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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1733/2025

DCSO/439/2025 du 14.08.2025 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : LP.92.al1.ch5; LP.92.al1.ch8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1733/2025-CS DCSO/439/2025

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 14 AOÛT 2025

 

Plainte 17 LP (A/1733/2025-CS) formée en date du 19 mai 2025 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

______

______ [GE].

- B______ AG

c/o C______

______

______ [BL].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. Dans le cadre des opérations de saisie relatives aux poursuites n° 1______, 2______ et 3______ engagées par B______ AG à l'encontre de A______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a adressé à ce dernier, le 25 septembre 2024, un avis de saisie pour le 11 décembre 2024. Le pli recommandé a été retourné par la Poste avec l'indication "non réclamé".

b. Le 7 novembre 2024, l'Office a adressé aux principaux établissements bancaires de la place des avis de saisie de créances, à hauteur de 16'000 fr.

c. Le 11 novembre 2024, la [banque] D______ a communiqué à l'Office un extrait du compte ouvert au nom de A______ IBAN 4______, lequel présentait un solde en sa faveur de 1'798 fr. 03 au 7 novembre 2024.

d. Le 14 janvier 2025, A______ s'est présenté à l'Office pour y être interrogé. Selon le protocole d'audition du débiteur du même jour, il n'avait pas de revenus et était logé gracieusement par sa maman. Il était retourné en Suisse après avoir travaillé 10 ans au Maroc, en raison de problèmes de santé.

e. Par courrier du 14 février 2025, l'Office a demandé à la D______ de bien vouloir transférer 1'742 fr. sur le compte de l'Office. Une fois la somme versée, la saisie était levée.

f. Le 26 février 2025, A______ a indiqué à l'Office qu'il formait opposition à la saisie, laquelle menaçait sa subsistance et celle de sa famille. Il n'avait aucune source de revenus.

g. Le 8 avril 2025, l'Office a établi le procès-verbal de saisie dans la série
n° 81 5______, à laquelle participent les trois poursuites précitées, pour un total supérieur à 45'000 fr. Le compte bancaire auprès de la D______ était saisi à hauteur de 1'690 fr. Selon le suivi des envois de la Poste, le procès-verbal de saisie a été notifié le 17 avril 2025, par pli recommandé.

h. Par pli recommandé du 5 mai 2025, distribué le 7 mai 2025, l'Office a avisé A______ du dépôt de l'état de collocation et du tableau de distribution dans la série n° 81 5______, dont il ressortait que le total à répartir se montait à 1'690 fr.

B. a. Par acte posté le 19 mai 2025, A______ a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre l'état de collocation et le tableau de distribution. Sa situation financière était précaire et il était au bénéfice de prestations de l'Hospice général. La saisie de son compte bancaire compromettait son existence. Il a joint à sa plainte une attestation de perception du subside d'assurance-maladie de la part de l'Hospice général à compter du 1er février 2025 et une copie de la demande de prestations d'assistance datée du 24 février 2025.

b. Dans son rapport du 10 juin 2025, l'Office a exposé le déroulement des opérations de saisie. L'extrait du compte du poursuivi auprès de la [banque] D______ ne montrait aucun mouvement depuis le mois de mai 2024, exception faite du prélèvement automatique des frais bancaires. Les avoirs déposés sur ce compte étaient donc de l'épargne, entièrement saisissable. A______ percevait par ailleurs désormais des prestations de l'Hospice général, soit
1'392 fr. 85 en espèces et 344 fr. à titre de subside de l'assurance-maladie, selon décomptes du mois de juin 2025. L'Office n'avait pas saisi des revenus mais des avoirs déposés sur un compte, soit une créance, de sorte que l'art. 93 LP ne trouvait pas application. De plus, l'épargne était totalement saisissable. La plainte devait donc être rejetée.

c. B______ AG a aussi conclu au rejet de la plainte.

d. Le rapport de l'Office et la détermination de B______ AG ont été communiqués à A______ par courrier du 11 juin 2025, avec l'indication que l'instruction de la cause était close.

