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Décisions | Chambre civile

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C/7764/2017

ACJC/1192/2017 du 19.09.2017 ( IUO ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT D'AUTEUR ET DROITS VOISINS ; SOCIÉTÉ DE GESTION ; TARIF(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPC.222; CPC.150; CO.102; LDA.59; CPC.106;
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7764/2017 ACJC/1192/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 19 SEPTEMBRE 2017

 

Entre

A_____, sise _____, demanderesse suivant demande en paiement déposée au greffe de la Cour de céans le 4 avril 2017, comparant par Me Stephan Kronbichler, avocat, boulevard des Philosophes 17, case postale 507, 1211 Genève 4, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B_____, sise _____, défenderesse, comparant en personne.

 

 


A. a. A_____ (ci-après : A_____), coopérative de droit privé, a pour but la gestion des droits d'auteurs, éditeurs et autres détenteurs de droits portant sur des œuvres littéraires, plastiques ou photographiques.

Elle est autorisée par l'Institut fédéral de la Propriété intellectuelle (ci-après : IPI) à exercer, pour les auteurs, les droits à rémunération pour les usages d'œuvres protégées par le droit d'auteur dans le cadre d'une utilisation privée.

b. B_____, inscrite au Registre du commerce de Genève le _____ 2007, a pour but l'exécution et l'accomplissement de toutes opérations et de tous mandats en relation avec l'activité d'une société fiduciaire.

B. A_____ a établi deux "tarifs communs" qui visent le recouvrement des redevances dues pour la réalisation de copies d'œuvres divulguées, protégées par le droit d'auteur, sur tout support, au moyen de photocopieurs ou d'appareils similaires et ce à partir d'un modèle imprimé sur papier ou numérique (TC 8), et la reproduction numérique et la diffusion d'ouvrages et de prestations protégées sous forme numérique dans les réseaux numériques internes des entreprises, au moyen d'ordinateurs ou d'appareils similaires (TC 9).

Ces tarifs ont été approuvés par la Commission arbitrale fédérale et ont été en vigueur du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016.

Le TC 8 prévoit une redevance forfaitaire annuelle obligatoire, due notamment par les entreprises prestataires de services, qui se calcule sur la base d'informations fournies par l'entreprise, soit notamment le nombre de collaborateurs qu'elle emploie et la branche qu'elle exerce (art. 8 TC 8).

Ce montant est de 30 fr., lorsque le nombre d'employés de l'utilisateur est d'un employé (art. 6.3.3 TC 8).

En cas de non transmission des informations requises, A_____ est autorisée à faire une estimation desdites informations et à facturer la rémunération sur cette base. Cette estimation est réputée acceptée si l'entreprise concernée ne s'y oppose pas dans les trente jours suivant sa notification (art. 8.1 TC 8).

C. a. A_____ allègue avoir transmis le formulaire d'informations relatif aux utilisateurs de photocopieurs et de système informatique interne à B_____, qui n'y a pas répondu, de sorte que A_____ a procédé à une estimation desdites informations sur la base des tarifs susmentionnés.

B_____ appartenait à la catégorie d'entreprise "secteur de services" et le nombre de ses employés était d'un. Partant, la redevance annuelle s'élevait à 30 fr. en vertu du TC 8.

B_____ n'a pas contesté dans le délai de trente jours ladite estimation.

b. Se fondant sur celle-ci, A_____ a adressé trois factures, relatives à la rémunération des années 2014 à 2016, à B_____ entre le 13 mars 2014 et le 8 avril 2016 pour un montant total de 92 fr. 25, auxquelles cette dernière n'a pas donné suite, malgré plusieurs rappels et les lettres de mise en demeure des 11 novembre 2015 (pour l'année 2015), 14 décembre 2015 (pour l'année 2014) et 29 juin 2016 (pour l'année 2016).

