Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/539/2025

DCSO/546/2025 du 16.10.2025 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Vente d'urgemce
Normes : LP.256; LP.243.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/539/2025-CS DCSO/546/25

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 16 OCTOBRE 2025

 

Plainte 17 LP (A/539/2025-CS) formée en date du 17 février 2025 par A______, représenté par Me Samuel THETAZ, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 16 octobre 2025
à :

-       A______

c/o Me THETAZ Samuel

Métropole avocats

Rue Beau-Séjour 11

Case postale 530

1001 Lausanne.

- CAFÉ-RESTAURANT B______ SNC, EN LIQUIDATION

c/o Office cantonal des faillites
Faillite n° 2025 1______.


EN FAIT

A. a. L'entreprise individuelle "Café-Restaurant B______, C______", no. ______ rue 2______ à Genève, ayant pour but l'exploitation d'un café-restaurant, a été inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2018.

b. Le 14 janvier 2019, "Café-Restaurant B______, C______" a signé un contrat de prêt avec [la banque] D______ portant sur un capital de 300'000 fr. Il est précisé que la garantie du prêt était réglée séparément.

c. Le même jour, par contrat de "cession de créance", "Café-Restaurant B______, C______" a cédé à D______, en cas de vente, le "produit de la vente de l'affaire", notamment du fonds de commerce lié à l'arcade commerciale sise rue 2______ no. ______, [code postal] Genève, exploitée sous l'enseigne "Café restaurant B______" par le bais de l'entreprise "Café restaurant B______, C______" jusqu'à due concurrence des sommes dues, intérêts, frais et accessoires inclus. La cession était valable jusqu'à complet remboursement de l'avance consentie au cédant ou jusqu'à renonciation de la banque.

d. Les 22 et 23 février 2019, "Café-Restaurant B______, C______" et A______ [service de cautionnement] (ci-après : la plaignante) ont conclu un contrat de cautionnement par lequel la plaignante s'est portée caution solidaire envers la banque pour garantir l'exécution des engagements du prêt susmentionné, à concurrence d'un montant maximum de 360'000 fr.

e. Le ______ 2023, la société en nom collectif "Café-Restaurant B______ SNC", no. ______ rue 2______ à Genève, a été inscrite au Registre du commerce. Ses associés avec signature individuelle étaient C______ et E______.

f. Par courrier du 27 mai 2024, D______ a résilié le contrat de crédit la liant à "Café-Restaurant B______, C______" avec effet immédiat dès lors que l'entreprise individuelle avait été radiée auprès du Registre du commerce et que la reprise de l'engagement par la nouvelle entité "Café-Restaurant B______ SNC" ne s'était pas concrétisée, malgré de nombreuses discussions. Elle a donc prié "Café-Restaurant B______, C______" de lui rembourser la somme de 126'421 fr. 10 (300'000 fr. à l'origine moins des amortissements réalisés).

g. Aucun paiement n'étant intervenu, D______ a fait appel à la plaignante en sa qualité de caution, laquelle lui a versé 115'601 fr. 10 pour règlement de solde de tout compte. D______ a précisé que la plaignante était légalement subrogée « dans et à [ses] droits » à concurrence du montant versé à l'encontre de la société "Café-Restaurant B______, C______".

i. Par courrier du 27 août 2024, la plaignante a écrit à "Café-Restaurant B______, C______" que dans la mesure où elle avait honoré son engagement en sa qualité de cautionnement solidaire, elle avait été subrogée dans les droits de la banque de sorte que tout montant perçu pour la remise du commerce ou la cession d'actifs devrait être porté en réduction du crédit.

j. "Café-Restaurant B______ SNC" a été dissoute par suite de faillite prononcée par jugement du Tribunal de première instance du 6 janvier 2025.

k. Le 31 janvier 2025, [Restaurant] B______ SA, soit pour elle Mes F______ et G______, ont proposé à l'Office de verser 50'000 fr. à première demande une fois la vente d'urgence publiée et acceptée. Ils ont précisé qu'ils étaient d'accord de payer 40'000 fr. pour le fonds de commerce, en dépit des réserves exprimées à ce sujet, et d'y ajouter 4'000 fr. pour l'enseigne et 6'000 fr. pour le mobilier, soit 50'000 fr. en tout.

l. Le 4 février 2025, l'analyste financier de l'Office cantonal des faillites (ci-après : l'Office) a informé la gestionnaire en charge du dossier que cette proposition pouvait être acceptée en tenant compte de l'analyse de la comptabilité pour les années 2019 à 2023, du contexte de la faillite et de l'accord du créancier-gagiste.

m. Par publication de la FOSC du ______ février 2025, les créanciers de la faillite de "Café-Restaurant B______ SNC" ont été rendus attentifs au fait que l'Office entendait procéder à une vente d'urgence du mobilier, du fonds de commerce et de l'enseigne de la faillite, selon offre du 31 janvier 2025, pour un montant de 50'000 fr.

