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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2552/2024

DCSO/367/2025 du 26.06.2025 ( PLAINT ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.07.2025, 5A_537/2025
Résumé : Recours interjeté au TF le 04.07.2025 par le débiteur (5A_537/2025)
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2552/2024-CS DCSO/367/25

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 26 JUIN 2025

 

Plainte 17 LP (A/2552/2024-CS) formée en date du 5 août 2024 par A______, représenté par Me Florian Baier, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me BAIER Florian

BAIER & SAGER Avocats

Cours de Rive 2

Case postale 3131

1211 Genève 3.

- B______

c/o Me FALTER Danièle

CMS von Erlach Partners SA

Esplanade de Pont-Rouge 9

Case postale 1875

1211 Genève 26.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Les ex-époux A______/B______, d'origine finlandaise, ont vécu à Genève. Après leur séparation en 2012, B______ s'est installée au Royaume-Uni. A______ a déménagé à C______ (BE) en 2021, puis aux Iles Caïman en août 2022.

b. Par jugement du 17 août 2020, le Tribunal de première instance de Genève (ci-après le Tribunal) a prononcé le divorce des époux A______ et B______. Cette décision condamnait, sur effet accessoires, A______ à verser à B______ la somme de 6'706'821 fr. à titre de liquidation du régime matrimonial.

Par arrêt du 31 août 2021, la Cour de justice a modifié ce jugement, condamnant A______ à verser à B______, à titre de liquidation du régime matrimonial, la somme de 115'871'422 fr. plus intérêt à 5% l'an dès le 17 août 2020.

c. Fondée sur ce jugement, B______ a requis et obtenu du Tribunal, le 9 décembre 2021, le séquestre de divers biens appartenant à A______, à concurrence dudit montant (cause C/1______/2021).

Les biens visés étaient l'immeuble appartenant au débiteur à D______ (GE) et le mobilier qu'il contient, l'immeuble appartenant au débiteur à C______ et le mobilier qu'il contient, des œuvres d'art et des véhicules appartenant au débiteur, les titres des sociétés E______ SA, F______ SARL et G______ SA et toute créance de A______ envers ces sociétés, les avoirs de ce derniers auprès [des banques] H______, I______ et J______, toutes trois à Zurich.

Le Tribunal a notifié l'ordonnance de séquestre aux trois offices des poursuites compétents à raison du lieu pour l'exécution de la mesure, soit l'Office cantonal des poursuites de Genève (ci-après l'Office de Genève) et les Offices des poursuites de Zurich 1 (ci-après l'Office de Zurich) et de Bern-Oberland West (ci-après l'Office de Berne).

d. L'Office cantonal des poursuites de Genève (ci-après l'Office de Genève), a exécuté le séquestre, sous n° 2______, s'agissant des biens situés à Genève.

Le procès-verbal de séquestre dressé par l'Office a été notifié le 3 février 2022 au débiteur et à la créancière. Le séquestre a porté sur tous les biens visés par l'ordonnance de séquestre, sauf les titres F______ SARL (cédés à un tiers peu avant le séquestre) et E______ SA (pas trouvé dans les immeubles du débiteur à Genève).

e. Les Offices de Zurich et Berne ont exécuté le séquestre s'agissant des biens se situant dans leurs arrondissements respectifs et dressé des procès-verbaux de séquestre, respectivement le 5, séquestre n° 3______, et le 6 janvier 2022, séquestre n° 4______.

f. L'Office de Berne a informé le 4 mars 2022 l'Office de Genève avoir été requis d'une poursuite en validation du séquestre ordonné dans la cause C/1______/2021, ayant conduit à la notification d'un commandement de payer, poursuite n° 5______, au débiteur le 26 janvier 2022 auquel le débiteur avait formé opposition.

g. B______ a obtenu la mainlevée de l'opposition formée au commandement de payer par A______ le 13 mai 2022.

h. Elle a requis la continuation de la poursuite le 2 juin 2022.

i. A______ a interpellé l'Office de Genève par courriel du 1er juillet 2024 sur le fait que le séquestre n° 2______ était de son point de vue caduc car il n'existait plus de for de poursuite en Suisse, suite à son départ de Suisse. Il se fondait, pour soutenir cela, sur un arrêt de la Cour suprême du canton de Berne, rendu le 20 janvier 2023, qui annulait la saisie dans la poursuite n° 6______ en validation de séquestre, au motif qu'il n'y avait plus de for de poursuite ordinaire en Suisse en raison du déménagement du débiteur aux Iles Caïman.

j. L'Office de Genève a répondu par courriel du 25 juillet 2024 qu'il ne donnerait pas suite à cette interpellation. Il notait que le séquestre litigieux était validé par la poursuite la poursuite n° 5______ et non par la poursuite n° 6______ qui n'était en rien pertinente puisqu'elle concernait un autre séquestre qui avait été annulé dans l'intervalle. La poursuite n° 5______ validant le séquestre litigieux n'avait en l'état pas encore atteint le stade de la saisie et était toujours valide.