D. a. Par demande expédiée le 4 avril 2017 au greffe de la Cour civile, A_____ a conclu au paiement par B_____ A de 30 fr. 75 avec intérêts à 5% depuis le 4 janvier 2016, pour les redevances des années 2012 à 2014 (recte : 2014), 30 fr. 75 avec intérêts à 5% l'an dès le 11 novembre 2015, à titre de redevances pour l'année 2015 et 30 fr. 75 avec intérêts à 5% l'an dès le 29 juin 2016, à titre de redevances pour l'année 2016, avec suite de frais et dépens.

A l'appui de sa demande, la demanderesse a produit une autorisation délivrée par l'IPI à exercer les droits de rémunération, les "tarifs communs" TC 8 et TC 9, une série de factures impayées par B_____ et les lettres de mise en demeure susvisées.

b. Par courrier du 5 mai 2017, notifié le 15 mai suivant à B_____, la Cour lui a imparti un délai de trente jours pour répondre par écrit à la demande.

N'y ayant pas donné suite, B_____ s'est vue octroyer, par pli recommandé du 7 juillet 2017, reçu par elle le 13 juillet suivant, un nouveau délai au 26 juillet 2017 pour déposer sa réponse, délai dans lequel elle n'a pas réagi, ni ultérieurement.

c. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 14 septembre 2017 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. La Cour de justice est compétente à raison de la matière (LDA) en vertu des art. 120 al. 1 let. a LOJ et 5 al. 1 let. a CPC, et à raison du lieu, en vertu de l'art. 10 al. 1 let. b CPC.

La demanderesse dispose de la qualité pour agir et de la légitimation active
(art. 20 al. 4 et 40 al. 1 let. b LDA et autorisation de la Confédération).

2. 2.1 La procédure ordinaire s'applique aux litiges pour lesquels sont compétents une instance unique, au sens des art. 5 et 8 CPC (art. 243 al. 3 CPC).

L'art. 222 CPC prévoit que le tribunal notifie la demande au défendeur et lui fixe un délai pour déposer une réponse écrite. Le défendeur y expose quels faits allégués dans la demande sont reconnus ou contestés.

Si la réponse n'est pas déposée dans le délai imparti, le tribunal fixe au défendeur un bref délai supplémentaire. Si la réponse n'est pas déposée à l'échéance du délai, le tribunal rend la décision finale si la cause est en état d'être jugée (art. 223 CPC).

Au sens de l'art. 150 al. 1 CPC, il ne peut y avoir de fait non contesté, respectivement admis, que si ce fait a été allégué et que l'autre partie a eu l'occasion de se déterminer à son sujet (arrêt du Tribunal fédéral 5A_719/2016 du 1er février 2017 consid. 6.2).

Les faits allégués par le demandeur sont dispensés de preuve, puisque faute de réponse, le défendeur n'a pas exposé quels faits sont reconnus ou contestés et qu'en vertu de l'art. 150 CPC la nouvelle procédure n'exige la preuve que des faits contestés (Tappy, in Code de procédure civile commenté, Bâle, 2011, n. 9 ad
art. 223 CPC).

2.2 La présente demande relève du "tarif commun" TC 8 tel qu'approuvé par la Commission arbitrale fédérale et valable du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016.

Ce tarif établi selon la procédure prévue par les art. 44 ss LDA, à laquelle participent les associations représentatives des utilisateurs (art. 46 al. 2 LDA), a été approuvé par la Commission arbitrale fédérale (art. 46 et 59 LDA), laquelle l'a donc estimé équitable dans sa structure et dans chacune de ses clauses (art. 59 al. 1 LDA).

L'art. 59 al. 3 LDA prévoit expressément que le tarif lie le juge lorsqu'il est entré en vigueur.

2.3 Quiconque exploite un photocopieur ou un réseau interne d'une entreprise est soumis à l'obligation de payer la rémunération déterminée par les tarifs, le nombre de copies effectivement réalisées à partir d'œuvres protégées n'entrant pas en considération (ATF 125 III 141, consid. 4 et arrêt du Tribunal fédéral 4A_203/2015 consid. 3.4.2 du 30 juin 2015).

2.4 Le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier (art. 102 al. 1 CO).

Le débiteur qui est en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit l'intérêt moratoire à 5% l'an (art. 104 al. 1 CO et art. 62 al. 2 LDA).