B. a. Le 17 février 2025, A______ a formé plainte contre la décision de l'Office de procéder à une vente d'urgence de gré à gré des actifs de la faillite.

Elle a préalablement requis, et obtenu par décision de la Chambre de surveillance du 18 février 2025, l'effet suspensif à cette vente.

Elle s'est prévalue de sa qualité de créancière-gagiste sur le fonds de commerce et le mobilier de la faillite, a contesté le caractère urgent de la vente, fait valoir que le montant de l'offre était largement insuffisant et a invoqué une violation de ses droits de créancière-gagiste, dès lors qu'elle n'avait pas été consultée sur la vente.

Elle a notamment fait valoir que sa qualité de créancière-gagiste lui donnait une priorité sur le produit de la vente du fonds de commerce, du mobilier et de l'enseigne qui avaient été transférés par l'entreprise individuelle à "Café-Restaurant B______ SNC".

b. Le 11 mars 2025, l'Office a requis la révocation urgente de l'ordonnance du 18 février 2025 octroyant l'effet suspensif dès lors que la plainte formée le 17 février 2025 par A______ était irrecevable puisque celle-ci était un tiers à la faillite ne justifiant d'aucun intérêt. Il a également relevé que le prix de rachat était conforme à la valeur du fonds de commerce telle qu'elle résultait des éléments comptables remis et que les éléments de la vente d'urgence étaient réunis puisqu'une fermeture de l'établissement aurait un impact désastreux sur sa fréquentation.

c. Par pli du 17 mars 2025, la plaignante a maintenu la teneur de sa plainte, indiquant avoir produit une créance de 117'875 fr. 45 dans la faillite de "Café-Restaurant B______ SNC" le 17 mars 2025.

d. Par ordonnance du 25 mars 2025, la Chambre de surveillance a considéré qu'elle ne disposait pas des éléments factuels en lien avec le processus de la faillite suivi par l'Office de sorte qu'elle n'était pas en mesure de statuer sur la requête de révocation de l'effet suspensif. Elle a ainsi imparti à l'Office un délai supplémentaire pour produire un rapport sur le déroulement de la faillite, pour exposer les motifs ayant conduit à la vente d'urgence de gré à gré et pour fournir les documents utiles.

e. Par pli du 1er avril 2025, l'Office a fait valoir auprès de la Chambre de surveillance que le raisonnement de la plaignante tombait à faux puisqu'il partait de la prémisse, erronée, que C______ avait constitué un droit de gage en faveur de D______, ce qu'aucune pièce n'attestait. La plaignante ne se prévalait que d'une simple garantie, soit la cession du produit de vente du fonds de commerce, ce qui constituait une créance aux fins de garantie qui devait être distinguée d'un droit de gage. La plainte était ainsi mal fondée. En outre, la plaignante ne prétendait pas qu'il existerait une possibilité concrète d'obtenir un prix de cession plus avantageux que celui obtenu par l'Office.

f. Par pli du 4 juin 2025, la plaignante et l'Office ont été informés par la Chambre de surveillance de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) la plainte est recevable à ces égards.

1.2 La qualité pour porter plainte, selon l'art. 17 LP, est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou à tout le moins atteinte dans ses intérêts de fait, par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3); le plaignant doit dans tous les cas poursuivre un but concret; il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 120 II 5 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_517/2012 du 24 août 2012 précité).

Cet intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1).

1.3 L'intérêt du créancier est que la procédure d’exécution se déroule en conformité au droit et aboutisse à la distribution en sa faveur d’un montant de deniers le plus élevé possible en vue de recouvrer ses prétentions. Les intérêts du créancier sont touchés par la plupart des décisions prises par l’autorité d’exécution tout au long de la procédure de poursuite (Jeandin, Commentaire romand, LP, 2025, n. 31 ad art. 17 LP).

Le pouvoir d’intervention du créancier dans la faillite est plus large que celui du débiteur. Toutefois, il n'est touché dans ses intérêts que dans la mesure où il n’a pas été définitivement écarté de l’état de collocation. Dans le cas contraire, une plainte de sa part serait irrecevable (Jeandin, op. cit., n. 33 ad art. 17 LP).

1.4 En l'espèce, en se prévalant de sa qualité de créancière-gagiste sur le fonds de commerce et le mobilier de l'établissement sis no. ______ rue 2______ à Genève, la plaignante considère avoir un droit préférentiel aux autres créanciers sur le produit de la vente de la société en faillite qui occupe précisément ces locaux et que ces éléments ne doivent pas être cédés pour un prix nettement inférieur (50'000 fr.) à celui pour lequel ils ont été acquis par l'entreprise individuelle (plus de 300'000 fr.). La plaignante fait donc valoir qu'elle est directement touchée dans ses intérêts par la mesure envisagée par l'Office, ce qui semble vraisemblable compte tenu du fait que la société en faillite, dont C______ est un associé, a repris l'établissement précédemment exploité par l'entreprise individuelle de C______.

