Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/488/2024 du 17.10.2024 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/4035/2023-CS DCSO/488/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 17 OCTOBRE 2024 |
Plainte 17 LP (A/4035/2023-CS) formée en date des 1er et 7 décembre 2023 par la COMMUNAUTÉ DES COPROPRIÉTAIRES DE LA PPE A______, représenté par Me Yvan Guichard, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :
- COMMUNAUTÉ DES COPROPRIÉTAIRES DE LA PPE A______
c/o Me Yvan GUICHARD
Avenue de Mon-Repos 24
Case postale 1410
1001 Lausanne.
- B______
c/o C______
______
______ [GE]
- D______
c/o E______, curatrice
______
______ [GE]
- Office cantonal des poursuites.
A. a. D______ et B______ sont copropriétaires, à raison d'une moitié chacun, de la part de copropriété par étages inscrite au Registre foncier de Genève, section F______, sous feuillet n° 1______-2______. Cette part de copropriété correspond au lot n° 3.11 de la propriété par étages constituée sur l'immeuble de base immatriculé sous feuillet n° 1______ de la commune de G______, section F______, lequel confère un droit d'usage exclusif sur un appartement de cinq pièces (ci-après : l'Appartement) situé au premier étage du bâtiment édifié sur ledit immeuble, sis avenue 3______ no. ______ à H______ (Genève).
b. A la suite de poursuites par voie de saisie (notamment poursuites
n° 4______ et 5______), la mise en vente aux enchères publiques de l’Appartement a été publiée dans la F.A.O. du ______ 2023. Les créanciers gagistes et titulaires de charges foncières ont été sommés de produire leurs droits sur l’immeuble au 9 novembre 2023.
c. Par courrier du 9 novembre 2023, la Communauté des copropriétaires de la PPE A______ (ci-après : la PPE) a produit la somme totale de 38'960 fr. 69, invoquant son droit à l’inscription d’une hypothèque légale au sens de
l’art. 712i CC. Elle a soutenu que la reconnaissance directe à l’état des charges de sa créance lui permettait d’éviter des frais judiciaires et d’inscription au Registre foncier inutiles, les autres créanciers conservant la faculté de contester l’état des charges s’ils estimaient ses prétentions injustifiées.
d. Par courrier du 21 novembre 2023, l’Office a rejeté la production de la PPE, au motif qu’aucune inscription de gage n’avait été requise auprès du Registre foncier.
e. Le 27 novembre 2023, l’Office a communiqué à la PPE l’état des charges et des conditions de vente relatif aux enchères du bien immobilier. Ce document ne mentionne pas la production effectuée le 9 novembre 2023 par la PPE. La vente aux enchères de l’immeuble était fixée au 9 février 2024.
B. a. Par acte expédié au greffe de la Chambre de surveillance le 1er décembre 2023, la PPE a formé plainte contre la décision de l’Office du 21 novembre 2023, concluant à ce que son droit à l’inscription d’une hypothèque légale soit porté à l’état des charges et à ce qu’elle puisse participer de plein droit à la distribution des deniers au rang qui lui aura été attribué, nonobstant l'absence d’inscription d’une hypothèque légale au Registre foncier. Elle expose que cette manière de faire correspondrait actuellement à la pratique des offices de poursuites du canton de Vaud, en produisant un extrait d'un état des charges établi par un office des poursuites vaudois, tenant compte, dans la rubrique "autres charges", du droit à l'inscription d'une hypothèque légale au sens de l'art. 712i CC prenant rang sur l'état des charges à la date de sa production.
b. Par courrier expédié le 7 décembre 2023, la PPE a requis l’élargissement de sa plainte à la communication de l’état des charges et des conditions de vente du 27 novembre 2023.
c. B______ s’en est rapportée à justice sur le sort de la plainte.
D______ ne s’est quant à lui pas prononcé dans le délai imparti.
d. Dans ses observations du 16 janvier 2024, l’Office a conclu au rejet de la plainte. Dès lors que l’hypothèque prévue par l’art. 712i CC en faveur de la communauté de copropriétaire ne naissait que par son inscription au Registre foncier, elle ne pouvait être inscrite à l’état des charges. L’hypothétique droit à l’inscription d’une telle hypothèque n’était, selon l’Office, pas suffisant pour inscrire une créance à l’état des charges.
