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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1038/2024

DCSO/523/2024 du 07.11.2024 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1038/2024-CS DCSO/523/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 7 NOVEMBRE 2024

 

Plainte 17 LP (A/1038/2024-CS) formée en date du 25 mars 2024 par A______, représenté par Me Hrant HOVAGEMYAN, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 7 novembre 2024
à :

-       A______

c/o Me HOVAGEMYAN Hrant

Demole Hovagemyan

Rue Charles-Bonnet 2

Case postale

1211 Genève 3.

- B______ N.V.

c/o Me YÜCE Sirin

Charles Russell Speechlys SA

Rue de la Confédération 5

1204 Genève.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. A______ fait l'objet de la poursuite en réalisation de gage immobilier n° 1______, engagée par [la banque] B______ N.V. le 24 juin 2021 pour un montant de 1'050'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er mars 2020.

L'objet du gage consiste dans la parcelle 2______, sise rue 3______ no. ______, commune de Genève, section C______.

B______ N.V. est inscrite au Registre foncier comme porteur d'une cédule hypothécaire au capital de 1'050'000 fr., grevant la parcelle en 4ème rang.

b. Le commandement de payer, poursuite n° 1______ a été notifié le 14 août 2021 à A______, qui y a formé opposition.

c. Le 30 janvier 2024, B______ N.V. a requis la vente de la parcelle n° 2______. Elle a joint à sa réquisition de vente le jugement du 28 février 2022 prononçant la mainlevée de l'opposition formée par A______, muni de la mention apposée le 22 janvier 2024 indiquant qu'aucune action en libération de dette n'avait été déposée au Tribunal de première instance à cette date.

d. Par courrier du 6 février 2024, l'Office a avisé A______ avoir reçu la réquisition de vente par B______ N.V. le 31 janvier 2024, en précisant que le lieu et la date de la vente seraient indiqués ultérieurement.

Le 19 février 2024, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre cet avis de réception de la réquisition de vente qu'il a reçu le 7 février 2024 et dont il sollicite l'annulation. La procédure a été enregistrée sous A/4______/2024, fait l'objet d'une décision DCSO/522/2024 prononcée ce jour.

e. La parcelle 2______, sise rue 3______ no. ______, commune de Genève, section C______ fait l'objet de deux séquestres nos 5______ et 6______, requis par B______ N.V.

f. Une gérance légale de l'immeuble a été instaurée à la suite du séquestre n° 5______ et confiée à [la régie immobilière] D______.

Les produits locatifs perçus jusqu'à fin janvier 2024 l'ont été dans le cadre de ces deux séquestres. Depuis lors, la gérance légale est exécutée au profit de la poursuite en réalisation de gage n° 1______.

Le compte de gestion remis à l'Office par D______ le 4 avril 2024 fait état d'un solde de 6'004 fr. 25 en faveur de celle-ci.

g. Par courrier du 19 février 2024, A______ a sollicité un sursis à la réalisation de son immeuble au sens de l'art. 123 LP, arguant de ce qu'il était en mesure de s'acquitter du premier acompte au moyen des loyers accumulés actuellement sous séquestre. Il a par ailleurs indiqué que la procédure de vente devait être suspendue dans l'attente du résultat de la contre-expertise.

h. Le 14 mars 2024, l'Office a refusé de lui octroyer le sursis requis, au motif que le poursuivi n'avait pas rendu vraisemblable sa capacité à s'acquitter de sa dette par acomptes au regard de la saisie intervenue dans la série n° 7______ et que les loyers perçus dans le cadre de gérance légale étaient versés à la créancière poursuivante. L'Office a par ailleurs indiqué ne pas être en mesure de se déterminer sur la demande de suspension de la procédure de vente dans l'attente de la décision de la Chambre de céans sur la plainte formée par le poursuivi le 19 février 2024 contre l'avis de réception de la réquisition de vente (cause A/4______/2024).

i. Il ressort du procès-verbal de saisie du 7 mars 2024, série n° 7______, que les revenus de A______ et de son épouse consistent en leur rente AVS et ne suffisent pas à couvrir leurs charges de loyers et de cotisations d'assurance-maladie, que les produits locatifs de l'immeuble sous gérance légale étaient saisis, dont l'Office prélevait un montant de 3'659 fr. en application de l'art. 103 al. 2 LP pour permettre au plaignant de couvrir son minimum vital.

