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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/963/2018

DCSO/536/2018 du 18.10.2018 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : JONCTION; VENTE D'URGENCE; REVENDICATION; INVENTAIRE; REPARTITION PROVISOIRE; HONORAIRE ADMINISTRATION SPECIALE
Normes : LPA.70; LP.228; LP.242; LP.243.al2; LP.261
Résumé : Vente d'urgence de gré à gré de biens revendiqués. Revendication non portée à l'inventaire. Répartition provisoire du produit de la vente. Honoraires administration spéciale contestés.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/9______/2018-CS DCSO/536/18

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 18 OCTOBRE 2018

 

Plainte 17 LP (A/9______/2018-CS) formée en date du 19 mars 2018 par A______ SÀRL, élisant domicile en l’étude de Me Aude Peyrot, avocate.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l’Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- A______ SÀRL

c/o Me Aude PEYROT

LHA Avocats

Rue du Rhône 100

Case postale 3403

1211 Genève 3.

- ADMINISTRATION SPECIALE DE B______ SA EN FAILLITE

c/o Me C______

Administrateur spécial

______

______.

 

 


EN FAIT

A.           a. B______, société de siège à ______, Genève, a pour but le commerce, soit l’importation et l’exportation, l’achat et la vente de vin de toute provenance ainsi que de toute boisson alcoolisée ou non et de spiritueux.

Elle était locataire de locaux au 1______ à Genève, ainsi qu’au 2______
à ______ (GE).

b. Le 21 mai 2012, D______ a passé commande pour du vin à B______. L’adresse de livraison et le lieu de facturation étaient [la société] E______, c/o [la société] F______ à Genève.

Ces commandes ont fait l’objet des factures suivantes, datées du 21 mai 2012:

• facture n° 3______ d’un montant de 7’711 fr. 20;

• facture n° 4______ en 1’487 fr. 16

• facture n° 5______ d’un montant de 63’563 fr. 06.

c. Le 23 mai 2012, E______ a versé la somme de 72’761 fr. 42 à B______, en paiement des factures n° 3______, 4______ et 5______.

d. Le 4 juin 2012 D______ a passé une nouvelle commande à B______, qui a fait l’objet d’une facture n° 6______ du même jour, adressée à E______, pour un montant de 79’691 fr. 04.

e. Le 8 juin 2012, E______ a versé la somme de 79’691 fr. 04 en paiement de la facture n° 6______.

f. A______, société de siège à ______ (Genève), a été fondée le ______ 2013. Son but est notamment toutes activités dans le domaine du vin. Elle peut faire, soit pour son compte soit pour le compte de tiers, toutes opérations financières commerciales, mobilières ou immobilières se rattachant directement ou indirectement à son but.

D______ en est l’associé gérant avec pouvoir de signature individuelle.

A______ allègue que D______, en tant que seul associé gérant, lui a transféré au moment de sa création tous les droits et obligations relatifs aux commandes précitées.

g. Le 10 décembre 2013, B______ informait D______ qu’une partie des vins commandés était disponible en ses locaux, et lui demandait s’il fallait la livrer ou la conserver jusqu’à l’arrivée des primeurs 2011, afin de livrer le tout au même moment.

h. Par courrier du 10 novembre 2014, A______ a demandé à B______ que le vin détenu par elle soit livré à la société G______, à ______ (Tessin), spécialisée notamment dans l’entreposage de vins. A______ allègue que ce transfert n’a jamais eu lieu.

i. Par jugement du ______ 2015, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de B______.

j. L’inventaire des biens de la faillie a été dressé par l’Office des faillites du
______ 2015 au 7 avril 2015.

Les bouteilles de vin se trouvant dans les locaux du 2______ au sous-sol (inventaire M1 à M736) faisaient l’objet d’un droit de rétention de H______, bailleur.

Il était indiqué qu’un stock de vins se trouvait entreposé auprès de l’entreprise I______ à ______ (France) (pour une valeur de 15’000 fr.; M751).

Les biens inventoriés sis au 1______ (matériel de bureau et informatique) faisaient l’objet d’un droit de rétention de la Communauté de la PPE 1______ (M757 à M774).

