Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/623/2024 du 12.12.2024 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/2661/2024-CS DCSO/623/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 12 DECEMBRE 2024 |
Plainte 17 LP (A/2661/2024-CS) formée en date du 20 août 2024 par A______.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :
- A______
______
______ [GE].
- B______
______
______ [GE].
- Office cantonal des poursuites.
A. a. Dans le cadre des opérations de saisie effectuées dans la poursuite
N° 1______ engagée par A______ à l'encontre de B______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) s'est rendu au domicile du débiteur le 17 avril 2024 et a pris des photos de l'intérieur de son logement. Interrogé le lendemain à l'Office, B______ a notamment exposé qu'il était aidé par l'Hospice général et ses charges acquittées par le Service de protection de l'adulte (ci‑après : SPAd).
b. Le 3 juin 2024, l'Office a établi un procès-verbal de saisie dans la série
N° 81 2______, à laquelle participe la poursuite N° 1______. Les objets au domicile du débiteur, en particulier les ordinateurs, étaient dépourvus de valeur en cas de réalisation forcée, au sens de l'art. 92 LP. Il en était de même des prestations sociales perçues par le débiteur. Le seul actif saisissable était le solde sur un compte bancaire en 684 fr. 29.
c. Par courrier du 6 juin 2024, A______ a reproché à l'Office de ne pas avoir saisi le matériel informatique de B______. Certains éléments de l'ordinateur avaient été remis à neuf deux ans auparavant par une société C______. Le matériel "D______" acheté sur Internet avait une valeur de 3'800 fr. et prenait de la valeur avec son utilisation. Les enceintes également achetées sur Internet avaient une valeur de 1'680 fr.
d. Par courrier du 12 août 2024, l'Office a répondu à A______ que selon C______ et son propre service des ventes, le matériel informatique n'avait pas de valeur de réalisation.
B. a. Par acte posté le 23 août 2024, A______ a formé plainte contre le refus de l'Office de saisir les "biens se trouvant dans l'appartement" de B______. Il a réitéré les arguments exposés dans son courrier du 6 juin 2024 quant à la valeur du matériel informatique se trouvant dans l'appartement.
b. Dans son rapport du 13 septembre 2024, l'Office a rappelé l'instruction de la situation du débiteur et conclu au rejet de la plainte.
c. Par courrier du 18 septembre 2024, B______ a conclu au rejet de la plainte, relevant que le matériel informatique ne prenait pas de la valeur avec son utilisation.
d. Par courrier du 20 septembre 2024, A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions.
e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.
1. La plainte a été formée auprès de la Chambre de céans le 23 août 2024, soit plus de dix jours après la réception par le plaignant, le 6 juin 2024, du procès-verbal de saisie du 3 juin 2024. La question de savoir si le courrier de l'Office du 12 août 2024, qui confirme notamment l'insaisissabilité du matériel informatique du débiteur, est une – nouvelle - décision sujette à plainte souffre de rester indécise, vu l'issue de la procédure.
2. 2.1. Selon l’art. 92 al. 2 LP, ne sont pas saisissables les objets pour lesquels il y a lieu d’admettre d’emblée que le produit de leur réalisation excéderait de si peu le montant des frais que leur saisie ne se justifie pas. Ils sont toutefois mentionnés avec leur valeur estimative dans le procès-verbal de saisie (cf. art. 92 al. 2 LP).
Tel est notamment le cas lorsque l’excédent du produit de la réalisation après déduction des frais ne suffit à couvrir qu’une part extrêmement minime de la créance du créancier poursuivant (arrêt du Tribunal fédéral 5A_5/2013 du 18 février 2013, consid. 3.1). A cette condition, la disposition s’applique également aux objets indispensables (ATF 88 III 103 consid. 3); le préposé dispose à cet égard d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_5/2013 précité; arrêt du Tribunal fédéral 5A_330/2011 du 22 septembre 2011, consid. 3.1; BlSchK 2010, 164).
Entrent notamment en ligne de compte comme tels objets les appareils modernes de l'électronique de divertissement et de bureau, les appareils ménagers ainsi que les meubles, car ces objets sont exposés à une rapide dépréciation due à l'âge
(cf. Kren Kostkiewicz, Kurzkommentar SchKG, N 78 et 81 ad art. 92 LP; vonder Mühll, BSK SchKG, N 45 ad art. 92 LP).
Pour prendre sa décision, l’office des poursuites doit tenir compte de l’état local du marché, notamment lorsqu’il s’agit de réaliser le droit de propriété sur un objet d’occasion, et des expériences faites avec des objets du même genre. Il peut retenir que dans une précédente poursuite, il avait déjà considéré que le droit patrimonial était insaisissable vu sa faible valeur de réalisation (Gilliéron, ad art. 92 al. 2 LP, N 206 ss).
Les réponses apportées par la jurisprudence cantonale à la question de savoir si le créancier poursuivant est habilité à amener l’office des poursuites à saisir des objets sans valeur, moyennant une avance sur les frais de réalisation, divergent (cf. en faveur de cette solution : DCSO/462/2012 du 8 novembre 2012 c. 3.1; arrêt du Tribunal supérieur du canton de Thurgovie du 11 septembre 2014 c. 4b, in: RBOG 2014, p. 204 ss; arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg 105 2020 53 du 15 juillet 2020 c. 3.3. Contre cette possibilité: décision de la Cour suprême du canton de Berne du 30 janvier 2019 c. 13, in: BlSchK 2020, p. 40 s).
Selon un auteur de doctrine, le créancier poursuivant n’est pas habilité à avancer les frais de réalisation et à obtenir ainsi la saisie d’objets sans valeur, ces objets étant absolument insaisissables (Balmer, Les objets sans valeur - absolument insaisissables?, BlSchK 2022 p. 256 ss).
2.2 En l'espèce, il résulte de la procédure que l'Office a interrogé le débiteur, s'est rendu à son domicile, a pris des photos des objets garnissant son appartement, puis a encore interpellé une société de vente de matériel informatique ainsi que son propre service des ventes, lesquels ont confirmé que le matériel informatique du débiteur n'avait pas de valeur de réalisation. Sur cette base, l'Office a décidé que le matériel informatique était insaisissable. Quand bien même une partie de la jurisprudence cantonale admet la saisissabilité d'objets sans valeur, pour autant que le créancier avancerait les frais de réalisation, force est de constater que l'Office dispose d'un large pouvoir d'appréciation en la matière. Or, en l'occurrence, la Chambre de céans considère que l'Office, compte tenu de l'état du marché et des renseignements pris, n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que le matériel informatique du débiteur n'était pas saisissable au sens de l'art. 92 al. 2 LP, ce d'autant qu'il s'agit d'objets exposés à une rapide dépréciation due à l'écoulement du temps, et ce contrairement à ce qu'affirme de manière péremptoire le plaignant. Ce dernier n'a du reste fourni aucun élément concret ni aucun document pour étayer les valeurs de réalisation qu'il a alléguées.
Mal fondée, la plainte sera ainsi rejetée.
3. La présente décision est rendue sans frais ni dépens (art. 20a al. 2 ch. 5 LP, 61 al. 2 let. a et 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, la plainte formée le 23 août 2024 par A______ dans la série N° 81 2______.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.
La présidente : Verena PEDRAZZINI RIZZI |
| La greffière : Elise CAIRUS |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.