B. a. Par acte expédié le 25 mars 2024 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de l'Office du 14 mars 2024, concluant à ce que la Chambre de céans constate la nullité, subsidiairement annule le refus de l'Office de lui accorder un sursis au sens de l'art. 123 LP et de fixer en conséquence le montant des acomptes et les dates de versement.

Il lui reproche d'avoir commis un déni de justice formel en ne statuant pas sur l'intégralité de sa requête et d'avoir violé son droit d'être entendu en n'indiquant pas les raisons de son refus autre que celle expressément mentionnée dans sa décision de refus. Le refus de l'Office était par ailleurs disproportionné et prématuré, dans la mesure où il n'a pas pris en compte la disponibilité des loyers ni le prix de vente de l'immeuble qui devait encore être déterminé.

b. Sa requête tendant à l'octroi de l'effet suspensif à sa plainte a été rejetée par la Chambre de surveillance le 27 mars 2024.

c. Dans ses observations du 17 avril 2024, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Le solde de la poursuite n° 1______ s'élevait à 1'330'893 fr. 50 au 30 avril 2025. Le poursuivi n'avait pas rendu vraisemblable sa capacité à s'acquitter de sa dette par acomptes ni n'avait versé d'acomptes, qui devraient se monter à 111'420 fr. Il ressortait du procès-verbal de saisie du 7 mars 2024, série n° 7______, qu'il ne disposait pas de revenus suffisants pour payer les acomptes. Les loyers encaissés à titre de gérance légale jusqu'à fin janvier 2024 ont été perçus dans le cadre des deux séquestres nos 5______ et 6______. Depuis lors, la gérance légale est exécutée au profit de la poursuite en réalisation de gage n° 1______. Ces loyers étaient perçus en faveur de la créancière et ne pouvaient être considéré comme des acomptes au sens de l'art. 123 LP.

d. B______ N.V. a conclu au rejet de la plainte.

e. A______ a répliqué, persistant dans les conclusions de sa plainte.

f. La cause a été gardée à juger le 17 mai 2024.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

1.2 La plainte a en l'espèce été formée en temps utile et dans les formes prévues par la loi par le débiteur poursuivi potentiellement lésés dans ses intérêts juridiquement protégés. La décision contestée, soit le refus d'octroyer un sursis à la réalisation de l'immeuble, peut être contestée par la voie de la plainte.

La plainte sera donc déclarée recevable.

2. Le plaignant reproche à l'Office d'avoir commis un déni de justice formel et violé son droit d'être entendu.

2.1.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. impose à l'autorité de motiver sa décision, de manière à permettre au justiciable d'exercer son droit de recours en connaissance de cause et à l'autorité de recours d'exercer un contrôle efficace (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2; ATF 136 I 229 consid. 5.2; 121 I 54 consid. 2c). Il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision; elle n'est pas tenue d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et arguments invoqués par les parties (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2; 142 II 154 consid. 4.2).

2.1.2 Il y a déni de justice au sens de l'art. 17 al. 3 LP lorsque l'Office (ou un autre organe de l'exécution forcée) refuse de procéder à une opération alors qu'il en a été régulièrement requis ou qu'il y est tenu de par la loi. Cette disposition vise ainsi le déni de justice formel – soit la situation dans laquelle aucune mesure n'est prise ou aucune décision rendue alors que cela devrait être le cas – et non le déni de justice matériel – soit la situation dans laquelle une décision est effectivement rendue, mais qu'elle est arbitraire (CR LP – erard (2005), n° 52 à 54 ad art. 17 LP; KUKO SchKG - dieth/wohl, n. 32 ad art. 17 LP). Il en découle qu'il ne peut en principe y avoir déni de justice au sens de l'art. 17 al. 3 LP lorsqu'une mesure ou une décision susceptible d'être attaquée dans le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP a été prise par l'Office, quand bien même elle serait illégale ou irrégulière (ATF 97 III 28 consid. 3a; Erard, op. cit., n. 53 ad art. 17 LP).

2.2 En l'espèce, l'Office a motivé sa décision de refus de sursis en indiquant que la saisie intervenue dans la série n° 7______ et le fait que les loyers de l'immeuble étaient perçus dans le cadre de gérance légale ne lui permettaient pas de considérer que le plaignant avait rendu vraisemblable sa capacité à s'acquitter de sa dette par acomptes. Cette motivation est suffisante en ce qu'elle permet au plaignant d'en saisir la teneur, de sorte qu'aucune violation du droit d'être entendu ne saurait être retenue.