Une participation au 100% du capital de J______, société inscrite au Registre du commerce de ______ (France), figurait également à l’inventaire pour le montant de 1 fr. (C1).

Enfin, l’argent comptant trouvé totalisait 1’528 fr. 24 (A1 à A3).

Ainsi, le total des biens inventoriés était de 317’068 fr. 24.

k. Par publication dans la Feuille Officielle Suisse du Commerce (FOSC) du
______ 2015, l’Office a convoqué la 1ère assemblée des créanciers le ______ 2015 et fixé le délai pour les productions au ______ 2015 [un mois plus tard], la faillite étant liquidée en la forme ordinaire.

l. Lors de cette première assemblée, D______ a été désigné comme membre du bureau, aux côtés d’un autre créancier et d’un fonctionnaire de l’Office des faillites (ci-après: l’Office). Il a été décidé de confier la liquidation de la faillite à une administration spéciale, mais renoncé à la constitution d’une commission de surveillance.

m. Le 28 avril 2015, A______ a revendiqué dans la faillite de B______ les vins objets des factures n° 3______, 4______, 5______ et 6______, expliquant avoir été cliente de cette société au nom de E______. Elle a également produit une créance de 152’452 fr. 46, correspondant au prix d’achat des vins objets des factures n° 3______, 4______, 5______ et 6______.

n. C______, avocat, a été nommé administrateur spécial de la faillite en février 2016, après la révocation de l’administrateur désigné par la première assemblée des créanciers, par décision de la Chambre de céans DCSO/7______/2015 du ______ 2015.

Par décision DCSO/8______/2016 du ______ 2016, la Chambre de céans a fixé à
350 fr. la rémunération horaire de Me C______, avocat, pour son activité en qualité d’administrateur spécial de B______ en faillite, ainsi que celui applicable à MMes K______ et L______, avocats associés et auxiliaires de Me C______, administrateur spécial.

o. Par publication dans la FOSC du ______ 2016, l’administration spéciale de la faillite de B______ (ci-après: l’administration spéciale) a lancé un appel d’offres pour la réalisation en bloc d’un important stock de vins, les personnes intéressées étant invitées à solliciter un tirage de l’inventaire et des conditions de vente en lui adressant leur demande au plus tard le ______ 2016.

Le 6 septembre 2016, il a été procédé à la vente de gré à gré de l'intégralité des vins en pages 2 à 190 de l'inventaire, avec l'accord du créancier gagiste, à
[la société] M______, soit la plus offrante, pour le prix de 315'000 fr., dont
23'333 fr. 35 de TVA.

p. Par courriel du 23 mai 2017, A______ s’est adressée à l’administration spéciale pour connaître le sort réservé à sa revendication et l’avancement de la procédure.

Il lui a été répondu le 30 mai 2017, qu’il serait statué sur les nombreuses revendications lors du dépôt de l’état de collocation, lequel devait intervenir dans le courant de l’été.

r. Dans un courrier du 31 août 2017 à l’administration spéciale, le conseil de A______ a exposé que E______ était la société de N______, père de D______ et qu’elle avait donné mandat à A______ de commander des vins, de les entreposer et de les assurer pour son compte. Ces vins avaient fait l’objet des factures
n° 3______, 4______, 5______ et 6______. E______ avait été dissoute suite au décès de N______, et ses droits et obligations avaient été transférés à l’ESTATE de N______; O______ avait été nommée exécutrice par les autorités compétentes; les bénéficiaires de l’ESTATE étaient P______, O______ et D______. Le conseil de A______ représentait également les intérêts de l’ESTATE de N______. Tant l’ESTATE que A______ revendiquaient dans la faillite de B______ les vins objets des factures n° 3______, 4______, 5______ et 6______ (ci-après: les vins litigieux).