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'Office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telle la décision portant sur la quotité saisissable des revenus du débiteur en cas de séquestre ou de saisie.

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'Office (ATF 138 III 628 consid. 4;
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). C'est en principe toujours le cas du débiteur poursuivi et du créancier poursuivant (Dieth/Wohl, in KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n. 11, 12 ad art. 17 LP).

1.1.2 Le débiteur est censé avoir renoncé à se prévaloir du moyen tiré de l'insaisissabilité d'un bien s'il ne s'est pas adressé à l'autorité de surveillance dans les dix jours suivant la communication du procès-verbal de saisie ou de séquestre. La jurisprudence a cependant tempéré cette exigence et admis, pour des raisons d'humanité et de décence, que la nullité d'une saisie peut être prononcée, malgré la tardiveté de la plainte, lorsque la mesure attaquée prive le débiteur et les membres de sa famille des objets indispensables au vivre et au coucher. L'exception ainsi faite à la règle a été étendue aux cas où la saisie porte une atteinte flagrante au minimum vital, à telle enseigne que son maintien risquerait de placer le débiteur dans une situation absolument intolérable (ATF 97 III 7 = JdT 1973 II 20 ss; cf. ég. ATF 114 III 78 = JdT 1990 II 162 ss).

1.2 En l'occurrence, la plainte respecte les exigences de forme prévues par la loi et émane d'une personne qui, si son argumentation devait être retenue, serait lésée dans ses intérêts juridiquement protégés. Elle est donc, à cet égard, recevable.

Bien que formellement dirigée contre l'avis de dépôt de l'état de collocation et du tableau de distribution, le moyen soulevé par le plaignant est celui d'une violation de son minimum vital, de sorte qu'il aurait dû être présenté dans les dix jours dès la réception du procès-verbal de saisie, notifié le 17 avril 2025.

Nonobstant la tardiveté de la plainte, la Chambre de surveillance devra examiner si l'exécution de saisie par l'Office a conduit à priver le débiteur et les membres de sa famille des objets indispensables au vivre et au coucher, voire a porté une atteinte flagrante à son minimum vital, une telle mesure étant nulle au sens de l'art. 22 LP, ce qui peut être constaté en tout temps et indépendamment de toute plainte (art. 22 al. 1 LP in fine).

2. 2.1.1 A réception de la réquisition de continuer la poursuite, l'Office doit procéder à la saisie des biens du poursuivi dans la mesure nécessaire au désintéressement des créanciers poursuivant (art. 89 LP). Il lui incombe ainsi d'identifier et de mettre sous mains de justice, dans l'ordre prévu par l'art. 95 al. 1 à 4 LP et en estimant leur valeur de manière à ne pas limiter le pouvoir de disposition du débiteur plus que nécessaire (art. 97 al. 1 et 2 LP), les éléments du patrimoine du poursuivi. La loi prévoit que certains biens sont insaisissables (art. 92 LP), respectivement qu'ils ne peuvent être saisis que déduction faite de ce qui est indispensable au débiteur et à sa famille (art. 93 al. 1 LP).

La saisie est exécutée par l'avis donné au débiteur qu'il lui est fait interdiction, sous la menace des peines prévues par l'art. 169 CP, de disposer des biens saisis sans l'autorisation de l'Office (art. 96 al. 1 LP). Pour certaines catégories de biens, l'Office est par ailleurs tenu de prendre des mesures de sûreté destinées à éviter la disparition des avoirs saisis (art. 97 à 101 LP). Il doit ainsi aviser les tiers débiteurs du poursuivi qu'ils ne peuvent plus s'acquitter valablement de leur dette qu'en mains de l'Office (art. 99 LP), et doit procéder à l'encaissement des créances échues (art. 100 LP).

