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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2301/2022

DCSO/327/2022 du 19.08.2022 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : Gérance légale; dies a quo; résiliation de bail; poursuite en réalisation de gage
Normes : lp.153; lp.154; orfi.19; orfi.94; orfi.100; orfi.101; cc.806
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2301/2022-CS DCSO/327/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU VENDREDI 19 AOÛT 2022

 

Plainte 17 LP (A/2301/2022-CS) formée en date du 11 juillet 2022 par A______ SA.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______ SA

Chemin ______

______[GE].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ SA est propriétaire de la parcelle 3______ de la commune M______, sise 4______ et construite d'une maison de maître comportant notamment un appartement de cinq pièces situé aux premier et deuxième étages.

b. L'acquisition de la parcelle 3______ de la commune M______ par A______ SA a été financée par un emprunt hypothécaire de 3'400'000 fr. souscrit, en 2005, par A______ SA et B______, auprès de la C______, représentée par la FONDATION D______ (ci-après la C______).

En garantie du remboursement du prêt, A______ SA et B______ ont nanti neuf cédules hypothécaires au porteur grevant en premier rang la parcelle 3______ de la commune M______, d'une valeur totale de 3'400'000 fr.

c. E______ a acquis l'entier du capital-actions de A______ SA le 20 août 2005.

d. Le prêt hypothécaire susmentionné a été repris conjointement par A______ SA et E______ en 2009.

e. Le 1er septembre 2014, E______ et F______ ont conclu un contrat de bail avec A______ SA portant sur l'appartement de cinq pièces susvisé.

f. Le 3 février 2015, E______ a cédé à son épouse la moitié du capital-actions de A______ SA.

g. A une date non précisée, la C______ a dénoncé au remboursement le prêt hypothécaire consenti à A______ SA et E______.

h. Elle a requis en 2017 deux poursuites en réalisation de gage, l'une contre A______ SA et l'autre contre E______, respectivement n° 1______ et 2______, portant toutes deux sur un montant de 3'094'000 fr. plus intérêt à 12 % l'an dès le 1er mars 2017, représentant le solde impayé des créances incorporées dans les cédules hypothécaires grevant la parcelle 3______ de la commune M______ et de 307'799 fr. 90 représentant des intérêts échus au 28 février 2017.

L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a notifié un commandement de payer à A______ SA dans le cadre de la poursuite n° 1______ en sa qualité de débitrice et propriétaire du gage à réaliser. Il en a notifié deux dans le cadre de la poursuite n° 2______, l'un à E______ en qualité de débiteur et l'autre à A______ SA en sa qualité de tiers propriétaire du gage à réaliser.

i. Les destinataires desdits commandement de payer n'y ayant pas formé opposition, ou les ayant retirées, la créancière a requis le 23 novembre 2017 la vente du bien gagé.

j. L'Office a adressé le 7 décembre 2017 à E______ et à A______ SA un avis de réception de la réquisition de vente et l'avis relatif à l'encaissement par lui-même des loyers et fermages produits par le bien gagé.

k. E______ est décédé le ______ 2018. Désormais, les actionnaires de A______ SA sont F______ à raison de 50 % et la succession de E______ à raison de 50 % et la poursuite n° 2______ est dirigée contre la succession de E______.

l. L'Office a informé le 25 juin 2018 G______ SA de l'instauration d'une gérance légale de l'immeuble propriété de A______ SA en faveur du créancier gagiste dans le cadre des poursuites n° 2______ et 1______ et lui a confié la gestion de l'immeuble.

Par avis du même jour, l'Office a invité F______, en sa qualité de locataire, à s'acquitter du loyer en ses mains, soit auprès de G______ SA, en raison de la gérance légale.

m. L'Office a publié le ______ 2020 un avis selon lequel la vente aux enchères de l'immeuble gagé aurait lieu le ______ 2020.

n. F______ a formé une plainte contre cet avis à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), invoquant la nullité des poursuites au motif qu'elle ne s'était pas vue notifier de commandement de payer en sa qualité d'épouse du débiteur, alors que le bien gagé constituait le domicile conjugal.

L'Office a annulé la vente du fait de cette plainte.