2.5 En l'espèce, s'il n'est pas allégué ni prouvé que la défenderesse détient un photocopieur ou un système informatique interne dans l'entreprise, il confine à la haute certitude que tel est le cas. Si la défenderesse n'en possédait pas, elle n'aurait pas manqué d'en informer la demanderesse à réception de l'estimation des frais, des factures de redevances et des mises en demeure, ou le faire savoir dans le cadre de la présente procédure. Elle est donc soumise à l'obligation de s'acquitter de la redevance prévue par le tarif TC 8.

La défenderesse n'a pas remis à la demanderesse le formulaire d'informations indiquant le nombre de ses employés et son secteur d'activité, contrairement à ses obligations.

Conformément aux règles fixées dans les tarifs en question, la demanderesse a procédé à une estimation forfaitaire, non contestée par la défenderesse, laquelle sera retenue par la Cour, aucun élément ni pièce ne démontrant que le nombre d'employés retenu par la demanderesse serait supérieur à la réalité.

La défenderesse n'a pas répondu à la demande, malgré les deux délais qui lui ont été impartis à cet effet. Les faits ne sont dès lors pas contestés et les chiffres retenus par la demanderesse et le mode de calcul ne sont ainsi pas critiqués. Partant, la Cour est fondée à rendre une décision sur la base des faits allégués dans ladite demande et des pièces produites par la demanderesse. Ces faits sont pour le surplus corroborés par lesdites pièces, de sorte que la cause est en état d'être jugée. Les intérêts de retard réclamés par la demanderesse n'ont pas non plus été critiqués.

Par conséquent, les prétentions de cette dernière seront entièrement admises. La défenderesse sera dès lors condamnée à payer les sommes de 30 fr. 75 avec intérêts à 5% depuis le 4 janvier 2016, pour les redevances des années 2012 à 2014 (recte : 2014), 30 fr. 75 avec intérêts à 5% l'an dès le 11 novembre 2015, à titre de redevances pour l'année 2015 et 30 fr. 75 avec intérêts à 5% l'an dès le 29 juin 2016, à titre de redevances pour l'année 2016, dates à partir desquelles la défenderesse a été en demeure.

3. 3.1 Aux termes de l'art. 106 al. 1 CPC, les frais – qui comprennent les dépens, soit les débours nécessaires et le défraiement d'un représentant professionnel – sont mis à la charge de la partie succombante. La partie succombante est le demandeur lorsque le tribunal n'entre pas en matière et en cas de désistement d'action; elle est le défendeur en cas d'acquiescement.

Dans le canton de Genève, les frais judiciaires et les dépens sont fixés aux art. 19 à 26 LaCC, eux-mêmes étant précisés par le Règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC - E 1 05.10).

En règle générale, le défraiement d'un représentant professionnel est proportionnel à la valeur litigieuse. Sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 20 al. 1 LaCC et art. 84 RTFMC).

Si la contestation porte sur une affaire pécuniaire jusqu'à 5'000 fr., le défraiement est de 25% de la valeur litigieuse mais au moins 100 fr., plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'art. 84 RTFMC, sans préjudice de l'art. 23 de la Loi d'application du code civil (LaCC).

Selon l'art. 23 al. 1 LaCC, lorsqu'il y a une disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l'intérêt des parties au procès ou entre le taux applicable selon la présente loi et le travail effectif de l'avocat, la juridiction peut fixer un défraiement inférieur ou supérieur aux taux minimums et maximums prévus.

Le juge chargé de fixer l'indemnité de dépens jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 111 V 48 consid. 4a).

Les débours nécessaires sont estimés, sauf éléments contraires, à 3% du défraiement et s'ajoutent à celui-ci (art. 25 LaCC).

La juridiction fixe les dépens d'après le dossier en chiffres ronds incluant la taxe sur la valeur ajoutée (art. 26 al. 1 LaCC).

