Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/518/2024 du 07.11.2024 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/2386/2024-CS DCSO/518/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 7 NOVEMBRE 2024 |
Plainte 17 LP (A/2386/2024-CS) formée en date du 12 juillet 2024 par A______, représenté par Me B______, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 7 novembre 2024
à :
- A______
c/o Me B______
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- ETAT DE GENEVE, ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
Service du contentieux
Rue du Stand 26
Case postale 3937
1211 Genève 3.
- CAISSE DE COMPENSATION C______
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- Office cantonal des poursuites.
A. a. Sur réquisitions de l'Etat de Genève et de la CAISSE DE COMPENSATION C______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a fait notifier à A______, domicilié à D______ (France), cinq commandements de payer, poursuites nos 1______, 2______, 3______, 4______ et 5______, en dates des 6 avril 2023, 14 juillet 2023, 28 novembre 2023 et 22 décembre 2023. Les cinq commandements de payer ont été notifiés à A______, à l'adresse de son cabinet médical situé chemin 6______ no. ______ à E______ [GE].
b. Entre le 5 décembre 2023 et le 28 mars 2024, l'Etat de Genève et la CAISSE DE COMPENSATION C______ ont requis la continuation des poursuites nos 1______, 2______, 3______, 4______ et 5______ engagées à l'encontre de A______, lesquelles sont réunies dans la série n° 7______.
c. Le 16 janvier 2024, l'Office a adressé à A______, chemin 6______ no. ______ à E______, un avis de saisie pour le 26 février 2024, dans la poursuite nos 1______. Selon le Track & Trace de la poste, le pli recommandé a été retourné à l'expéditeur à l'expiration du délai de garde.
d. A______ a été auditionné par l'Office le 26 février 2024. Il a déclaré à cette occasion qu'il ne réalisait aucun revenu, dès lors que son autorisation d'exercer l'activité de médecin lui avait été retirée.
e. Le 28 juin 2024, l'Office a établi un procès-verbal de saisie dans la série n° 7______ qu'il a notifié à A______ en l'Etude de son conseil, Me B______. La saisie avait été exécutée sur deux créances, l'une auprès de [la banque] F______ et l'autre auprès de la CAISSE DE COMPENSATION G______.
B. a. Par acte posté 12 juillet 2024, A______, par l'intermédiaire de son conseil, a porté plainte contre le procès-verbal de saisie précité, qu'il a reçu le 2 juillet 2024. Il n'exploitait plus d'établissement à Genève au sens de l'art. 50 al. 1 LP depuis le 15 octobre 2023. En effet, il avait fait l'objet d'une décision, entrée en force, lui interdisant de pratiquer sa profession de médecin, pendant une année, soit du 15 octobre 2023 au 14 octobre 2024. Selon le registre des professions de la santé, à la date du 12 juillet 2024, le statut de A______ était inactif. Il n'y avait pas de for de la poursuite à Genève.
b. Dans son rapport du 15 août 2024, l'Office a exposé que le for de la poursuite avait été admis au sens de l'art. 50 al. 1 LP et la saisie exécutée sur cette base. Le retrait temporaire de l'autorisation d'exercer la profession de médecin ne prouvait pas la liquidation de l'établissement de sorte que le for de l'art. 50 al. 1 LP demeurait applicable.
c. Dans sa détermination du 18 juillet 2024, l'Etat de Genève s'en est rapporté à justice quant à l'issue de la plainte.
d. Dans sa réplique du 2 septembre 2024, A______ a persisté dans ses conclusions.
1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre de mesures de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.
2. 2.1.1 L'engagement et le déroulement d'une procédure d'exécution forcée supposent l'existence d'un for de la poursuite, lequel désigne l'organe de poursuite territorialement compétent à qui le créancier doit s'adresser pour introduire la poursuite. La LP définit le for ordinaire de la poursuite (art. 46 LP), qui, pour les personnes physiques, se trouve au domicile du débiteur, ainsi qu'un nombre très limité de fors spéciaux (art. 48 à 52 LP).
2.1.2 Aux termes de l'art. 50 LP, le débiteur domicilié à l'étranger qui possède un établissement en Suisse peut y être poursuivi pour les dettes de celui-ci (al. 1) et le débiteur domicilié à l'étranger, qui a élu domicile en Suisse pour l'exécution d'une obligation, peut y être poursuivi pour cette dette (al. 2). Le for spécial prévu par cette disposition ne dépend pas d'une inscription au registre du commerce mais est subordonné seulement à l'existence d'un établissement en Suisse du débiteur domicilié à l'étranger (ATF 114 III 6 consid.; 98 Ib 100 consid. 3; Schmid, in BAK SchKG I, 2ème éd. 2010, n. 9 ad art. 50 LP; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 29 ss ad art. 50 LP).
La notion d'"établissement" au sens de l'art. 50 LP al. 1 LP est plus large que celle de succursale du droit des sociétés. Il suffit qu'une activité économique soit déployée en Suisse, quelle qu'en soit la forme, de manière non transitoire, avec des moyens humains et des biens ou des services. L'établissement en Suisse peut, par exemple, être une entreprise individuelle (Ochsner, La poursuite contre le débiteur à l'étranger, in JdT 2014 II 3, p. 7-8).