Par décision DCSO/331/2020 du 17 septembre 2020, la Chambre de surveillance a rejeté la plainte de F______ au motif qu'elle n'avait pas été formée dans le délai de dix jours dès sa connaissance des poursuites litigieuses. En outre, elle ne pouvait invoquer de bonne foi la nullité de la poursuite n° 2______ en raison de l'absence de notification d'un exemplaire du commandement de payer à elle-même puisqu'elle avait réceptionné le commandement de payer destiné à son défunt mari. La Chambre relevait encore que, dans le cadre de la poursuite
n° 1______ contre A______ SA, la plaignante n'avait ni la qualité d'épouse du débiteur, ni celle d'épouse du propriétaire du gage, de sorte qu'elle ne pouvait invoquer aucun motif de nullité de la poursuite.

Par arrêt 5A_825/2020 du 25 mars 2021, le Tribunal fédéral a annulé cette décision dans la mesure où elle visait la poursuite n° 2______ au motif qu'une vente ne pouvait être organisée sans la notification préalable d'un commandement de payer à la conjointe du débiteur car cette notification était une exigence formelle essentielle de la poursuite, que l'on ne pouvait écarter en invoquant les règles sur la bonne foi. En revanche, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours en tant qu'il visait le rejet par la Chambre de surveillance des conclusions de la plainte de F______ concernant la poursuite n° 1______.

o. Les droits et obligations du prêt hypothécaire ont été cédés le 13 octobre 2020 par la C______ à H______ SA laquelle a pris la place de la première dans les poursuites n° 2______ et 1______.

p. L'Office a notifié le 11 mai 2021, dans le cadre de la poursuite n° 2______, l'exemplaire du commandement de payer destiné à F______ en sa qualité de conjointe du débiteur, conformément à l'arrêt du Tribunal fédéral du 25 mars 2021.

F______ a fait opposition au commandement de payer.

Le Tribunal de première instance ayant prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition, F______ a agi en libération de dette. Cette procédure est toujours en cours.

q. Le 28 juillet 2021, A______ SA, représentée par G______ SA, a résilié le bail conclu par E______ et F______ pour le
31 août 2021, en raison de la demeure des locataires.

F______ et la succession de E______ ont contesté judiciairement la résiliation le 27 août 2021, alors que A______ SA, représentée par G______ SA, requérait de son côté l'évacuation des locataires le 13 septembre 2021.

Par jugement du 19 octobre 2021, le Tribunal des baux et loyers a constaté la validité de la résiliation et ordonné l'évacuation des locataires, décision confirmée par arrêt de la Cour de justice du 23 mai 2022.

G______ SA a mandaté un huissier judiciaire aux fins de faire exécuter cette décision, lequel a sommé le 27 juillet 2022 F______ et la succession de E______ de libérer les locaux.

B. a. Par acte expédié le 11 juillet 2022 à la Chambre de surveillance, A______ SA, représentée par son administrateur unique I______, a conclu à ce qu'il soit fait interdiction à l'Office de faire exécuter le jugement d'évacuation du 19 octobre 2021, qu'il soit constaté que tous les actes de la gérance légale antérieurs à la date du 11 novembre 2021 étaient nuls et non avenus et qu'il soit constaté que F______ avait le droit de demeurer dans l'appartement au titre de l'art. 19 ORFI.

La plainte n'était que très sommairement motivée ("il apparaît que la gérance légale a été instaurée de façon prématurée au mois de juin 2018 étant donné que la codébitrice ne s'était pas vu notifier le commandement de payer").

Elle renvoyait en revanche à une pièce jointe, soit un courrier de 5 pages adressé le 27 juin 2022 par F______ à Me J______, avocate mandatée par K______ pour représenter A______ SA dans la procédure en évacuation. Dans ce courrier elle contestait la validité de la décision de l'Office de résilier le contrat de bail car la gérance légale n'avait pas été instaurée valablement; celle-ci n'était en effet possible que dès la réquisition de vente en application de l'art. 101 ORFI; en l'occurrence, toutes les oppositions aux commandements de payer dans la poursuite n° 2______ n'ayant pas été levées, la réquisition de vente n'était pas encore possible (art. 153 al. 2, 154 al. 1 LP, 88 al. 1, 100 al. 1 ORFI), raison pour laquelle l'Office avait d'ailleurs annulé la vente du 24 mars 2020. En tout état, la plaignante soutenait que F______ ne pouvait être évacuée tant que la réalisation n'avait pas eu lieu, en application de l'art. 19 ORFI.

