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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3375/2024

DCSO/386/2025 du 30.06.2025 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3375/2024-CS DCSO/386/25

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU LUNDI 30 JUIN 2025

 

Plainte 17 LP (A/3375/2024-CS) formée en date du 14 octobre 2024 par A______, représenté par Me Alexandre CAMOLETTI, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 1er juillet 2025
à :

-       A______

c/o Me CAMOLETTI Alexandre

AMORUSO & CAMOLETTI

Rue Jean-Gabriel Eynard 6

1205 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Selon une série d'interviews de B______, unique administrateur de C______ SA, parues dans la presse en février 2023 et septembre 2024, le GROUPE C______, détenu et animé par le précité, est actif dans diverses branches à Genève, notamment l'immobilier, la restauration, l'hôtellerie, les services tels que le fitness, le coworking ainsi que la sécurité et, pendant la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19, la santé. Lors de ses périodes les plus prospères, il a comptabilisé 165 sociétés et 1'400 collaborateurs. Il a été confronté, suite la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19, à des difficultés qui ont nécessité une restructuration. Il a notamment cessé ses activités dans le secteur de la santé et s'est séparé d'une vingtaine de sociétés actives dans ses domaines d'activités traditionnels, l'hôtellerie-restauration et l'immobilier. En dernier lieu, il s'est séparé de l'Hôtel F______ et de trois régies immobilières, pour se recentrer sur la promotion immobilière. Le GROUPE C______ ambitionne d'entrer en bourse en 2025.

b. Le 24 juillet 2022, A______ et C______ SA, représentée par son administrateur président B______, ont conclu un contrat de conseil ("Advisory Services Agreement"), par lequel le premier s'engageait à fournir à la seconde des conseils de toute nature, à la demande de son président, incluant, mais non limité à la présentation d'investisseurs-clés en Suisse, en Europe et au-delà, susceptibles d'investir des montants atteignant 25'000'000 fr. dans le GROUPE C______, dans le but d'acquérir [la banque] D______. Le conseil devait également assister l'équipe de direction du groupe en fonction de ses besoins.

c. C______ SA a acquis la filiale suisse de D______ fin 2022, laquelle a pris le nom de E______.

d. A______ a émis le 21 décembre 2022 une facture de 152'604 fr. 20 à titre de commission pour l'apport d'investisseurs en faveur de C______ SA.

e. Faute de paiement, A______ a introduit à l'encontre de C______ SA une première poursuite le 6 mars 2023 à laquelle celle-ci a fait opposition et qui a finalement été réglée par la débitrice, de sorte que le créancier l'a retirée (poursuite n° 1______).

f. Une seconde poursuite a été introduite le 19 janvier 2024 par A______ contre C______ SA pour un montant de 63'396 fr. 15 à titre de TVA (poursuite n° 2______), puis une troisième le 27 mai 2024 pour un montant de 538'500 fr. à titre de commission complémentaire pour un nouvel apport de fonds par un investisseur qu'il avait présenté à C______ SA (poursuite n° 3______). Ces deux poursuites ont toutes deux été frappées d'opposition par la débitrice.

g. Il ressort des extraits des poursuites contre C______ SA que celle-ci a plusieurs poursuites, dont certaines pour plusieurs dizaines de millions de francs et d'autres pour quelques milliers de francs, dont certaines de droit public, auxquelles le débiteur fait systématiquement opposition.

Sur cette base, A______ expose avoir souhaité requérir la faillite sans poursuite préalable de sa débitrice.

h. Toutefois, afin de mieux appréhender la situation financière du GROUPE C______ dans son ensemble, elle a demandé à l'Office, le 21 août 2024, de lui fournir la liste des poursuites contre la société C______ SA, puis, le 2 septembre 2024, la liste des poursuites contre treize filiales appartenant au GROUPE C______, dont B______ était l'unique administrateur et ayant toutes leur siège à la rue 4______ no.______, à Genève, soit dans les locaux de C______ SA, de sorte qu'il était incontestable qu'elles appartenaient audit groupe.

i. L'Office a refusé, par treize décisions notifiées le 27 septembre 2024 à A______, reçues par l'intéressé le 3 octobre 2024, de remettre la liste des poursuites contre ces treize filiales du GROUPE C______, au motif que la demande n'était pas accompagnée de justificatifs suffisants pour rendre vraisemblable un intérêt à consulter ces données au sens de l'art. 8a al. 1 LP.

