Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/385/2025 du 30.06.2025 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/3444/2024-CS DCSO/385/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU LUNDI 30 JUIN 2025 |
Plainte 17 LP (A/3444/2024-CS) formée en date du 17 octobre 2024 par A______ LTD, représenté par Me B______, avocate.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 1er juillet 2025
à :
- A______ LTD
c/o Me KARMASS Monia
LIBRA LAW
Avenue de Rhodanie 54
Case postale 1044
1001 Lausanne.
- D______
c/o Me POZZI Nicolas
Forty-Four Avocats
Boulevard des Tranchées 44
1206 Genève.
- E______
Commissaire au sursis provisoire
c/o F______ SA
______
______ [GE].
A. a. Par jugement du 25 avril 2024, le Tribunal de première instance a octroyé à D______ un sursis concordataire provisoire jusqu'au 25 août 2024.
Il a désigné E______, expert-comptable, en qualité de commissaire au sursis provisoire en le chargeant notamment d'analyser les perspectives d'assainissement ou d'homologation du concordat, de s'assurer de la progression des démarches tendant à l'assainissement de la situation économique du sursitaire, d'élaborer si nécessaire le projet de concordat, de veiller au respect par le sursitaire des dispositions des art. 297a et 298 al. 1 LP, de renseigner, cas échéant, les créanciers sur le cours du sursis, de donner son préavis, le moment venu, sur la demande d'autorisation par le sursitaire de la vente des bien-fonds n° 1______, 2______ et 3______ de la commune de G______ (Genève) et d'informer sans délai le Tribunal d'éventuelles circonstances de nature à justifier la révocation immédiate du sursis.
Le Tribunal a fait interdiction à D______, sous peine de nullité, d'aliéner ou de grever l'actif immobilisé, de constituer un gage, de se porter caution et de disposer à titre gratuit pendant la durée du sursis, sauf autorisation du Tribunal.
Dans son jugement, le Tribunal a notamment retenu que les dettes du sursitaire s'élevaient à 4'743'237 fr. 34 en capital, composées entre autres par des prêts hypothécaires de 2'300'000 fr. et 250'000 fr. octroyés par [la banque] H______ et I______ SA et garanties par gages immobiliers au moyen de deux cédules hypothécaires grevant le bien immobilier situé à G______, et par une dette de 1'358'384 fr. 05 à l'égard de A______ LTD, contestée par le sursitaire.
b. Le 26 août 2024, le Tribunal a prolongé le sursis provisoire au 25 décembre 2024.
Il a maintenu l'interdiction faite à D______, sous peine de nullité, d'aliéner ou de grever l'actif immobilisé, de constituer un gage, de se porter caution et de disposer à titre gratuit pendant la durée du sursis, sauf autorisation du Tribunal.
Il a confirmé E______ dans ses fonctions de commissaire au sursis et lui a confié les tâches générales décrites dans son précédent jugement du 25 avril 2024.
S'agissant en particulier des avoirs de prévoyance 3ème pilier, il a chargé le commissaire au sursis de s'assurer de la progression des démarches de D______ tendant à l'assainissement de sa situation économique, en particulier des démarches visant la récupération des avoirs de prévoyance 3ème pilier.
Se fondant sur le rapport établi par le commissaire le 19 août 2024, le Tribunal a retenu que les actifs de D______ étaient estimés à 5'140'000 fr., comprenant notamment les avoirs de prévoyance 3ème pilier A et B auprès de [la compagnie d'assurances] K______ (trois polices pour des sommes de 124'656 fr., 74'130 fr. et 113'677 fr.).
c. Interpellé par A______ LTD sur la récupération des avoirs de prévoyance 3ème pilier, le commissaire a indiqué, par courriel du 9 octobre 2024 que le remboursement de la dette hypothécaire à l'aide des avoirs de prévoyance 3ème pilier n'avait pas été effectué, qu'il avait lui-même proposé l'idée d'affecter les fonds de prévoyance au remboursement de la dette hypothécaire et que cette proposition avait été validée par le Tribunal dans le jugement.
