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Décisions | Chambre civile

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C/9718/2007

ACJC/1565/2007 (3) du 14.12.2007 ( OO ) , ADMIS

Descripteurs : ; RAISON DE COMMERCE ; RISQUE DE CONFUSION ; PROTECTION DES MARQUES ; CONCURRENCE DÉLOYALE
Normes : CO.956 LPM.14 LCD.3
Résumé : Risque de confusion entre raisons sociales comportant le même acronyme.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9718/2007 ACJC/1565/2007

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile
statuant en instance unique

Audience du vendredi 14 DECEMBRE 2007

 

Entre

SFG SOCIETE FIDUCIAIRE ET DE GERANCE SA, sise 10, boulevard du Théâtre, case postale 5225, 1211 Genève 11, demanderesse suivant action en radiation d'une raison sociale déposée à la Cour de justice 3 mai 2007, comparant par Me Philippe Cottier, avocat, en l’étude duquel elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

et

SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA, sise 8, rue Jean-Gabriel Eynard, 1205 Genève, citée, comparant par Me Wana Catto, avocate, en l’étude de laquelle elle fait élection de domicile,

 


EN FAIT

A. SFG SOCIETE FIDUCIAIRE ET DE GERANCE SA est une société anonyme avec siège à Genève, inscrite au Registre du commerce sous cette raison sociale depuis le 12 août 1997. Auparavant, sa raison sociale était SOCIETE FIDUCIAIRE ET DE GERANCE SA, GENEVE. Selon l'inscription au Registre du commerce, son but est le suivant : "toutes opérations et fonctions entrant dans le cadre d'une société fiduciaire".

Par dépôt effectué le 19 octobre 2006, SFG SOCIETE FIDUCIAIRE ET DE GERANCE SA a procédé à l'enregistrement de la marque "SFG" à l'Institut fédéral de la Propriété Intellectuelle pour les classes 35 et 36.

Le sigle "SFG" figure sur le papier-à-lettre de SFG SOCIETE FIDUCIAIRE ET DE GERANCE SA.

B. SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA est une société anonyme avec siège à Genève, inscrite au Registre du commerce depuis le 26 septembre 2006. Selon l'inscription au Registre du commerce, son but est le suivant : "services, conseils et assistance en matière commerciale à toutes sociétés".

Ladite inscription a été publiée dans la FOSC le 2 octobre 2006.

Par courrier du 20 juillet 2006, l'Office fédéral du registre du commerce avait indiqué à la société en formation qu'aucune raison sociale identique à SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE n'était inscrite.

Le papier-à-lettre de SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA comporte sa raison sociale dans son intégralité.

C. Il existe actuellement en Suisse dix entités inscrites au Registre du commerce dont la raison sociale comporte le sigle "SFG", soit, hormis les parties et les caisses de prévoyance en faveur du personnel de la demanderesse, S.F.G. GmbH sise à Neerach, SFG ARCHITEKTUR AG sise à Widnau, SFG CROUS CHEMICALS GmbH sise à Appenzell, SFG FINANCIERUNGS-AG sise à Bâle, SFG SWISS FINANCIAL GROUP AG sise à Zurich et SFG, FIDUCIAIRE S. HOBEIKA située à Morges.

D. Par courrier du 13 octobre 2006, SFG SOCIETE FIDUCIAIRE ET DE GERANCE SA a demandé à SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA de modifier sa raison sociale. Elle a fait valoir que, connue sur le marché à Genève et en Suisse depuis de nombreuses années sous le sigle SFG, il existait un risque de confusion entre les deux raisons sociales, ce d'autant plus que les buts des sociétés se recoupaient.

En réponse, SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA a refusé de modifier sa raison sociale, indiquant notamment qu'elle n'exerçait pas d'activité concurrente à celle de SFG SOCIETE FIDUCIAIRE ET DE GERANCE SA. SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA a finalement accepté de supprimer de sa raison sociale et son site internet le sigle SFG, mais n'a pas renoncé totalement à son utilisation, ainsi que l'a encore exigé par la suite SFG SOCIETE FIDUCIAIRE ET DE GERANCE SA.