B. a. Par acte déposé le 14 octobre 2024 auprès de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre ces treize décisions, concluant à leur annulation et à ce que les listes de poursuites requises lui soient transmises. Il considérait en substance avoir justifié d'un intérêt légitime suffisant à obtenir les extraits des poursuites requis. Il soutenait par ailleurs que la holding et les sociétés visées au sein du GROUPE C______ formaient une unité économique compte tenu de liens de subordination forts, d'une marque commune ("C______"), d'un intérêt économique commun et d'une direction unique assurée par B______, animateur, ayant droit économique de l'ensemble du groupe et président du conseil d'administration avec pouvoir de signature individuelle des sociétés du groupe, qui partagent par ailleurs le même organe de révision. Avec un tel degré d'intégration des sociétés du groupe, les difficultés de l'une d'elles ne pouvait que rejaillir sur les autres et particulièrement sur la holding, dont la valeur ne pouvait être qu'affectée. Dans la mesure où le plaignant hésitait entre requérir la poursuite puis la faillite ordinaire de sa créancière ou de requérir sa faillite sans poursuite préalable, l'état de santé financier des filiales de sa créancière était un élément pertinent dans ce choix, de sorte qu'il disposait d'un intérêt légitime à obtenir la liste des poursuites contre elles.

b. Dans ses observations du 22 novembre 2024, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Il soulignait que les différentes sociétés du GROUPE C______ étaient des entités distinctes et indépendantes. Il n'était pas non plus établi, même si de sérieux indices tendaient à le rendre vraisemblable, que les filiales seraient détenues à 100 % par la holding. Il n'était ni allégué, ni établi qu'elles auraient des engagements de garantie entre elles, notamment des filiales envers la holding ou l'inverse. Le plaignant ne pouvait donc se prévaloir d'un intérêt légitime à connaître la situation des filiales en matière de poursuites, faute d'en être de près ou de loin créancière.

c. Dans une réplique du 6 décembre 2024, la plaignante soutient que l'art. 8a LP ne requiert pas une preuve stricte, mais la vraisemblance d'un intérêt légitime. Il a par ailleurs insisté sur le caractère très intégré du GROUPE C______, dont les sociétés ont un siège commun et B______ comme organe et animateur principal, et sur l'interdépendance financière des sociétés qui le composent, caractéristiques soulignées par les articles de presse produits. Ces derniers faisaient d'ailleurs état de difficultés économiques auxquelles toutes les entités du groupe étaient confrontées. Il estimait légitime et proportionné de connaître la situation au regard des poursuites des entités du groupe, lesquelles étaient d'ailleurs les seuls actifs de la holding.

d. Les parties ont été informées par avis du 9 janvier 2025 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 En application de l'art. 8a al. 1 LP, toute personne peut consulter les procès-verbaux et les registres des offices des poursuites et des offices des faillites et s’en faire délivrer des extraits à condition qu’elle rende son intérêt vraisemblable.

Les actes des offices des poursuites et faillites sont une source de renseignements importante sur la solvabilité des personnes. Leur consultation présente un intérêt pour les créanciers eux-mêmes (possibilité de participer à une saisie; utilité de continuer une poursuite), pour les autorités (autorisation d'exercer certaines professions) et pour les tiers désireux de connaître la solvabilité d'un partenaire commercial actuel ou futur. Le Message à l'appui de l'art. 8a LP (p. 35) souligne le caractère d'utilité publique de ces renseignements mais aussi leur caractère sensible (atteinte à la sphère personnelle). L'art. 8a LP est un compromis laborieusement mis sur pied entre des intérêts opposés (Dallèves, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005 n° 1 et 2 ad art. 8a LP).

