Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/237/2012 du 14.06.2012 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/793/2012-CS DCSO/237/12 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 14 JUIN 2012 |
Plainte 17 LP (A/793/2012-CS) formée en date du 9 mars 2012 par I______ SA, élisant domicile en l'étude de Me Philipp GANZONI, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 15 juin 2012 à :
- I______ SA
c/o Me Philipp GANZONI, avocat
Avenue de Champel 4
1206 Genève.
- Masse en faillite de SI E______
c/o Office des faillites (faillite n° 2009 000xxx Y).
A. a) Par jugement du 3 juin 2010, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite (n° 2009 000xxx Y/OFAS 5) de la SOCIETE IMMOBILIERE E______ (ci-après: la SI).
b) Une des créances produites par I______ SA a été admise sans condition en troisième classe de l'état de collocation pour un montant de 515'303 fr.
De son côté, M. E______, a produit une créance d'honoraires de 160'113 fr., également admise en troisième classe de cet état de collocation.
c) Une prétention en responsabilité inventoriée contre les organes de la SI faillie, soit M. B______, M. E______, F______ SA et C______ SA - que la majorité des créanciers de la masse avait valablement renoncé à faire valoir elle-même - a par ailleurs été cédée le 1er mars 2012 par l'Office des faillites
(ci-après: l'Office), à plusieurs créanciers, dont précisément M. E______ et, notamment, I______ SA.
B. a) Par acte déposé le 9 mars 2012, cette dernière a formé une plainte contre cette décision de cession, qu'elle dit avoir reçue le 2 mars 2012.
I______ SA conclut à l'annulation de cette décision, uniquement en tant qu'elle accorde la cession des droits de la masse à M. E______ et à ce qu'il soit ordonné à l'Office de rectifier tous les actes de cession distribués aux autres cessionnaires des droits de la masse concernés par cette décision critiquée.
Elle fait valoir que, dans le cadre de l'application de l'art. 260 LP, c'est aux autorités de surveillance qu'il appartient de vérifier la validité de la cession des droits de la masse à des créanciers, de sorte que c'est par la voie de la plainte au sens de l'art. 17 LP qu'il y a lieu de constater que les omissions ou les actes de l'administration de la faillite violent la procédure de cession.
À cet égard, la cession par l'Office des droits de la masse à un créancier cessionnaire qui est lui-même débiteur des droits cédés étant inadmissible, I______ SA estime que la Chambre de céans est compétente pour annuler cette cession dans le cas d'espèce, dans la mesure où l'Office a cédé sans distinction à M. E______, la prétention en responsabilité contre les organes de la société faillie dont il fait lui-même partie.
Cela étant, I______ SA admet que dans le cadre d'une précédente décision du
22 février 2007 (DCSO/75/2007) statuant déjà sur cette compétence, la Chambre de céans ne l'avait pas admise.
I______ SA est cependant d'avis que la question ainsi tranchée en 2007 était différente de celle soumise aujourd'hui à la Chambre de céans, en tant que le créancier cessionnaire était alors une société anonyme, dont l'organe était la même personne que celle de l'un des organes débiteurs solidaires de la prétention en responsabilité cédée par la masse en faillite.
Or, la question faisant l'objet de la présente cause n'est pas similaire dès lors qu'il y a en l'espèce une identité indiscutable entre le créancier cessionnaire et celle de l'un des organes débiteurs solidaires de la société faillie, qui sont la même personne.
b) Dans ses observations déposées le 2 avril 2012, l'Office a conclu au rejet de la plainte au motif que seul le juge saisi de la prétention litigieuse cédée était compétent pour trancher la question de savoir si la cession à M. E______, créancier, d'une prétention de la masse à l'encontre des anciens organes de la société faillie, dont il faisait précisément lui-même partie, pouvait être refusée par l'Office à ce créancier.
1. 1.1. La Chambre de céans est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures non attaquables par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP).
La plainte doit être déposée dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 3 LP).
La cession des droits de la masse en faillite à un créancier admis à l'état de collocation est une mesure sujette à plainte; un autre créancier cessionnaire a qualité pour agir par cette voie.
Formée par ailleurs en temps utile, la présente plainte déposée le 9 mars 2012 est recevable.
2. 2.1. La cession des droits de la masse, au sens de l'art. 260 LP, est un mode spécial de réalisation des actifs. Elle est prévue pour le cas où l'ensemble des créanciers renonce à la réalisation et elle sert à améliorer le produit de la faillite. Le produit de la réalisation revient en premier lieu aux créanciers du failli qui ont dû assumer le risque de conduire le procès, tandis que la masse ne reçoit que l’excédent (ATF 113 III 21, JdT 1989 II 67 et les jurisprudences citées).
La décision de l'administration de la faillite d'autoriser un intervenant colloqué, ou qui procède pour l’être, à ester en justice pour faire valoir un droit patrimonial du failli ou de la masse, en lieu et place de celle-ci, en son nom ou au nom de la masse, pour son compte et à ses risques et périls, est une décision unilatérale rendue sur réquisition. Chaque créancier porté à l'état de collocation a le droit de requérir et d'obtenir la cession aussi longtemps que sa créance n'a pas été écartée définitivement de l'état de collocation à la suite d'un procès intenté conformément à l'art. 250 LP. Si un créancier voit sa créance contestée dans le cadre d’un procès en contestation de l’état de collocation auquel il est partie, il pourra obtenir la cession au sens de l’art. 260 LP sous condition résolutoire qu'il perde ledit procès. (Jean-Luc Tschumy, Quelques réflexions à propos de la cession des droits de la masse au sens de l'art. 260 LP, in JdT 1999 II p.34 ss, 39; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 260 n°42 ss).
Le créancier sollicitant la cession ne peut l'obtenir lorsqu'elle porte sur une prétention dirigée contre lui-même (ATF 107 III 91 consid. 2, JdT 1983 II 119; Jean-Luc Tschumy, op. cit., p. 39 et les références citées).
Il appartient au juge - et non à l'administration de la faillite ou à l'autorité de surveillance - d'examiner les questions de fond telles que la prescription du droit cédé, la légitimation passive du défendeur à l'action ou la légitimation active du cessionnaire (Jean-Luc Tschumy, op. cit., p. 42; ATF 113 III 135, JdT 1990 II 90; ATF 107 III 91, JdT 1983 II 119).
Il en va en particulier ainsi de la question de savoir si les créanciers cessionnaires sont eux-mêmes débiteurs de la prétention cédée ou proches de ceux-ci (Vincent Jeanneret / Vincent Carron, CR-LP, ad art. 260 n° 17 citant l'ATF 107 III 91 précité; DCSO/75/2007).
2.2. En l'espèce, est discutée la question de savoir si l'Office pouvait refuser comme interdite à M. E______, créancier admis à l'état de collocation, la cession d'une prétention, inventoriée dans la masse en faillite, en responsabilité contre ses anciens organes, dont faisait partie le même M. E______.
Toutefois, au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus sous ch. 2.1., seul le juge saisi au fond de la prétention litigieuse cédée est compétent pour trancher cette question, qui touche à la légitimation active du créancier cessionnaire.
Au demeurant, la question à trancher est la même, que le créancier cessionnaire soit également un organe de la société faillie, et à ce titre personnellement débiteur potentiel de la prétention litigieuse cédée, ou que ce créancier cessionnaire soit proche de cet organe, comme dans le cas d'espèce tranché par l'ancienne Autorité de surveillance en 2007, où l'administrateur de la société anonyme, créancière cessionnaire, était simultanément l'un des organes de la société faillie recherchés en responsabilité.
Il s'ensuit que l'Office, en sa qualité d'administrateur de la faillite, n'était en l'espèce pas compétent pour se prononcer sur la validité ou non de la cession des droits de la masse et pour refuser celle requise par M. S______, pas plus que ne l'est aujourd'hui la Chambre de céans, cette compétence étant réservée au juge du fond.
La plainte sera dès lors rejetée et la plaignante renvoyée à mieux agir devant ce juge du fond.
3. Il n'est pas perçu de dépens (art. 62 al. OELP).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte formées par I______ SA contre la décision prise par l'Office des faillites le 1er mars 2012 de céder à M. E______ les droits de la masse en faillite de la SOCIETE IMMOBILIERE E______ à l'encontre de ses anciens organes.
Au fond :
Rejette cette plainte.
Siégeant :
Madame Valérie LAEMMEL-JUILLARD, présidente; Madame Valérie CARERA et Monsieur Denis KELLER; juges assesseur(e)s; Madame Paulette DORMAN, greffière.
La présidente : Valérie LAEMMEL-JUILLARD |
| La greffière : Paulette DORMAN |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.