E. Par acte déposé le 3 mai 2007, SFG SOCIETE FIDUCIAIRE ET DE GENEVE SA ET DE GERANCE SA a assigné SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA devant la Cour. Elle a conclu au prononcé d'une interdiction à SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, de faire usage de la dénomination "SFG" dans sa raison sociale, dans sa publicité, dans ses papiers d'affaires, sur son site internet ou sous quelque autre forme que ce soit, et à la condamnation de SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, à faire radier du Registre du commerce sa raison sociale dans les 30 jours à compter du prononcé de l'arrêt. Se prévalant des règles sur la protection des raisons de commerce, de la loi sur la concurrence déloyale (LCD) et de la loi sur la protection des marques (LPM), elle a soutenu qu'il existait un risque de confusion entre les deux sociétés du fait de la présence du sigle "SFG" dans la raison sociale de la défenderesse.

SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA a conclu au rejet de l'action. Elle a fait valoir qu'elle n'exerçait pas la même activité que SFG SOCIETE FIDUCIAIRE ET DE GERANCE SA et qu'elle n'avait, de surcroît, pas de clients en Suisse. En outre, il existait d'autres entités actives en Suisse dont la raison sociale comportait le sigle "SFG". Enfin, dès lors qu'elle utilisait ce sigle déjà avant le dépôt de la marque de la demanderesse, cette dernière ne pouvait s'en prévaloir.

Lors de l'audience de plaidoiries du 30 octobre 2007, les parties ont persisté dans leurs conclusions et ont renoncé à l'ouverture d'enquêtes.

EN DROIT

1. La Cour est compétente à raison du lieu et de la matière pour connaître de la demande (art. 3 al. 1 let. b LFors; art. 31 al. 1 let. b ch. 2 et 4 LOJ; art. 58 al. 3 LPM; art. 1er de la loi genevoise sur la concurrence déloyale, l'indication et la surveillance des prix et sur les jeux-concours publicitaires).

2. La demanderesse se prévaut de la violation des art. 956 CO, 3 let. d LCD et art. 13 LPM.

2.1. Les dispositions du CO relatives aux raisons de commerce et les prescrip-tions de la LCD sont applicables cumulativement si les parties sont dans un rapport de concurrence (ATF du 15 décembre 1992, consid. 4 in RSPI 1994 p. 53; 100 II 395 consid. 1; MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, Schweizerisches Gesell-schaftsrecht, 2007, § 7 n. 109). L'application cumulative des normes régissant la concurrence déloyale et de celles protégeant les marques est également admise, dès lors que ces législations poursuivent des objectifs différents (ATF 129 III 353 consid. 3.3 = JdT 2003 I p. 382; 127 III 33 consid. 3a = SJ 2001 I p. 179). Dans la mesure où le législateur n'a pas introduit de règles de prééminence lorsque des lois protégeant des signes de nature différente se chevauchent (ATF 125 III 91 consid. 3c) et que le législateur a attribué à la marque et la raison de commerce une fonction différente (ATF 4C.206/1999 consid. 3c, in sic ! 2000 p. 399), il y a lieu de considérer que les dispositions protégeant les raisons de commerce et celles défendant les marques également s'appliquent cumulativement.

2.2. Dès que la raison de commerce d'une société commerciale a été inscrite au Registre du commerce et publiée dans la Feuille officielle suisse du commerce, l'ayant droit en a l'usage exclusif (cf. art. 956 al. 1 CO). Celui qui subit un préjudice du fait de l'usage indu d'une raison de commerce peut demander au juge d'y mettre fin et, s'il y a faute, réclamer des dommages-intérêts (art. 956 al. 2 CO). Sont ainsi prohibés non seulement l'usage d'une raison de commerce identique à celle dont le titulaire a le droit exclusif, mais aussi l'utilisation d'une raison semblable, qui ne se différencie pas suffisamment de celle inscrite au point de créer un risque de confusion (ATF 131 III 572 consid. 3). La raison sociale est protégée pour toutes les branches de l'économie contre l'emploi à titre de raison sociale (ATF 4C.206/1999 consid. 2b, in sic ! 2000 p. 399; 127 III 160 consid. 2 = JdT 2001 I p. 345), mais lorsque les parties exercent leurs activités, sur la base de leurs dispositions statutaires, dans la même branche et dans un périmètre géographique restreint, les exigences requises pour la distinction des raisons sociales sont plus élevées (ATF 131 III 572 consid. 4.4; 4C.206/1999 consid. 2b, in sic ! 2000 p. 399; 127 III 160 consid. 2c = JdT 2001 I p. 345). Ainsi, lorsque les deux entreprises ont leur siège dans la même localité, sont concurrentes l'une de l'autre ou s'adressent aux mêmes cercles de personnes pour d'autres motifs, le risque de confusion augmente (ATF 118 II 322 consid. 1; MEIER/HAYOZ/-FORSTMOSER, op. cit., § 7 n. 134).