Le législateur a considéré que l'intérêt à garder le secret de la personne concernée par le droit de consultation était moins important que l'intérêt à être renseigné de celui qui se prévaut du droit de consultation. L'existence d'un intérêt public de se faire délivrer des extraits du registre des poursuites en vue de la vérification de la solvabilité d'un partenaire en affaires et du succès de l'exécution forcée est reconnue. Cet intérêt doit en principe prendre le pas sur la protection de la personnalité. Toutefois, la Constitution fédérale (art. 36 al. 3 Cst.) exige que la restriction de cette protection, prévue par la LP, respecte le principe de la proportionnalité. Quant à savoir à quelles données du droit des poursuites l'accès doit être donné, il faut les limiter à ce qui est utile sous l'angle du droit des poursuites et constitue un indice d'insolvabilité du concerné (ATF 115 III 81 consid. 2, JdT 1992 II 7; arrêt du Tribunal fédéral 5A_244/2009 du 9 juillet 2009 consid. 3.4, SJ 2009 I 513).

La loi indique à titre d'exemple d'un intérêt suffisant celui qui est lié à la conclusion ou à la liquidation d'un contrat (art. 8a al. 2 LP). Le droit de consultation a aussi été accordé à un revendiquant potentiel; il peut l'être aux cautions ou adversaires du débiteur dans un procès. L'intérêt n'est pas nécessairement de nature financière; un intérêt juridique suffit (ATF 91 III 94, JdT 1966 II 7; 105 III 38, JdT 1981 II 6; Dallèves, op. cit., n° 3 ad art. 8a LP).

Le Tribunal fédéral a considéré qu'il existait un intérêt public à ce que les créanciers actuels et les potentiels futurs créanciers du débiteur puissent obtenir des informations sur sa solvabilité et les chances de succès d'une saisie, mais dans une mesure limitée, afin de préserver les droits de la personnalité du débiteur. Les créanciers actuels et potentiels ont donc accès à la liste détaillée des poursuites et actes de défaut de biens contre le débiteur, laquelle est suffisante à évaluer le crédit de celui-ci et les chances de recouvrement à son encontre. En revanche, l'accès à d'autres documents, notamment concernant les opérations de saisie, n'est plus proportionné, dans la pesée de leur intérêt à obtenir l'information pertinente sur la solvabilité du concerné confronté à la protection de la personnalité dont bénéficie le débiteur; cet accès doit être réservé aux créanciers poursuivants. Fait exception le cas où le débiteur cèle des éléments de son patrimoine dans le cadre d'une poursuite, soit une des conditions permettant de requérir la faillite sans poursuite préalable au sens de l'art. 190 al. 1 ch. 1 LP, et que la consultation de documents liés aux opérations de saisie permet de constater la réalisation de cette condition (ATF 141 III 281 consid. 3.3, 3.3.3; ATF 135 III 503 consid. 3, 3.4, 3.5.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_67/2022 du 19 janvier 2023 consid. 2.3.2 et 5A_891/2015 du 14 avril 2016 consid. 4.2).

La consultation peut être refusée lorsque le requérant formule sa demande pour des raisons étrangères à sa qualité de créancier, lorsqu'elle est sans lien direct avec la poursuite, ou encore si elle se heurte à un impérieux devoir de discrétion, à savoir la préservation d'un secret d'affaires d'une partie ou d'un tiers (ATF
135 III 503, SJ 2009 I 513 consid. 3.5.4; ATF 91 III 94, JdT 1966 II 9 consid. 1; DAS/167/2000 du 3 mai 2000, citée in SJ 2001 I 373 consid. 2a). A titre d'exemple, le droit à la consultation a été refusé lorsque la consultation souhaitée ne présente aucun lien avec la créance mais est effectuée dans un but statistique; à une personne qui désire simplement satisfaire sa curiosité; à celui qui veut simplement se procurer des renseignements pour le futur (Muster, Les renseignements (art. 8a LP), in BlSchK, 2014, p. 161 ss, 164-165 et les références citées).