B. a. Par acte expédié le 5 août 2024 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites de Genève (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre la décision de l'Office de Genève de ne pas donner suite à sa demande de constat de caducité du séquestre.

Il soutenait en substance qu'aucune validation du séquestre exécuté à Genève n'avait eu lieu dans ce canton et que la validation du séquestre exécuté à Berne par une poursuite requise à Berne ne validait pas le séquestre exécuté à Genève, l'Office de Berne n'ayant pas été désigné Office leader par le juge du séquestre. Chaque Office exécutait par conséquent le séquestre dont il était nanti indépendamment l'un de l'autre et chaque séquestre devait être validé par une poursuite distincte, au for du séquestre.

b. Dans leurs observations des 27 et 28 août 2024, l'Office de Genève et B______ ont conclu au rejet de la plainte.

c. Les parties ont été avisées le 29 août 2024 de ce que la cause était gardée à juger sous réserve de mesures d'instruction ordonnées par la Chambre de céans.

d. Le 10 janvier 2025, A______ a évoqué la suspension de la cause au motif que les parties étaient en pourparlers en vue d'une issue transactionnelle de l'ensemble de leurs litiges.

e. B______ s'étant finalement opposée à la suspension, la cause a été gardée à juger le 18 février 2025.


 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. Le plaignant s'est prévalu, dans son courriel du 1er juillet 2024 à l'Office de Genève, du fait qu'un arrêt de la Cour suprême bernoise du 20 janvier 2023 avait annulé la saisie dans la poursuite n° 6______ au motif qu'il n'y avait plus de for ordinaire de la poursuite en Suisse contre lui. Il invoque encore ce grief dans sa plainte, sans que l'on comprenne toutefois l'objectif visé. En tout état, l'arrêt de la Cour suprême bernoise et la poursuite qu'il examine sont sans lien avec le séquestre présentement litigieux de sorte que la pertinence de ce grief n'est pas donnée et il n'y a pas lieu de s'y intéresser plus avant.

3. Le plaignant soutient que le séquestre exécuté à Genève par l'Office de ce canton n'a pas été valablement validé par une poursuite, de sorte qu'il serait devenu caduc (art. 279 et 280 LP).

3.1.1 Depuis la modification du droit du séquestre, entrée en vigueur le 1er janvier 2011, le juge du séquestre est compétent pour prononcer cette mesure dans toute la Suisse au moyen d'une unique ordonnance de portée nationale. Si la novelle a clairement réglé le processus judiciaire du prononcé de l'ordonnance de séquestre unique, elle n'a pas abordé la question de l'exécution du séquestre par les offices des poursuites, en particulier leur compétence à raison du lieu et la coordination de leur activité. Or, il n'est pas rare que plusieurs offices soient mis en œuvre pour l'exécution d'une seule ordonnance de séquestre en raison des divers lieux de situation des biens à séquestrer (Ochsner, La validation et la conversion du séquestre, SJ 2016 II 1, p. 23 et ss).

Avant 2011, une ordonnance de séquestre devait être requise du juge dans chaque ressort où se situaient les biens à séquestrer et le juge confiait l'exécution du séquestre à l'office de son ressort. Chaque séquestre devait faire l'objet d'une poursuite en validation différente au for de chaque séquestre. En exception à cette règle, une seule poursuite en validation de tous les séquestre pouvait être requise au for ordinaire de la poursuite si le débiteur séquestré était domicilié en Suisse (ATF 77 III 128, JdT 1952 II 77). Avec la novelle de 2011, le juge du séquestre doit remettre son unique ordonnance de séquestre nationale pour exécution à chaque office dans le ressort duquel se situe un bien à séquestrer. Depuis 2011, la jurisprudence et la doctrine ont donné des réponses fluctuantes et contradictoires aux questions de savoir comment devait s'organiser la coordination des différents offices chargés de l'exécution du séquestre et comment le créancier devait valider ce séquestre (validation multiple ou unique et, dans ce dernier cas, où) (Ochsner, op. cit., SJ 2016 II 1, p. 23 et ss).