Par ailleurs, l'art. 13 al. 1 LPM accorde au titulaire le droit exclusif de faire usage de la marque pour distinguer les produits ou les services enregistrés et d'en disposer. En vertu de l'art. 13 al. 2 LPM, le titulaire peut interdire à des tiers l'usage des signes dont la protection est exclue en vertu de l'art. 3 al. 1 LPM, en particulier de l'utiliser pour offrir ou fournir des services (let. c), de les apposer sur des papiers d'affaires, de les utiliser à des fins publicitaires ou d'en faire usage de quelqu'autre manière dans les affaires (let. e), y compris comme raison sociale (ATF 120 II 144 consid. 2b). L'art. 3 al. 1 LPM exclut les signes les plus récents de la protection du droit des marques lorsqu'ils sont semblables à une marque plus ancienne au point de créer un risque de confusion (ATF 128 II 146 consid. 2a = JdT 2002 I p. 495). A l'exception des marques de haute renommée, la marque est protégée uniquement pour les classes de produits ou les prestations de services revendiquées (ATF 127 III 160 consid. 2 = JdT 2001 I p. 345). Le droit à la marque appartient à celui qui la dépose en premier (art. 6 LPM) et lui confère les droits visés à l'art. 13 LPM. Ce droit exclusif souffre d'une exception en faveur du tiers qui utilisait un signe identique ou similaire avant le dépôt et qui pourra en poursuivre l'usage dans la même mesure que jusque là (art. 14 al. 1 LPM; ATF 125 III 91 consid. 3b). La personne qui subit une violation de son droit à la marque peut demander au juge de la faire cesser, si elle dure encore (art. 55 al. 1 let. b LPM).

Enfin, agit de façon déloyale celui qui prend des mesures de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d'autrui (art. 3 let. d LCD). Celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général peut demander au juge de la faire cesser et réclamer des dommages-intérêts conformément au CO (art. 9 al.1 let. b et al. 3 LCD). Sous l'angle de la LCD, la priorité s'établit par l'utilisation (MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, op. cit., § 7 n. 111).