2.1.2 A teneur de l'art. 92 al. 1 ch. 5 LP, sont insaisissables, les denrées alimentaires et le combustible nécessaires au débiteur et à sa famille pour les deux mois consécutifs à la saisie ou l'argent liquide ou les créances indispensables pour les acquérir.

Si le débiteur dépend de ses économies pour couvrir ses besoins essentiels, la jurisprudence prévoit que celles-ci doivent lui être restituées, conformément à l'art. 92 al. 1 ch. 5 LP, à concurrence du montant absolument nécessaire pour l'alimentation et le carburant de base pendant deux mois. Le montant nécessaire pour "l'alimentation et le carburant" doit être fixé à un niveau nettement inférieur au minimum vital ou au montant de base, selon le cas. En pratique, la contre-valeur de "nourriture et carburant" est calculée à la moitié du montant de base (arrêts de l'Autorité de surveillance des poursuites pour dettes et des faillites du canton de Berne ABS 21 219 du 15 octobre 2021 consid. 4.2, 20 192 du 29 septembre 2020, consid. 9.1 ; ABS 19 176 du 12 juillet 2019, consid. 4.3), qui est de 1'200 fr. pour un débiteur individuel.

2.1.3 Selon l’art. 92 al. 1 ch. 8 LP, sont insaisissables les prestations d'assistance et subsides alloués par un canton ou une commune, même s'ils excèdent le minimum vital du débiteur (art. 92 al. 1 ch. 8 LP; Vonder Mühl, in BK SchKG, N 30 ad art. 92 LP).

2.2 Dans le cas d'espèce, l'Office n'a saisi qu'un seul élément patrimonial appartenant au plaignant, à savoir la créance dont il était titulaire à l'encontre de la [banque] D______.

Il ne ressort pas du dossier que la créance litigieuse serait insaisissable en vertu de l'art. 92 al. 1 ch. 8 LP, puisqu'à la date de l'envoi de l'avis de saisie à la banque, le plaignant ne percevait pas encore des prestations de l'Hospice général. Ce dernier n'affirme du reste pas que les avoirs déposés sur son compte provenaient de prestations insaisissables, étant relevé qu'aucun mouvement n'a été enregistré sur ce compte entre mai et novembre 2024, ce qui permet de considérer qu'il s'agissait d'une épargne.

Cela étant, les investigations de l'Office n'ont pas mis en évidence d'autres actifs, qui auraient dû être saisis dès lors que la créance envers la banque (de l'ordre de 1'700 fr.) est insuffisante pour couvrir les poursuites participant à la série qui totalisent un montant supérieur à 45'000 fr. Il résulte par ailleurs du dossier que le plaignant a été mis au bénéfice de prestations d'assistance suite à sa demande auprès de l'Hospice général du mois de février 2025. Il y a donc lieu d'admettre que l'épargne qui se trouvait sur son compte bancaire le 7 novembre 2024, était insaisissable à hauteur de 1'200 fr., montant correspondant à la moitié du montant de base LP pendant deux mois.

Eu égard à ce qui précède, la plainte est partiellement admise, l'Office étant invité à laisser à la libre disposition du plaignant un montant de 1'200 fr., le solde déposé sur le compte bancaire auprès de la D______ pouvant être saisi.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 19 mai 2025 par A______ contre les opérations de saisie dans la série n° 81 5______.

Au fond :

L'admet partiellement.

Annule le procès-verbal de saisie du 8 avril 2025 et l'avis de dépôt de l'état de collocation et du tableau de distribution du 5 mai 2025 dans la série n° 81 5______.

Dit que les avoirs déposés sur le compte bancaire de A______ auprès de la D______ à la date du 7 novembre 2024 sont insaisissables à hauteur de 1'200 fr.

Invite l'Office cantonal des poursuites à établir un nouveau procès-verbal de saisie dans le sens des considérants de la présente décision.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

 

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.