s. Dans un nouveau courrier à l’administration spéciale du 19 septembre 2017, le conseil de A______ et de l’ESTATE est revenu sur les explications qui précèdent, pour exposer que E______ était détenue par le Q______, qui s’était vu transmettre les droits et obligations de E______ suite au décès de N______. Le Q______ avait été à son tour dissous, et tous ses biens avaient été distribués aux enfants de N______, P______, O______ et D______. Le titre de propriété sur les vins revendiqués appartenait dès lors à ces derniers, qui avaient cédé leurs droits à A______, laquelle était en droit de revendiquer les vins litigieux. A______ confirmait pour le surplus la production de sa créance correspondant au prix d’achat des vins litigieux, soit 152’425 fr. 46.

t. Par courrier du 9 novembre 2017, l’administration spéciale a autorisé le conseil de A______ à accéder à l’inventaire et aux productions dans la faillite, tout en précisant vouloir statuer ultérieurement sur le statut dans la faillite de cette société.

u. Le 2 mars 2018, l’administration spéciale a informé A______, par deux courriers séparés, d’une part, que sa production était admise en 3ème classe pour le montant de 152’452 fr. 46, cette créance étant susceptible de réduction en cas de récupération partielle ou totale de la marchandise auprès de ceux qui pourraient la détenir en France. D’autre part, la revendication était écartée en totalité, les biens ne se trouvant pas en mains de la masse en faillite. La décision pouvait être contestée dans le délai de 20 jours de l’art. 242 LP.

v. La convocation à la deuxième assemblée des créanciers de B______ le
______ 2018 a fait l’objet d’une publication dans la FOSC du ______ 2018. Le même jour, l’administration spéciale a publié le dépôt de l’état de collocation, un délai de 20 jours étant imparti pour contester tant l’inventaire que l’état de collocation.

A______ n’a contesté ni l’un ni l’autre.

L’état de collocation mentionnait que la créance de 61’836 fr. 12 du bailleur du dépôt sis 2______ était écartée car éteinte en raison d’un accord intervenu.

w. Le 12 mars 2018, l’administration spéciale a fait parvenir à A______ copie de l’inventaire et de l’état de collocation de la faillite de B______.

Le 14 mars 2018, elle lui a transmis un tirage du procès-verbal de la vente de gré à gré du 6 septembre 2016, à [la société] M______, avec l’accord du créancier gagiste H______, de l’intégralité des vins inventoriés en pages 2 à 190 de l’inventaire, pour le prix de 315’000 fr.

x. Les 21 et 23 mars 2018, A______ a demandé à l’administration spéciale de lui communiquer la teneur de l’accord passé avec le bailleur, ainsi que de lui fournir toutes explications sur le sort du produit de la vente du 6 septembre 2016.

y. Le 28 mars 2018, A______ a saisi le Tribunal de première instance d’une action en revendication, concluant, sur mesures provisionnelles, à ce qu’il soit fait interdiction à la masse en faillite de B______ de procéder à la distribution des deniers, provisoire ou finale, jusqu’à droit connu, et de procéder à la réalisation des bouteilles revendiquées, et, sur le fond, à la condamnation de la masse en faillite de B______ à lui remettre les bouteilles revendiquées, ou, subsidiairement, le produit de la réalisation des bouteilles revendiquées.

z. Le ______ 2018 s’est tenue la seconde assemblée des créanciers de la faillite de B______. Il ressort du rapport de l’administration spéciale que le quorum n'a pas été atteint. Celle-ci a informé les créanciers présent que B______ occupait, outre des bureaux au 1______, un dépôt de 760m2 au sous-sol de l’immeuble 2______, dans lequel étaient entreposés les crus et autres vins dont elle était propriétaire, respectivement ceux revendiqués par un grand nombre de créanciers, et portés à l’inventaire pour une valeur d’environ 300’000 fr. La créance du bailleur de ce dépôt était de 190’768 fr. au 31 août 2016, lequel bailleur disposait d’un droit de rétention sur les biens inventoriés. Après avoir procédé à un appel d’offres, l’administration spéciale avait vendu, avec l’accord du bailleur créancier gagiste, à M______ qui avait la meilleure offre, l’intégralité des vins inventoriés en pages 2 à 190 de l’inventaire, à l’exception de ceux revendiqués, représentant environ 240 bouteilles, qui furent placés chez l’acheteur contre un montant symbolique de 30 fr. /mois, jusqu’aux décisions de l’administration spéciale sur lesdites revendications. Finalement, le montant de 206’507 fr. 19 avait été versé au bailleur, sur le produit de la vente, pour couvrir les loyers impayés avant la faillite et ceux échus jusqu’à la restitution des locaux, au 30 septembre 2016.