Savoir si et dans quelle mesure il se justifie d'accorder un droit de consultation à un intéressé et quel renseignement lui sera communiqué doit faire l'objet d'une décision dans chaque cas d'espèce, sur la base de l'intérêt qu'il aura pu établir. Le droit d'accès doit être adapté au besoin que l'intéressé fait valoir (ATF 135 III 503 consid. 3 et 3.2.2, JdT 2012 II 523).

2.1.2 En application de l'art. 190 al. 1 let. 2 LP, le créancier peut requérir la faillite sans poursuite préalable si le débiteur sujet à la poursuite par voie de faillite a suspendu ses paiements.

Le motif de la faillite posé à l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP est une notion juridique indéterminée qui accorde au juge un large pouvoir d'appréciation. Pour qu'il y ait suspension de paiements, il faut que le débiteur ne paie pas des dettes incontestées et exigibles, laisse les poursuites se multiplier contre lui, tout en faisant systématiquement opposition, ou omette de s'acquitter même des dettes minimes; il n'est cependant pas nécessaire que le débiteur interrompe tous ses paiements; il suffit que le refus de payer porte sur une partie essentielle de ses activités commerciales. Même une dette unique n'empêche pas, si elle est importante et que le refus de payer est durable, de trahir une suspension de paiements; tel est notamment le cas lorsque le débiteur refuse de désintéresser son principal créancier. Le non-paiement de créances de droit public peut constituer un indice de suspension de paiements. La suspension des paiements ne doit pas être de nature simplement temporaire, mais doit avoir un horizon indéterminé (ATF 137 III 460 consid. 3.4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_235/2020 du 4 juin 2020 consid. 3.1 et les références).

La suspension des paiements a été préférée par le législateur à l'insolvabilité parce qu'elle est perceptible extérieurement et, dès lors, plus aisée à constater que l'insolvabilité proprement dite; il s'agit ainsi de faciliter au requérant la preuve de l'insolvabilité. S'il ne faut donc pas confondre la suspension des paiements, qui est la manifestation extérieure d'un manque de liquidités, et l'insolvabilité, il n'en demeure pas moins que, lorsque l'insolvabilité est établie, la faillite sans poursuite préalable doit a fortiori être prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 5A_325/2020 du 16 juin 2020 consid. 3.1).

2.1.3 Selon le principe de la transparence (levée du voile social, Durchgriff), on ne peut pas s'en tenir sans réserve à l'existence formelle de deux personnes juridiquement distinctes lorsque tout l'actif ou la quasi-totalité de l'actif d'une société appartient soit directement, soit par personnes interposées, à une même personne, physique ou morale; malgré la dualité de personnes à la forme, il n'existe pas deux entités indépendantes, la société étant un simple instrument dans la main de son auteur, qui, économiquement, ne fait qu'un avec elle. On doit admettre que, conformément à la réalité économique, il y a identité de personnes et que les rapports de droit liant l'une lient également l'autre; ce sera le cas chaque fois que le fait d'invoquer la diversité des sujets constitue un abus de droit ou a pour effet une atteinte manifeste à des intérêts légitimes (art. 2 al. 2 CC). L'application du principe de la transparence suppose donc, premièrement, qu'il y ait identité de personnes, conformément à la réalité économique, ou en tout cas la domination économique d'un sujet de droit sur l'autre; il faut deuxièmement que la dualité soit invoquée de manière abusive, c'est-à-dire pour en tirer un avantage injustifié. Tel est ainsi le cas si l'identité économique absolue entre le débiteur et le tiers n'est ni contestable ni sérieusement contestée et que la dualité des sujets n'est invoquée qu'aux fins de se soustraire abusivement à l'exécution forcée (ATF 132 III 489 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_876/2015 du 22 avril 2016 consid. 4.2).

2.2 En l'espèce, le plaignant, créancier de la holding du GROUPE C______, invoque en substance son intérêt à obtenir des informations sur la situation financière d'autres sociétés du GROUPE C______ pour déterminer si les conditions pour requérir la faillite sans poursuite préalable de la holding sont réunies.