2.3. La notion de risque de confusion est identique dans l'ensemble du droit des biens immatériels et est tirée de celle admise en droit de la concurrence (ATF 131 III 572 consid. 3; 128 III 353 consid. 3; 127 III 160 consid. 2a = JdT 2001 I p. 345). Le risque de confusion signifie qu'un signe distinctif est mis en danger par des signes identiques ou semblables dans sa fonction d'individualisation de personnes ou d'objets déterminés. Ainsi, des personnes qui ne sont pas titulaires du droit exclusif à l'usage d'un signe peuvent provoquer, en utilisant des signes identiques ou semblables à celui-ci, des méprises en ce sens que les destinataires vont tenir les personnes ou les objets distingués par de tels signes pour ceux qui sont individualisés par le signe protégé en droit de la propriété intellectuelle (confusion dite directe). La confusion peut également résider dans le fait que, dans le même cas de figure, les destinataires parviennent certes à distinguer les signes, par exemple des raisons sociales, mais sont fondés à croire qu'il y a des liens juridiques ou économiques entre l'utilisateur de la raison et le titulaire de la raison valablement enregistrée (confusion indirecte) (ATF 131 III 572 consid. 3; 127 III 160, consid. 2a = JdT 2001 I p. 345). Savoir si deux raisons de commerce se distinguent clairement se détermine sur la base de l'impression d'ensemble qu'elles donnent au grand public en Suisse et non sur un cercle de personnes disposant de connaissances spécifiques à un secteur particulier (ATF 131 III 572 consid. 3; 128 III 353 consid. 3; 127 III 160 consid. 2b/bb = JdT 2001 I p. 345). Les raisons ne doivent pas seulement se différencier par une comparaison attentive de leurs éléments, mais aussi par le souvenir qu'elles peuvent laisser. Il convient surtout de prendre en compte les éléments frappants que leur signification ou leur sonorité met particulièrement en évidence, si bien qu'ils ont une importance accrue pour l'appréciation du risque de confusion. Cela vaut en particulier pour les désigna-tions de pure fantaisie; à l'inverse, des éléments génériques appartenant au domaine public n'ont qu'une faible force distinctive. (ATF 131 III 572 consid. 3; 127 III 160 consid. 2b/bb = JdT 2001 I p. 345; 122 III 369 consid. 1 = JdT 1997 I 239). Aussi, celui qui emploie comme éléments de sa raison sociale des désignations génériques à celles d'une raison plus ancienne a-t-il le devoir de se distinguer avec une netteté suffisante de celle-ci en la complétant avec des éléments additionnels qui l'individualiseront. Les exigences posées quant à la force distinctive de ces éléments additionnels ne doivent pourtant pas être exagérées. Du moment que le public perçoit au premier abord les désignations génériques comme de simples indications sur le genre et l'activité de l'entreprise et qu'il ne leur attribue donc qu'une importance limitée en tant qu'élément distinctif, il accorde plus d'attention aux autres composants de la raison sociale. Il suffit déjà d'un ajout revêtu d'un caractère distinctif relativement faible pour créer une distinction conforme au droit à l'endroit d'une raison antérieure renfermant la même désignation générique (ATF 131 III 572 consid. 3; 122 III 369 consid. 1 = JdT 1997 I 239). Ainsi, le risque de confusion a été nié lorsqu'il y avait une nette distinction entre les acronymes placés en tête de raisons sociales comportant des termes génériques (ATF 122 III 369 consid. 1 = JdT 1997 I 239; SMP Management Programm St. Gallen AG c/ MZSG Management Zentrum St. Gallen). A l'inverse, le risque de confusion a été admis lorsque les acronymes étaient identiques (ATF 4C.199/2003 Euregio Immobilien-Treuhand AG c/ Euregio Bodensee Immobilien AG, consid. 2.4, in sic ! 2004 p. 327; ACJC/304/1999 FTI-Banque Fiduciary Trust c/ FTI Finance Trading & Investment Sàrl, consid. 5, in sic ! 1999 p. 573).

2.4. A titre liminaire, il y a lieu de relever qu'en l'espèce les parties ont toutes deux leur siège à Genève. A teneur des buts sociaux des parties, leurs activités se recoupent en partie. En effet, la demanderesse exploite une fiduciaire; or, les prestations que fournit la défenderesse, soit les services, les conseils et l'assistance en matière commerciale aux entreprises, sont celles que peut notamment offrir une société fiduciaire au public. Bien que l'activité des parties ne coïncide pas en totalité, elles s'adressent en partie à la même clientèle, de sorte qu'elles se trouvent en concurrence ou à tout le moins exercent des activités similaires. Ayant renoncé aux enquêtes, la défenderesse n'établit pas que son activité réelle consiste dans le développement d'une plateforme informatique destinée essentiellement à une clientèle étrangère qui ne serait ainsi pas concurrentielle à celle de la demanderesse.

Au vu de ce qui précède, les exigences requises pour la distinction de la raison sociale de la défenderesse de celle de la demanderesse seront appréciées de manière plus stricte

