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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1480/2024

DCSO/431/2024 du 12.09.2024 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1480/2024-CS DCSO/431/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 12 SEPTEMBRE 2024

 

Plainte 17 LP (A/1480/2024-CS) formée en date du 2 mai 2024 par A______, représenté par Me Nicolas JEANDIN, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me JEANDIN Nicolas

Fontanet & Associés

Grand-Rue 25

Case postale 3200

1211 Genève 3.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. Le séquestre de la rente de prévoyance professionnelle versée mensuellement par la Caisse de prévoyance B______ à A______, né le ______ 1956, a été ordonné le 12 avril 2023.

Ce séquestre a provisoirement participé à la série n° 1______ ouverte le 10 mai 2023 à la suite de la réquisition de continuer la poursuite déposée par un créancier.

b. La saisie sur la rente de prévoyance professionnelle de A______ a été effectuée pour la période du 1er septembre 2023 au 1er septembre 2024 dans cette série, pour un montant fixe de 3'128 fr. 60 par mois.

c. La faillite personnelle de A______ a été prononcée le 21 mars 2024.

d. Le 27 mars 2024, l'Office a reçu le montant de 3'128 fr. 60 correspondant à la rente du mois de mars 2024.

e. Par courrier adressé à l'Office le 12 avril 2024, A______ a requis la libération des montants saisis postérieurement au 21 mars 2024.

f. Par décision du 18 avril 2024, l'Office a décidé de distribuer les montants encaissés jusqu'à février 2024 aux créanciers participant à la série n° 1______ et, s'agissant du montant reçu le 27 mars 2024, de verser 2'018 fr. 45, correspondant au montant saisi de la rente pour la période du 1er au 20 mars 2024, à l'Office cantonal des faillites et de restituer à A______ 1'110 fr. 15, correspondant au montant saisi de la rente pour la période du 21 au 31 mars 2024.

B. a. Par acte expédié le 2 mai 2024, A______ forme une plainte contre cette décision, qu'il a reçue le 22 avril 2024. Il conclut à son annulation en tant qu'elle intègre dans la masse en faillite la somme de 2'018 fr. correspondant au montant de sa rente du 1er au 20 mars 2024, et à la restitution de ce montant en ses mains.

Il soutient que la saisie n° 1______ et toutes les autres poursuites à son encontre sont tombées à la date de la faillite prononcée le 21 mars 2024, et que le montant versé à l'Office le 27 mars 2024, postérieurement au prononcé de sa faillite, n'était pas saisissable, échappait ainsi au désintéressement des créanciers de la saisie n° 1______ et devait lui revenir.

b. Sa requête tendant à l'octroi de l'effet suspensif à sa plainte a été rejetée par la Chambre de surveillance le 6 mai 2024.

c. Dans son rapport établi le 29 mai 2024, l'Office conclut au rejet de la plainte. Relevant que la rente de prévoyance professionnelle, à l'instar d'un salaire, était mensuellement versée à la fin de chaque mois mais prenait naissance au début du mois, il estime que la part saisissable d'une telle rente entrait dans la masse en tant qu'elle se rapporte à la période antérieure au prononcé de la faillite et que seule la part saisissable correspondant à la période postérieure à cette date revenait au débiteur.

A l'appui de son rapport, il a produit le règlement général de la Caisse de prévoyance B______ (ci-après : R/B______), dont il ressort que les pensions sont mensuelles et payables à la fin de chaque mois (art. 63 al. 1), et que le droit à la pension de retraite prend naissance dès le mois qui suit celui où le membre salarié a touché son dernier traitement et s'éteint à la fin du mois au cours duquel il décède (art. 17 al. 5 et 6).

d. A______ a répliqué, persistant dans les conclusions de sa plainte.

e. La cause a été gardée à juger le 3 juillet 2024.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts
(ATF
138 III 219 consid. 2.3; ATF 129 III 595 consid. 3; ATF 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Les poursuites dirigées contre le failli s'éteignent et aucune poursuite ne peut être faite durant la liquidation de la faillite pour des créances nées avant l'ouverture de la faillite (art. 206 al. 1 1ère phr. LP). Tous les biens saisissables du failli au moment de l'ouverture de la faillite forment une seule masse, quel que soit le lieu où ils se trouvent, et sont affectés au paiement des créanciers; les biens qui échoient au failli jusqu'à la clôture de la faillite rentrent dans la masse (art. 197 al. 1 et 2 LP).