Les dettes doivent, quant à elles, découler de cette activité. Selon la jurisprudence relative à l'art. 50 al. 1 LP, déterminer si une dette concerne l'établissement en Suisse est une question de fond, à résoudre dans la procédure de mainlevée (ATF 114 III 6 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_295/2020 du 28 décembre 2020 consid. 7.3 et les références citées).
2.1.3 La question de la compétence territoriale de l'office des poursuites requis pour établir et notifier le commandement de payer ne doit pas être confondue avec celle du lieu de notification de cet acte et de la personne en mains de laquelle il peut être notifié, réglée par les art. 64 à 66 LP.
2.1.4 Une poursuite au for spécial de l'art. 50 al. 1 LP demeure possible après cessation de l'activité de l'établissement, aussi longtemps que celui-ci n'a pas été entièrement liquidé (ATF 114 III 6 consid. 1e ["au moment de la poursuite"]; arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral du 24 décembre 1921, in : SJ 44/1922 p. 145 ss, 147 consid. I).
Tant que l’établissement commercial n’est pas liquidé, il peut être poursuivi, même s’il n’y déploie plus d’activité (Schmid, BSK SchKG, N 18 ad Art. 50 LP).
2.1.5 L'art. 53 LP est applicable à la poursuite se déroulant au for prévu par l'art. 50 al. 1 LP (ATF 68 III 146 consid. 1; Gilliéron, op. cit., n° 12 ad art. 50 LP), ce qui a pour conséquence que l'existence d'un for de poursuite doit être examinée au moment de la notification du commandement de payer, le simple dépôt d'une réquisition de poursuite ne figeant pas la situation à cet égard, au contraire de la notification d'un avis de saisie ou d'une commination de faillite (art. 53 LP). Une poursuite valablement commencée au for spécial prévu par l'art. 50 al. 1 LP peut toutefois être continuée à un autre for, ordinaire ou spécial, si les conditions d'application de cette disposition ne sont plus réalisées au for initial.
L'office des poursuites qui a exécuté une saisie est compétent pour la compléter au fur et à mesure que des poursuivants, qui ont requis la continuation de la poursuite, y participent, autant que cela est nécessaire pour désintéresser tous les créanciers formant cette première série (art. 110 al. 1 LP). Seule est déterminante la communication de l'avis de saisie à réception de la réquisition de continuer du ou des poursuivants, qui ont provoqué par leur réquisition l'exécution de la saisie, car un nouvel avis de saisie n'est pas communiqué concernant les autres poursuivants (Gilliéron, op. cit., n° 21 ad art. 53 LP).
2.2 En l'espèce, il est établi que le plaignant est domicilié en France et qu'il a exercé à Genève une activité de médecin dans son cabinet situé à E______. A juste titre, il ne conteste pas qu'il se soit agi là d'un établissement au sens de l'art. 50 al. 1 LP, ce qui créait un for de poursuite pour les créances le concernant (art. 50 al. 1 LP). Dès lors qu'il n'appartient pas aux organes de la poursuite mais au juge civil de déterminer si la dette faisant l'objet de la poursuite concerne ou non l'établissement sis en Suisse (ATF 114 III 6 consid. 1), il faut a priori retenir que la poursuite pouvait se dérouler à Genève.
Le plaignant fait toutefois valoir qu'il avait cessé l'exploitation de son établissement de sorte que l'Office serait territorialement incompétent. Preuve en était la mesure de retrait de son autorisation d'exercer la profession de médecin pour une durée de douze mois, du 15 octobre 2023 au 14 octobre 2024 et son statut "inactif" sur la plateforme des professions de la santé. Or, ces éléments n'établissent pas la liquidation de l'établissement mais uniquement la cessation temporaire de l'activité de médecin. Le plaignant n'a du reste fourni aucune indication sur les démarches qu'il aurait entreprises pour liquider son cabinet (par exemple la résiliation du bail à loyer) et n'affirme pas qu'il n'a pas l'intention de poursuivre son activité de médecin à Genève, à la même adresse, à l'issue de la période de retrait de l'autorisation.
Il apparaît ainsi que, à supposer qu'elle ait débuté ce qui est douteux, la liquidation de l'établissement n'était pas achevée lors de la notification les 28 novembre 2023 et 22 décembre 2023 de deux des cinq commandements de payer, lors de la communication de l'avis de saisie du 16 janvier 2024 (qui n'a pas été retiré) et de l'audition du plaignant par l'Office le 26 février 2024 (art. 53 LP), ni ultérieurement. A teneur du dossier, les conditions d'application de l'art. 50 al. 1 LP étaient ainsi toujours réunies, y compris du reste au moment de la notification du procès-verbal de saisie, malgré la cessation temporaire par le plaignant de son activité de médecin.
Mal fondée, la plainte doit ainsi être rejetée.
3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte formée le 12 juillet 2024 par A______ contre le procès-verbal de saisie, série n° 7______.
Au fond :
La rejette.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Alisa RAMELET-TELQIU et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.
La présidente : Verena PEDRAZZINI RIZZI |
| La greffière : Elise CAIRUS |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.