Le plaignant ne saurait par ailleurs être suivi lorsqu'il se plaint d'un déni de justice formel en faisant grief à l'Office de n'avoir que partiellement statué sur sa requête, puisque l'Office s'est également déterminé sur la demande de suspension de la procédure de vente en indiquant qu'il n'était pas en mesure de se prononcer tant que la procédure devant la Chambre de céans sur la plainte formée par le poursuivi le 19 février 2024 contre l'avis de réception de la réquisition de vente (cause A/4______/2024) était en cours.

Ces griefs sont en conséquence infondés.

3. Le plaignant reproche à l'Office de ne pas lui avoir accordé un sursis à la réalisation de son immeuble.

3.1 Si le débiteur rend vraisemblable qu'il peut s'acquitter de sa dette par acomptes, et qu'il s'engage à verser à l'office des poursuites des acomptes réguliers et appropriés, le préposé peut renvoyer la réalisation de douze mois au plus, une fois le premier versement effectué (art. 123 al. 1 LP). Le montant des acomptes et la date de leurs versements sont fixés par l'office, qui tient compte tant de la situation du débiteur que de celle du créancier (art. 123 al. 3 LP).

L'octroi du sursis est soumis à deux conditions. D'une part, le débiteur doit rendre vraisemblable sa capacité à s'acquitter de sa dette par acomptes dans un délai maximum de douze mois. L'office apprécie librement si cette condition est réalisée, au terme d'un examen sommaire de l'ensemble des circonstances dont il a connaissance (BSK SchKG I - Suter/Reinau (2021), n. 15 ad art. 123 LP). D'autre part, le débiteur doit s'engager à verser des acomptes réguliers et appropriés, dont le premier immédiatement. Le sursis ne peut ainsi être accordé que si le premier acompte est parvenu en mains de l'office des poursuites, par un paiement comptant ou par un virement bancaire ou postal (Suter/Reinau, op. cit., n. 25 ad art. 123 LP).

Lorsque l'office des poursuites contrôle sous l'angle de la vraisemblance si le poursuivi remplit les conditions, il doit non seulement tenir compte des revenus actuels du poursuivi mais également faire une projection pour les mois à venir. Il doit résulter du contrôle de l'office que le poursuivi dispose de suffisamment de moyens pour rembourser sa dette dans un délai de douze mois. Le sursis à la réalisation ne doit cependant pas permettre au poursuivi de retarder sans raison suffisante la réalisation des biens saisis, notamment si celui-ci dispose d'un patrimoine qui lui permettrait de rembourser plus rapidement sa dette (CR LP – Bettschart (2005) n. 8 et 13 ad art. 123 LP).

3.2 En l'espèce, le plaignant reproche à l'Office d'avoir mal apprécié sa situation patrimoniale, et d'avoir en particulier considéré que les loyers perçus dans la gérance légale ne pouvaient être pris en considération comme des acomptes permettant de surseoir à la réalisation de son immeuble en application de l'art. 123 LP.

C'est à raison que l'Office a considéré que le plaignant n'avait pas rendu vraisemblable être en mesure de s'acquitter de la dette mise en poursuite, de 1'330'893 fr. 50 à fin avril 2025, en versant des acomptes sur une année. Le plaignant n'a en effet pas indiqué dans sa requête disposer de fonds lui permettant de verser des acomptes, qui devraient être de plus de 110'000 fr. par mois au regard du montant de la dette. Sa situation financière, telle qu'elle ressort du procès-verbal de saisie du 7 mars 2024, série 7______, ne permet pas de retenir comme étant vraisemblable que tel pourrait être le cas, puisque ses revenus et ceux de son épouse ne leur permettent pas de couvrir leurs charges incompressibles et qu'une part des produits locatifs saisis dans le cadre de la gérance légale est prélevée en vue de leur permettre de couvrir leur minimum vital.

L'on ne saurait enfin suivre le plaignant lorsqu'il soutient que les loyers perçus de l'immeuble sous gérance légale lui permettraient de s'acquitter des acomptes nécessaires en vue de surseoir à la réalisation de l'immeuble puisque ces loyers sont perçus en faveur de la créancière en vertu de l'art. 95 ORFI.

Eu égard à ce qui précède, la plainte doit être rejetée.

4.  La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens (62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 25 mars 2024 par A______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites du 14 mars 2024 refusant le sursis requis en sur la base de l'art. 123 LP dans la poursuite en réalisation de gage immobilier n° 1______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.