014 par A______ contre le jugement JTBL/1127/2014 rendu le 6 octobre 2014 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/12771/2013-7-OSD.

Au fond :

Rejette ce recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Monsieur Laurent RIEBEN et Madame Fabienne GEISINGER-MARIÉTHOZ, juges; Monsieur Pierre DAUDIN et Monsieur Alain MAUNOIR, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 






Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.