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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1072/2024

JTAPI/669/2025 du 16.06.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : EXONÉRATION FISCALE;FONDATION(PERSONNE MORALE);SPORT;FOOTBALL;RÉTROACTIVITÉ
Normes : LIFD.56.letg
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1072/2024 ICCIFD

JTAPI/669/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 juin 2025

 

dans la cause

 

 

A______, représentée par Me Antoine BERTHOUD, avocat, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne l’exonération de la A______ (ci-après : la fondation), constituée le 23 septembre 2019 et dont le but consiste en : « la promotion de la relève dans le domaine sportif, l'éducation en matière de bioethnicité et de responsabilité sociale de l'entreprise et la promotion des lois du vivant ». Son siège se trouve à Genève.

2.             Le 23 septembre 2019, la fondation a rempli une attestation sur l’honneur en vue de l’exonération fiscale pour cause d’utilité publique.

Dite attestation indiquait que la fondation exercerait des activités ayant un caractère d’utilité publique, à l’exclusion d’activités de service public, cultuelles, sportives ou encore de prévoyance professionnelle. En l’occurrence, elle poursuivrait des buts caritatif, social, écologique, scientifique, éducatif et sanitaire.

3.             Le 7 juillet 2020, donnant suite à une requête de la fondation, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a accordé à celle-ci le bénéfice de l’exonération fiscale. Cette décision a été prise sur la base de l’attestation sur l’honneur susmentionnée.

4.             Le 15 février 2023, l’AFC-GE a fait part à la fondation que dans le cadre d’une vérification des conditions de son exonération, son attention avait été attirée par la présence d’un but sportif, voire d’un soutien à des clubs et/ou sportifs professionnels.

L’AFC-GE a dès lors invité la fondation à remplir la formule de demande d’exonération, à lui communiquer ses états financiers de la période 2022, ainsi que ses rapports d’activité des années 2019 à 2022 et à mentionner le profil, notamment sportif, de ses bénéficiaires.

5.             La fondation a donné suite à cette demande le 30 mars 2023.

6.             Par décision du 19 juin 2023, l’AFC-GE a révoqué l’exonération de la fondation avec effet au jour de sa constitution. La décision d’exonération avait été prise dans le cadre d’une procédure simplifiée en se basant sur l’attestation sur l’honneur, selon laquelle le domaine sportif ne pouvait pas faire l’objet d’une telle procédure.

7.             Le 20 juillet 2023, la fondation a élevé réclamation à l’encontre de cette décision, en sollicitant son exonération pour cause d’utilité publique selon la procédure ordinaire.

8.             Par décision du 22 août 2023, l’AFC-GE a rejeté cette requête.

La fondation n’explicitait pas son but statutaire, en particulier les notions d’éducation en matière de bioethnicité et de promotion des lois du vivant. En outre, elle ne démontrait pas qu’en raison de son but et de ses activités, la condition de l’intérêt général serait remplie. L’AFC-GE a notifié à la fondation des bordereaux pour l’année 2022, calculés sur un bénéfice imposable nul et un capital imposable de CHF 46'268.-. L’ICC se montait à CHF 97.25. Aucun IFD n’était dû, faute de bénéfice taxable.

9.             Par acte du 22 septembre 2023, complété par écritures du 30 novembre 2023, la fondation a élevé réclamation à l’encontre de la décision du 22 août précédent.

Elle avait apporté du soutien à l’académie de football du Club B______ (ci-après : C______), qui portait des valeurs d’intégration sociale des jeunes, ainsi qu’il résultait d’une présentation annexe. Elle avait également soutenu l’D______ Football Club (ci-après : D______), club amateur, en situation de faillite en 2018. Enfin, elle avait contribué à son redressement financier grâce à des dons.

10.         Par décision du 27 février 2024, l’AFC-GE a rejeté la réclamation. Les buts statutaires de la fondation n’avaient pas été suffisamment développés. Par ailleurs, l’intérêt général des soutiens en lien avec eux n’avait pas été démontré.

11.         Par acte du 28 mars 2024, la fondation, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à ce qu’elle bénéficie d’une exonération fiscale à compter de sa constitution, subsidiairement dès le 20 juin 2023, le tout sous suite de frais et dépens.

