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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/423/2024

DCSO/450/2024 du 19.09.2024 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/423/2024-CS DCSO/450/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 19 SEPTEMBRE 2024

 

Plainte 17 LP (A/423/2024-CS) formée en date du 7 février 2024 par A______, représenté par Me Nicolas JEANDIN, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me JEANDIN Nicolas

Fontanet & Associés

Grand-Rue 25

Case postale 3200

1211 Genève 3.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. En 2011, [la banque] A______ a consenti deux prêts hypothécaires à B______, alors domicilié à C______ (VD).

Il résulte des documents contractuels et des conditions générales qui leur sont applicables que les parties sont convenues de clauses d'élection de for, selon lesquelles le for ordinaire et, pour les clients domiciliés à l'étranger, le for de poursuite est au siège de la banque à Genève.

b. Ces prêts ont été dénoncés au remboursement en 2018. B______ ne s'étant pas acquitté des montants dus, A______ a initié une poursuite en réalisation de gage à C______, qui était alors le for ordinaire de poursuite du domicile du débiteur.

Un certificat d'insuffisance de gage a été émis le 18 novembre 2020 par l'Office des poursuites du District de D______ (VD).

Le 21 juin 2021, cet office a informé A______ que le débiteur était parti en Italie à l'adresse Via 1______ no. ______, IT [code postal] E______.

c. Sur réquisition de continuer la poursuite de A______ fondée sur l'art. 50 al. 2 LP, l'Office cantonal des poursuites de Genève (ci-après : l'Office) a, en date du 8 septembre 2021, émis un acte de défaut de biens pour un montant de 724'080 fr. 70.

B. a. Le 17 juillet 2023, A______ a intenté une poursuite à Genève à l'encontre de B______.

Le 4 août 2023, l'Office a invité la poursuivante à lui transmettre les documents en lien avec la prorogation de for au sens de l'art. 50 al. 2 LP et à lui préciser le titre ou la cause de la créance, l'indication d'un acte de défaut de biens n'étant pas suffisante à cet égard.

A______ n'a pas donné suite à ce courrier.

b. Le 6 novembre 2023, A______ a adressé une nouvelle réquisition de poursuite à l'Office, dirigée à l'encontre de la "Succession de feu B______ c/o A______ Rue 2______ no. ______ [code postal] F______ [GE]" en paiement d'un montant de 724'080 fr. 70 plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 8 septembre 2021, allégué être dû en vertu de l'acte de défaut de biens du 8 septembre 2021. Dans la rubrique "Observations", elle a précisé que la poursuite visait à interrompre la prescription à l'égard de la succession ouverte par le décès survenu le ______ novembre 2022.

c. Par courrier adressé le 16 novembre 2023 au mandataire de A______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a invité cette dernière à compléter la réquisition de poursuite sur divers points. Il lui était en particulier demandé d'indiquer les nom, prénom et adresse d'un représentant de l'hoirie. A des fins de vérification de la compétence ratione loci de l'Office, A______ était en outre requise d'indiquer le dernier domicile du défunt ou, si la compétence de l'Office résultait d'un for extraordinaire au sens des art. 48 à 52 LP, de lui transmettre tout document fondant son existence.

d. A______ a répondu par courrier du 28 novembre 2023. S'agissant de l'existence d'un for de poursuite à Genève, elle a expliqué que celle-ci ressortait de l'application conjointe des art. 49 et 52 LP, dès lors que la poursuite portait sur un solde de prétentions résultant d'un contrat conclu avec le défunt stipulant un lieu d'exécution à Genève. Elle a pour le surplus fait valoir qu'il ne pouvait être exigé de sa part qu'elle indique les nom et adresse d'un représentant de l'hoirie débitrice, dès lors qu'à son sens le commandement de payer devrait, en vertu de l'art. 50 al. 2 LP, être notifié à son propre siège. Elle a en outre indiqué ignorer la composition exacte de l'hoirie en précisant à toutes fins utiles qu'à sa connaissance, la succession n'avait pas été partagée et que le défunt avait des héritiers, soit son épouse G______ et ses enfants H______ et I______, tous trois domiciliés Via 3______ no. ______ Piano 2, [code postal] J______ en Italie.

e. Par décision du 23 janvier 2024, l'Office a rejeté la réquisition de poursuite du 6 novembre 2023. Le motif de ce rejet consistait dans l'absence d'indication par la poursuivante des nom, prénom et adresse d'un représentant de l'hoirie ou, à défaut, d'un héritier auquel le commandement de payer pouvait être notifié. L'Office a à cet égard considéré que, contrairement à ce que soutenait la poursuivante, le commandement de payer ne pourrait être notifié en ses mains et que, même si cela avait été possible, un conflit d'intérêts à tout le moins abstrait s'y serait opposé.

