Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/519/2024 du 07.11.2024 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/1920/2024-CS DCSO/519/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 7 NOVEMBRE 2024 |
Plainte 17 LP (A/1920/2024-CS) formée en date du 4 juin 2024 par A______, représenté par Me B______, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 7 novembre 2024
à :
- A______
c/o Me B______
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- ETAT DE GENEVE, ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
Service du contentieux
Rue du Stand 26
Case postale 3937
1211 Genève 3.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. Le 15 mai 2024, l'Administration fiscale cantonale (ci-après: AFC) a déposé trois réquisitions de poursuite à l'encontre de A______, domicilié à C______ (France), en paiement de créances ICC et IFD pour l'année 2022 et IFD pour l'année 2021.
Sur les réquisitions de poursuite, l'AFC a indiqué "poursuite en application de l'art. 50 LP avec la mention "[..] médecin indépendant A______ no. ______ chemin 1______ [code postal] D______ [GE]".
b. Le 29 mai 2024, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a établi les commandements de payer, poursuites n° 2______, n° 3______, n° 4______.
Au dos des commandements de payer, dans la rubrique remarques, il a mentionné que la notification interviendrait à l'adresse de D______ indiquée sur les réquisitions de poursuite.
c. Le 4 juin 2024, les trois commandements de payer ont été notifiés à Me B______, rue 5______ no. ______, [code postal] Genève.
B. a. Par acte posté le 4 juin 2024, A______, par l'intermédiaire de son conseil, a porté plainte contre les trois commandements de payer précités. Il n'exploitait plus d'établissement à Genève au sens de l'art. 50 al. 1 LP depuis le 15 octobre 2023. En effet, il avait fait l'objet d'une décision, entrée en force, lui interdisant de pratiquer sa profession de médecin, pendant une année, soit du 15 octobre 2023 au 14 octobre 2024. Selon le registre des professions de la santé, à la date du 4 juin 2024, le statut de A______ était inactif.
b. Dans son rapport du 28 juin 2024, l'Office a exposé que quand bien même A______ n'exerçait temporairement pas son activité de médecin, l'application de l'art. 50 al. 1 LP ne s'éteignait pas. Il était par ailleurs fort probable que l'intéressé reprenne son activité dans son cabinet à Genève après la fin de la mesure d'interdiction de pratiquer.
c. Dans sa détermination du 1er juillet 2024, l'AFC a fait savoir qu'elle n'avait pas d'éléments pertinents à faire valoir et qu'elle s'en rapportait à justice quant à l'issue de la plainte.
d. Le 4 juillet 2024, les parties ont été avisées que l'instruction de la cause était close.
1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre de mesures de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.
2. 2.1.1 L'engagement et le déroulement d'une procédure d'exécution forcée supposent l'existence d'un for de la poursuite, lequel désigne l'organe de poursuite territorialement compétent à qui le créancier doit s'adresser pour introduire la poursuite. La LP définit le for ordinaire de la poursuite (art. 46 LP), qui, pour les personnes physiques, se trouve au domicile du débiteur, ainsi qu'un nombre très limité de fors spéciaux (art. 48 à 52 LP).
2.1.2 Aux termes de l'art. 50 LP, le débiteur domicilié à l'étranger qui possède un établissement en Suisse peut y être poursuivi pour les dettes de celui-ci (al. 1) et le débiteur domicilié à l'étranger, qui a élu domicile en Suisse pour l'exécution d'une obligation, peut y être poursuivi pour cette dette (al. 2). Le for spécial prévu par cette disposition ne dépend pas d'une inscription au registre du commerce mais est subordonné seulement à l'existence d'un établissement en Suisse du débiteur domicilié à l'étranger (ATF 114 III 6 consid.; 98 Ib 100 consid. 3; Schmid, in BAK SchKG I, 2ème éd. 2010, n. 9 ad art. 50 LP; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 29 ss ad art. 50 LP).