2.5. Il n'est pas contesté que la demanderesse bénéficie de l'antériorité de l'inscription au registre du commerce. Les raisons sociales des parties ont en commun le même sigle et la même désignation de la forme juridique. Hormis la conjonction "et" et la préposition "de", chacune des raisons sociales compte trois mots. La raison de commerce de la demanderesse comporte des éléments descriptifs; il en va de même de celle de la défenderesse qui contient également le terme "Genève". A l'instar des éléments descriptifs, les dénominations géographiques, telles les noms de ville, n'ont qu'une faible force distinctive, puisqu'elles ont généralement pour fonction de désigner le lieu de l'activité de l'entreprise considérée (ATF 4C.199/2003, consid. 2.3 in sic ! 2004 p. 327; 88 II 293 consid. 3; MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, op. cit., § 7 n. 133). Ainsi, compte tenu des éléments génériques précités, seul l'acronyme "SFG" placé en tête de chacune des raisons sociales revêt une réelle capacité distinctive. Il est vrai que les termes génériques ne sont pas identiques; toutefois, les expressions "fiduciaire", "gérance", d'une part, et "services financiers", d'autre part se réfèrent à des branches économiques similaires, de sorte que cette différence n'a pas de portée significative. Ainsi, s'agissant de deux entreprises ayant leur siège dans la même ville et développant pour partie des activités concurrentielles, le public accordera principalement son attention au sigle "SFG" dont il est facile de se souvenir. Pour les mêmes motifs et dans la mesure où c'est l'impression d'ensemble qui est déterminante, le fait que les sigles soient constitués d'initiales de mots différents n'est pas décisif. Il s'ensuit que l'identité des sigles figurant dans les raisons de commerce des parties est susceptible de donner l'impression au public que la défenderesse a des liens juridiques ou économiques avec la demanderesse. Il manque ainsi à la raison sociale de la défenderesse un élément la distinguant suffisamment de celle de la demanderesse, de sorte qu'il existe un danger de confusion entre les raisons sociales des parties. Par ailleurs, ce risque de confusion emporte également la violation de l'art. 3 let. d LCD.

Que d'autres entreprises dont la raison sociale comprend le sigle "SFG" soient inscrites au Registre du commerce en Suisse ne préjuge nullement de l'absence de risque de confusion entre les raisons sociales des parties. En effet, le préposé au registre du commerce ne s'assure que du respect des principes de formation des raisons sociales prévues à l'art. 944 al. 1 CO, notamment l'interdiction des indications fallacieuses, à l'exclusion des questions relatives aux droits préférables des tiers (ATF 123 III 220 consid. 4b = JdT 1997 I p. 242). Ainsi, les informations fournies par l'Office fédéral du registre du commerce n'offrent aucune garantie de l'absence d'atteinte aux droits prioritaires d'un tiers (MEIER-HAYOZ/-FORSTMOSER, op. cit., § 7 n. 145).

La défenderesse ne soulève pas l'exception de la nullité absolue de la raison sociale. Si tant est que la défenderesse se prévaut de l'existence d'autres raisons de commerce comprenant l'abréviation "SFG" afin de démontrer qu'elle fait partie du domaine public et ainsi de conclure que la raison sociale de la demanderesse n'est composée que d'éléments génériques (cf. ATF 114 II 284 consid. 2a), il y a lieu de préciser que l'on ne peut pas faire valoir l'exception de nullité absolue d'une raison sociale plus ancienne (ATF 128 III 224 consid. 2b = JdT 2002 I p. 526). Quoiqu'il en soit, l'utilisation de ce sigle dans d'autres raisons sociales inscrites ne signifie pas encore qu'il soit tombé dans le domaine public. En effet, "SFG" n'est pas un acronyme en usage dans le langage courant. En tout état de cause, force est de constater que les entités dont la raison sociale comporte ledit sigle sont pour la plupart sises en Suisse alémanique. En ce qui concerne l'entreprise située en Suisse romande, sa raison sociale comprend un nom patronymique. En outre, les raisons sociales de ces entreprises contiennent des termes descriptifs qui les distinguent, pour la plupart, de la demanderesse par leur domaine d'activité. Or, il sied de rappeler qu'en l'espèce le risque de confusion résulte, dans la raison sociale de la défenderesse, de la juxtaposition d'un sigle identique avec des éléments décrivant une activité similaire à celle de la demanderesse. Au vu de ce qui précède, l'existence d'autres raisons sociales contenant le sigle "SFG" n'est d'aucun secours à la défenderesse.

Dès lors qu'il n'appartient pas au juge de déterminer quelle raison de commerce le défendeur doit utiliser (KILLIAS, La mise en œuvre de la protection des signes distinctifs, 2002, n. 76), il n'est pas possible de condamner la défenderesse à ne radier que le sigle "SFG" de sa raison sociale. Ainsi, l'admission du risque de confusion conduit à la condamnation de la défenderesse à faire radier sa raison de commerce dans un délai de trente jours dès l'entrée en force du présent arrêt. Ladite condamnation sera assortie d'office de la commination de la peine prévue à l'art. 292 CP à l'adresse des organes de la défenderesse (TROLLER, Manuel de droit suisse des biens immatériels, tome II, 1996, p. 1012).