Il a, le même jour, adressé à A______ une facture de frais mettant à sa charge un émolument de 8 fr. pour le prononcé de la décision de rejet et lui impartissant un délai de 10 jours pour s'en acquitter.

C. a. Par acte adressé le 5 février 2024 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de l'Office du 23 janvier 2024 et contre la facture du même jour, qu'elle a reçues le 25 janvier 2024. Elle conclut à leur annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'Office d'établir et de notifier au siège de la plaignante un commandement de payer conforme à la réquisition de poursuite, subsidiairement à ce qu'il soit ordonné à l'Office d'établir un commandement de payer conforme à la réquisition de poursuite en mentionnant comme représentant de l'hoirie débitrice G______, à défaut de H______, ou à défaut encore I______, tous trois a priori domiciliés Via 3______ no. ______, Piano 2, [code postal] J______ (Italie), la notification devant en tout état intervenir au siège de A______.

b. Sa requête tendant à l'octroi de l'effet suspensif assortissant la plainte a été rejetée par la Chambre de surveillance le 8 février 2024.

c. Dans son rapport établi le 13 mars 2024, l'Office conclut au rejet de la plainte.

d. A______ a répliqué le 28 mars 2024, persistant dans les conclusion s de sa plainte.

e. Par avis du 2 avril 2024, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts
(ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Aussi longtemps que le partage n'a pas eu lieu, qu'une indivision contractuelle n'a pas été constituée ou qu'une liquidation officielle n'a pas été ordonnée, la succession est poursuivie au lieu où le défunt pouvait être lui-même poursuivi à l'époque de son décès et selon le mode qui lui était applicable (art. 49 LP).

L'art. 49 consacre une exception aux principes généralement applicables, en ce sens que la succession non partagée, alors même qu'elle n'a pas la personnalité juridique, se voit octroyer la qualité de partie et la légitimation passive sur le plan du droit des poursuites (ATF 146 III 106 consid. 3.4.1).

2.1.2 Le poursuivant doit énoncer dans la réquisition de poursuite le nom de la succession et le nom du représentant désigné ou, à défaut d'un représentant connu du poursuivant, le nom d'un des héritiers auquel la notification du commandement de payer doit être faite (art. 67 al. 1 ch. 2 in fine et 65 al. 3 LP; Circulaire n° 16 du Tribunal fédéral du 3 avril 1925 concernant les communautés héréditaires et les indivisions; Formule n° 1, explications pt 2; Ruedin, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 21 ad art. 67 LP).

C'est le créancier qui opère ce choix au début de la poursuite, lors de la rédaction de la réquisition de poursuite, étant précisé que l'héritier ainsi désigné doit être considéré comme le représentant de la succession pendant toute la durée de la procédure. En autorisant la notification à l'un des héritiers, la loi présume que celui-ci informera tous les cohéritiers et prendra toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde des droits de la succession; peu importe si, dans les faits, cet héritier néglige ce devoir. Cette liberté de choix connaît sa limite dans l'abus de droit que commet le créancier qui, conscient du conflit existant entre les héritiers, choisit délibérément de faire notifier un commandement à un héritier dont il présume qu'il ne fera pas opposition (Reymond, La poursuite contre une succession, in JdT 2009 II 46; Jeanneret, Lembo, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 20 ad art. 65 LP et les références citées, notamment ATF 113 III 79, JdT 1990 II 8; 107 III 7 c. 1, JdT 1983 II 35; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 70 et 71 ad art. 65 LP).

2.1.3 Le débiteur domicilié à l'étranger qui a élu domicile en Suisse pour l'exécution d'une obligation peut y être poursuivi pour cette dette (art. 50 al. 2 LP).

