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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2710/2024

DCSO/23/2025 du 06.02.2025 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2710/2024-CS DCSO/23/25

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 6 FEVRIER 2025

 

Plainte 17 LP (A/2710/2024-CS) formée en date du 23 août 2024 par A______, représenté par Me Hrant Hovagemyan, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- A______

c/o Me HOVAGEMYAN Hrant

Demole Hovagemyan

Rue Charles-Bonnet 2

Case postale

1211 Genève 3.

- B______

c/o Me YÜCE Sirin

Charles Russell Speechlys SA

Rue de la Confédération 5

1204 Genève.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Sur requête de [la banque] B______, le Tribunal de première instance a, en date du 22 décembre 2022, ordonné le séquestre de l'immeuble inscrit au Registre foncier sous feuillet n° 1______ de la commune de C______ [GE], appartenant à A______, à hauteur de 5'795'816 fr. 86, intérêts en sus. Le séquestre était fondé sur l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, soit l'existence d'un titre de mainlevée définitive, en l'espèce une "Ordonnance du 30 septembre 2022 du Tribunal de F______ [Pays-Bas]" déclarée exécutoire en Suisse par ordonnance du Tribunal du 22 décembre 2022, en application de l'art. 271 al. 3 LP.

Ce séquestre (n° 2______) a été exécuté par l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) le même jour. Le procès-verbal de séquestre a été établi et adressé aux parties le 11 janvier 2023.

En validation de ce séquestre, B______ a engagé la poursuite n° 3______, à laquelle A______ a formé opposition. La procédure sommaire introduite par B______ afin d'obtenir la mainlevée de cette opposition est en cours.

b. Le 25 juillet 2023, B______ a saisi le Tribunal d'une nouvelle requête de séquestre à l'encontre de A______, concluant à titre préalable à ce qu'un jugement rendu le 10 juillet 2023 par le Tribunal de F______ soit déclaré exécutoire en Suisse puis, principalement et se fondant sur le cas de séquestre prévu par l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, à ce que le séquestre de l'immeuble n° 1______ de la commune de C______ soit ordonné à hauteur de 5'341'097 fr. 83, intérêts en sus.

Dans sa requête, B______ a expliqué que, à la suite de l'opposition formée par A______ devant les autorités judiciaires néerlandaises contre l'ordonnance du Tribunal de F______ du 30 septembre 2022 invoquée dans le cadre du séquestre ordonné le 22 décembre 2022, ce même Tribunal, après avoir réexaminé la cause, avait dans un premier temps annulé l'ordonnance du 30 septembre 2022 avant d'en confirmer, dans un deuxième temps, le contenu pour l'essentiel. Dans la mesure où il était à craindre que le débiteur ne tente de tirer parti de l'annulation formelle de l'ordonnance du 30 septembre 2022 dans les procédures d'exequatur, d'opposition à séquestre et de mainlevée pendantes en Suisse, il se justifiait, afin de parer à tout risque de libération de l'immeuble aujourd'hui séquestré, d'en ordonner le séquestre, pour la même créance mais en se fondant cette fois sur le jugement du Tribunal de F______ du 10 juillet 2023.

Faisant droit à cette nouvelle requête de séquestre, le Tribunal a, par ordonnance du 25 juillet 2023, déclaré exécutoire en Suisse la décision étrangère invoquée par B______ puis ordonné, à hauteur de 5'341'097 fr. 83 plus intérêts, le séquestre de l'immeuble N° 1______ de la commune de C______ appartenant à A______.

Le séquestre (n° 4______) a été exécuté le 25 juillet 2023. Le procès-verbal de séquestre, établi le jour même, a été adressé le 14 août 2023 aux parties.

Afin de valider ce séquestre, B______ a engagé à l'encontre de A______ une poursuite n° 5______. Le commandement de payer a été notifié le 30 août 2023 à A______, qui a formé opposition. La levée de celle-ci a été requise par B______ le 6 février 2024. La procédure est en cours.

La plainte formée par A______ contre ce commandement de payer a été rejetée par décision DCSO/488/2023 de la Chambre de surveillance du 9 novembre 2023 (DCSO/488/23), qui a retenu que l'introduction de cette seconde poursuite par la poursuivante pour la même créance n'apparaissait pas viser des buts étrangers à la procédure d'exécution forcée.

c. Le 22 mars 2024, B______ a requis et obtenu, à l'encontre de A______ et à hauteur de 5'529'754 fr. 75, le séquestre (n° 6______) des avoirs bancaires auprès de D______ et des actions de la société E______ SA.

Ce séquestre, qui n'a pas été validé par la poursuivante, a été levé le 6 mai 2024.

d. Sur nouvelle requête de B______, le Tribunal de première instance a, en date du 30 avril 2024, ordonné le séquestre (n° 7______), à l'encontre de A______, des avoirs bancaires auprès de D______ et des actions de la société E______ SA.

Pour valider ce séquestre, B______ a engagé la poursuite n° 8______. Le commandement de payer a été notifié à A______ le 12 août 2024, qui y a formé opposition, dont la levée a été requise par la poursuivante le 2 septembre 2024.

Les actions de la société E______ SA ont été revendiquées par des tiers; leurs revendications ayant été contestées par la poursuivante, les procédures y relatives sont en cours devant le juge ordinaire.

B. a. Par acte adressé le 22 août 2024 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le commandement de payer, poursuite n° 8______, qui lui a été notifié le 12 août 2024, concluant à la constatation de sa nullité.