Le seul point contesté consistait à savoir si, par les dons qu’elle avait consentis depuis sa constitution, elle justifiait d’une activité conforme à son but d’utilité publique.

Elle avait apporté ses principaux soutiens au C______ et à l’D______. Ce dernier club avait par ailleurs reçu des subventions extrêmement importantes de la part de l’État de Genève et de la Ville de E______. Ainsi, l’État ne pouvait pas adopter une position contradictoire et reconnaître une manifeste utilité publique en accordant des subventions à des clubs sportifs, tout en refusant par ailleurs cette qualification dans l’analyse du dosser d’exonération d’une fondation privée. Les mêmes considérations valaient s’agissant de la subvention apportée au C______.

Les fonds versés avaient servi au développement d’activités en faveur de l’enfance et de la jeunesse qui, de manière générale, étaient considérées comme d’utilité publique. Le soutien modeste apporté à une association d’entraide au Népal ne pouvait empêcher la fondation de bénéficier d’une exonération. Il en allait de même du soutien à l’édition d’un ouvrage portant sur l’insertion des jeunes délinquants.

La décision du 19 juin déployait des effets rétroactifs. Or, le droit suisse connaissait le principe de l’interdiction de la rétroactivité et ledit prononcé ne citait aucun motif permettant de déroger à ce principe. Depuis sa constitution, la fondation avait reçu des dons importants sans pouvoir craindre que son statut serait remis en cause. Elle était dès lors exposée à devoir faire face à des impôts extrêmement importants, qui pourraient remettre en cause son existence même. Dès lors, si par impossible, le tribunal retenait que les conditions de l’exonération n’étaient pas remplies, il devrait limiter les effets de sa révocation au 20 juin 2023.

12.         Dans sa réponse du 2 septembre 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les buts de bioethnicité, de responsabilité sociale de l’entreprise, ainsi que la promotion du vivant n’avaient pas été démontrés effectivement.

Dans l’attestation sur l’honneur, la fondation s’était engagée à ne pas exercer d’activités de service public, cultuelles, sportives ou encore de prévoyance professionnelle. Dans le cadre de la procédure simplifiée d’exonération, celle-ci était octroyée sans examen complémentaire. Il était toutefois précisé qu’en cas de vérification par l’AFC-GE, si les conditions n’étaient plus remplies, l’exonération était annulée avec effet rétroactif, l’ouverture d’une procédure pénale étant possible.

L’activité de la recourante ne s’exerçait pas dans l’intérêt général et ne servait pas au bien public, mais poursuivait comme but de servir l’intérêt des clubs de football qui percevaient des dons de sa part. N’étant pas un club de football, la fondation ne poursuivait pas le même but que l’D______ et ne pouvait donc pas bénéficier de l’arrêté du Conseil d’État promulgué le 21 juin 2020. Le fait que l’État de Genève avait alloué des fonds au club E______ ne permettait pas de conclure que la recourante poursuive un quelconque intérêt général, dès lors que son but était la promotion de la relève dans le domaine du football, qui n’était pas un but éducatif. S’agissant du C______, la présentation produite ne démontrait pas que l’aide apportée par la fondation présentait un caractère éducatif marqué.

13.         Par réplique du 25 septembre 2024, la fondation a maintenu son recours.

La mise au bénéfice d’une exonération ne dépendait pas d’une décision souveraine de l’État, mais découlait exclusivement du respect des conditions fixées par la loi. L’arrêté du Conseil d’État du 21 juin 2020 n’avait jamais été publié, de sorte qu’il n’était pas opposable aux administrés.

L’argumentation soulevée par l’AFC-GE dans sa réponse divergeait de celle exposée dans ses décisions des 22 août 2023 et 27 février 2024. Dans la première, elle soutenait que certains éléments du but statutaire n’avaient pas été explicités et que la preuve d’une activité effectivement déployée de manière conforme au but n’avait pas été apportée. La seconde, soit la décision sur réclamation, était principalement motivée par l’argumentation selon laquelle les dons effectués à un club de football espagnol ne présentaient pas, à l’aune des conceptions générales de la population suisse, un intérêt suffisamment fort pour bénéficier d’une exonération. Par ailleurs, le caractère éducatif n’avait pas été démontré en ce qui concernait les dons consentis à l’D______.