L'élection d'un for de poursuite est une manifestation de volonté qui s'interprète selon les mêmes principes que les autres contrats. L'application de l'art. 50 al. 2 LP ne suppose pas nécessairement qu'il y ait eu stipulation expresse d'un for de poursuite en Suisse; il suffit que, compte tenu des circonstances et des règles de la bonne foi, on doive admettre que le débiteur a manifesté la volonté de se soumettre à une exécution forcée en Suisse. La simple convention quant au lieu d'exécution ou de paiement n'implique pas élection de for d'exécution forcée, sauf en ce qui concerne les lettres de change ou les titres au porteur. De la même manière, ni l'élection d'un for judiciaire, ni la simple désignation d'un domicile aux fins de notification des actes judiciaires dans un procès civil (ou pénal) ne permettent de présumer l'existence d'une élection de for de poursuite (Arrêt du Tribunal fédéral 5A_721/2020 du 8 octobre 2020 consid. 2.1.1; DCSO/150/2018 du 1er mars 2018, consid. 2.1.1 et 2.1.3; Schmid in SchKG I (2021) n. 39 ad 50).

2.1.4 Lorsqu'un défaut affecte la réquisition de poursuite, l'office des poursuites peut refuser d'y donner suite, en donnant le cas échéant au poursuivant un délai pour remédier au vice. Lorsque le défaut n'entraîne pas la nullité de la réquisition, la jurisprudence prescrit aux offices des poursuites d'impartir au poursuivant un délai aux fins de rectifier ou compléter les indications viciées, ou de lui demander les renseignements nécessaires (ATF 141 III 173 consid. 2.4).

2.2.1 En l'espèce, le défunt a quitté la Suisse pour s'installer en Italie avant juin 2021. Il a accepté de se soumettre à une exécution forcée en Suisse au lieu d'exécution à Genève, vu la clause d'élection de for de poursuites convenue dans les documents contractuels produits par la créancière poursuivante. Il pouvait en conséquence être poursuivi à Genève par la plaignante pour les dettes résultant de leur relation bancaire en vertu de l'art. 50 al. 2 LP.

Il en va de même pour sa succession en application de l'art. 49 LP, de sorte qu'il existe un for de poursuite à Genève.

2.2.2 L'Office a refusé de donner suite à la réquisition de poursuite au motif que la plaignante n'avait désigné aucun représentant ou héritier de la succession auprès duquel la notification du commandement de payer devait être effectuée.

La plaignante ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que ces indications n'étaient pas nécessaires et que les actes de la poursuite dirigée contre l'hoirie devaient être notifiés en son propre siège compte tenu de la clause d'élection de domicile. Les dispositions contractuelles contiennent en effet une élection de for de poursuite : elles ne constituent en revanche ni n'impliquent une élection de domicile aux fins de notification des actes de poursuite en mains de la plaignante. L'hoirie peut ainsi certes être poursuivie à Genève sur la base de la prorogation de for convenue entre le défunt et la créancière poursuivante, mais les actes de poursuite n'en devront pas moins lui être notifiés en mains d'un représentant ou d'un héritier.

C'est en conséquence à raison que l'Office a refusé de donner suite à la réquisition de poursuite dirigée contre l'hoirie après avoir invité la plaignante à lui communiquer les coordonnées d'un représentant ou d'un héritier de l'hoirie.

Cela étant, dans la mesure où la plaignante a mentionné les noms de trois héritiers du défunt dans son courrier du 28 novembre 2023 et qu'elle a, dans le cadre de sa plainte auprès de la Chambre de céans, désigné G______, épouse du défunt domiciliée Via 3______ no. ______, Piano 2, [code postal] J______, Italie, comme héritière représentant l'hoirie, il se justifie d'annuler la décision querellée et d'inviter l'Office à procéder à la notification du commandement de payer dans la poursuite dirigée à l'encontre de l'hoirie de feu B______ auprès de G______, domiciliée Via 3______ no. ______, Piano 2, [code postal] J______ (Italie).

La plainte doit ainsi être partiellement admise. La décision contestée sera donc annulée, ce qui emporte l'annulation des frais qui lui sont liés, et l'Office sera en joint à procéder dans le sens de ce qui précède.

3.  La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 5 février 2024 par A______ contre la décision de rejet de la réquisition de poursuite rendue par l'Office le 23 janvier 2024 et la facture n° 4______ de frais du même jour.

Au fond :

L'admet partiellement.

Annule cette décision et la facture y relative.

Ordonne à l'Office cantonal des poursuites de procéder à la notification du commandement de payer dans la poursuite dirigée à l'encontre de l'hoirie de feu B______ auprès de G______, domiciliée Via 3______ no. ______, Piano 2, [code postal] J______ (Italie).

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 


 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.