Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/615/2025 du 07.11.2025 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1691/2025-CS DCSO/615/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 6 NOVEMBRE 2025 | ||
Plaintes 17 LP (A/1691/2025-CS et A/1692/2025) formées en date du 15 mai 2025 par A______ et B______, représentés par Me Manuel Bolivar, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :
- A______ et B______
c/o Me BOLIVAR Manuel
BOLIVAR & BATOU
Rue des Pâquis 35
1201 Genève.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. A______ et B______ ont chacune requis la poursuite de C______ à hauteur de, respectivement, 359'470 fr. 90 et de 64'885 fr. 65 (poursuites n° 1______ et n° 2______).
b. Les commandements de payer étant devenu exécutoires, les créanciers ont requis la continuation des poursuites le 17 août 2022.
c. Ces dernières participent à la saisie série n° 3______.
d. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a procédé le 22 septembre 2023 à la saisie de plusieurs créances de C______ à l'encontre de tiers et de 75 bijoux lui appartenant.
Il a dressé le 8 décembre 2023 le procès-verbal de saisie comprenant l'inventaire des divers bijoux saisis et leur estimation.
e. Il a adressé le 29 avril 2025 à A______ et B______ des factures de frais n° 4______ et n° 5______ pour des montant de respectivement 1'236 fr. 21 et 223 fr. 14, reçues le 5 mai 2025 par les intéressés.
En annexe auxdites factures figurait un relevé des frais de poursuite comportant une rubrique "dossier huissier 3______ : facture fournisseur". La nature de la rubrique était "débours".
B. a. Par actes séparés expédiés le 15 mai 2025 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ et B______ ont chacune formé une plainte contre la facture la concernant, concluant à son annulation. Elles reprochaient à l'Office de ne pas avoir motivé les factures, de sorte qu'elles ne pouvaient pas comprendre à quels frais elles se rapportaient.
b. Le greffe de la Chambre de surveillance a ouvert deux procédures, n° A/1691/2025 et A/1692/2025, soit une par plainte.
c. Dans ses observations du 6 juin 2025, l'Office a exposé que les frais en question reposaient sur une facture de l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières, Contrôle des métaux précieux (ci-après OFDF), d'un montant total de 1'459 fr. 35, pour l'estimation de la valeur des métaux dont étaient composés les bijoux saisis, en application de l'art. 128 LP. Cette somme avait été partagée entre les créanciers saisissants au prorata du montant de leurs créances, en application de l'art. 68 LP.
L'Office a produit, dans le chargé de pièces accompagnant ses observations, la facture de l'OFDF à laquelle était jointe une annexe intitulée "détail de facture" avec les indications : "Frais de contrôle avec TVA, par heure; nombre : 10; prix unitaire : 145 fr. 95; total 1'459 fr. 35; part TVA : 109 fr. 35". Il a également produit un tableau de 8 pages comprenant la description et l'analyse des 75 bijoux expertisés.
d. Les plaignantes ont répliqué le 23 juin 2025 en reprochant aux factures litigieuses de ne pas permettre de vérifier comment l'émolument d'expertise avait été fixé en application de la LCMP et de l'OEmol, de sorte qu'il n'était pas possible d'en vérifier la conformité aux critères légaux.
e. Par avis du 10 juillet 2025, la Chambre de surveillance a avisé les parties de ce que la cause était gardée à juger.
1. Déposées en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), les plaintes sont recevables.
2. Les causes A/1691/2025 et A/1692/2025 seront jointes d'office en application de l'art. 70 LPA, applicable à la procédure devant la Chambre de surveillance en vertu des articles 9 al. 4 LaLP et 20a al. 3 LP, les procédures se rapportant à une situation identique ou à une cause juridique commune.
3. Les plaignantes se prévalent en substance de la violation de leur droit d'être entendues pour ne pas s'être vu notifié une décision motivée.
3.1.1 Le droit d'être entendu, garanti notamment par l'art. 29 al. 2 Cst., implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 136 I 229 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral 1C_361/2020 du 18 janvier 2021 consid. 3.1; 4A_215/2017 du 15 janvier 2019 consid. 3.2). Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; 143 III 65 consid. 5.2). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents
(ATF 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).
L'obligation de motivation vaut pour l'Office lorsqu'il rend une décision sujette à plainte (décision de la Chambre de surveillance DCSO/109/2016 du 14 avril 2016 consid. 2.1).