d. Par courriel du même jour, A______ LTD a souligné que le jugement du Tribunal de première instance n'autorisait que la récupération des avoirs 3ème pilier et non leur affectation au remboursement de la dette hypothécaire, rappelant qu'un tel remboursement nécessitait l'autorisation préalable du juge du concordat; qu'elle a mis le commissaire en garde sur le fait qu'un paiement à une banque aux fins de rembourser une partie de la dette hypothécaire constituait un acte de disposition interdit et nul puisqu'il reviendrait à avantager un créancier par rapport aux autres. Elle a requis du commissaire qu'il interdise au poursuivi d'effectuer un tel paiement et qu'il informe le juge du concordat si les conditions n'en étaient plus remplies.
e. Par courrier adressé au Tribunal le 17 octobre 2024, le commissaire au sursis a indiqué qu'il avait, en conformité des jugements prononcés, encouragé D______ à entreprendre les démarches pour récupérer ses avoirs de prévoyance 3ème pilier auprès de K______, répartis sur trois polices nanties auprès [de la banque] H______ aux fins de garantie l'hypothèque constituée sur le bien immobilier situé à G______ (Genève). La récupération de ces avoirs ne pouvait avoir lieu que par le biais de la banque créancière gagiste.
f. Un montant total de 320'410 fr. 30 a été versé par l'institution de prévoyance de D______ sur le compte courant [IBAN] CH4______, ouvert par de dernier et son épouse J______ auprès [de la banque] H______ : le montant de 114'239 fr. 40 a été versé le 17 septembre 2024 et les sommes de 80'897 fr. 70 et 125'273 fr. 20 le 18 octobre 2024.
Il ressort de la liste des comptes de D______ auprès du H______ établie au 23 octobre 2024 que les comptes sur lesquels les avoirs de prévoyance professionnelle 3ème pilier ont été versés sont distincts de ceux concernant les dettes hypothécaires.
B. a. Par acte expédié à la Chambre de surveillance le 17 octobre 2024, A______ LTD a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de E______, commissaire au sursis provisoire, d'autoriser l'utilisation des avoirs de prévoyance 3ème pilier de D______ aux fins de rembourser une partie de la dette hypothécaire, concluant à l'annulation de cette décision et à ce que la Chambre de surveillance enjoigne le commissaire, respectivement le débiteur, de requérir l'accord du juge du concordat aux fins d'affecter les avoirs de prévoyance au désintéressement de quelque créancier que ce soit, interdise à D______ de disposer de ses avoirs de prévoyance de 3ème pilier ou de tout autre de ses actifs sans autorisation préalable du juge du concordat et, pour le cas où ces avoirs de prévoyance auraient déjà été reversés à un créancier, enjoigne le commissaire et le débiteur de prendre toute mesure en vue de réintégrer ces avoirs au patrimoine du débiteur et ordonne au commissaire de renseigner proactivement et régulièrement tous les créanciers sur toutes les démarches accomplies dans le cadre du sursis et sur tout élément pertinent dans le cadre de celui-ci.
b. Sa requête tendant à ce qu'il soit, à titre provisoire, fait interdiction à D______ de reverser ses avoirs de prévoyance 3ème pilier à quelque créancier que ce soit et au commissaire d'autoriser le débiteur à procéder à un tel paiement a été rejetée par ordonnance de la Chambre de surveillance du 4 novembre 2024.
c. Dans ses déterminations du 21 novembre 2024, le commissaire au sursis provisoire E______ a relevé que D______ avait effectué les démarches nécessaires en vue de récupérer ses avoirs de K______, s'élevant à hauteur de 320'410 fr. qui avaient été transférés un compte auprès du H______.
d. D______ a conclu au rejet de la plainte et à la condamnation de A______ LTD et de C______ SA à lui verser un montant de 1'000 fr. en remboursement de ses honoraires, à rembourser les honoraires du commissaire au sursis provisoire, à mettre à leur charge tous frais supplémentaire en lien avec la procédure de plainte et à prononcer une amende de 1'500 fr. à leur encontre.