Contrairement à ce que pense l'Office, il n'est pas nécessaire que la plaignante ait un lien juridique avec la société en faillite, seul étant pertinent que la plaignante soit atteinte dans ses intérêts par la décision dont elle se plaint. En tout état, la plaignante ayant produit une créance dans la faillite de la société en nom collectif, elle dispose de la qualité de créancière tant qu'elle n'a pas été définitivement écartée de l'état de collocation. Elle a donc un intérêt à obtenir que les actifs de la masse soient réalisés au mieux pour que sa créance soit couverte.

Au vu de ce qui précède, la plaignante ayant un intérêt à la plainte, celle-ci est recevable.

2. La plaignante fait valoir que les conditions pour vendre d'urgence le fonds de commerce, l'enseigne et le mobilier de la société en faillite ne sont pas réalisées.

2.1 La liquidation sommaire de la faillite a lieu selon les règles de la procédure ordinaire, avec toutefois des assouplissements et des simplifications. Ainsi, en règle générale, l'office ne convoque pas d'assemblée des créanciers; au besoin, il peut consulter ces derniers par voie de circulaire; il procède à la réalisation des actifs à l'expiration du délai de production au mieux des intérêts des créanciers et en observant les art. 256 al. 2 à 4 LP. Dans certaines situations, l'office n'a pas à attendre l'expiration du délai pour les productions. Il lui faut en effet réaliser sans retard les biens sujets à dépréciation rapide, dispendieux à conserver ou dont le dépôt occasionne des frais disproportionnés; il peut en outre ordonner la réalisation immédiate des valeurs et objets cotés en bourse ou sur le marché (art. 243 al. 2 LP). Une réalisation d'urgence suppose l'existence de circonstances particulières justifiant de déroger au cours ordinaire de la procédure, comme la nécessité de prévenir un dommage, notamment lorsqu'il est établi que les perspectives d'une réalisation favorable d'actifs de la masse se réduisent notablement avec l'écoulement du temps, eu égard à la nature ou aux caractéristiques des biens considérés. Une réalisation anticipée peut être décidée pour des motifs économiques; ainsi, un fonds de commerce peut représenter un actif soumis à dépréciation rapide et donc être vendu d'urgence lorsque se présente une occasion favorable de le remettre à un repreneur dans de bonnes conditions, sauvant des emplois et permettant la continuation du bail. Il appartient à l'office de décider librement s'il y a lieu de donner à tous les créanciers l'occasion de faire des offres avant de procéder à une vente de gré à gré. Cependant, s'il s'agit de réaliser de gré à gré des biens de valeur élevée ou des immeubles, l'occasion doit avoir été donnée aux créanciers de formuler des offres supérieures (ATF
131 III 280 consid. 2.1 et les références citées).

2.2 En l'espèce, invité par la Chambre de surveillance à lui indiquer les motifs ayant conduit à la vente d'urgence de gré à gré et fournir les documents utiles, l'Office s'est limité à plaider l'irrecevabilité de la plainte. Certes, dans sa demande de levée de l'effet suspensif, il a indiqué qu'une fermeture de l'établissement aurait un impact désastreux sur sa fréquentation. Toutefois, si la jurisprudence admet qu'un fonds de commerce peut représenter un actif soumis à dépréciation rapide, et donc être vendu d'urgence, encore faut-il qu'une bonne proposition soit présentée. Or, in casu, l'Office s'est limité à faire valoir que la somme de 50'000 fr. offerte par le repreneur était bonne sans en faire la démonstration. Certes, l'analyste financier de l'Office a considéré, au vu de la comptabilité des années 2019 à 2023, que cette offre était satisfaisante. Ces documents n'ont toutefois pas été fournis à l'autorité de céans afin qu'elle puisse constater que tel était bien le cas. L'Office n'a également pas expliqué quel était le "contexte" de la faillite dont a tenu compte l'analyste financier et sur quoi portait le gage auquel il était fait référence, étant relevé que la plaignante se considère également comme créancière-gagiste.

Au vu de ce qui précède, l'Office n'ayant pas démontré que les conditions d'urgence étaient réalisées, notamment que la proposition du repreneur était bonne, il y a lieu d'admettre la plainte et d'annuler la vente d'urgence envisagée.

3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 17 février 2025 par A______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites publiée dans la FOSC du ______ février 2025 de procéder à une vente d'urgence du mobilier, fonds de commerce et de l'enseigne de la faillite de "Café-Restaurant B______ SNC".

Au fond :

Admet cette plainte.

Annule la vente d'urgence du mobilier, fonds de commerce et de l'enseigne de la faillite de "Café-Restaurant B______ SNC".

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Alisa RAMELET-TELQIU et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame
Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

 

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.