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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4227/2024

DCSO/193/2025 du 10.04.2025 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4227/2024-CS DCSO/193/25

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 10 AVRIL 2025

Plainte 17 LP (A/4227/2024-CS) formée en date du 19 décembre 2024 par A______, représenté par Me Christel BURRI, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me Christel BURRI

ABC Avocats

Rue de la Gare 18

Case postale 2227

1260 Nyon 1.

- B______
c/o M. C______, agent d'affaire breveté
______
______ [VD].

- D______ SA

c/o Me SCHUMACHER Valentin
Swiss Lawyers SNC
Boulevard des Pérolles 21
Case postale
1701 Fribourg.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. A______ fait l'objet des poursuites n° 1______, requise par [la compagnie d'assurances] B______ pour une créance de 142'345 fr. 30, et n° 2______, requise par D______ SA pour un montant de 407'415 fr. 90, réunies, au stade des opérations de saisie, dans la série n° 3______.

b. Le débiteur poursuivi, âgé de 57 ans, est médecin ______ [spécialité] indépendant actif au sein de E______ SA. Son épouse ne travaille pas et leur fille est âgée de 12 ans.

c. L'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a convoqué le débiteur une première fois le 1er décembre pour le 30 janvier 2024 pour procéder à son audition et établir sa situation financière. Ce dernier n'ayant pas déféré à la convocation, l'Office a procédé à un blocage de ses avoirs bancaires, de sorte qu'il s'est présenté lors d'une seconde audition qui s'est tenue le 8 mars 2024.

Suite à cette audition et sur la base des comptes d'indépendants 2023 et provisoires 2024 du débiteur, l'Office a estimé ses revenus mensuels nets à 23'771 fr. 50 et les charges de la famille à 10'749 fr. 05.

Il a, le 15 avril 2024, avisé le débiteur poursuivi de ce qu'il devait dès cette date retenir la quotité saisissable de 13'022 fr. 45 et la lui remettre, en l'informant par ailleurs que les frais de logement mensuels de la famille étaient excessifs, qu'un délai au 31 octobre 2024 lui était octroyé pour les réduire au montant admissible de 1'992 fr. et que la quotité saisissable de ses revenus augmenterait à 15'090 fr. à compter du 1er novembre 2024.

Après avoir admis son erreur dans l'estimation de ce loyer hypothétique, l'Office a établi le 3 juin 2024 un procès-verbal de la saisie des gains du débiteur tenant compte d'un montant de 2'072 fr. à ce titre, ce qui portait les charges de la famille à 8'755 fr. et la saisie de gains dès le 1er novembre 2024 à 15'015 fr.

d. Le poursuivi a versé le montant saisi en mai et juin 2024, puis plus rien.

e. A la suite du rappel que lui a adressé l'Office le 2 octobre 2024, le poursuivi a répondu que sa situation avait changé car il était en incapacité totale de travail depuis juin 2024 et ne réalisait plus les revenus annoncés. Il a, le 10 octobre 2024, informé l'Office qu'il était en droit de bénéficier d'indemnités perte de gain de [la compagnie d'assurances] F______, mais n'avait rien touché à ce jour.

L'Office a convoqué le débiteur pour le 18 octobre 2024 afin de réévaluer sa situation, sans succès. Le débiteur poursuivi n'a pas déféré à une nouvelle convocation pour le 30 octobre 2024.

f. Par courrier du 10 décembre 2024, l'Office a, à titre conservatoire, avisé F______ de ce qu'elle avait à retenir, sur les prestations dues au débiteur, tout montant supérieur à 1'200 fr. par mois. Il arrêté le minimum vital du débiteur au montant de base d'entretien mensuel pour un débiteur vivant seul en raison de l'absence de collaboration de celui-ci, soupçonnant que le débiteur lui mentait en soutenant qu'il ne touchait pas encore de prestations de l'assureur perte de gain, alors que les délais d'attente étaient généralement 30 ou 60 jours.

g. F______ a informé l'Office le 13 décembre 2024 que le débiteur était en incapacité de travail depuis le 20 juin 2024 et qu'il bénéficiait d'indemnités journalières perte de gains de 547 fr. 95 par jour depuis le 19 août 2024.

h. Le 3 janvier 2025, l'Office a, conformément à l'ordonnance octroyant partiellement l'effet suspensif à la plainte (cf. let. B.b ci-après), modifié la saisie conservatoire des indemnités perte de gain en invitant l'assureur à retenir tout montant supérieur à 8'755 fr. par mois.

i. Le 27 janvier 2025, F______ a informé l'Office que les indemnités de perte de gain pour la période allant du 19 août au 31 décembre 2024 se montaient à 73'973 fr. 25, que le minimum vital de l'assuré poursuivi pour cette même période était de 42'143 fr. 35. Le solde en 31'829 fr. 90 a été versé à l'Office.

B. a. Par acte expédié le 19 décembre 2024 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte contre la saisie conservatoire de ses indemnités journalières en mains de F______, concluant à ce que l'avis du 10 décembre 2024 soit annulé et à ce que tout montant retenu lui soit versé.

Il a soutenu que le montant de la saisie portait atteinte au minimum vital de sa famille et qu'il avait été fixé sans tenir compte des éléments réunis lors de l'instruction conduite par l'Office en mars 2024. Il se plaint, subsidiairement, d'une violation de son droit d'être entendu.

b. Par ordonnance du 30 décembre 2024, la Chambre de surveillance a partiellement octroyé l'effet suspensif assortissant la plainte en ce sens que la retenue à opérer par F______ sur ses indemnités mensuelles de perte de gain devait porter sur toute somme dépassant le montant de 8'755 fr.

c. Dans ses observations du 8 janvier 2025, D______ SA a conclu au rejet de la plainte.

d. Dans son rapport établi le 31 janvier 2025, l'Office a considéré que la plainte n'avait plus d'objet, dans la mesure où l'Office avait, le 3 janvier 2025, modifié la saisie conservatoire des indemnités perte de gain conformément à l'ordonnance rendue sur effet suspensif par la Chambre de surveillance le 30 décembre 2024. Il conclut subsidiairement au rejet de la plainte.

e. Après quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. La plainte est recevable pour avoir été déposée auprès de l'autorité compétente (art. 6 al.1 et 3 LaLP, art. 17 al. 1 LP), par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), dans le délai utile de dix jours (art. 17 al. 2 LP) et selon la forme prescrite par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LaLP, art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), à l'encontre d'une mesure de sûreté prise par l'Office au sens de l'art. 99 LP, sujette à plainte.

2. Le plaignant sollicite l'annulation de la saisie conservatoire de ses indemnités de perte de gain, reprochant à l'Office d'avoir porté atteinte au minimum vital de sa famille.

2.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que, notamment, les revenus du travail et les prestations de toutes sortes destinées à couvrir une perte de gain peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).

Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge y compris leur entretien, les soins corporels et de santé, l'entretien du logement, les assurances privées, les frais culturels et les dépenses pour l'éclairage, le courant électrique ou le gaz pour cuisiner (art. I NI-2024). D'autres charges indispensables, comme les frais de logement y compris les frais de chauffage et charges accessoires (art. II.1 et II.3 NI-2018), les dépenses indispensables à l'exercice d'une profession (art. II.4 NI-2018) ou encore les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI-2018) doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement et régulièrement payées (Ochsner, in CR-LP, n. 82 et n° 83 ad art. 93 LP).

Le calcul du minimum vital d'un débiteur marié vivant en couple prend en compte les charges du couple ainsi que les revenus des deux conjoints, afin de déterminer la part respective des conjoints à leur minimum vital, selon la formule suivante : (minimum vital du couple x revenus du poursuivi) ÷ (revenus du poursuivi + revenus du conjoint) = minimum vital du poursuivi. La quotité saisissable du débiteur résulte ensuite de la soustraction de la part du poursuivi au minimum vital commun du couple des revenus du débiteur (ATF 114 II 12 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_390/2011 du 6 octobre 2011 consid. 3 et 7B.240/2001 du 18 décembre 2001; DCSO/13/2023 du 19 janvier 2023 consid. 2.1.2 et les références).

Conformément à l'obligation de renseignement qui lui incombe en vertu de l'art. 91 al. 1 ch. 2 LP, le débiteur doit fournir à l'Office toutes les informations et pièces permettant à celui-ci de calculer son minimum d'existence au sens de l'art. 93 al. 1 LP. Cette obligation doit être remplie au moment de l'exécution de la saisie (ATF 119 III 70 consid. 1; Vonder Mühll, in BSK SchKG I, N 65 ad art. 93 LP).

2.2 En l'espèce, l'Office a, en date du 10 décembre 2024, procédé à une saisie conservatoire des indemnités perte de gain du plaignant à hauteur de tout montant dépassant 1'200 fr. par mois.

Il est vrai que le plaignant ne s'est pas présenté à l'Office lorsqu'il a été convoqué pour le 18 octobre 2024, puis pour le 30 octobre 2024 en vue de réévaluer sa situation patrimoniale.

Si l'Office pratique couramment le fait de ne retenir que le montant de base d'entretien mensuel dans le minimum vital des débiteurs qui ne collaborent pas à ses investigations, faute de connaître le montant des autres charges composant le minimum vital, cette manière de procéder n'est pas admissible dans le cas d'espèce, dans la mesure où l'Office avait connaissance des éléments constituant le minimum vital du plaignant au regard du procès-verbal de saisie qu'il avait établi le 3 juin 2024 après avoir entendu le plaignant le 8 mars 2024. L'Office avait alors retenu que le minimum vital du plaignant et de sa famille s'élevait à 8'755 fr. en juin 2024, de sorte qu'en procédant à la saisie conservatoire des indemnités de perte de gain pour tout montant supérieur à 1'200 fr. par mois en décembre 2024, l'Office a ainsi manifestement porté atteinte au minimum vital du plaignant et de sa famille

La plainte sera en conséquence partiellement admise et la saisie conservatoire limitée à toute somme dépassant 8'755 fr. par mois.

Elle sera rejetée pour le surplus, étant ici relevé que le grief tiré d'une violation du droit d'être entendu soulevé par le plaignant à titre subsidiaire n'est pas fondé, puisque l'Office lui a donné l'occasion de s'exprimer en le convoquant à deux reprises en vue de réactualiser sa situation financière.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée par A______ le 19 décembre 2024 contre la saisie conservatoire de ses indemnités journalières auprès de F______ du 10 décembre 2024.

Au fond :

L'admet partiellement, en ce sens que la saisie conservatoire des indemnités de perte de gain en mains de F______ portera sur toute somme supérieure à 8'755 fr. par mois.

La rejette pour le surplus.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Messieurs Alexandre BÖHLER et Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.