b. La Chambre de surveillance a invité la plaignante à compléter sa plainte, ce qu'elle a fait en déposant le 29 juillet 2022 un document de 16 pages, comportant 13 conclusions :

Sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles :

1.      Ordonner à l'Office et/ou à la G______ de faire interdiction d'exécuter au nom et pour le compte de A______ SA l'arrêt de la Cour de justice du 23 mai 2022;

2.      Ordonner à l'Office et/ou la G______ d'informer immédiatement l'huissier judiciaire de l'annulation de l'exécution de la requête d'évacuation;

3.      Débouter l'Office ou tout opposant de toutes autres conclusions;

Principalement :

4.      Constater que la gérance légale était instaurée prématurément et devenue caduque au moins dès le mois de mai 2021;

5.      Constater la violation des art. 22 al. 1, 153 al. 2, 154 al. 1 LP et les art. 19, 88, 98, 100, 101 ORFI;

6.      Dire et constater que tous les actes de la gérance légale sont nuls et non avenus ou tout du moins les actes antérieurs à la date du 11 novembre 2021;

7.      Par conséquent, faire interdiction à l'Office de faire exécuter le jugement confirmé par l'arrêt de la Cour de justice du 23 mai 2022;

8.      Dire et constater que A______ SA représentée par son administrateur a repris la gestion de l'immeuble gagé au plus tard dès la notification du commandement de payer à F______ en mai 2021;

9.      Dire et constater que depuis le 11 novembre 2021 à ce jour la gérance légale n'était pas et ne pouvait pas être instaurée.

10.  Par conséquent, faire interdiction à l'Office et à la G______ d'agir au nom et pour le compte de A______ SA ainsi que de gérer l'immeuble gagé appartenant à la société;

11.  Même si par impossible la gérance légale instaurée était légitime et/ou pourrait le devenir ultérieurement, dire et constater que F______ a le droit de demeurer dans l'appartement au titre de l'art. 19 ORFI;

12.  Débouter l'Office ou tout opposant de toutes autres conclusions;

13.  Condamner l'Office en tous les frais et dépens.

c. La plaignante s'est adressée une nouvelle fois à la Chambre de surveillance le 10 août 2022 pour attirer son attention sur l'urgence de la situation car l'huissier judiciaire et l'Office avaient procédé le 9 août 2022 à un changement de serrures des locaux mis en gérance légale, contraignant F______ et l'une de ses filles à loger à l'hôtel.

EN DROIT

1. Une plainte manifestement mal fondée ou irrecevable peut être écartée sans instruction préalable par une décision sommairement motivée (art. 72 LPA, applicable par renvoi de l'article 9 al. 4 LaLP).

En l'occurrence, la Chambre de surveillance rendra une décision sans instruction compte tenu de l'issue certaine de la plainte au vu de la personne du plaignant, des faits allégués et des griefs exposés.

2. 2.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3).

L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP); elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).

2.2.1 En l'espèce, la plaignante, soit A______ SA, prend des conclusions sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, ainsi que sur le fond ayant pour finalité d'empêcher l'exécution d'un jugement d'évacuation du Tribunal des baux et loyers en force à l'encontre de F______ et des héritiers de E______.

La décision ainsi visée n'est pas une mesure de l'Office et n'a pas en principe vocation à être remise en cause devant la Chambre de surveillance. Dans la mesure où la plainte tend à remettre en cause cette décision, elle est irrecevable faute de compétence matérielle de la Chambre de céans.

La plainte est également irrecevable dans la mesure où elle vise à empêcher l'exécution d'un jugement d'évacuation à l'encontre de F______ et des héritiers de E______, faute d'intérêt pour agir de la plaignante puisque seuls les intérêts de F______ et des héritiers de E______ sont préservés par les conclusions articulées et non ceux de la plaignante qui n'a donc pas la qualité pour agir dans cette mesure.

2.2.2 La plainte vise plus largement à faire constater que l'Office n'était pas habilité à résilier le bail de F______ et de la succession de E______, à requérir leur évacuation judiciaire, ni à la faire exécuter en agissant au nom de A______ SA, en se prévalant d'une mesure de gérance légale qui n'avait pas été valablement instaurée. La plainte s'attaque ainsi fondamentalement à la décision de mise sous gérance légale de l'immeuble propriété de A______ SA. Cette décision remontant à 2018, la plainte est déposée en dehors du délai de dix jours prévu par l'art. 17 LP et se révèle également irrecevable pour ce motif.