A cet égard, il prétend que les sociétés visées par ses demandes de renseignements ne sont en réalité qu'une entité animée par B______ vu leurs liens de proximité, de sorte qu'il faut, en application de la théorie de la transparence, les considérer comme un sujet. Il en découle que les renseignements en matière de poursuite les concernant doivent être traités de manière similaire. En outre, leur degré d'intégration en une unique entité implique que la situation financière de l'une d'elles rejailli sur les autres de sorte que les renseignements consolidés les concernant est pertinent pour donner une image de leur réelle solvabilité. Finalement, les renseignements requis permettraient d'appréhender la valeur des participations détenues par la holding et, partant, la solidité de ses actifs.

Le plaignant s'est limité à demander des renseignements concernant les poursuites en cours contre les sociétés visées, soit des informations dont le législateur et le Tribunal fédéral ont considéré, dans la pesée des intérêts en confrontation, qu'elles étaient largement accessibles et ne posaient pas de problème particulier en termes de protection de la personnalité. Il allègue un intérêt à obtenir ces informations en lien avec une requête en faillite sans poursuite préalable.

A priori, sa démarche s'inscrit donc dans la finalité de la large accessibilité voulue par le législateur aux poursuites en cours contre une personne.

A cette démarche, l'Office oppose le fait que les treize sociétés visées par la demande de renseignement sont des entités juridiquement indépendantes dont le plaignant n'est pas créancier actuel ou potentiel et dont il n'est pas rendu vraisemblable qu'elles seraient en relation de garantie avec la holding envers le plaignant, ce qui le priverait de la qualité d'intéressé au sens de l'art. 8a LP.

Les informations requises sont sensibles et relèvent du renseignement économique général concernant la marche des affaires du GROUPE C______, dont il est de notoriété publique qu'il est confronté à des difficultés depuis plusieurs années, son animateur le reconnaissant même dans la presse. La balance des intérêts est par conséquent délicate entre, d'une part, le risque d'atteinte aux droits de la personnalité, notamment des secrets d'affaires et, d'autre part, l'intérêt public à une information fiable sur la santé économique d'un important groupe genevois pour ses relations d'affaires.

En l'occurrence, la question de principe de savoir quelle est la limite générale à poser à la notion d'intérêt au sens de l'art. 8a LP, lorsqu'un créancier souhaite obtenir des renseignements sur un groupe de sociétés fortement intégrées dont une seule une entité est formellement sa débitrice peut rester ouverte. En effet, la demande du plaignant doit être écartée en raison des circonstances du cas d'espèce.

Dans un premier moyen, le plaignant soutient que son droit à obtenir l'information sur sa débitrice s'étendrait à treize sociétés du groupe dont elle est la holding et qui constitueraient une unité avec la société-mère. Afin de soutenir la levée du voile social entre les différentes entités du groupe visées, le plaignant allègue quelques indices formels, tels qu'une adresse commune, une marque similaire, un même administrateur, ainsi que les propos de ce dernier dans la presse permettant de soutenir une forte intégration de ces entités au sein du groupe. Ces quelques éléments ne sont toutefois pas suffisants pour rendre vraisemblable l'existence d'une seule entité économique et d'un abus de droit à invoquer la pluralité de sujet de droits. Les différentes entités visées sont actives dans des domaines économiques relativement différents et ne sont pas forcément en lien d'affaires entre elles. Le détenteur formel de ces entités n'est qu'allégué, mais aucun indice solide n'est fourni à l'appui d'une détention exclusive par la holding, de sorte qu'il n'est pas exclu que la prétendue mainmise totale du groupe et de son animateur sur elles n'est pas rendue vraisemblable. Le plaignant a choisi treize sociétés dont il estime qu'il est acquis qu'elles peuvent faire l'objet d'une levée du voile social, mais les quelques critères qu'il a appliqués pour faire son choix ne sont pas suffisamment discriminants pour s'en assurer et tirer une limite certaine au sein du groupe entre des sociétés qui pourraient se voir appliquer la théorie de la transparence et les autres. Le simple fait d'admettre qu'il existerait ces deux types de sociétés au sein du groupe souligne la limite de l'exercice. Finalement le caractère protéiforme du groupe conduit au contraire à retenir qu'il est difficile d'y appliquer la théorie de la transparence. Ainsi, le fait que des financements externes ont permis l'acquisition de E______ permet de souligner que B______ ne saurait être considéré comme l'exclusif animateur au sein du groupe. En conclusion, la Chambre de céans n'appliquera pas la théorie de la transparence au GROUPE C______ en l'occurrence, de sorte que ce premier grief adressé par le plaignant aux décisions de l'Office est écarté.

