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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3381/2024

DCSO/622/2024 du 12.12.2024 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3381/2024-CS DCSO/622/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 12 DECEMBRE 2024

 

Plainte 17 LP (A/3381/2024-CS) formée en date du 10 octobre 2024 par A______, représenté par Me Anne BOUQUET, avocate.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- A______

c/o Me BOUQUET Anne

Ulmann & Associés

Route des Jeunes 4

1227 Carouge GE.

- ETAT DE GENEVE, SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES (SCARPA)

Rue Ardutius-de-Faucigny 2

1204 Genève.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Par ordonnance du 13 mai 2024, statuant sur requête de l'ETAT DE GENEVE, SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES (SCARPA) (ci-après le "SCARPA"), le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre, au préjudice de A______, à concurrence de 103'070 fr., de six œuvres d'art se trouvant à l'ancien domicile conjugal des époux A______/B______ à la rue 1______ no. ______ [code postal] Genève soit les tableaux suivants :

- C______, "sans titre", 1955 Gouache et encre, estimé à 500 fr.

- D______ – "Sin Titulo (______)" – 2016, estimé à 800 fr.

- E______ – "______" - technique mixte sur papier, estimé à 500 fr.

- F______ – "______" – 1965 – huile sur toile, estimé à 30'000 fr.

- G______ – "______" – 1954 – plume et encre de chine, estimé à 8'000 fr.

- Ecole H______ – "______" – Gouaches sur parchemin, estimé à 2'282 fr.

Le SCARPA a fondé son séquestre sur l'article 271 al. 1 ch. 5 et 6 LP, indiquant que sa créance correspondait aux arriérés de pension dus par l'époux pour la période du 1er juillet 2023 au 31 mai 2024, conformément à l'arrêt de la Cour de Justice du 15 mars 2022. Il a demandé l'enlèvement immédiat des six œuvres d'art, se portant fort des frais.

b. Le 13 juin 2024, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a établi le procès-verbal de séquestre, N° 2______, dont il ressort que les biens ont été inventoriés le 14 mai 2024 puis enlevés par la maison I______ le même jour. La valeur des tableaux indiquée reposait sur une estimation effectuée par la maison J______, que l'Office avait sollicitée.

c. Par courrier du 30 juillet 2024, A______ a adressé à l'Office un certain nombre de griefs en lien avec le séquestre précité, dont il avait eu connaissance suite à la réception de l'ordonnance de séquestre par e-mail, alors que la notification à son adresse en France n'avait pas eu lieu. Il a notamment fait valoir que les tableaux étaient des biens culturels français.

d. Par courrier du 15 août 2024, l'Office a répondu à A______ qu'il avait exécuté le séquestre conformément à l'ordonnance prononcée par le Tribunal. L'Office lui a rappelé l'existence de l'opposition à séquestre et de la plainte à l'autorité de surveillance au sens de l'art. 17 LP.

e. Par décision du 3 octobre 2024, la Chambre de céans a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, la plainte formée le 12 juin 2024 par A______ contre l'avis de réception de la réquisition de vente du 28 mai 2024 et le procès-verbal de saisie du 9 avril 2024, dans la poursuite N° 3______, engagée en validation d'un précédent séquestre prononcé par le Tribunal de première instance, sur requête du SCARPA et portant sur six œuvres d'art situées à l'ancien domicile conjugal des époux A______/B______ à Genève (DCSO/462/24). Selon cette décision, le tableau de K______ saisi était saisissable. La Convention de l'UNESCO n'est pas directement applicable et l'on ne se trouvait pas en présence d'un bien insaisissable au sens de l'art. 13 LTBC, soit d'un bien culturel prêté temporairement à un musée ou à une autre institution culturelle en Suisse en vue d’une exposition et faisant l'objet d'une garantie de restitution (cf. art. 10 LTBC). Rien n'indiquait que le tableau litigieux était désigné par la France comme faisant partie des biens culturels à inventorier au sens de l'art. 1er de la Convention de l'UNESCO.

B. a Par acte posté le 10 octobre 2024, A______ a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre "le séquestre N° 2______" et la poursuite N° 4______, dont il avait eu connaissance le 8 octobre 2024. Le séquestre était nul, car autorisé par un juge incompétent à raison du lieu. Les tableaux séquestrés se trouvaient en effet en France, son épouse les ayant déplacés illicitement. Quatre de ces six tableaux étaient par ailleurs insaisissables au sens de l'art. 92 al. 4 LP, s'agissant de biens cultures protégés par la loi fédérale du 20 juin 2003 sur le transfert international des biens culturels (LTBC; RS 441.1) et par les Conventions de l'UNESCO. Selon les pièces fournies par A______, le procès-verbal de séquestre et le commandement de payer dans la poursuite en validation de séquestre engagée par le SCARPA lui ont été notifiés en même temps par voie diplomatique en France, par un huissier de justice.