3.2

3.2.1 Les frais judiciaires seront mis à la charge de la défenderesse, qui succombe (art. 95 et 106 al. 1 CPC) et seront arrêtés à 200 fr. (art. 17 RTFMC - E 1 05.10), compte tenu de l'activité déployée par la Cour. Ils seront compensés par l'avance de frais de 200 fr. fournie par la demanderesse, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). La défenderesse sera ainsi condamnée à verser à la demanderesse la somme de 200 fr., à titre de remboursement de l'avance de frais.

3.2.2 En l'espèce, il ne peut être tenu compte uniquement de la faible valeur litigieuse pour fixer le montant des dépens, l'importance du travail fourni par le conseil de la demanderesse devant être pris en considération.

Ledit conseil a déposé une demande de neuf pages, accompagnée d'un chargé de pièces conséquent. Toutefois, le même mémoire de demande a été utilisé par la demanderesse pour un grand nombre de dossiers semblables concernant la même question juridique – in casu le paiement d'une redevance relevant des "tarifs communs" TC 8 et TC 9 approuvés par la Commission arbitrale fédérale – ce qui a permis à son conseil de gagner en rapidité et en efficacité dans la rédaction de la demande et la constitution du chargé de titres.

En effet, après avoir rédigé un mémoire de demande "modèle", le conseil de la demanderesse n'a eu qu'à l'adapter aux différents défendeurs, ce qui a consisté à modifier le nom de la partie adverse et les montants réclamés, les chargés des pièces étant adaptés en conséquence.

En revanche, l'avocat a utilisé les mêmes développements de fait s'agissant de la demanderesse et les mêmes développements juridiques pour justifier de ses demandes en paiement. Il n'a pas eu à construire une nouvelle argumentation dans chaque procédure.

En outre, dans le cadre de la présente procédure, le conseil de la demanderesse n'a pas eu à fournir un travail ultérieurement au dépôt de la demande puisque la défenderesse a acquiescé à ses conclusions.

Enfin, lors du prononcé des arrêts de la Cour (ACJC/352/2017 et ACJC/351/2017) seules quelques causes étaient alors pendantes, dont la majorité a fait l'objet d'accord entre les parties ou de retraits, alors qu'actuellement un grand nombre de procédures sont en cours, objets de demandes quasi-identiques, comme retenu ci-avant.

Par conséquent, compte tenu de la très faible valeur litigieuse en cause et du travail effectué par le conseil de la demanderesse qui a consisté à déposer une demande adaptée à la défenderesse, au regard des autres demandes précitées, ce travail pouvant être estimé à une heure de travail d'avocat – soit le temps nécessaire à adapter la demande et le chargé de pièce ainsi que la prise en compte d'une partie du temps global qui a été nécessaire à l'avocat pour rédiger sa demande "modèle" –, ladite défenderesse sera condamnée à payer à la demanderesse la somme de 500 fr. à titre de dépens, débours et TVA compris (art. 85 RFTMC; art. 23, 25 et 26 LaCC).

4. Le recours en matière civile au Tribunal fédéral est ouvert, indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable la demande en paiement formée le 4 avril 2017 par A_____ contre B_____ dans la cause C/7764/2017.

Au fond :

Condamne B_____ à verser à A_____ les sommes de 30 fr. 75 avec intérêts à 5% depuis le 4 janvier 2016, pour les redevances de l'année 2014, 30 fr. 75 avec intérêts à 5% l'an dès le 11 novembre 2015, à titre de redevances pour l'année 2015 et 30 fr. 75 avec intérêts à 5% l'an dès le 29 juin 2016, à titre de redevances pour l'année 2016.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 200 fr. et les compense à due concurrence avec l'avance de frais de 200 fr. fournie par A_____, acquise à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Les met à la charge de B_____.

Condamne en conséquence B_____ à verser 200 fr. à A_____ à titre de remboursement de l'avance de frais.

Condamne B_____ à verser 500 fr. à A_____ à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Valérie LAEMMEL-JUILLARD, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Audrey MARASCO, greffière.

 

La présidente :

Valérie LAEMMEL-JUILLARD

 

La greffière :

Audrey MARASCO

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.