e. Par courrier du 14 février 2024, la PPE a soutenu que la position de l’Office ne sauvegardait les intérêts d’aucune des parties, puisqu’elle obligeait le créancier à engager un procédure judiciaire inutile, le débiteur à défendre dans une procédure qu’il savait perdre et l’autorité judiciaire à perdre son temps à rédiger des décisions qui n’apporteraient rien de plus que si l’Office avait admis la prétention du créancier à l’inscription de l’hypothèque requise et que personne ne l’avait contestée.
f. Par courrier du 26 avril 2024, la PPE a informé la Chambre de surveillance de ce qu’elle avait obtenu, à titre pré-provisionnel, l’inscription de son droit d’hypothèque afin de préserver ses droits. Elle ajoutait par ailleurs avoir encore reçu un état des charges établi par un office des poursuites valaisan accédant à une requête d’inscription du droit à l’hypothèque légale d’une communauté de copropriétaires.
g. Par courriers séparés du 8 mai 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte dirigée contre le refus de l’Office de porter à l’état des charges la production de la plaignante par décision du 21 novembre 2024 et communication de l’état de charges du 27 novembre 2024 est recevable.
2. La plainte peut porter sur une violation de la loi ou sur l'inopportunité de la mesure prise par l'Office (art. 17 al. 1 LP).
3. La plaignante reproche à l'Office d'avoir écarté de l'état des charges son droit à l'inscription d'une hypothèque légale.
3.1.1 Les immeubles sont réalisés par l'office aux enchères publiques (art. 133 al. 1 LP).
Les enchères sont publiées au moins un mois à l'avance; la publication contient notamment la sommation aux créanciers de produire à l'office leurs droits sur l'immeuble (art. 138 al. 1 et 2 ch. 3 LP).
Avant de procéder aux enchères, l'office dresse l'état des charges qui grèvent les immeubles (servitudes, charges foncières, gages immobiliers, droits personnels annotés) en se fondant sur les productions des ayants droit et les extraits du registre foncier (art. 140 al. 1 LP).
L'état des charges doit contenir les charges (servitudes, charges foncières, droits de gage immobiliers et droits personnels annotés) inscrites au registre foncier ou produites à la suite de la sommation de l'office (art. 34 al. 1 let. b ORFI).
3.1.2 Les droits revendiqués après l'expiration du délai de production ainsi que les créances qui n'impliquent pas une charge pour l'immeuble ne peuvent pas être portées à l'état des charges; l'office informe immédiatement les titulaires que leurs prétentions sont exclues de l'état des charges et leur signale le délai pour porter plainte (art. 36 al. 1 ORFI).
Pour le surplus, l'office n'a pas le droit de refuser de porter à l'état des charges celles qui figurent dans l'extrait du registre foncier ou qui ont fait l'objet d'une production, ni de les modifier ou de les contester ou d'exiger la production de moyens de preuves (art. 36 al. 2 ORFI; Kuhn, in Commentaire ORFI, n. 13 ad art. 36 ORFI et les réf. citées).
Il ne peut refuser la production à l'état des charges que si leur production est tardive ou qu'il s'agit de prétentions n'ayant pas pour effet de grever l'immeuble (Kuhn, in Commentaire ORFI, n. 1 ad art. 36 ORFI).
L'office ne peut examiner le fond de la créance invoquée; son examen peut en revanche porter sur la question de savoir si une prétention est garantie par le droit de gage immobilier invoqué (ATF 117 III 36 consid. 3; Kuhn, in Commentaire ORFI, n. 2 ad art. 36 ORFI).
3.1.3 En garantie du paiement de la contribution d'un propriétaire aux charges de la copropriété pour les trois dernières années, la communauté peut requérir l'inscription d'une hypothèque légale sur la part du copropriétaire actuel; l’administrateur ou, à défaut d’administrateur, chaque copropriétaire autorisé par une décision prise à la majorité des copropriétaires ou par le juge, ainsi que le créancier en faveur duquel la contribution est saisie peuvent requérir l’inscription; pour le reste, les dispositions relatives à la constitution de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs s’appliquent par analogie (art. 712i al. 1 à 3 CC).
L'hypothèque prévue par l'art. 712i CC n'a pas le caractère d'un droit de gage légal direct qui déploie ses effets sans inscription au registre foncier; elle ne naît que par son inscription au Registre foncier (ATF 123 III 53 consid 4 ; 106 II 183 consid. 1, JdT 1981 I 211 consid. 1).