Il était encore mentionné que A______ dont la revendication avait été écartée, avait déposé plainte à la Chambre de céans contre cette décision.

L’activité déployée par l’administration spéciale comprenait 97’300 fr. d’honoraires, dont 45’333 fr. 90 déjà versés, par prélèvement sur le produit de la vente litigieuse.

B.            a. Entretemps, par acte expédié le 19 mars 2018 à la Chambre de céans, A______ a déposé plainte contre l’inventaire que lui avait transmis l’administration spéciale le 12 mars 2018 et contre la réalisation par celle-ci des biens revendiqués par elle. Elle a conclu au constat de l’illicéité et de la nullité de la vente des biens revendiqués par elle, et à ce qu’il soit dit que les vins revendiqués par elle font partie de la masse en faillite de B______. En tout état, elle a conclu à ce que l’administration spéciale soit condamnée à mentionner à l’inventaire ses revendications.

La cause a été enregistrée sous n°A/9______/2018.

b. Par détermination du 24 avril 2018, l’administration spéciale a conclu à l’irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet.

c. Par réplique du 7 mai 2018 et duplique du 8 juin 2018, A______ et l’administration spéciale ont persisté dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par courrier du greffe de la Chambre de céans du
25 juin 2018 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           a. Par acte expédié le 20 avril 2018 à la Chambre de céans, A______ a également déposé plainte contre le versement de 206’507 fr. 19 en mains de H______ et le prélèvement de 45’333 fr. 90 à titre d’honoraires de l’administration spéciale. Elle a conclu à la constatation de l’illicéité et de la nullité, subsidiairement de l’annulabilité de ces versement et prélèvement, et à ce qu’il soit dit que les montants en cause font partie de la masse active de B______.

La cause a été enregistrée sous n° A/1319/2018.

b. Par déterminations du 15 mai 2018, l’administration spéciale a conclu, préalablement, à la jonction des procédures A/9______/2018 et A/1319/2018, et, au fond, au rejet de la plainte, pour autant qu’elle soit recevable.

c. Par réplique du 28 mai 2018 et duplique du 8 juin 2018, A______ et l’administration spéciale ont persisté dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par courrier du greffe de la Chambre de céans du
25 juin 2018 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 L'art. 70 LPA, applicable à la procédure devant la Chambre de surveillance en vertu de l'art. 9 al. 4 LALP, permet, d'office ou sur requête, de joindre deux procédures se rapportant à une situation identique ou à une cause juridique commune.

1.2 En l'occurrence, les deux plaintes concernent la même faillite et reposent sur un état de fait identique.

Il se justifie ainsi de joindre les deux causes.

2.             La plaignante soutient que la vente du 6 septembre 2016 est nulle, ce qui peut être invoqué en tout temps, au motif que les conditions pour une vente anticipée au sens de l’art 243 al. 2 LP n’étaient pas réalisées. L’approbation de la seconde assemblée des créanciers était nécessaire. L’administration spéciale ne pouvait agir sans en avertir les créanciers, auxquels elle devait donner la possibilité de formuler une offre supérieure. Elle a de plus privé la plaignante de la possibilité de faire valoir son droit en justice en réalisant les bouteilles litigieuses avant de statuer sur la revendication.

L’intimée fait valoir que la plainte dirigée contre la vente de gré à gré du
6 septembre 2016 est tardive et que la plaignante n’a pas la légitimation active, n’étant devenue créancière de B______ qu’après les cessions intervenues les
18 et 19 septembre 2017, soit bien après la vente litigieuse.

2.1.1 La voie de la plainte au sens de l’art. 17 LP est ouverte contre les mesures de l’Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu’en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3). L’autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l’Office contraires à des dispositions édictées dans l’intérêt public ou dans l’intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP). L’inopportunité, le déni de justice ou le retard injustifié ne sont pas des motifs de nullité (Erard, Commentaire LP, n. 4
ad art. 22 LP).