b. Dans sa détermination du 5 novembre 2024, le SCARPA a conclu à l'irrecevabilité de la plainte voire à son rejet. A______ n'établissait pas qu'il avait reçu le procès-verbal de séquestre et le commandement de payer litigieux le 8 octobre 2024. Par ailleurs, il était avéré que les tableaux séquestrés se trouvaient à Genève, où ils avaient été inventoriés et enlevés. La question du caractère saisissable des œuvres d'art avait déjà été tranchée dans la décision de la Chambre de surveillance rendue à la suite d'une plainte de A______ contre le procès-verbal du précédent séquestre (DCSO/462/2024 du 3 octobre 2024).

c. Selon l'Office, la plainte était irrecevable et en tout état de cause infondée. La plainte à l'autorité de surveillance n'était pas ouverte contre l'ordonnance de séquestre prononcée par le juge, de sorte qu'une partie des griefs soulevés n'était pas recevable. Rien ne permettait par ailleurs de considérer que les tableaux séquestrés étaient insaisissables.

d. Par courrier du 7 novembre 2024, le rapport de l'Office et la détermination du SCARPA ont été transmis à A______. Sur ce, l'instruction de la cause a été close.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 al. 1 LP; 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP; 125 et 126 al. 1 let. a et al. 2 let. c LOJ) contre des mesures de l'Office non attaquables par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP).

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

C'est sur l'Office que pèse le fardeau de la preuve de la notification régulière au sens de l'art. 64 LP (ATF 120 III 117 consid. 2).

1.2 En l'espèce, le procès-verbal de séquestre et le commandement de payer en validation de séquestre sont des mesures sujettes à plainte. L'Office a fait notifier ces deux décisions au plaignant, domicilié en France, par voie d'entraide judiciaire. Le plaignant affirme en avoir eu connaissance le 8 octobre 2024. Quand bien même les documents produits par le plaignant en lien avec la notification semblent indiquer que celle-ci est intervenue le 20 septembre 2024, il existe un doute à cet égard. Or, il appartenait à l'Office d'établir la preuve de la notification régulière des décisions attaquées, ce qu'il n'a pas fait. Il sera ainsi considéré que la plainte a été formée en temps utile.

2. 2.1. Le séquestre est ordonné par le juge du for de la poursuite ou par le juge du lieu où se trouvent les biens (art. 272 al. 1 et 274 al. 1 LP).

Le séquestre est ordonné par le juge (art. 272 al. 1 LP) et exécuté, sur mandat de ce dernier (art. 274 al. 1 LP), par l'Office compétent. Celui-ci doit respecter, d'une part, le contenu de l'ordonnance, en particulier la désignation des biens à séquestrer et, d'autre part, les règles relatives à la saisie, applicables par renvoi de l'art. 275 LP (Stoffel/Chabloz, in CR LP, 2005, n. 1 ad art. 274 LP, n. 4 et 12 ad art. 275 LP). Les griefs concernant les conditions de fond du séquestre, y compris la désignation des "biens du débiteur qui se trouvent en Suisse" (art. 272 al. 1 ch. 3 LP), doivent être soulevés dans la procédure d'opposition et ceux concernant l'exécution du séquestre dans la procédure de plainte (ATF 129 III 203 consid. 2.2 et 2.3 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_858/2018 du 25 février 2019 consid. 2.1).

Plus singulièrement, les compétences des offices et des autorités de poursuite portent sur les mesures proprement dites d'exécution, soit celles concernant la saisissabilité des biens (art. 92 ss LP), l'ordre de la saisie (art. 95 ss LP), la sauvegarde des biens saisis (art. 98 ss LP) et la procédure de revendication (art. 106 ss LP), ainsi que sur le contrôle de la régularité formelle de l'ordonnance de séquestre. Ce pouvoir d'examen entre en effet par définition dans les attributions d'un organe d'exécution, qui ne peut donner suite à un ordre lacunaire ou imprécis, ni exécuter un séquestre entaché de nullité. Tel pourrait être le cas si l'ordonnance ne désigne pas les biens à séquestrer avec suffisamment de précision ou qu'elle ne contient pas toutes les informations requises par l'art. 274 LP. L'office ne peut pas non plus exécuter une ordonnance rendue par un juge manifestement incompétent.

2.2. En l'espèce, le plaignant fait d'abord valoir que les tableaux séquestrés ne seraient pas des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse (art. 271 al. 1 LP), de sorte que le séquestre serait nul, car prononcé par un juge incompétent au sens de l'art. 272 al. 1 LP. Or, d'une part, la question de l'existence de biens appartenant au débiteur qui se trouvent en Suisse est une condition qui est examinée par le juge du séquestre et qui peut donc être contestée par la voie de l'opposition à séquestre. D'autre part, force est de constater que l'Office a pu inventorier et enlever les six tableaux précisément désignés par l'ordonnance de séquestre, qui se trouvaient à l'adresse indiquée sur cette ordonnance, soit à l'ancien domicile conjugal des époux A______/B______, rue 1______ no. ______ [code postal] Genève. Dans la mesure où le séquestre a été ordonné par le juge du lieu où se trouvaient ces biens, à savoir le Tribunal de première instance de Genève, il a été prononcé par un juge compétent à raison de lieu. L'Office n'avait pas à se prononcer sur le déplacement supposément illicite des tableaux par l'épouse du plaignant. L'ordonnance de séquestre n'est ainsi pas nulle pour ce motif et le premier grief doit donc être rejeté.