Or, dans sa réponse, désormais, l’AFC-GE faisait valoir que d’après les termes utilisés dans le but statutaire, elle ne pouvait être qualifiée d’utilité publique. Ce revirement se révélait surprenant, dès lors que jusqu’alors, elle s’était fondée sur l’utilisation des moyens mis à disposition de la fondation pour analyser le respect des critères fixés par la loi. L’AFC-GE ne contestait pas les allégués de la recourante relatifs à l’usage de fonds publics suisses pour soutenir des clubs de football, en particulier pour la formation des jeunes. Il en allait de même du soutien à des sportifs individuels. Elle ne prétendait plus, comme dans sa décision sur réclamation, qu’un tel financement ne présentait pas un intérêt suffisamment fort à l’aune des conceptions générales de la population suisse.

L’AFC-GE interprétait mal la plaquette de présentation du soutien apporté au C______. Ce document exposait l’état des lieux au moment où il avait été établi et la description du projet pour lequel un financement était recherché, lequel avait été octroyé par la fondation. Si le tribunal éprouvait un doute au sujet du contenu de l’attestation produite par le C______, il était invité à convoquer son signataire pour être entendu comme témoin.

14.         Dans sa duplique du 16 décembre 2024, l’AFC-GE a persisté dans les termes et les conclusions de sa réponse.

Le raisonnement exposé dans sa décision sur réclamation pouvait être repris dans le cadre de la procédure judiciaire. S’agissant du C______, la fondation n’avait pas justifié qu’un but d’intérêt général était effectivement réalisé et que les fonds avaient été effectivement utilisés dans ce cadre. Ce club ne remplissait pas la condition de l’intérêt suffisamment fort pour que la collectivité publique suisse accepte de renoncer au prélèvement de l’impôt sur le bénéfice et le capital. Il s’agissait d’une entité de droit privé qui, selon les activités qu’elle exerçait, relevait uniquement des intérêts des sportifs auxquels elle proposait des activités. La condition du désintéressement faisait donc défaut.

15.         Les arguments des parties seront repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Le litige porte sur la question de savoir si la fondation peut être exonérée en raison du fait qu’elle poursuivrait un but d’utilité publique, ce que l’AFC-GE conteste.

4.             L’art. 9 let. f de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM – D 3 15) dispose que sont exonérées de l’impôt les personnes morales qui poursuivent des buts de service public ou d'utilité publique, sur le bénéfice et le capital exclusivement et irrévocablement affectés à ces buts. Des buts économiques ne peuvent être considérés en principe comme étant d'intérêt public. La teneur de l’art. 9 let. f LIPM est identique à celle de l’art. 56 let. g LIFD.

5.             L'exonération d'une personne morale, sur la base des dispositions précitées, suppose la réalisation de trois conditions générales : l'exclusivité de l'utilisation des fonds, l'irrévocabilité de l'affectation des fonds et l'activité effective de l'institution conformément à ses statuts (ATF 131 II 1 consid. 3.3).

Hormis ces trois conditions générales, le but de la personne morale doit évidemment encore pouvoir être qualifié « de service public » ou « de pure utilité publique », conformément au texte de l'art. 56 let. g LIFD, étant précisé que des conditions spécifiques distinctes doivent être remplies à cet égard selon que l'exonération requise est fondée sur l'une ou l'autre de ces hypothèses. L'exonération fondée sur la poursuite de buts de pure utilité publique suppose en particulier la réalisation des deux conditions spécifiques suivantes : l'exercice d'une activité d'intérêt général en faveur d'un cercle ouvert de destinataires et le désintéressement (ATF 147 II 287 consid. 5.2).