La notion d'"établissement" au sens de l'art. 50 LP al. 1 LP est plus large que celle de succursale du droit des sociétés. Il suffit qu'une activité économique soit déployée en Suisse, quelle qu'en soit la forme, de manière non transitoire, avec des moyens humains et des biens ou des services. L'établissement en Suisse peut, par exemple, être une entreprise individuelle (Ochsner, La poursuite contre le débiteur à l'étranger, in JdT 2014 II 3, p. 7-8).
Les dettes doivent, quant à elles, découler de cette activité. Selon la jurisprudence relative à l'art. 50 al. 1 LP, déterminer si une dette concerne l'établissement en Suisse est une question de fond, à résoudre dans la procédure de mainlevée (ATF 114 III 6 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_295/2020 du 28 décembre 2020 consid. 7.3 et les références citées).
2.1.3 La question de la compétence territoriale de l'office des poursuites requis pour établir et notifier le commandement de payer ne doit pas être confondue avec celle du lieu de notification de cet acte et de la personne en mains de laquelle il peut être notifié, réglée par les art. 64 à 66 LP.
2.1.4 Une poursuite au for spécial de l'art. 50 al. 1 LP demeure possible après cessation de l'activité de l'établissement, aussi longtemps que celui-ci n'a pas été entièrement liquidé (ATF 114 III 6 consid. 1e ["au moment de la poursuite"]; arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral du 24 décembre 1921, in : SJ 44/1922 p. 145 ss, 147 consid. I).
Tant que l’établissement commercial n’est pas liquidé, il peut être poursuivi, même s’il n’y déploie plus d’activité (Schmid, BSK SchKG, N 18 ad Art. 50 LP).
2.2 En l'espèce, il est établi que le plaignant est domicilié en France et qu'il a exercé à Genève une activité de médecin dans son cabinet situé à D______. A juste titre, il ne conteste pas qu'il se soit agi là d'un établissement au sens de l'art. 50 al. 1 LP, ce qui créait un for de poursuite pour les créances le concernant (art. 50 al. 1 LP). Dès lors qu'il n'appartient pas aux organes de la poursuite mais au juge civil de déterminer si la dette faisant l'objet de la poursuite concerne ou non l'établissement sis en Suisse (ATF 114 III 6 consid. 1), il faut a priori retenir que la poursuite pouvait se dérouler à Genève.
Le plaignant fait toutefois valoir qu'au moment de la notification des commandements de payer litigieux, soit le 4 juin 2024, il avait cessé l'exploitation de son établissement. Preuve en était la mesure de retrait de son autorisation d'exercer la profession de médecin pour une durée de douze mois, du 15 octobre 2023 au 14 octobre 2024 et son statut "inactif" sur la plateforme des professions de la santé. Or, ces éléments n'établissent pas la liquidation de l'établissement mais uniquement la cessation temporaire de l'activité de médecin. Le plaignant n'a du reste fourni aucune indication sur les démarches qu'il aurait entreprises pour liquider son cabinet (par exemple la résiliation du bail à loyer) et il n'affirme pas qu'il n'a pas l'intention de poursuivre son activité de médecin à Genève, à la même adresse, à l'issue de la période de retrait de l'autorisation.
Il apparaît ainsi que, à supposer qu'elle ait débuté ce qui est douteux, la liquidation de l'établissement n'était pas achevée lors de la notification, le 4 juin 2024, des commandements de payer litigieux. Les conditions d'application de l'art. 50 al. 1 LP étaient ainsi toujours réunies, malgré la cessation temporaire par le plaignant de son activité de médecin.
Mal fondée, la plainte doit ainsi être rejetée.
3 La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte formée le 4 juin 2024 par A______ contre les commandements de payer, poursuites n° 2______, n° 3______, n° 4______.
Au fond :
La rejette.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Alisa RAMELET-TELQIU et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.
La présidente : Verena PEDRAZZINI RIZZI |
| La greffière : Elise CAIRUS |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.