Dans un second moyen, le plaignant soutient qu'il n'y a pas de cas de séquestre, dès lors que les biens ont été déplacés illicitement en Suisse par l'épouse du plaignant. Or, comme rappelé ci-dessus, l'examen de l'existence d'un cas de séquestre (art. 272 al. 1 ch. 2 LP) relève de la compétence du juge et non de l'Office. Par ailleurs, l'ordonnance de séquestre fait expressément référence au cas de séquestre de l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, soit au séquestre fondé sur un titre de mainlevée définitive, qui est un l'occurrence un arrêt de la Cour de Justice du 15 mars 2023 précisément désigné par la décision du juge que l'Office était tenu d'exécuter. Le second grief du plaignant est aussi infondé.

3. Le plaignant soutient que les tableaux saisis sont des objets insaisissables, en particulier quatre d'entre eux, à savoir ceux de F______, de G______, de D______ et de l'école H______. Il s'agirait d'œuvres pouvant être qualifiées de biens culturels au sens de la LTBC et des Conventions de l'UNESCO.

3.1 En règle générale, un bien culturel peut être saisi sur la base de la LP: le créancier peut entre autres requérir le séquestre des biens de son débiteur, pour autant que les conditions de l'art. 271 LP soient réalisées (Gabus, Confiscation et saisie d'un bien culturel, SJ 2008 II p. 227 ss, p. 229).

La Convention du 14 novembre 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites de biens culturels, à laquelle la Suisse et la France sont parties (RS 0.444.1; ci-après: Convention UNESCO de 1970), n’est pas directement applicable: pour être mise en œuvre, elle oblige en effet les Etats contractants à légiférer et à transposer les solutions dans leur législation nationale. En Suisse, ceci a été réalisé par l’adoption de la loi fédérale du 20 juin 2003 sur le transfert international des biens culturels (LTBC; RS 441.1; cf. ATF 145 IV 294 in JDT 2019 IV 343, consid. 3.1).

Les biens insaisissables en vertu du droit matériel sont ceux qui sont insaisissables en vertu de dispositions légales particulières, l'énumération de l'art. 92 al. 4 LP n'étant pas exhaustive. On peut y ajouter par exemple l’exemption de saisie conservatoire de certains aéronefs (art. 81 LA) et l’insaisissabilité des biens culturels prêtés temporairement à un musée ou à une autre institution culturelle en Suisse et pour lesquels l'institution bénéficiaire du prêt a obtenu du service spécialisé la délivrance à l'institution prêteuse d'une garantie de restitution valable pour la durée de l'exposition stipulée dans le contrat de prêt, tant qu'ils se trouvent en Suisse (art. 13 LTBC; cf. Declercq, Introduction à la procédure de poursuite par voie de saisie, 2023, n° 813; Gillieron, Poursuite, p. 244).

3.2 En l'espèce, le plaignant se prévaut de manière toute générale de la Convention de l'UNESCO de 1970, laquelle n'est pas directement applicable. Il est par ailleurs avéré que l'on ne se trouve pas en présence d'un bien insaisissable au sens de l'art. 13 LTBC, soit d'un bien culturel prêté temporairement à un musée ou à une autre institution culturelle en Suisse en vue d’une exposition et qui fait l'objet d'une garantie de restitution (cf. art. 10 LTBC). Rien n'indique d'ailleurs que les tableaux litigieux soient désignés par la France comme faisant partie des biens culturels à inventorier au sens de l'art. 1er de la Convention de l'UNESCO de 1970. Quant à la Convention de l'UNESCO de 2001 citée par le plaignant, il semblerait s'agir de la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique (RS 0.444.2), qui protège des biens immergés, partiellement ou totalement, périodiquement ou en permanence, depuis 100 ans au moins, ce qui n'est pas le cas des objets séquestrés.

Mal fondée, la plainte doit donc être rejetée, les tableaux séquestrés étant saisissables.

4. La plainte vise aussi le commandement de payer dans la poursuite en validation de séquestre. Le plaignant ne formule toutefois aucun grief spécifique à son encontre, si ce n'est que la nullité de la poursuite serait une conséquence de la nullité du séquestre. Or, le séquestre n'est pas nul et son exécution a été effectuée de manière régulière par l'Office, de sorte que la poursuite en validation du séquestre, introduite au for du séquestre (art. 52 LP), n'est pas non plus nulle pour ce motif.

5. La présente décision est rendue sans frais ni dépens (art. 20a al. 2 ch. 5 LP, 61 al. 2 let. a et 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 10 octobre 2024 par A______ contre le procès-verbal de séquestre N° 2______ établi le 13 juin 2024 par l'Office cantonal des poursuites et le commandement de payer, poursuite N° 4______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.