Il est vrai que le cercle des destinataires varie nécessairement en fonction de la précision avec laquelle est décrit le but d'utilité publique. En ce sens, le nombre des destinataires peut être limité. Il faut toutefois que le cercle des destinataires potentiels soit illimité et que la limitation résulte de critères objectifs et non subjectifs. Il s'agit d'éviter que l'on ne favorise des groupes d'intérêts, ces derniers ne pouvant prétendre servir à eux seuls l'intérêt général. Ainsi, les buts généraux mentionnés dans les statuts d’une fondation, qui constituent des activités à caractère caritatif et humanitaire, ne suffisent cependant pas encore à lui octroyer une exonération fiscale. Une fondation n’ayant qu’un seul bénéficiaire direct, soit une association qui se chargerait elle-même de répartir sous son nom les fonds ainsi reçus, implique que le cercle des bénéficiaires de ladite fondation est restreint (arrêt du Tribunal fédéral 2C_664/2007 du 6 mars 2008 consid. 3).

6.             Bien que le passage correspondant du projet de loi ait été supprimé lors des débats parlementaires, certains auteurs et autorités exigent toujours que l’intérêt général soit un intérêt suisse. Comme une telle restriction générale n’est pas admissible, la question se pose le cas échéant au cas par cas de savoir si une activité prépondérante exercée à l’étranger doit ou non être considérée, d’un point de vue général de la société prévalant en Suisse, comme méritant d’être encouragée. L’activité déployée à l’étranger dans le cadre de la tradition humanitaire ou de l’aide au développement de la Suisse doit être considérée comme d’utilité publique. Il en va de même pour d’autres buts d’intérêt mondial qui peuvent être encouragés du point de vue suisse (protection de l’environnement, etc.). Dans le cas d’activités prépondérantes dans d’autres pays industrialisés (p. ex. lutte pure et simple contre la pauvreté), il peut être douteux que cela puisse être considéré comme bénéfique du point de vue de la société dans son ensemble, qui prévaut en Suisse (Marco GRETER, Alexander GRETER in Martin ZWEIFEL, Michael BEUSCH, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 4ème édition, 2022, art. 56, n° 29a, p. 1100).

7.             Dans sa circulaire n° 12 du 8 juillet 1994 relative à l’exonération de l’impôt pour les personnes morales poursuivant des buts de service public ou de pure utilité publique (ci-après : circulaire n° 12), l’administration fédérale des contributions a précisé les conditions à remplir pour pouvoir bénéficier d’une exonération.

De son côté, la Conférence suisse des impôts a publié en date du 18 janvier 2008 des informations pratiques à l’intention des administrations fiscales cantonales sur l’exonération fiscale des personnes morales qui poursuivent des buts de service public, d’utilité publique ou des buts cultuels (ci-après : circulaire CSI), qui complètent la circulaire n° 12 précitée en traitant des thèmes spécifiques en rapport avec cette dernière.

8.             Selon le ch. 2b (p. 2) de la circulaire n° 12, l’exclusivité de l'utilisation des fonds implique que l'activité exonérée de l'impôt s'exerce exclusivement au profit de l'utilité publique ou du bien commun. Le but de la personne morale ne doit pas être lié à des buts lucratifs ou à d'autres intérêts de la personne morale, de ses membres ou de ses associés. La personne morale qui poursuit d'autres buts à côté de ses buts de service public ou de pure utilité publique peut éventuellement bénéficier d'une exonération partielle.

L’irrévocabilité de l'affectation des fonds signifie que les fonds consacrés à la poursuite de buts justifiant l'exonération de l'impôt doivent être affectés pour toujours à ces buts. Un retour au(x) donateur(s) ou fondateur(s) doit être absolument exclu. En cas de dissolution de la personne morale, sa fortune doit revenir à une autre personne morale bénéficiant de l'exonération de l'impôt et poursuivant des buts semblables, ce qui doit figurer dans une clause intangible de l'acte de fondation (circulaire n° 12 p. 2 ch. 2c).

Pour que l’activité soit effective, il faut poursuivre effectivement les buts visés. Le simple fait de prétendre exercer statutairement une activité exonérée de l'impôt n'est pas suffisant (circulaire n° 12 p. 2 ch. 2d).