3.1.4 Dans son arrêt rendu le 12 novembre 1980 (ATF 106 II 183 consid. 3c = JdT 1981 I 211), le Tribunal fédéral a laissé ainsi ouverte la question de savoir s'il suffisait, pour simplifier la procédure, de produire le droit de gage directement à l'office des poursuites pour être porté à l'état des charges, sans inscription préalable au registre foncier, de façon que son existence doive être constatée dans la procédure d'épuration de l'état des charges.
Par décision DAS/608/1997 du 19 novembre 1997, l'Autorité de surveillance des offices de poursuites et de faillites de Genève a considéré que l'Office des poursuites avait, à raison, écarté la production d'une communauté de copropriétaires, au motif que l'hypothèque invoquée n'existait pas puisqu'elle n'avait fait l'objet d'aucune inscription, pourtant constitutive, au registre foncier.
3.1.5 Certains auteurs considèrent que le droit à l'inscription d'une telle hypothèque légale indirecte doit être porté à l'état des charges par l'Office même sans inscription préalable au registre foncier si une telle prétention est annoncée à l'Office dans le délai de production (SchKG I – feuz, n. 102g ad art. 140; schlegel/zopfi, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs (2017), n. 8 ad art. 140; Staehelin, Die Aufnahme in das Lastenverzeichnis und die Parteirollenverteilung für den Lastenbereinigungsprozess, in : Schuldbetreibung und Konkurs im Wandel, Festschrift 75 Jahre Konferenz der Betreibungs- und Konkursbeamten der Schweiz. Basel, Genf, München (2000) p. 309; Kuhn, in Commentaire ORFI, 2012, n. 14 ad art. 34 ORFI).
3.2 En l'espèce, l'Office a écarté la production de la plaignante au motif qu'aucune hypothèque légale n'avait été inscrite au Registre foncier.
Sa décision est conforme au droit, puisque le gage immobilier invoqué par la plaignante consiste en une hypothèque légale indirecte, qui n'existe que par son inscription au Registre foncier. Le droit à l'inscription dont se prévaut la plaignante ne constitue dès lors pas une charge de l'immeuble tant que l'hypothèque n'a pas été, même provisoirement, inscrite au Registre foncier.
L'Office n'a par ailleurs pas excédé son droit restreint d'examen des productions à inscrire à l'état des charges, dans la mesure où son refus est fondé sur l'inexistence d'une charge grevant l'immeuble, non sur le bien-fondé matériel de la prétention invoquée.
La plaignante reproche à l'Office de maintenir une pratique subordonnant l'inscription du droit de gage invoqué par la communauté des copropriétaires à des exigences arbitraires et disproportionnées. Elle lui fait en particulier grief d'exiger d'elle qu'elle aille au terme d'une procédure judiciaire pour obtenir un jugement ordonnant l'inscription d'une hypothèque légale alors que ses droits pécuniers peuvent, si l'état des charges n'est pas contesté, être déterminés dans le cadre de la distribution des deniers.
Il est vrai que plusieurs auteurs considèrent qu'il conviendrait de permettre au créancier d'annoncer le droit de gage directement à l'office des poursuites pour qu'il soit porté à l'état des charges, sans inscription préalable au registre foncier. La plaignante se prévaut par ailleurs de la pratique des offices de poursuites d'autres cantons, qui auraient changé leur pratique en acceptant d'inscrire le droit à l'inscription d'une hypothèque légale à l'état des charges d'un immeuble pour permettre au titulaire de ce droit de participer à la réalisation forcée et à la distribution des deniers pour autant qu'il ait annoncé son droit à l'état des charges.
Ces éléments, qui relèvent d'un souci de simplification et d'économie de procédure, ne conduisent toutefois pas à retenir que la décision de l'Office serait contraire au droit ou inopportune : il n'apparaît en particulier pas excessif que l'Office exige, lorsqu'il examine si la prétention produite constitue une charge grevant l'immeuble à vendre, que l'hypothèque légale indirecte soit inscrite au Registre foncier pour porter cette prétention à l'état des charges de l'immeuble.
La décision de l'Office n'étant pas contraire à la loi ni inopportune, la plainte sera rejetée.
4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte formée le 1er et 7 décembre 2023 par la COMMUNAUTÉ DES COPROPRIÉTAIRES DE LA PPE A______ contre les décisions de l’Office des poursuites des 21 et 27 novembre 2023 écartant sa production dans le cadre des poursuites n° 4______ et 5______ et diverses autres poursuites.
Au fond :
La rejette.
Siégeant :
Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.
La présidente : Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI |
| La greffière : Elise CAIRUS |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.