Le plaignant s'est également prévalu d'une jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle la demande de renseignements visant une société en nom collectif (ci-après SNC) permettait également d'obtenir les extraits des poursuites de ses associés. Cette analogie n'est pas pertinente, car la structure juridique de la SNC n'a aucun point commun avec celle d'un groupe de sociétés. Dénuée de personnalité morale, la SNC repose sur la responsabilité individuelle de ses associés, quand bien même elle peut être actionnée ou agir sous sa raison de commerce. Cette structure juridique constitue une rare exception dans l'ordre juridique suisse qui justifie l'accès simultané aux poursuites contre la SNC et ses associés en cas de demande de renseignements en application de l'art. 8a LP. Ce grief du plaignant est par conséquent également écarté.

Finalement, le plaignant a exprimé sa demande de renseignements dans l'intention de déposer une requête en faillite sans poursuite préalable contre C______ SA. Or, les critères permettant de prononcer une telle faillite sont restrictifs et reposent essentiellement sur la notion de cessation de paiement et les poursuites en cours contre l'entité formellement visée, information dont le plaignant dispose et qui paraît suffisante pour agir. Le fait d'obtenir les poursuites contre des entités alléguées détenues à 100 % par la holding ne permettra que de donner des indices très vagues sur le degré d'exposition et, partant, de la valeur des participations du groupe, ce qui ne sera d'aucun secours pour le plaignant dans sa démarche en faillite sans poursuite préalable. Il résulte de ce qui précède que la demande de renseignements litigieuse semble plutôt relever de la recherche toute générale d'information économique sur le GROUPE C______, ce qui n'est pas un intérêt protégé par l'art. 8a LP.

Au surplus, il n'est pas allégué ni rendu vraisemblable que le GROUPE C______ et son animateur utiliseraient la structure du groupe pour dissimuler ou soustraire des actifs à leurs créanciers, ce qui autoriserait une demande de renseignements justifiée par une requête de faillite sans poursuite préalable au sens de l'art. 190 al. 1 ch. 1 LP.

Le plaignant n'allègue pas non plus avoir besoin des informations requises pour estimer la pertinence d'entreprendre un processus d'exécution forcée à l'encontre de sa débitrice et ses chances de succès pour obtenir le paiement de sa créance, compte tenu de la valeur des participations détenues par C______ SA. Un tel intérêt est d'ailleurs secondaire lorsque le débiteur est soumis à l'exécution forcée selon la voie de la faillite et non pas de la saisie.

Il résulte de ce qui précède que le plaignant n'a pas rendu vraisemblable son intérêt à obtenir les extraits des poursuites des treize entités du GROUPE C______ visées au sens de l'art. 8a LP.

Sa plainte sera par conséquent rejetée.

3. L'autorisation des personnes sur lesquelles des renseignements sont demandés n'a pas à être requise (arrêt du Tribunal fédéral 5A_244/2009 du 9 juillet 2009 consid. 1.3 non publié aux ATF 135 III 503; ATF 52 III 77 consid. 3). Ces personnes ne sont par conséquent en principe pas partie à la procédure. La décision rendue peut néanmoins leur être notifiée dans la mesure où elles seraient touchées dans leurs intérêts (art. 20a al. 2 ch. 4 P). La présente décision confirmant les décisions de l'Office de ne pas communiquer l'extrait des poursuites contre les sociétés visées, ces dernières ne sont pas touchées dans leurs intérêts, de sorte qu'elle ne leur sera pas communiquée.

4. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 14 octobre 2024 par A______ contre les treize décisions de l'Office du 27 septembre 2024 rejetant ses demandes d'extraits des poursuites à l'encontre treize sociétés du GROUPE C______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Monsieur Alexandre BÖHLER et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président : La greffière :

 

Jean REYMOND Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.