Les personnes morales à buts de pure utilité publique doivent de surcroît poursuivre un but d’intérêt général. Les activités à caractère caritatif, humanitaire, sanitaire, écologique, éducatif, scientifique et culturel peuvent être considérées comme étant d’intérêt général. Il s’agit par exemple de l’assistance publique, les arts, la science, l’enseignement, la promotion des droits de l’homme, la sauvegarde du patrimoine, la protection de la nature et des animaux ainsi que l’aide au développement (circulaire n° 12 p. 2-3 ch. 3a).

Une activité est exercée dans un but d’intérêt général lorsqu’elle mérite d’être encouragée d’après la conception d’une partie importante de la population. Cela ne signifie pas qu’une telle activité doive être poursuivie au bénéfice de la majorité. Il peut être dans l’intérêt général qu’une activité soit exercée au profit d’une minorité (Nicolas URECH, Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, 2017, art. 56, n° 60, p. 1030). D’ordinaire, l’intérêt général n’est admis que si le cercle des destinataires des prestations est ouvert. Il n’y a pas d’intérêt général lorsque ce cercle est trop étroitement limité (p. ex. limitation à un cercle familial, aux membres d’une association ou aux personnes exerçant une profession déterminée) (circulaire n° 12 p. 2-3 ch. 3a).

L’absence d’assistance mutuelle est également une condition fondamentale à l’exonération de l’impôt. Il y a assistance mutuelle lorsque la personne morale vise à promouvoir ou assurer les intérêts économiques de ses membres (coopératives agricoles, de construction, d’assurance de cautionnement, etc.). Il y a également assistance mutuelle lorsque des institutions ont pour but la promotion des intérêts de leurs membres, qu’ils soient personnels, scientifiques ou économiques, tels les clubs sportifs, de jeu d’échecs, associations d’étudiants, sociétés de musique, associations récréatives, regroupement de personnes partageant le même hobby, etc. Poursuit un but d’assistance mutuelle une coopérative de construction de logement. Certaines institutions d’assistance mutuelle peuvent toutefois éventuellement remplir les conditions d’exonération en raison d’un but de service public (associations de quartier). Lorsque les buts poursuivis sont idéaux, l’assistance mutuelle n’exclut pas le bénéfice de l’exonération. Ainsi, une association internationale de médecins spécialistes peut être exonérée si les intérêts visés sont purement scientifiques et non politiques (Nicolas URECH, op. cit., art. 56, n° 73, p. 1034).

9.             La notion d’utilité publique comprend également un élément subjectif, le désintéressement, ce qui exige de la part de l’institution, de son fondateur, de ses membres ou même de tiers un sacrifice en faveur de l’intérêt général primant leurs propres intérêts (circulaire n° 12 p. 3 ch. 3b ; Nicolas URECH, op. cit., art. 56, n° 67, p. 1033).

La condition du désintéressement suppose que l'activité de l'institution se fonde sur l'altruisme. En ce sens, il est exigé que la personne morale qui requiert le bénéfice de l'art. 56 let. g LIFD agisse sans but lucratif. De plus, elle ne doit pas poursuivre ses propres intérêts, ce qui exclut l'exonération pour les institutions d'assistance mutuelle et les associations de loisirs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_251/2012 du 17 août 2012 consid. 3.1.1). Les membres dirigeants de la personne morale sont en principe tenus d'exercer leurs fonctions de manière bénévole, sous réserve d'un remboursement de leurs frais effectifs. Les membres d’un conseil de fondation ou d’un comité d’association poursuivent des intérêts personnels en dirigeant la fondation ou l’association et en octroyant à leur étude d’avocats le mandat de s’occuper de la manière la plus large possible du fonctionnement de l’institution sur les plans administratif, comptable et financier (Nicolas URECH, op. cit., art. 56, n° 67, p. 1033).

10.         L’encouragement du sport est en soi une tâche de la Confédération et poursuit à cet égard des buts d’intérêt public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_82/2021 du 8 décembre 2021 consid. 4.5 = RF 77, 139 p. 142 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_383/2010 du 28 décembre 2010 consid. 2.4 = RDAF 2011 II 440).