A cet égard, il convient certes de réserver le cas de la nullité de la décision de mise sous gérance légale, laquelle peut être invoquée en tout temps. Il ressort toutefois des considérants qui suivent que la décision de l'Office d'instaurer une gérance légale était justifiée et ne saurait donc être qualifiée de nulle.

3. La plaignante conteste que les conditions temporelles aient été réunies pour l'instauration d'une gérance légale de l'immeuble gagé car aucune réquisition de vente n'avait pu être valablement déposée puisque l'opposition formée au commandement de payer qui était destiné à F______ n'avait pas encore été définitivement levée.

3.1 La poursuite en réalisation de gage entraîne, sous diverses formes et en fonction des stades de la procédure, la mainmise officielle sur tout ou partie des biens objets de la poursuite et, partant, leur indisponibilité. Une gérance légale de ces biens par l'Office se met en place. Les normes affectant la disponibilité de l’immeuble et sa gérance légale ne sont pas exprimées dans la LP, mais dans l’ORFI. Sont décisifs à cet égard l’avancement de la procédure, auquel s’ajoute la faculté conférée au créancier gagiste de requérir l’extension du gage aux loyers en application de l’article 806 CC. Du point de vue chronologique, le moment du dépôt de la réquisition de vente du gage est essentiel (Defago-Gaudin, L'immeuble dans la LP : indisponibilité et gérance légale, Faculté de Droit, Université de Genève, Schulthess, 2006, n° 207).

3.1.1 Dans la phase "préliminaire" qui précède la réquisition de vente, une gérance légale dite "limitée" se met en place, si le créancier gagiste requiert l'extension du gage aux loyers en application de l'art. 806 CC. Elle affecte dans une certaine mesure la disponibilité de l’immeuble. L’Office est tenu de prendre, en lieu et place du propriétaire du gage, toutes les mesures nécessaires pour assurer et opérer l’encaissement des loyers et fermages, d'intenter au besoin des poursuites à cet effet, d'exercer le droit de rétention du bailleur, de résilier les baux, de requérir l’expulsion des locataires, de conclure de nouveaux baux et d’ordonner les réparations urgentes (art. 94 al. 1, première phrase, ORFI). Cette gérance légale est dite limitée, car elle consiste en la prise de mesures présentant un caractère conservatoire et urgent au regard de la nécessité d’encaisser les loyers en tant qu’objets du gage (Defago-Gaudin, op. cit., n° 281).

La gérance légale limitée débute avec la réquisition de poursuite en réalisation de gage, assortie de la déclaration du créancier gagiste poursuivant selon laquelle le gage doit comprendre les loyers. La requête d’extension du gage aux loyers peut également être formée ultérieurement; dans ce cas, la gérance légale limitée prend effet dès ce moment, sans rétroactivité. Comme dans la saisie, la mesure n’est opposable aux locataires qu’une fois qu’ils ont été avisés par l’Office de la mainmise sur les loyers produits par l’immeuble, et qu’ils ont été invités à les payer en mains de l’office (art. 806 al. 2 CC, art. 91 al. 1 ORFI in fine; Form. ORFI N° 5; Defago-Gaudin, op. cit., n n° 423 ss).

3.1.2 Une fois la vente de l’immeuble requise par le créancier gagiste poursuivant, l’immeuble devient indisponible, quelle qu’ait été la situation juridique dans la phase préliminaire, et une gérance légale dite "ordinaire" de l'immeuble se met en place (art. 101 al. 1 ORFI). La gérance ordinaire n'est plus limitée au caractère conservatoire de la gérance légale limitée qui l’aurait précédée, mais s’étend à tous les actes d’administration nécessaires à la perception des loyers et au maintien de l’immeuble en bon état de rendement (Defago-Gaudin, op. cit., n° 257 et ss).

S'il se révèle seulement après la réquisition de vente que l'immeuble appartient à un tiers ou sert d'habitation familiale, un commandement de payer sera alors notifié au tiers ou au conjoint du débiteur ou du tiers. La vente ne pourra avoir lieu qu'après que ce commandement de payer sera passé en force et qu'il se sera écoulé six mois dès sa notification (art. 100 al. 1 ORFI).