Admettant une lacune du nouveau droit ainsi qu'une disparité préjudiciable des pratiques et reconnaissant la volonté du législateur de permettre l'exécution des séquestres de manière appropriée et correcte dans toute la Suisse, le Tribunal fédéral a posé le principe, dans un arrêt du 1er février 2022, d'une coordination de l'exécution du séquestre par l'instauration du système de l'office leader. Celui-ci doit être impérativement désigné par le juge du séquestre. Celui-ci doit également préciser quels sont les offices appelé à soutenir l'office leader par le biais de l'entraide en fonction du lieu de situation des biens à séquestrer (ATF 148 III 138, JdT 2022 II 326).

3.1.2 Le principe de la bonne foi, ancré à l'art. 2 al. 1 CC, s'applique à l'ensemble des domaines du droit, y compris la LP (ATF 108 III 120 consid. 2). L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi (art. 2 al. 2 CC). Il peut y avoir abus de droit lorsqu'une personne adopte un comportement contradictoire ("venire contra factum proprium"; parmi d'autres ATF 137 III 208 consid. 2.5). L'ordre juridique ne protège contre l'attitude contradictoire que lorsque le comportement antérieur d'une partie a inspiré chez l'autre partie une confiance légitime qui l'a déterminée à des actes qui se révèlent préjudiciables une fois que la situation a changé (parmi d'autres ATF 133 I 149 consid. 3.3).

Le droit des poursuites est par nature un droit formaliste dont les règles prescrivent des actes définis aux effets précisément rigoureux (arrêt du Tribunal fédéral B.192/1996 du 16 octobre 1996 consid. 2). Au vu de ce formalisme, qui vaut aussi pour les autorités de poursuite, on ne peut admettre l'abus de droit à se prévaloir d'une règle de la LP que de manière restreinte (arrêt du Tribunal fédéral 5A_825/2020 du 25 mars 2021 consid. 5.2.1).

3.2 En l'espèce, le séquestre litigieux a été ordonné et exécuté environ un mois avant le prononcé de l'arrêt de principe du Tribunal fédéral publié aux ATF 148 III 138. Il s'insère dans une période où la jurisprudence était encore contradictoire et en évolution, de sorte que tant les créanciers que les offices ont été confrontés à une réglementation insatisfaisante sous l'angle de la sécurité du droit. Il est incontestable que le séquestre a été ordonné selon les règles prévalant avant le principe de l'office leader. Le juge du séquestre a mentionné dans son ordonnance les trois offices concernés, sans désigner de leader. Les trois offices compétents ont déployé l'activité requise par le juge du séquestre, chacun dans sa compétence territoriale.

S'agissant de la validation du séquestre, le dépôt d'une unique réquisition de poursuite à Berne-Oberland West et la notification du commandement de payer au débiteur alors qu'il était encore domicilié à Lauenen est conforme à la jurisprudence rappelée ci-dessus, de sorte qu'elle était valable. Le plaignant ne saurait par conséquent prétendre à l'absence de validation du séquestre.

Reste certes ouverte la question de la perpetuatio fori de la poursuite en validation à Berne en raison du départ de Suisse du débiteur, au regard de l'art. 53 LP. Il semble que ce départ soit intervenu après la réquisition de continuer la poursuite, mais avant la notification de l'avis de saisie. L'Office de Berne en est conscient et n'a par conséquent pas progressé dans les opérations de saisie. Cela étant, il semble que lorsque la compétence est fondée sur le for du séquestre, elle est acquise de manière permanente pour la poursuite en validation (cf. Schüpbach, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 9 ad art. 53 LP). Il n'y a en tout état pas, à ce stade, au vu des incertitudes qui règnent sur cet objet – qui ne relève pas de la compétence de la Chambre de céans mais des autorités de poursuite bernoises –, de raison de considérer que le séquestre n'aurait pas été valablement validé et de constater un motif de caducité.

Finalement, le plaignant commet un abus de droit en invoquant après plus de trois ans, dans un revirement d'attitude inattendu, un motif de caducité du séquestre dont il s'est jusqu'ici accommodé, contraignant la créancière à entreprendre de nouvelles démarches de séquestre.

En définitive, la plainte sera rejetée.

4. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 5 août 2024 par A______ contre la décision du 25 juillet 2024 de l'Office cantonal des poursuites de ne pas constater la caducité du séquestre n° 2______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Monsieur Alexandre BÖHLER et Monsieur Anthony HUGUENIN n, juges assesseurs ; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.