11.         De façon générale, les institutions accomplissant des activités de loisirs, qu'elles ressortissent à la pratique du sport ou au développement d'activités culturelles (fanfare, théâtre, etc.) ne peuvent pas bénéficier de l'exonération pour utilité publique. S'il paraît incontestable que de telles associations satisfont généralement à la condition de l'intérêt général, il n'en va pas de même en ce qui concerne la condition du désintéressement qui fait le plus souvent défaut. En effet, en pareille situation, les membres de l'institution considérée apparaissent comme les seuls ou principaux bénéficiaires de l'activité de loisirs. Partant, les conditions de l'activité désintéressée et du sacrifice dans l'intérêt général ne sont pas remplies. La réponse à la question de savoir si l'exonération pour utilité publique est remplie, du fait que l'activité sportive ou culturelle est développée en faveur de jeunes personnes est incertaine. Une telle exonération peut tout au plus intervenir lorsque l'activité proposée aux jeunes a pour but d'initier les personnes à un sport ou à un instrument de musique notamment, et que l'activité en question revêt un caractère éducatif marqué, lequel relègue à l'arrière-plan l'activité de loisirs. La finalité d'initiation à un sport ou à un instrument de musique doit clairement primer la finalité de loisirs. En d'autres termes, l'objectif éducatif et formateur doit constituer le but principal de l'institution au sens de l’art. 11 de la Constitution fédérale (circulaire CSI p. 32).

Dans le domaine sportif, il n'est pas rare qu'une association regroupe plusieurs équipes (par ex. l'association de football qui regroupe plusieurs mouvements, juniors, 1ère équipe, vétérans). En pareille situation, il faut envisager la séparation pure et simple, sur le plan comptable et organisationnel, des diverses composantes de l'institution, car seule la corporation qui poursuit un but éducatif et de sensibilisation au sport peut bénéficier de l'exonération pour cause d'utilité publique. Cette problématique doit en outre être distinguée de celle des clubs de sport professionnels qui ne sont généralement plus organisés sous forme d'association (circulaire CSI, p. 34).

12.         Les personnes morales qui remplissent les conditions pour être exonérées le sont ex lege ; elles ont un droit à l'exonération sans qu'un acte administratif constitutif ne soit nécessaire (ATF 139 II 90 consid. 2.4).

13.         En l’espèce, il résulte de la jurisprudence citée ci-dessus que la recourante ne peut bénéficier d’une exonération fondée sur la poursuite de buts de pure utilité publique qu’à la condition, premièrement, qu’elle exerce une activité d'intérêt général en faveur d'un cercle ouvert de destinataires et, deuxièmement, que son activité soit désintéressée.

a.              Le but statutaire de la recourante consiste en la promotion de la relève dans le domaine sportif, l'éducation en matière de bioethnicité et de responsabilité sociale de l'entreprise et la promotion des lois du vivant (art. 2 al. 1 des statuts). Elle ne poursuit aucun but lucratif. Cela ressort non seulement expressément de ses statuts (art. 2 al. 2), mais également de ses comptes de résultat 2020 à 2022 joints au courrier du 30 mars 2023 et à la réclamation du 20 juillet suivant, à teneur desquels les seuls produits de l’intéressée proviennent de dons.

Le but de la fondation est libellé de manière très large et ne contient formellement aucune restriction quant aux bénéficiaires de ses soutiens. L’exigence d’un cercle ouvert de destinataires se révèle donc en théorie remplie, la fondation ne pouvant être assimilée à un club, dont les membres apparaitraient représenter les seuls ou principaux bénéficiaires de l’activité.

Ainsi que l’a rappelé la jurisprudence, l’encouragement du sport relève de l’intérêt public, la question pouvant en principe être posée de savoir si, comme le stipule la circulaire CSI, seul un soutien aux approches essentiellement éducatives, lorsqu'il est apporté dans le domaine sportif, pourrait être considéré comme d'utilité publique. Cette question n'a cependant pas besoin d'être tranchée, compte tenu de ce qui suit.