Le salaire et autres revenus professionnels du failli ne lui échoient pas au sens de l'art. 197 al. 2 LP et sont par conséquent soustraits au dessaisissement du failli. En principe, le failli peut donc encore disposer librement de son salaire malgré la faillite et les créanciers dont les créances sont antérieures à l'ouverture de la faillite n'ont pas le droit de mettre la main sur cet actif (ATF 149 III 28 consid. 6.2.3.1). Les prestations de la prévoyance professionnelle versées au failli qui a atteint l'âge de la retraite visent le maintien du niveau de vie de manière appropriée. Comme le revenu issu de l'activité professionnelle, elles sont relativement saisissables et traitées comme telles dans la faillite. Au vu de la conception étroite de l'art. 197 al. 2 LP visant à permettre au failli de se créer une nouvelle situation financière, ces prestations doivent être traitées de la même manière que les revenus professionnels et soustraites au dessaisissement du failli après l'ouverture de la faillite (ATF 149 III 28 consid. 6.2.3.3).

Seuls les revenus résultant de l'activité déployée après le prononcé de la faillite échappent au dessaisissement du failli; les revenus perçus par ce dernier en lien avec l'activité déployée avant le prononcé de la faillite entrent dans la masse même s'ils lui sont versés après le prononcé de la faillite (BSK SchKG II -Hunkeler, n. 85 ad art. 197 LP; Schober, in Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], n° 6 et 7 ad art. 197 LP).

2.1.2 Les biens saisis non réalisés au moment de l'ouverture de la faillite et les biens séquestrés rentrent dans la masse; toutefois, si les délais de participation à la saisie sont échus à l'ouverture de la faillite, les montants déjà encaissés par suite de saisies d'espèces, de saisies de créances et de salaires, ainsi que de réalisations de biens sont distribués conformément aux art. 144 à 150; l'excédent est remis à la masse (art. 199 al. 1 et 2 LP).

2.2 En l'espèce, la faillite personnelle du plaignant a été prononcée le 21 mars 2024.

Les montants encaissés par l'Office jusqu'en février 2024 dans le cadre de la saisie de la rente de prévoyance du plaignant ont été distribués aux créanciers participant à la série n° 1______ conformément à l'art. 199 al. 2 LPP, ce qui n'est, à juste titre, pas remis en cause par le plaignant.

S'agissant du montant de 3'128 fr. 60 encaissé le 27 mars 2024 postérieurement à la faillite du plaignant prononcée le 21 mars 2024, l'Office a décidé de verser à la masse la part correspondant à la période antérieure au prononcé de la faillite et de restituer au plaignant la part relative à la période postérieure à la faillite.

Il est vrai que la rente de prévoyance allouée au plaignant depuis qu'il a atteint l'âge de la retraite est versée à la fin de chaque mois en application de l'art. 63 du règlement général de son institution de prévoyance. Son droit à la rente de prévoyance a toutefois pris naissance avec son accession à l'âge de la retraite (art. 13 al. 1 LPP; art. 21 al. 1 et 2 LAVS; art. 17 al. 5 et 6 R/B______). C'est en conséquence à raison que l'Office a appliqué par analogie les principes applicables en matière de créances de salaires, naissant au fur et à mesure que le travail est fourni indépendamment de la date de son versement.

Le plaignant ne saurait être suivi lorsqu'il se fonde sur différents arrêts rendus par le Tribunal fédéral en matière de prévoyance professionnelle pour soutenir que l'exigibilité des prestations de prévoyance professionnelle dépend non seulement de la survenance de l'événement assuré, mais également du versement effectif des prestations, dans la mesure où la jurisprudence qu'il cite traite de l'exigibilité du versement en espèces de la prestation de sortie en cas de libre passage.

En l'occurrence, dans la mesure où le plaignant a atteint l'âge de la retraite et qu'il perçoit depuis lors mensuellement la rente versée par son institution de prévoyance, l'Office a procédé correctement en distinguant les montants saisis de la rente de prévoyance correspondant aux périodes antérieure et postérieure au prononcé de la faillite du plaignant. C'est, partant, à juste titre qu'il a restitué au plaignant la somme de 1'110 fr. 15 correspondant à la part saisie sur sa rente pour la période allant du 31 au 31 mars 2024 et versé le solde de 2'018 fr. 45 à l'Office cantonal des faillites.

Infondée, la plainte sera rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 2 mai 2024 par A______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites du 18 avril 2024.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Messieurs Luca MINOTTI et Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.