En principe, la violation du droit d'être entendu entraîne l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond, et pour peu qu'elle ait eu une influence sur cette décision. Cela étant, la jurisprudence admet qu'un manquement à ce droit puisse être considéré comme réparé lorsque la partie lésée a bénéficié de la faculté de s'exprimer librement devant une autorité de recours, pour autant que celle-ci dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et puisse ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_215/2017 précité).
3.1.2 A teneur de l'art. 68 al. 1 et 2 LP, les frais de la poursuite sont à la charge du débiteur. Le créancier en fait toutefois l'avance et l'Office peut différer toute opération dont les frais n'ont pas été avancés. Le créancier peut prélever les frais sur les premiers versements du débiteur.
3.1.3 Les objets saisis dans le cadre d'une poursuite font l'objet d'une estimation par l'Office, qui peut s'adjoindre des experts, car il ne peut saisir plus de biens que nécessaires pour satisfaire les créanciers saisissants (art. 97 al. 1 et 2 LP). Le montant de l'estimation est mentionné dans le procès-verbal de saisie
(art. 112 al. 1 LP). En application de l'art. 128 LP, lors de la réalisation des biens saisis, les objets en métaux précieux ne peuvent être adjugés à un prix inférieur à la valeur du métal.
Les honoraires des experts pourront faire l’objet d’une avance de frais qui devra être faite, à la demande du préposé, par le créancier; les frais d’expertise sont toutefois mis à la charge du débiteur poursuivi (art. 68 al. 1 LP; de Gottrau/de Gottrau, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2025, n° 12 ad art. 97 LP).
3.1.4 Les honoraires des experts sont des débours au sens de l'art. 13 al. 1 OELP, et doivent être remboursés à l'Office.
3.1.5 Aux termes de l'art. 3 OELP, une partie à la poursuite peut demander que soit établi, à ses frais, un décompte détaillé des frais, lequel mentionne les articles de l'OELP qui ont été appliqués. L'émolument est fixé selon l'art. 9 OELP qui vise l'"établissement de certaines pièces" et prévoit un tarif de 8 francs par page jusqu'à 20 exemplaires, puis 4 francs par pages pour tout exemplaire supplémentaire, ainsi qu'un tarif de 2 francs par photocopie pour l'établissement de copie de pièces existantes.
Le détail des frais ainsi communiqué fait courir un nouveau délai de plainte au sens de l'art. 17 al. 1 et 2 LP, indépendant de celui qui a couru depuis la communication de la facture de débours non détaillée (ATF 63 III 37; Adam, Commentaire LP OELP, Ordonnance sur les émoluments, éd. Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse, 2009, n° 2 ad art. 3 OELP).
3.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que les factures adressées aux plaignantes étaient sommaires et ne contenaient pas de motivation. Elles n'en étaient pas illicites pour autant, l'art. 3 OELP prévoyant un système permettant de respecter le droit d'être entendu. Les plaignantes ont en définitive obtenu, dans le cadre de l'instruction de la présente cause, toutes les informations nécessaires à la compréhension des factures de débours contestées, conformément à l'art. 3 OELP. Leur plainte est par conséquent devenue sans objet dans la mesure où elle visait à obtenir une telle information qu'elles auraient en réalité dû requérir directement auprès de l'Office en application de l'art. 3 OELP, en principe contre la perception d'un émolument. La prétendue violation du droit d'être entendu est ainsi en tous les cas réparée, dans la mesure où elle aurait été consommée.
Dans la mesure où la plainte devait également porter sur la légalité de la perception des débours entrepris, la Chambre de céans constate que le recours à une expertise et la mise provisoire des honoraires de l'expert à la charge des créanciers étaient justifiés au vu des art. 68, 97, 112 et 128 LP.
La plainte sera par conséquent rejetée dans la mesure où elle aurait encore un objet.
4. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens
(art. 62 al. 2 OELP).
La Chambre de céans laisse à l'appréciation de l'Office l'opportunité de percevoir un émolument au sens de l'art. 3 OELP pour les informations fournies dans le cadre de la présente procédure.
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La Chambre de surveillance :
Préalablement :
Ordonne la jonction des procédures A/1692/2025 et A/1691/2025 sous ce dernier numéro de cause.
A la forme :
Déclare recevables les plaintes du 15 mai 2025 de A______ et B______ contre les factures n° 4______ et n° 5______ de l'Office cantonal des poursuites dans le cadre de la saisie, série n° 3______.
Au fond :
Les rejette dans la mesure où elles ont encore un objet.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Alisa RAMELET-TELQIU et
Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS, greffière
| Le président : Jean REYMOND |
| La greffière : Elise CAIRUS |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.