La gérance légale ordinaire débute en principe dès la date de la réquisition de vente (art. 101 al. 1 ORFI). Le dies a quo est cependant reporté à une date ultérieure si l’immeuble appartient à un tiers et si ce tiers a formé opposition au commandement de payer; dans ce cas, l’Office ne peut assurer la gérance de l’immeuble qu’après que l’opposition faite par le tiers a été levée; ce report n'a en revanche pas lieu en cas d'opposition au commandement de payer formée par le conjoint du débiteur (art. 101 al. 2 ORFI; Defago Gaudin, op. cit., n° 445).

3.2 En l'espèce, la créancière a requis la vente du gage en novembre 2017. A cette date, les commandements de payer notifiés dans les poursuites n° 2______ et 1______ n'étaient plus frappés d'opposition et les réquisitions de vente avaient été déposées a priori valablement par la créancière. L'Office n'avait pas, à l'époque, réalisé qu'un commandement de payer supplémentaire devait être notifié au conjoint du débiteur dans la poursuite n° 2______ et avait poursuivi les opérations de réalisation du gage, notamment en instaurant une gérance légale, vraisemblablement ordinaire.

La notification ultérieure par l'Office, sur injonction du Tribunal fédéral, d'un commandement de payer à F______, en sa qualité de conjointe du débiteur dans la poursuite n° 2______, et l'opposition qu'elle y a formée ne sont pas des obstacles à la validité de la réquisition de vente, ni à l'instauration de la gérance légale ordinaire selon les principes rappelés aux paragraphes précédents, contrairement à ce que soutient la plaignante.

En tout état, dans la poursuite n° 1______, tous les commandements de payer nécessaires avaient été notifiés et toutes les éventuelles oppositions levées avant novembre 2017, de sorte que l'Office a valablement reçu la réquisition de vente de la créancière et instauré la gérance légale ordinaire.

Il découle de ce qui précède que l'Office était autorisé à décider de la résiliation d'un bail pour non-paiement du loyer et à diligenter une procédure d'évacuation dans le cadre de la gérance légale instaurée dans les poursuites n° 2______ et 1______.

Le premier grief de la plaignante est donc infondé.

4. La plaignante invoque encore que F______ et la succession de E______ ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'évacuation en application de l'art. 19 ORFI.

4.1 L'art. 19 ORFI, applicable à la poursuite en réalisation de gage immobilier (ATF 117 III 63 = JdT 1993 II 140 consid. 1 p. 141), prévoit que jusqu'à la réalisation de l'immeuble, le débiteur ne peut être tenu ni de payer une indemnité pour les locaux d'habitation ou d'affaires qu'il occupe ni de vider les lieux (contrairement à ce qui est prévu en matière de faillite : art. 229 al. 3 LP). Dans la poursuite par voie de saisie, celui qui peut se prévaloir de l'art. 19 ORFI est le débiteur et propriétaire du gage, tandis que dans la poursuite en réalisation de gage, l'ayant droit est le propriétaire de l'immeuble. Dans cette dernière, si le débiteur n'est pas le propriétaire de l'immeuble – ce qui est possible dans la poursuite en réalisation de gage – l'art. 19 ORFI ne s'applique pas (Zopf, Commentaire ORFI, n° 1 ad art. 19 ORFI; décision de la Chambre de surveillance DCSO/214/2020 du 25 juin 2020).

4.2 En l'espèce, F______ et sa fille, qui occupent l'immeuble gagé tout en étant codébitrices de la créance garantie par gage (par succession), ne peuvent être mises au bénéfice de l'art. 19 ORFI, faute d'être propriétaires du bien gagé. A______ SA ne peut s'en prévaloir non plus, faute d'avoir allégué être à la fois propriétaire et occupante des locaux, ainsi que d'avoir pris des conclusions la concernant.

Le second grief de la plaignante est également infondé.

5. Il découle de ce qui précède que la plainte est irrecevable et qu'elle aurait été rejetée si elle avait été recevable.

La plainte étant d'emblée déclarée irrecevable, il n'y a pas lieu de statuer séparément sur les mesures superprovisionnelles, provisionnelles ou, cas échéant, l'effet suspensif qui sont devenus sans objets.

6. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare irrecevable la plainte formée le 11 juillet 2022 par A______ SA, dans le cadre des poursuites en réalisation de gage 1______ et 2______, visant les démarches entreprises par l'Office des poursuites vue d'évacuer F______ et la succession de E______ de l'appartement de cinq pièces qu'elles occupaient dans l'immeuble sis 4______, au M______.

 

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.