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l’art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l’acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l’être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l’office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).

La vente aux enchères et la vente de gré à gré ne peuvent plus être attaquées par la voie de la plainte, faute d’intérêt digne de protection, lorsque l’adjudicataire ou l’acheteur ont entre-temps revendu les biens à un tiers de bonne foi, dont le titre de propriété apparaît incontestable (ATF 73 III 141). L’annulation de l’acte de réalisation serait en effet privée de toute portée pratique (ATF 107 III 20
consid. 3).

2.1.2 La réalisation intervient après le dépôt de l’état de collocation et la deuxième assemblée des créanciers, par les soins de l’administration, aux enchères publiques ou de gré à gré si les créanciers le jugent préférable (art. 256 al. 1 LP); les biens sur lesquels il existe des droits de gage ne peuvent être réalisés de gré à gré qu’avec l’assentiment des créanciers gagistes (art. 256 al. 2 LP).

Il y a toutefois des situations dans lesquelles la réalisation d’actifs peut intervenir, en procédure ordinaire, sans attendre la deuxième assemblée des créanciers ou, en procédure sommaire, avant l’expiration du délai pour les productions. D’après l’art. 243 al. 2 LP, l’administration de la faillite doit en effet réaliser sans retard les biens sujets à dépréciation rapide, dispendieux à conserver ou dont le dépôt occasionne des frais disproportionnés (243 al. 2 LP ; Gilliéron, Commentaire,
ad art. 221 n° 42, ad art. 223 n° 6 et 9 ss, ad art. 243 n° 21 ss). Les frais de dépôt tiennent avant tout à la nécessité de disposer de volumes permettant d’entreposer les objets (Jeandin/Fischer, Commentaire romand de la LP, n. 12 ad art. 243 LP).

Ainsi, dans l’intérêt de tous les participants à la procédure de faillite, l’office doit avoir la compétence de procéder à des réalisations d’urgence avant la tenue de la première assemblée des créanciers, respectivement sans l’accord de la majorité des créanciers (arrêt du Tribunal fédéral 5A_27/2013 du 22 mars 2013, consid. 4 et les références citées).

Le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si l’occasion doit être donnée aux créanciers de formuler des offres supérieures en cas de vente d’urgence, lorsque les actifs ainsi cédés sont de valeur élevée (ce qui est en principe le cas d’un fonds de commerce), et il ne s’est pas non plus prononcé sur le point de savoir si l’assentiment des créanciers gagistes est nécessaire à la passation d’un tel acte (arrêt du Tribunal fédéral 7B_254/2004 du 1er mars 2005, in SJ 2005 p. 512, consid. 2.1; cf. aussi ATF 105 III 72 consid. 2b, rés. in
JdT 1982 II 20).

2.1.3 Si l’administration de la faillite a aliéné les biens revendiqués par un tiers dans le cadre de la procédure de faillite et en a de ce fait perdu la possession, le produit - en tant que valeur patrimoniale à distraire en faveur du tiers revendiquant - remplace dans la masse les objets aliénés (Schober/Avdyli-Luginbühl, Kommentar zum SchKG, Kren Kostkiewicz/Vock éd., 2017, n. 14 ad art. 242 LP; ATF 122 III 436 consid. 2c; cf. également art. 45 OAOF).

2.1.4 La question de savoir si des objets doivent être vendus de façon anticipée constitue une question d’opportunité, dont jouit l’administration de la faillite.

2.2 En l’espèce, il ressort des considérations qui précèdent que les griefs soulevés par la plaignante ne sont pas fondés et qu’ils n’emportent ainsi pas nullité de la vente du 6 septembre 2016.

En effet, l’administration spéciale, en décidant une vente anticipée au sens de l’art. 243 al. 2 LP, n’était pas tenue de solliciter l’accord de la majorité des créanciers. Le Tribunal fédéral n’ayant pas tranché la question de savoir si elle devait donner aux créanciers la possibilité de formuler une offre supérieure à celle retenue, il ne saurait être considéré que la décision de ne pas le faire emporte nullité de la vente. Enfin, en cas de vente des biens revendiqués, le produit en résultant remplace les objets aliénés, sans qu’il y ait lieu de constater la nullité de la vente pour ce motif.

S’agissant de l’opportunité d’une vente anticipée, les motifs liés aux coûts disproportionnés d’entreposage sont convaincants et ne souffrent pas la critique. En tout état, le manque d’opportunité d’une mesure n’emporte pas nullité de celle-ci.

En conséquence, la plainte, en ce qu’elle est dirigée contre la vente du
6 septembre 2016 est tardive, aucun motif de nullité ne pouvant être retenu.

Même à considérer que la plainte aurait été formée à temps, soit dans les dix jours suivant la connaissance par la plaignante de la vente du 6 septembre 2016, elle serait infondée, les mesures prises par l’intimée étant conformes à la loi et justifiées en fait, comme cela résulte de ce qui précède.

Dès lors, la question de la légitimation active de la plaignante tout comme celle de son intérêt à agir peuvent demeurer indécises.

3.             La plaignante soutient que l’inventaire devrait mentionner sa revendication.

3.1 L’inventaire n’a pas d’effet sur la situation juridique des tiers. L’inventaire ne détermine pas l’appartenance d’une valeur patrimoniale à la masse. L’inventaire donne une vision d’ensemble sur le patrimoine du failli et tend à assurer sa conservation. Il sert aussi de base à la décision déterminant la liquidation de la faillite (Vouilloz, Commentaire romand de la LP, n. 3 et 14 ad art. 221 LP).

L’inventaire, même reconnu et signé par le failli (art. 228 LP ; art. 29 et 30 OAOF), peut être rouvert et complété jusqu’à la clôture de la faillite (Gillieron, op. cit., . n. 9 ad art. 242; DCSO/458/03 consid. 3 et 5.b du 27 octobre 2003).

Les revendications de tiers (art. 242 LP) sont portées à l’inventaire dans un chapitre spécial où seront indiqués le nom du revendiquant, le numéro attribué dans l’inventaire à l’objet revendiqué et éventuellement les pièces annexes déposées. Mention sera également faite de la revendication sur l’inventaire lui-même, dans la colonne des observations, à la suite de l’objet revendiqué. Les explications données par le failli au sujet de ces revendications, les décisions ultérieures de l’administration de la faillite, enfin le résultat des procès engagés, sont verbalisés sommairement à la fin de ce même chapitre (art. 34 OAOF).

3.2 En l’espèce, l’intérêt de la plaignante à se plaindre de l’absence de mention de sa revendication à l’inventaire fait défaut. En effet, comme mentionné ci-dessus, l’inventaire n’a pas de portée juridique à l’égard des tiers. Il sert avant tout à déterminer l’importance du patrimoine du failli et le mode de liquidation. Comme relevé précédemment, la revendication d’un bien ne fait pas obstacle à sa réalisation, le produit de la vente se substituant à l’objet aliéné. Ainsi, les droits de la plaignante ne sont pas touchés par l’absence de mention de sa revendication, étant relevé que ceux-ci font actuellement l’objet d’un examen par le juge du fond, dans le cadre de l’action qu’elle a intentée. Sa situation ne serait pas différente si la mention requise était portée à l’inventaire.

La plainte doit dès lors être déclarée irrecevable sur ce point.

4. La plaignante fait valoir que l’intimée aurait violé les art 261 et ss LP en procédant de manière prématurée à une répartition du produit de la vente litigieuse tant en faveur du bailleur, créancier gagiste, qu'en celle de l'administration spéciale.

4.1.1 Les distributions provisoires ne sont effectuées qu’en faveur des créanciers dont les prétentions ont été définitivement admises à l’état de collocation. La répartition provisoire ne doit pas compromettre l’avènement d’une répartition finale selon les règles de l’art: en particulier, les dettes de la masse et les autres frais à supporter par la masse doivent demeurer couverts, tout comme le paiement des créances garanties par gage (Jeandin, Commentaire romand de la LP, n. 5
ad art. 266 LP).

Le créancier qui conteste une créance ou le rang auquel elle a été colloquée dirige l’action contre le créancier concerné, dans les 20 jours qui suivent la publication du dépôt de l’état de collocation (art. 250 al. 1 et 2 LP).

Toute personne peut consulter les procès-verbaux et les registres des offices des poursuites et des faillites et s'en faire délivrer des extraits à condition qu'elle rende son intérêt vraisemblable (art. 8a LP).

4.1.2 Lorsque l'état de collocation est définitif et que l'administration est en possession du produit de la réalisation de tous les biens, elle dresse le tableau de distribution des deniers et établit le compte final (art. 261 LP).

Selon l'art. 84 OAOF, applicable à l'administration spéciale par renvoi de
l'art. 97 OAOF, si l'administration de la faillite, ou éventuellement la commission de surveillance des créanciers, estime avoir droit à des honoraires spéciaux à teneur de l'art. 48 (recte 47) OELP, elle doit, avant de procéder à l'établissement du tableau de distribution définitif, soumettre à l'autorité de surveillance, pour en faire fixer le montant, une liste détaillée de toutes ses vacations au sujet desquelles l'ordonnance sur les frais ne prévoit pas d'émolument spécial; elle y joint le dossier complet de la faillite. L'autorité de surveillance est seule compétente pour la fixation des honoraires spéciaux.

4.1.3 Si le quorum [de la deuxième assemblée des créanciers] n'est pas atteint, l'administration en prend acte et informe les créanciers présents de l'état de la masse (art. 254 al. 1 LP).

Une jurisprudence ancienne et la doctrine admettent que la voie de la plainte n'est pas ouverte aux créanciers en cas d'insuffisance de l'information donnée par l'administration, au motif que le rapport ne constitue pas une décision de l'office sujette à plainte à l'autorité de surveillance (Merkt, Commentaire romand de la LP, n. 5 ad art. 253 LP).

L'assemblée statue sur les objets de sa compétence, pour autant qu'elle soit valablement constituée pour délibérer (Merkt, op. cit., n. 6 ad art. 254 LP).

4.2 En l'espèce, en informant les créanciers lors de la seconde assemblée des créanciers, de l'utilisation du produit de la vente de gré à gré opérée le
6 septembre 2016, l'administration n'a pas rendu une décision sujette à plainte au sens de l'art. 17 LP. Dite décision résultait de l'accord conclu avec le bailleur, créancier gagiste, et mentionnée à l'état de collocation publié le 8 mars 2018. Si elle souhaitait contester cette décision, il appartenait à la plaignante, lors du dépôt et de la publication de l'état de collocation faisant état de cet accord, d'en prendre connaissance et de saisir la Chambre de céans d'une plainte ou le Tribunal d'une action en contestation, au sens de l'art. 250 al. 2 LP, ce qu'elle n'a pas fait. Sa plainte dirigée contre une information relative à une décision entrée en force est irrecevable.

De plus, la deuxième assemblée des créanciers n'ayant pas atteint le quorum, elle ne pouvait prendre des décisions sujettes à plainte.

Cela étant, la répartition du produit de la vente du gage en faveur du créancier gagiste est conforme à la loi, et s'inscrit, comme déjà retenu, dans le cadre de la vente d'urgence opérée le 6 septembre 2016.

Enfin, il appartiendra à la Chambre de céans de statuer sur les honoraires de l'administration spéciale, au moment du compte final. Le prélèvement opéré par l'administration spéciale en cours de liquidation en paiement de ces honoraires ne constitue pas une décision sujette à plainte, pas plus que l'information y relative. La plainte est ainsi également irrecevable sur ce point.

5. La procédure est gratuite et il n'est pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Ordonne la jonction des causes A/9______/2018 et A/1319/2018 sous le numéro A/9______/2018.

Déclare irrecevables les plaintes formées par A______ SÀRL les 19 mars et 20 avril 2018 dans le cadre de la faillite de B______ SA EN LIQUIDATION.

Siégeant :

Madame Pauline ERARD, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Eric DE PREUX, juges assesseurs; Madame Véronique PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Pauline ERARD

 

La greffière :

Véronique PISCETTA

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l’expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l’acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.