3. Reste à examiner les conclusions visant à faire interdire à la défenderesse l'usage de la dénomination "SFG" dans ses affaires.

3.1. Du point de vue du droit à la marque, la défenderesse se prévaut d'un usage antérieur au dépôt de la marque.

Le titulaire ne peut interdire à un tiers de poursuivre l'usage, dans la même mesure que jusque-là, d'un signe que ce tiers utilisait déjà avant le dépôt (art. 14 al. 1 LPM). Lorsque le titulaire, qui a déposé sa marque postérieurement à l'usage du tiers, utilisait déjà sa marque avant le tiers, il bénéficie d'un droit prioritaire s'il aurait pu interdire à l'époque au tiers l'utilisation de la marque fondée sur la loi sur la concurrence déloyale. Dans ce cas, le tiers ne peut se prévaloir d'un usage antérieur (DAVID, Commentaire bâlois, 1999, n. 2 ad art. 14 LPM).

3.2. Il est constant que la raison sociale de la demanderesse comportant le sigle "SFG" bénéficie d'une antériorité en regard de celle de la défenderesse. Il s'ensuit que la demanderesse a fait usage dudit sigle avant la défenderesse. Il a été établi que la raison sociale de la défenderesse, dans la mesure où elle comportait ledit sigle, contrevenait aux règles protégeant les raisons de commerce et à celles sur la concurrence déloyale en raison du risque de confusion. Il s'ensuit que la défenderesse n'est pas au bénéfice d'un usage antérieur au dépôt de la marque.

3.3. Par ailleurs, les classes 35 et 36 pour lesquelles la marque "SFG" a été enregistrée comprennent notamment les services suivants : gestion des affaires commerciales, administration commerciale, conseils en organisation et direction des affaires, aide à la direction des affaires. Ces services correspondent à l'activité de la défenderesse. Cette dernière admet utiliser l'abréviation "SFG", de sorte qu'elle utilise un signe identique à la marque de la demanderesse pour des services similaires. L'existence d'un danger de confusion indirecte entre les parties due à la présence dudit sigle dans leur raison de commerce a été établie. Il s'ensuit qu'un risque de confusion résulte également du point de vue du droit des marques.

Par conséquent, la demanderesse peut interdire à la défenderesse l'utilisation du signe "SFG" dans ses affaires, de sorte qu'il sera fait droit à l'action en cessation du trouble de la défenderesse. Ladite interdiction sera assortie d'office de la commination de la peine prévue à l'art. 292 CP à l'adresse des organes de la défenderesse (TROLLER, Manuel de droit suisse des biens immatériels, tome II, 1996, p. 1012). La solution n'est pas différente en application de la LCD.

4. La défenderesse, qui succombe, sera condamnée en tous les dépens (art. 176 al. 1 LPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

A la forme :

Déclare recevable la demande formée par SFG SOCIETE FIDUCIAIRE ET DE GERANCE SA à l'encontre de SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA le 3 mai 2007 dans la cause C/9718/2007.

Au fond :

Condamne SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA à faire radier du Registre du commerce la raison sociale SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA dans un délai de trente jours à compter de l'entrée en force du présent arrêt.

Interdit à SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA d'utiliser le signe "SFG" dans sa raison sociale, dans sa publicité, dans ses papiers d'affaires, sur son site internet ou d'en faire usage de quelqu'autre manière dans les affaires.

Prescrit que ladite condamnation et ladite injonction sont prononcées sous la menace faite aux organes de SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA de la peine d'amende prévue par l'art. 292 du Code pénal.

Condamne SFG SERVICES FINANCIERS DE GENEVE SA en tous les dépens, qui comprennent une indemnité de procédure de 3'500 fr. valant participation aux honoraires d'avocat de SFG SOCIETE FIDUCIAIRE ET DE GERANCE SA.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Florence KRAUSKOPF, présidente; Monsieur Christian MURBACH, Monsieur Pierre CURTIN, juges; Madame Nathalie DESCHAMPS, greffière.

 

La présidente :

Florence KRAUSKOPF

 

La greffière :

Nathalie DESCHAMPS

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.