Au cours des années 2019 à 2022, les montants des libéralités consenties par la fondation et leurs bénéficiaires ont été présentés de la manière suivante dans la décision litigieuse, étant précisé que la recourante ne les a pas contestés et s'y est même pour partie référée dans ses écritures :

2019-2020

2021

2022

Total

C______

132'582.25

107'459.66

179'802.56

419'844.47

D______

142'000.-

93'515.75

235'515.75

F______

20'000.-

20'000.-

G______

1'547.56

1'547.56

I______

1'000.-

1'000.-

Assoc. H______

1'000.-

1'000.-

Montant global

 

 

 

678'907.78

Selon ces chiffres, durant la période 2019 à 2022, les montants versés au C______ représentent 61.84 % du total des soutiens versés par la fondation (CHF 419'844.47 * 100 / CHF 678'907.78). Les sommes payées à l’D______ s’élèvent à 34.69 % (CHF 235'515.- * 100 / CHF 678'907.78).

b.             Il apparaît ainsi que l’essentiel des subventions allouées par la fondation durant la période susmentionnée a été versée à un club de football évoluant à l’étranger. À cet égard, le tribunal adhère à l'avis de la doctrine citée plus haut (Marco GRETER, Alexander GRETER in Martin ZWEIFEL, Michael BEUSCH, op. cit.), s'agissant du fait que pour que la perte fiscale soit admissible du point de vue de l'intérêt public suisse et des personnes redevables de l'impôt dans ce pays, il faut que l'activité d'utilité publique déployée à l'étranger soit exercée soit dans le cadre de la tradition humanitaire ou de l’aide au développement de la Suisse, soit encore dans un but d'intérêt mondial qui puisse être encouragé du point de vue suisse (protection de l’environnement, etc.). Toujours dans ce sens, le tribunal adhère également à l'avis des auteurs susmentionnés selon lequel le niveau économique du pays étranger dans lequel s'exercent les activités en question pourrait également jouer un rôle. Il paraît en effet discutable que la perte fiscale supportée par la Suisse soit destinée à soutenir, à la place d'un autre pays, des activités que ce dernier aurait en principe les moyens économiques de soutenir lui-même. Ce d'autant qu'il n'appartiendrait pas aux contribuables en Suisse de pallier, par exemple, aux carences sociales, environnementales, etc., d'un pays ayant fait à ce niveau des choix politiques plus restrictifs.

Dans cette perspective, en l'occurrence, on ne voit pas en quoi le soutien apporté à un club sportif en Espagne, pays doté d'un bon niveau économique, revêtirait, du point de vue des personnes payant l'impôt en Suisse, une utilité publique suffisante pour justifier la perte fiscale qui y serait corrélée. Il en résulte que la recourante ne satisfait pas à la condition de l'exclusivité de l'utilisation des fonds, telle que définie plus haut, puisqu'une partie – et même la plus grande partie – de ces derniers n'est pas consacrée à un but d'utilité publique.

c.              La fondation a alloué quelque 35 % du total de ses subsides à l’D______. Ce club de football intègre six équipes (1ère équipe, féminine, 2ème équipe, juniors, seniors 30+ et footgolf). La 1ère équipe évolue actuellement en Challenge league et doit ainsi être qualifiée de professionnelle. Or, la recourante n’a pas démontré, par exemple au moyen de pièces comptables, que les versements susmentionnés auraient servi à l’encouragement du sport, but d’intérêt public. Il apparaît bien davantage que ces montants constituent du sponsoring d’un club de football professionnel.

d.             Il en résulte que la fondation ne peut prétendre à une exonération fiscale au motif de la poursuite d’un but d’utilité publique. Partant, c’est à bon droit que l’AFC-GE a révoqué sa décision du 19 juin 2023.

14.         Contrairement à l’avis de l’autorité intimée, la fondation fait valoir que ladite décision ne saurait déployer aucun effet rétroactif.

15.         L’exonération accordée à une personne morale doit être supprimée s’il apparaît que les conditions ne sont plus remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_835/2016 du 21 mars 2017 consid. 3 résumé in RDAF 2018 II, p. 590, 593).