Il soutient qu'en requérant quatre séquestres et en engageant quatre poursuites pour une seule et même créance, B______ avait pour objectif de le "faire capituler par asphyxie", poursuivant ainsi un but étranger au droit de l'exécution forcée. Cette quatrième poursuite était ainsi abusive au sens de l'art. 2 al. 2 CC.

b. Dans son rapport du 25 novembre 2024, l'Office a conclu au rejet de la plainte. L'introduction de la poursuite litigieuse par la créancière poursuivante semblait bien avoir pour objectif de recouvrer sa créance et non de tourmenter le plaignant. Rien de permettait par ailleurs de retenir que la valeur des biens mis sous mains de justice était supérieure à celle de la créance mise en poursuite en capital, intérêts et frais. L'Office sollicitait que la question d'une sanction pour plaideur téméraire soit examinée par la Chambre de surveillance.

c. Dans ses déterminations du 25 novembre 2024, B______ a conclu au rejet de la plainte, sous suite de frais et dépens. Elle avait engagé la poursuite litigieuse pour valider le séquestre 7______ ordonné le 30 avril 2024 visant bien le recouvrement de la même créance mais portant sur d'autres bien du poursuivi, non plus sur l'immeuble sis aux C______ à Genève mais sur des actions de la société E______ SA.

d. Dans sa réplique du 9 décembre 2024, A______ a persisté dans sa plainte. La poursuivante agissait de manière abusive en requérant plusieurs séquestres pour faire valoir une seule créance, tourmentant ainsi le poursuivi en multipliant les procédures et en le submergeant des frais s'y rapportant.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. Le plaignant se prévaut de la nullité de la poursuite n° 8______ engagée par B______ à son encontre.

2.1 Sont nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1).

La nullité d'une poursuite pour abus de droit (art. 2 al. 2 CC) ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; 115 III 18 consid. 3b; arrêts 5A_1020/2018 du 11 février 2019; 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, in Pra 2016 p. 53 n° 7; 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3).

2.2 Selon la jurisprudence, l'introduction d'une seconde poursuite pour la même créance n'est inadmissible que si, dans la première poursuite, le créancier a déjà requis la continuation de la poursuite ou est en droit de le faire. Ce n'est en effet que dans ces cas qu'il existe un risque sérieux que le patrimoine du débiteur fasse l'objet d'une exécution à plusieurs reprises. En revanche, si la première poursuite a été arrêtée à la suite d'une opposition ou qu'elle est devenue caduque en raison d'une renonciation du créancier, il n'y a pas de motif d'empêcher ce dernier d'engager une nouvelle poursuite pour la même créance (ATF 139 III 444 consid. 4.1.2; 128 III 383 consid. 1.1).

2.3 En l'espèce, la créancière séquestrante a obtenu le prononcé des trois séquestres n° 2______, 4______ et 7______ les 22 décembre 2022, 25 juillet 2023, 30 avril 2024, qu'elle a validés en engageant les trois poursuites n° 3______, 5______ et 8______. Le séquestre 6______, qu'elle avait obtenu le 22 mars 2024, a été levé, faute de validation par la créancière poursuivante.

Il n'est pas contesté que ces trois séquestres et les poursuites engagées pour les valider portent sur la même créance, fondée sur deux décisions rendues par les autorités hollandaises les 30 septembre 2022 et 10 juillet 2023.

Aucun élément au dossier ne permet toutefois de retenir que l'intimée poursuivante aurait abusé de son droit en introduisant la poursuite 8______ à l'encontre du plaignant.

L'intimée a en effet expliqué avoir engagé cette poursuite aux fins de valider le séquestre 7______ ordonné le 30 avril 2024, certes fondé sur la même créance, mais visant d'autres biens, puisque les deux premiers séquestres ont porté sur l'immeuble du plaignant situé aux C______, à Genève, alors que celui prononcé le 30 avril 2024 tendait au séquestre des avoirs bancaires du plaignant auprès de D______ et des actions E______ SA.

L'on ne saurait ainsi suivre le plaignant lorsqu'il fait valoir que l'intimée tendait en réalité à le faire capituler par asphyxie. On voit mal en effet en quoi l'usage par l'intimée de moyens licites pour tenter de recouvrer un montant qu'elle estime lui être dû, ce qui correspond à l'objectif premier des règles relatives à l'exécution forcée des créances pécuniaires, pourrait être assimilé à la situation de contrainte procédurale dépeinte par le plaignant.

Il n'existe ainsi aucune raison de penser que l'introduction par l'intimée d'une troisième poursuite pour la même créance aurait visé des buts étrangers à la procédure d'exécution forcée, en particulier celui de tourmenter le plaignant ou de le priver de la possibilité de se défendre.

La plainte doit en conséquence être rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite; la partie ou son représentant qui use de procédés téméraires ou de mauvaise foi peut être condamné à un amende de 1'500 fr. au plus ainsi qu'au paiement des émoluments et des débours (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP). Il ne peut être alloué aucun dépens (art. 62 al. 2 OELP).

L'Office observe, avec raison, que les griefs soulevés par la plaignante sont similaires aux critiques déjà formulées et écartées, à de nombreuses reprises, dans le cadre de précédentes plaintes. La Chambre de surveillance renoncera, en l'état, à faire application de l'art. 20a al. 2 ch. 5 LP, faute de dessein avéré d'agir de façon contraire à la bonne foi.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 22 août 2024 par A______ contre le commandement de payer, poursuite n° 8______, notifié le 12 août 2024.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Alisa RAMELET-TELQIU et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.