e. Par avis du greffe du 26 novembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures sujettes à plainte prises par un commissaire au sursis (art. 17 et 295 al. 4 LP; bauer/luginbühl in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs II, 3ème éd. (2021), n. 23 et 25 ad art. 295; umbach-spahn/kesselbach, in Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, 4ème éd. (2017), kren-kostkiewicz/vock (éd.), n. 31 ad art. 295 LP)
Par "mesure" au sens de l'art. 17 LP, il faut entendre tout acte d'autorité accompli par l'office ou par un organe de la poursuite en exécution d'une mission officielle dans une affaire concrète. L'acte de poursuite doit être de nature à créer, modifier ou supprimer une situation du droit de l'exécution forcée dans l'affaire en question. En d'autres termes, il doit s'agir d'un acte matériel qui a pour but la continuation ou l'achèvement de la procédure d'exécution forcée et qui produit des effets externes (ATF 142 III 643 consid. 3.1 et les arrêts cités; arrêts du Tribunal fédéral 5A_727/2017 et 5A_728/2017 du 8 janvier 2018, destinés à la publication, consid. 4.2.1). Ne constituent en conséquence pas des mesures sujettes à plainte la simple confirmation d'une décision déjà prise, une communication de l'Office sur ses intentions, un avis (BSK SchKG I commetta/möckli (2021), n° 22 ad art. 17; CR LP – erard (2005) n° 10 ad art. 17 LP).
La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).
1.2 Le plaignant peut faire valoir une violation de la loi ou l'opportunité de la mesure (art. 17 al. 1 LP).
2. En l'espèce, la plaignante reproche au commissaire d'avoir autorisé le sursitaire à affecter les avoirs de prévoyance 3ème pilier au remboursement de la dette hypothécaire et demande à la Chambre de surveillance d'enjoindre le commissaire, respectivement le débiteur, de requérir l'accord du juge du concordat pour affecter les avoirs de prévoyance au désintéressement de quelque créancier que ce soit, d'interdire à D______ de disposer de ses avoirs de prévoyance de 3ème pilier ou de tout autre de ses actifs sans autorisation préalable du juge du concordat et, pour le cas où ces avoirs de prévoyance auraient déjà été reversés à un créancier, enjoigne le commissaire et le débiteur de prendre toute mesure en vue de réintégrer ces avoirs au patrimoine du débiteur et ordonne au commissaire de renseigner pro-activement et régulièrement tous les créanciers sur toutes les démarches accomplies.
Ce faisant, la plaignante ne conteste aucun acte d'exécution sujet à plainte.
Les injonctions qu'elle souhaite voir adressées par la Chambre de céans au commissaire et au sursitaire découlent pour l'essentiel déjà des mesures ordonnées par le Tribunal dans ses jugements rendus les 25 avril et 26 août 2024, puisqu'il y est fait interdiction au sursitaire d'aliéner ses biens et instruction au commissaire de renseigner les créanciers sur le cours du sursis. Dans la mesure où les conclusions formulées par la plaignante tendent à une modification des instructions et injonctions prévues par le Tribunal, celles-ci ne sont pas du ressort de la Chambre de surveillance puisqu'elles relèvent du juge du concordat.
S'agissant par ailleurs du grief soulevé par la plaignante en lien avec l'autorisation que le commissaire aurait donné au sursitaire pour affecter les avoirs de prévoyance 3ème pilier au remboursement d'une dette, force est de relever qu'aucune décision en ce sens de résulte du dossier. S'il apparaît certes que les avoirs de prévoyance 3ème pilier ont été récupérés et versés sur les comptes ouverts par le sursitaire dans les livres du H______, créancier hypothécaire - ce que le Tribunal a autorisé puisqu'il a en particulier chargé le commissaire au sursis de s'assurer que le sursitaire entreprenne des démarches en ce sens -, l'on ne saurait en revanche en déduire que ces avoirs ont été affectés au remboursement de la dette hypothécaire ni que le commissaire au sursis ait autorisé cette affectation. Il ressort au contraire des pièces versées au dossier que ces avoirs ont été transférés sur les comptes bancaires du sursitaire auprès du H______, créancier gagiste en faveur duquel les avoirs de prévoyance avaient été nantis et qu'ils n'ont pas été affectés au remboursement des dettes hypothécaires puisqu'ils figurent sur des comptes distincts.
La plainte est en conséquence irrecevable, puisqu'elle n'est pas dirigée contre une décision du commissaire au sursis sujette à plainte.
3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
Déclare irrecevable la plainte formée le 17 octobre 2024 par A______ LTD contre l'autorisation du commissaire au sursis provisoire octroyé à D______ d'utiliser les avoirs de prévoyance 3ème pilier en vue du remboursement d'une dette hypothécaire du 9 octobre 2024.
Siégeant :
Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Monsieur Alexandre BÖHLER et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS, greffière.
La présidente : Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI |
| La greffière : Elise CAIRUS |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.