L’exonération ne peut toutefois pas être révoquée rétroactivement en raison de la protection de la confiance, si la fondation a régulièrement remis les documents fiscaux et les comptes annuels demandés et si l'autorité fiscale n'a pas contesté à temps l'absence d'utilité publique (décision de la commission cantonale de recours en matière d’impôts du canton de Bâle-Ville du 24 janvier 1995 consid. 3e in StE 1997 B 71.63 n° 15 ; Peter LOCHER, Ernst GIGER, Andrea PEDROLI, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, II. Teil, 2ème édition, 2022, art. 56, n° 7, p. 155-156).

Si l’exonération est annulée, cette annulation s’applique normalement avec effet dès la période fiscale au cours de laquelle la procédure de vérification a été initiée. Il ne peut être revenu sur des années précédentes que s’il en résulte, sur la base d’éléments de faits ou de moyens de preuves nouveaux, que l’exonération a été accordée à tort, respectivement n’a pas été révoquée. Dans se cas, une correction s’effectue dans la procédure de rappel d’impôt (Felix RICHNER, Walter FREI, Stefan KAUFMANN, Hans Ulrich MEUTER, Handkommentar zum DBG, 4ème édition, 2023, art. 56, n° 97-98, p. 926 et les réf.).

16.         En l’espèce, par décision du 19 juin 2023, l’AFC-GE a révoqué l’exonération de la recourante avec effet au jour de constitution de celle-ci, à savoir le 23 septembre 2019

Cette décision fait suite à une demande de renseignements que l’autorité intimée a adressée à la fondation, le 15 février 2023, dans le cadre de la vérification des conditions de son exonération fiscale. L’AFC-GE a sollicité de sa part qu’elle remplisse la formule de demande d’exonération, qu’elle lui communique ses états financiers de la période 2022, ses rapports d’activités des années 2019 à 2022, ainsi que la description du profil, notamment sportif, de ses bénéficiaires. Le 30 mars 2023, la fondation a transmis à l’autorité intimée tous les documents sollicités. Ainsi, elle a ainsi pleinement collaboré avec l’autorité intimée.

Pour autant, la recourante ne saurait se prévaloir de sa bonne foi, étant donné qu’elle n’a obtenu le bénéfice de l’exonération fiscale, le 7 juillet 2020, que sur la base de sa déclaration sur l’honneur, document par lequel elle confirmait, le 23 septembre 2019, que ses activités d'utilité publique excluaient, notamment, les activités sportives. Or, il s'est avéré par la suite que la recourante a effectivement soutenu des activités sportives, et ce dès l'exercice 2019-2020, de sorte que son attestation sur l'honneur n'a pas été remplie conformément à la vérité. À réception de cette attestation, l’autorité intimée était fondée à faire confiance à la recourante et à partir de l’idée que celle-ci remplissait les conditions pour bénéficier d’une exonération en raison de la poursuite d’un but d’utilité publique. Ce n’est que sur la base de faits et de moyens de preuves nouveaux, à savoir de pièces obtenues à la suite de sa demande de renseignements du 15 février 2023, que l’autorité intimée s’est aperçue que la précitée ne remplissait plus les conditions pour bénéficier d’une exonération. Le fait que le soutien à des activités sportives puisse entrer dans le cadre d'un but d'utilité publique, aux conditions rappelées plus haut, ne change rien à ce qui précède, non seulement parce que selon le principe constitutionnel de la bonne foi, nul ne peut se prévaloir d'un comportement destiné à tromper la confiance de l'autre (nemo auditur suam (propriam) turpitudinem allegans - arrêt du Tribunal fédéral 2C_17/2008 du 16 mai 2008 consid. 6.2 ; ATA/1198/2023 du 7 novembre 2023 consid. 3.11 et les arrêts cités), mais également parce qu'en l'espèce, comme vu précédemment, l'activité sportive soutenue à l'étranger ne correspond pas au but d'utilité publique justifiant l'exonération fiscale.

En conséquence, une exonération avec effet rétroactif au jour de la constitution de la fondation se justifie.

17.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

18.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 900.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 28 mars 2024 par la A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 27 février 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 700.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Laurence DEMATRAZ et Giedre LIEDEKYTE HUBER, juges assesseures.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière