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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2962/2024

JTAPI/683/2025 du 23.06.2025 ( OCIRT ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE TRAVAIL;AUTORISATION DE FRONTALIER;ÉCOLE;CAMEROUN
Normes : LEI.25; LEI.21a
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2962/2024

JTAPI/683/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 23 juin 2025

 

dans la cause

 

 

A______ Sàrl

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             A______ Sàrl (ci-après : la société ou l’employeur) exploite une école offrant un enseignement primaire, des activités sportives et artistiques et des disciplines assimilées ainsi que la formation basée sur la pédagogie dite Montessori.

2.             Ressortissant camerounais né le ______ 1994, Monsieur B______ serait arrivé en Suisse, selon ses propres déclarations, en 2014. Il a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour afin de pouvoir vivre auprès de sa mère et de sa sœur trisomique. Par décision du 22 août 2016, l’OCPM a refusé de donner une suite favorable à sa demande.

Par jugement du 1er février 2017 (JTAPI/116/2017), le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a rejeté son recours, pour le motif qu’il ne se trouvait pas dans une situation d’extrême gravité après deux ans de séjour en Suisse. Il ne pouvait pas non plus se prévaloir du lien de dépendance avec sa petite sœur, car il n’en était pas dépendant et parce que celle-ci était prise en charge par sa mère. Ce jugement a été confirmé par la chambre administrative de la Cour de justice, le 19 décembre 2017 (ATA/1627/2017) et par le Tribunal fédéral, le 16 mai 2018 (2D_10/2018).

3.             M. B______ réside actuellement à C______, en France voisine et dispose d’un titre de séjour français échu depuis le 9 mars 2024, mais qui a été prolongé jusqu’au 2 septembre suivant, puis au 21 janvier 2025. Sa requête de renouvellement est en cours d’instruction.

4.             Le 6 mai 2024, la société a déposé auprès de l’OCPM un formulaire de demande d’autorisation de travail pour frontalier. Elle souhaitait embaucher le précité en qualité d’éducateur pour une durée indéterminée moyennant un salaire mensuel brut de CHF 5'000.- pour 156 heures par mois.

Dans une lettre du même jour, elle a expliqué qu’elle recrutait son personnel qualifié principalement par le bouche à oreille au sein d’un cercle défini. L’expérience démontrait que le recours aux agences de placement ou aux annonces, dont les coûts étaient très élevés, n’amenait pas de candidats répondant à ses d’exigences. Les meilleurs profils lui parvenaient par recommandations provenant de son réseau. C’était ainsi qu’elle avait rencontré M. B______, dont les compétences correspondaient parfaitement au poste à pourvoir.

5.             Par décision du 14 août 2024, après examen du dossier par la commission tripartite, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a refusé de délivrer le titre de séjour requis en faveur de M. B______.

L’admission en vue de l’exercice d’une activité lucrative ne servait pas les intérêts de la Suisse. De plus, l’ordre de priorité n’avait pas été respecté. La société n’avait, en effet, pas démontré qu’aucun travailleur en Suisse ou ressortissant de l’UE/AELE n’avait pu être trouvé. Enfin, elle n’était pas en règle avec l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) pour ce qui était du paiement de l’impôt à la source.

6.             Par acte du 12 septembre 2024, la société, sous la plume de son associée, a interjeté recours devant le tribunal de céans à l’encontre de la décision du 14 août précédent en concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de travail en faveur de M. B______, le tout sous suite de frais et dépens.

S’agissant de l’intérêt économique, le canton de Genève connaissait une cruelle pénurie de places de crèche. À la rentrée scolaire 2023-2024, plus de 70 enfants en âge de commencer l’école primaire n’avaient pu être scolarisés par manque de places. Autoriser un ressortissant extra-communautaire domicilié légalement en France voisine depuis plus de six mois et remplissant les exigences liées au poste de travail servait les intérêts économiques du canton. La position de l’OCIRT se heurtait à la réalité actuelle genevoise. En conclusion, lui imposer l’obligation d’annoncer la place de travail se révélait d’une rigueur excessive.

Pour ce qui était de l’ordre de priorité, elle tenait à la disposition du tribunal les CV et les postulations spontanées. Elle n’avait pas eu besoin de publier des annonces pour trouver un éducateur, car celui dont elle avait besoin était très spécifique et seul son réseau professionnel pouvait lui fournir le bon candidat. En outre, depuis le 1er janvier 2020, l’obligation d’annoncer les postes vacants ne s’appliquait qu’aux catégories professionnelles dont le taux de chômage s’élevait au moins à 5 %. Or, selon le secrétariat d’État à l’économie, dans le domaine de l’enseignement, le taux de chômage ne se chiffrait qu’à 1.5 %. Ainsi, l’obligation d’annoncer le poste vacant n’avait pas de sens compte tenu des circonstances du cas d’espèce.

Par ailleurs, l’OCIRT avait constaté les faits de manière arbitraire. La décision attaquée était également disproportionnée, au vu des qualités professionnelles et personnelles de M. B______ et des intérêts publics suisses.

7.             Dans ses observations du 15 novembre 2024, l’OCIRT a conclu au rejet du recours.

Il a contesté avoir versé dans l’arbitraire et avoir violé le principe de la proportionnalité.

La société n’avait pas démontré que les qualifications de M. B______ étaient à ce point spécifiques qu’il lui était impossible de recruter un travailleur suisse ou européen et doté des compétences requises au sein de l’UE/AELE.

Dans sa lettre du 6 mai 2024, elle s’était limitée à écrire qu’elle avait procédé au recrutement par le biais du bouche à oreille dans le cadre d’un cercle défini et que le recours à des agences de placement ou à des annonces n’apportait pas de candidats répondant à ses exigences. Or, une unique recherche n’était pas suffisante. Elle n’avait pas démontré qu’elle avait entrepris ce qui était nécessaire pour trouver un travailleur suisse ou européen et n’avait pas annoncé la vacance du poste à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) et n’avait effectué aucune recherche sur le marché suisse ou européen. Elle n’avait ainsi pas respecté le principe de priorité.

Enfin, la société faisait toujours l’objet d’une réserve concernant l’impôt à la source de la part de l’AFC-GE.

8.             Par réplique du 12 décembre 2024, la société a maintenu son recours, reprenant les conclusions formulées dans son recours.

Elle avait toujours souhaité engager M. B______ en tant qu’éducateur. Sa fille y était scolarisée. Sa mère et son frère habitaient à Genève, où l’intéressé avait suivi toute ses études. Il connaissait parfaitement le système éducatif genevois. Il n’était pas logique d’aller rechercher un éducateur dans toute l’UE pour le convaincre de quitter son pays et sa famille et de lui demander de venir à Genève afin de le former pour qu’il s’intègre et espérer qu’il ne démissionne pas quelques semaines plus tard. Les diplômes importaient et il fallait trouver quelqu’un de motivé. Elle ne cherchait pas à contourner la législation suisse en matière d’immigration, mais celle-ci ne poursuivait pas comme but d’empêcher la bonne marche d’un système et d’un secteur de l’économie, tel l’enseignement,

Époux d’une ressortissante française, M. B______ préparait son dossier de naturalisation. Il disposait d’un droit durable de séjourner en France voisine.

Enfin, elle avait passé un accord avec l’AFC-GE afin de pouvoir s’acquitter de ses impôts par mensualités.

9.             Dans sa duplique du 8 janvier 2025, l’OCIRT a persisté dans les termes et les conclusions de sa réponse.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05  ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b).

5.             La recourante conteste le refus de l’OCPM de lui délivrer une autorisation de travail pour frontalier (permis G) en faveur de M. B______.

6.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment par l’Accord du 21 juin 1999 entre, d’une part, la Confédération suisse, et, d’autre part, la Communauté européenne et ses États membres sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

7.             En l’occurrence, M. B______ étant ressortissant camerounais, soit d’origine extra-européenne, la demande de permis frontalier déposée en sa faveur ne peut être examinée que sous l’angle de la LEI, même si l’intéressé réside en France voisine. En effet, dès lors qu’il n’est pas une ressortissant d’une partie contractante, il ne peut se prévaloir d’aucun droit découlant de l’ALCP (art. 2 ALCP et 7 Annexe I ALCP).

8.             Selon l'art. 11 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante, qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d'activité salariée, la demande d'autorisation est déposée par l'employeur (al. 3).

À teneur de l’art. 18 LEI, un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a), son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c), notamment les exigences relatives à l’ordre de priorité (art. 21 LEI), les conditions de rémunération et de travail (art. 22 LEI), ainsi que les exigences portant sur les qualifications personnelles requises (art. 23 LEI).

9.             En raison de sa formulation potestative, l’art. 18 LEI ne confère aucun droit au recourant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_798/2018 du 17 septembre 2018 consid. 4.1) et les autorités compétentes bénéficient d’un large pouvoir d’appréciation dans le cadre de son application (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/ 2014 du 31 mars 2016 consid. 5.1 ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3b).

10.         Ces conditions sont cumulatives (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

11.         S’agissant plus particulièrement d’un frontalier, l’art. 25 al. 1 LEI dispose qu’un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative en tant que frontalier que s’il possède un droit de séjour durable dans un État voisin et réside depuis six mois au moins dans la zone frontalière voisine (let. a) et qu’il exerce son activité dans la zone frontalière suisse (let. b).

12.         L’art. 25 al. 2 LEI précise que les art. 20, 23 et 24 LEI ne sont pas applicables. A contrario, les art. 21, 21a et 22 LEI s'appliquent aux demandes de permis frontalier.

13.         Un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé (art. 21 al. 1 LEI).

14.         L’art. 21a LEI régit les mesures concernant les demandeurs d’emploi.

Lorsque certains groupes de profession, domaines d’activités ou régions économiques enregistrent un taux de chômage supérieur à la moyenne, il y a lieu de prendre des mesures limitées dans le temps visant à favoriser les personnes enregistrées auprès du service public de l’emploi en tant que demandeurs d’emploi. Ces mesures peuvent être limitées à certaines régions économiques (art. 21a al. 2 LEI). Les postes vacants dans des groupes de profession, domaines d’activités ou régions économiques qui enregistrent un taux de chômage supérieur à la moyenne doivent être communiqués par les employeurs au service public de l’emploi. L’accès aux informations concernant les postes communiqués est restreint, pour une période limitée, aux personnes inscrites auprès du service public de l’emploi en Suisse (art. 21a al. 3 LEI).

L’obligation de communiquer les postes vacants visée à l’art. 21a al. 3 LEI s’applique dans les genres de professions au sens de la nomenclature suisse des professions qui enregistrent un taux de chômage, au niveau suisse, supérieur ou égal à 5 %. La valeur seuil est considérée comme atteinte ou dépassée lorsqu’en moyenne le taux de chômage atteint ou dépasse ce seuil pendant le quatrième trimestre de l’année précédente et les trois premiers trimestres de l’année en cours (art. 53a al. 1 de l’ordonnance sur le service de l’emploi du 16 janvier 1991 – RS 823.111), (Directives et commentaires du SEM, Domaine des étrangers, état au 1er avril 2025, ch. 4.3.3).

15.         L’admission de ressortissants d’États tiers n’est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un État membre de l’UE ou de l’AELE ne peut être recruté. Le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l’économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2C_434/2014 du 8 août 2014 consid. 2.2).

Les conditions d'admission ont matériellement pour but de gérer de manière « restrictive » l'immigration ne provenant pas de la zone UE/AELE, de servir conséquemment les intérêts économiques à long terme et de tenir compte de manière accrue des objectifs généraux relatifs aux aspects politiques et sociaux du pays et en matière d'intégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1).

16.         Les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux offices régionaux de placement les emplois vacants qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Les offices de placement jouent un rôle-clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L’employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires - annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement - pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c et les arrêts cités).

Il revient à l’employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d’un État membre de l’UE/AELE conformément à l’art. 21 al. 1 LEI et qu’il s’est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d’exercer cette activité (ATA/361/2020 du 16 avril 2020 consid. 4c et les références citées).

L'employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu'il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d'attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l'UE/AELE. Des ressortissants d'États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n'ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s'acquitter d'une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l'échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents tels que des séjours à l'étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l'activité en question, etc. (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c).

Même si la recherche d’un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l’employeur peut s’avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient, à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l’art. 21 LEI (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c).

La seule publication d'une annonce auprès de l'OCE, bien que diffusée également dans le système EURES, ne peut être considérée comme une démarche suffisante. (ATA/1147/2018 du 30 octobre 2018 consid. 11).

17.         Par ailleurs, l’étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative qu’aux conditions de rémunération et de travail usuelles du lieu, de la profession et de la branche (art. 22 LEI). Pour déterminer les salaires et les conditions de travail en usage dans la localité et la profession, il y a lieu de tenir compte des prescriptions légales, des conventions collectives et des contrats-types de travail, ainsi que des salaires et des conditions accordés pour un travail semblable dans la même entreprise et dans la même branche. Il importe aussi de prendre en considération les résultats des relevés statistiques sur les salaires (art. 22 al. 1 OASA).

18.         Enfin, conformément à l'art. 90 LEI, l'étranger et les tiers participant à une procédure prévue par la loi doivent collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Ils doivent en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (let. a) et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s'efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (let. b).

19.         En l’espèce, sous l’angle du respect du principe de la priorité, force est de constater que la recourante n'a pas déployé tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre d’elle pour trouver un travailleur suisse ou ressortissant d’un État membre de l'UE/AELE afin de pourvoir le poste concerné. 

Il ressort de ses écritures qu’elle n’a entrepris aucune recherche en vue de recruter un candidat pour un emploi d’éducateur. Elle n’a pas annoncé la vacance du poste à l’OCE – démarche quoi qu’il en soit insuffisante – et n’a pas non plus effectué d’autres prospections, par exemple sur les réseaux sociaux spécialisés, tels LinkedIn. Au contraire, il appert qu’elle a circonscrit ses recherches à un cercle très limité de personnes, expliquant qu’il se révèle illogique de recruter un éducateur dans l’UE/AELE et de le former, sachant qu’il va démissionner quelques semaines après son entrée en fonction. En réalité, tout porte à croire qu’elle connaissait déjà M. B______ avant de l’embaucher puisque sa fille est scolarisée dans l’école qu’elle exploite et qu’elle précise qu’elle n’avait pas eu besoin de publier des annonces.

20.         La société paraît objecter qu’elle était dispensée d’annoncer la vacance du poste à l’OCE, dès lors que son secteur d’activité, l’enseignement, connaissait un taux de chômage inférieur à 5 %, en l’occurrence 1.5 %.

La recourante ne peut être suivie sur ce point. Elle semble confondre les mesures concernant les demandeurs d’emploi, prévues par l’art. 21a LEI, avec l’ordre de priorité, exigence inscrite à l’art. 21 LEI. Lorsque dans un groupe de profession, le taux de chômage excède 5 % pendant une certaine durée, l’accès aux informations concernant les postes vacants est restreint pendant une période limitée aux personnes inscrite auprès du service public de l’emploi en Suisse. Cette disposition constitue une norme de protection pour les travailleurs indigènes et non pas, quoi qu’en pense la recourante, une dérogation à l’ordre de priorité s’agissant des domaines ne connaissant pas un taux de chômage supérieur à 5 %, ce principe devant toujours être respecté.

21.         Au demeurant, au vu du curriculum vitae produit, on ne voit pas en quoi M. B______ présenterait des qualifications et une expérience professionnelle si particulières qu’il aurait été impossible pour la société de recruter sur le marché local ou européen un autre éducateur, ressortissant de l'UE ou de l'AELE, doté de capacités équivalentes. Enfin, même en retenant que la recherche d’un candidat possédant toutes les qualités requises nécessiterait de nombreuses démarches auprès de candidats potentiels, cette difficulté ne saurait à elle seule justifier une exception au principe de la priorité dans le recrutement énoncé par la loi. Quant au fait que la recourante considère qu’il est plus utile et profitable de passer par son réseau, elle est évidemment libre d’un tel choix, mais alors elle doit limiter son choix à des travailleurs suisses, ou disposant en Suisse d’une autorisation de travail, ou encore à des ressortissants de l’UE/AELE, et ne saurait s’affranchir de la LEI.

Dans ces conditions, force est de retenir, avec l’autorité intimée, que la recourante n’est pas parvenue à démontrer avoir été réellement et concrètement dans l’impossibilité de trouver un travailleur correspondant aux exigences du poste sur le marché local ou européen, en particulier parce qu’elle aurait, en vain, entrepris toutes les recherches utiles et nécessaires susceptibles d’être attendues d’elle, qui permettraient de retenir que la condition de l’ordre de priorité de l’art. 21 al. 1 LEI serait remplie.

22.         Étant donné que l'une des conditions légales cumulatives applicables n’a pas été respectée, point n’est besoin d'examiner si les autres conditions le sont également.

Au surplus, il n’est pas établi que M. B______ dispose à ce jour d’un titre de séjour valable en France ni qu’il y ait été naturalisé, dès lors qu’à teneur des pièces du dossier, son permis a expiré le 21 janvier 2025. Enfin, la société prétend qu’elle a trouvé un accord avec l’AFC-GE pour le paiement de l’impôt à la source, mais sans le démontrer.

23.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

24.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

25.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 12 septembre 2024 par A______ Sàrl contre la décision de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 14 août 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière