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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1754/2025

JTAPI/570/2025 du 27.05.2025 ( MC ) , REJETE

Descripteurs : LEVÉE DE LA DÉTENTION DE L'ÉTRANGER;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.80.al6
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1754/2025 MC

JTAPI/570/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 mai 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Stéphane CECCONI, avocat

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1976, connu sous divers alias, est ressortissant de Tunisie.

2.             M. A______ a fait l’objet d’une décision de renvoi de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 3 août 2023, notifiée à l'intéressé à la prison de Champ-Dollon le lendemain. Le recours interjeté à son encontre a été déclaré irrecevable par jugement du 12 octobre 2023 du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

3.             Par décision du 29 août 2023, valablement notifiée le lendemain, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé à l’encontre de M. A______ une interdiction d'entrée en Suisse pour une durée de trois ans dès sa date de départ du territoire.

4.             M. A______ a été condamné à sept reprises sur territoire suisse, notamment le 21 février 2024, par le Ministère public pour vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0).

5.             Il a été libéré de détention pénale le 1er septembre 2023 et à nouveau écroué à la prison de Champ-Dollon le 18 septembre 2024.

6.             Le 11 septembre 2024, M. A______ a été reconnu par les autorités tunisiennes comme ressortissant de ce pays.

7.             Libéré de détention pénale le 12 novembre 2024, il a été remis entre les mains des services de police.

8.             Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l’encontre de M. A______ pour une durée de deux mois et l'a soumis au tribunal. Un vol DEPA était réservé pour la Tunisie pour le 9 décembre 2024.

Au commissaire de police, l’intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi dans son pays d’origine.

9.             Par jugement du 15 novembre 2024, le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention du 12 novembre 2024 pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 11 janvier 2025 (JTAPI/1137/2024).

10.         Le 19 novembre 2024, M. A______ a déposé une demande d'asile auprès du SEM.

11.         Le 3 décembre 2024, le SEM a informé les autorités genevoises que le vol prévu le 9 décembre 2024 devait être annulé « car à l'heure actuelle, l'ambassade n'émettait plus de laissez-passer pour les non-volontaires ».

12.         Le 6 décembre 2024, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté le 26 novembre 2024 par M. A______ contre le jugement du 15 novembre 2024 (ATA/1429/2024).

Le précité n’avait rendu vraisemblable ni son homosexualité ni un risque concret qu’il pourrait courir à son retour en Tunisie du fait de son homosexualité ni que son état de santé rendait son renvoi impossible ou inexigible.

13.         Par requête du 19 décembre 2024, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de six mois. Il demeurait dans l'attente de l'issue de la procédure d'asile déposée par l'intéressé.

14.         Lors de l’audience devant le tribunal le 27 décembre 2024, M. A______ a indiqué être arrivé en Suisse en 1996. Il était parti en Italie où il était resté 27 ans avant de revenir en Suisse à la fin de l'année 2021. Il était venu voir ses deux sœurs qui vivaient à Genève, l’hébergeaient et le nourrissaient. Elles habitaient, respectivement, 1______ , rue de B______ et 2______, rue de C______ à D______. Il avait des enfants en Italie, âgés de 15 et 25 ans. Il n'était pas d'accord de retourner en Tunisie et refusait de faire les démarches pour obtenir son passeport auprès de l'ambassade. Il avait déposé une demande d'asile, ayant tout perdu, notamment son épouse, à cause de son homosexualité. Il ne pouvait pas retourner en Tunisie car l'homosexualité y était interdite. Il avait également des problèmes d'addiction. S'il avait déposé seulement à ce stade sa demande d'asile, c'était « comme ça », peut‑être car c'était la première fois qu'il était enfermé. Il souhaitait être remis en liberté et irait alors chez sa sœur. Sa détention à Favra était infernale. Il y était rejeté. C'était comme s'il était en Tunisie car le 99% des « gens là‑bas étaient des Arabes » qui le rejetaient à cause de son homosexualité. Il a transmis un texte au tribunal expliquant les raisons pour lesquelles il ne voulait pas retourner en Tunisie. Selon ce texte, il avait déposé une demande d'asile en raison des graves risques de persécution, de torture et d'emprisonnement s'il devait être renvoyé en Tunisie. Il n'avait jamais commis de crime en Suisse, même le vol.

Le représentant de l’OCPM a indiqué qu’il s’agissait du premier cas où l’ambassade n’avait pas délivré de laissez-passer au motif que l’intéressé n’était pas volontaire. L’OCPM avait entendu parler d’un cas similaire dans un autre canton, mais l’information n’était pas vérifiée. Un tel refus étant contraire à l’accord de réadmission avec la Tunisie, cela n’était pas définitif. Le SEM devait examiner la situation, laquelle était peut-être due au changement d’ambassadeur de Tunisie. Le délai de six mois était nécessaire vu la demande d’asile. Le délai de traitement dépendait des preuves fournies par le requérant. L’OCPM ne prévoyait pas de vol spécial pour l’instant en raison du blocage du laissez-passer.

15.         Par jugement du 27 décembre 2024 (JTAPI/1299/2024), le tribunal a partiellement admis la demande de prolongation, prolongeant la détention administrative de M. A______ pour une durée de 3 mois.

16.         Ce jugement a été confirmé par arrêt du 17 janvier 2025 de la chambre administrative (ATA/75/2025), suite au recours du précité.

Lors de l’audience devant le tribunal, le représentant de l’OCPM avait fourni des explications convaincantes et pouvait être suivi lorsqu’il soutenait qu’en l’état cette situation n’était pas définitive et devait faire l’objet d’une analyse du SEM. Il n’était en conséquence pas établi que le refus fut toujours d’actualité, ni qu’il fut durable. L’impossibilité du renvoi découlait au contraire, en l’état, de la demande d’asile déposée par l’intéressé le 19 novembre 2024 et dont il convenait d’attendre l’issue. La durée de trois mois, telle que réduite par le tribunal, arriverait à échéance près de cinq mois après le dépôt de la demande d’asile. Ce délai restait proportionné compte tenu notamment des fêtes de fin d’année et permettrait aux autorités d’obtenir toute explication utile sur la pratique de l’ambassade tunisienne en matière de laissez-passer, indépendamment de la décision sur la demande d’asile et en tous les cas avant de solliciter une éventuelle prolongation de la détention du recourant. Le principe de célérité était respecté au vu des démarches entreprises, singulièrement de l’organisation du vol le 19 décembre 2024 (art. 76 al. 4 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 ; LEI - RS 142.20). Celui de la proportionnalité n’est pas violé, aucune autre mesure moins incisive que la détention ne paraissant apte à garantir la présence de l’intéressé lors du vol, compte tenu de son refus de quitter le territoire. La prolongation de trois mois respectait en conséquence la durée maximale autorisée et était nécessaire pour assurer la mise en œuvre du renvoi (art. 79 LEI).

17.         Le 11 mars 2025, le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté le 9 janvier 2025 (daté du 26 décembre 2024) par M. A______ contre cet arrêt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_27/2025).

18.         Le 14 mars 2025, le SEM a rejeté la demande d’asile déposée par M. A______.

19.         Par requête motivée du 31 mars 2025, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 11 août 2025. La brigade migration et retour (BMR) procédera à une réservation de vol dès réception de l’entrée en force de la décision du SEM du 14 mars 2025. La détention administrative constituait l’unique moyen de mener à terme le rapatriement de l’intéressé à destination de son pays d’origine.

20.         Devant le tribunal, lors de l'audience du 8 avril 2025, M. A______ a déclaré être toujours opposé à repartir en Tunisie et n’avoir entrepris aucune démarche en vue de son départ, ne souhaitant pas partir par ses propres moyens. Il n’avait pas l'intention de recourir contre la décision du SEM du 14 mars 2025 rejetant sa demande d'asile. S’il était remis en liberté, il quitterait immédiatement la Suisse et se rendrait en Italie où habitaient ses deux enfants. Il n’avait toutefois pas d'autorisation de séjour en Italie à produire au tribunal. Pour lui, jamais les autorités tunisiennes ne délivreraient de laissez-passer à l'un de leurs ressortissants non-volontaires au retour et qui n'avait pas commis d'infraction. Il souhaitait être remis en liberté pour pouvoir immédiatement partir.

La représentante de l’OCPM a indiqué qu’ils étaient actuellement dans l'attente de la communication du SEM de l'entrée en force de sa décision du 14 mars 2025. Une fois cette communication reçue, ils procéderaient à la réservation d'une place sur un vol à destination de la Tunisie avec escorte policière puis solliciteraient la délivrance, par les autorités tunisiennes, d'un laissez-passer, étant précisé que le délai d'annonce aux autorités tunisiennes était d'environ quatre semaines. Malgré le fait le fait que les autorités tunisiennes eussent précédemment refusé la délivrance d'un laissez-passer en faveur de l'intéressé, ils allaient ré-entreprendre les mêmes démarches, étant précisé qu’ils ne pouvaient pas solliciter la délivrance d'un laissez-passer sans avoir une date de vol. Elle ne pouvait pas affirmer que les autorités tunisiennes refuseraient à l'heure actuelle de délivrer un laissez-passer, même si sa pièce 4 indiquait qu'au 3 décembre 2024, les autorités tunisiennes refusaient effectivement la délivrance d'un laissez-passer pour les non volontaires. A Genève, le cas de M. A______ était le seul. L'OCPM avait connaissance d'un autre cas dans un autre canton comme cela ressortait du procès-verbal du 27 décembre 2024. Si les autorités tunisiennes leur indiquaient que le seul motif de non délivrance d'un laissez-passer était le fait que M. A______ n'était pas volontaire, ils envisageraient de modifier son régime de détention et de prononcer un ordre de mise en détention pour insoumission. Elle entendait que M. A______ souhaitait être détenu à Genève ; les autorités verraient si elles pouvaient envisager un transfert, mais sans garantie. Elle a conclu à la confirmation de la demande de prolongation de la détention administrative pour une durée de quatre mois.

Le conseil de l’intéressé a déposé une pièces complémentaire relative à l'état de santé de son client. Il a précisé que son client était détenu à Zurich et que la barrière de la langue était difficile pour lui. De plus, M. A______ ne recevait pas la visite de ses sœurs qui étaient domiciliées à Genève. Il a plaidé et conclu à l'annulation de la demande de prolongation de détention et à la mise en liberté immédiate de M. A______, subsidiairement à la réduction de la durée de la demande de prolongation à un mois.

21.         Par jugement du 9 avril 2025 (JTAPI/376/2025), le tribunal a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 11 août 2025.

22.         Par arrêt du 29 avril 2025 (ATA/486/2025), la chambre administrative a rejeté le recours interjeté le 22 avril 2025 par M. A______ contre ce jugement.

L’intérêt public à l’exécution de l’éloignement de l’intéressé était certain, celui-ci ayant commis à réitérées reprises des infractions, notamment des crimes, et faisait l’objet d’une décision de renvoi. Vu son refus systématique de quitter la Suisse pour la Tunisie, il était par ailleurs à craindre qu’il se soustrairait à nouveau à l’exécution de son renvoi vers son pays d’origine. Les autorités suisses avaient agi avec célérité et diligence, obtenant son identification puis réservant un vol en sa faveur lequel n’avait toutefois pas pu être exécuté, les autorités tunisiennes n’émettant alors plus de laissez-passer et l’intéressé ayant déposé une demande d’asile. Rien ne permettait de douter de leur détermination à réserver une place sur un vol avec escorte policière vers la Tunisie et de solliciter la délivrance d’un laissez-passer des autorités tunisiennes, étant relevé qu’il ressortait du courriel du SEM produit par l’autorité intimée, que des retours non-volontaires vers la Tunisie avaient été exécutés aux mois de février, mars et avril 2025, de sorte que les autorités tunisiennes délivraient à nouveau des laissez-passer. Par ailleurs, c’était l’opposition de l’intéressé qui faisait obstacle à son rapatriement et un tel manque de coopération ne constituait pas une impossibilité à l'exécution du renvoi au sens de la jurisprudence. Enfin, la durée de la prolongation de la détention administrative, dans les limites de l’art. 79 LEI, paraissait adéquate au vu de la situation et des démarches en cours et à venir.

23.         Par requête du 19 mai 2025, M. A______ a déposé une demande de mise en liberté. Il refusait d’être renvoyé en Tunisie. En effet, il était malade et nécessitait des soins qui n’étaient pas disponibles dans ce pays. De plus, ses deux enfants, dont l’un était encore mineur, résidaient en Italie et il souhaitait les y rejoindre. Dans ce contexte, il s’engageait à sortir du territoire suisse dès sa libération par ses propres moyens et à ne plus y revenir.

Il a joint un certificat médical du 19 mai 2023 de la Dre E______, psychiatre-psychothérapeute auprès du service médical de Frambois indiquant qu’il bénéficiait d’un traitement quotidien de méthadone et quetiapine, depuis qu’il était incarcéré. Ce traitement de substitution nécessitait une prise quotidienne régulière. La Dre E______ indiquait que l’intéressé l’avait informée que la méthadone ou autre traitement de substitution n’était pas disponible en Tunisie et réitérait qu’il devait poursuivre son traitement régulièrement ainsi que son suivi médical.

24.         Par courriel du 27 mai 2025, l’OCPM a transmis au tribunal, la confirmation du vol DEPA de l’intéressé, prévu le 19 juin 2025 au départ de Genève.

25.         Lors de l’audience de ce jour devant le tribunal, M. A______ a confirmé sa demande de mise en liberté pour les motifs invoqués dans son écriture du 19 mai 2025. Il ignorait pour quelle raison il devait encore rester en détention administrative. Cela ferait bientôt 7 mois et si l'ambassade ne délivrait pas de laissez-passer pour les départs non volontaires alors il fallait le laisser sortir.

La représentante de l'OCPM a indiqué que, parallèlement à la réservation du vol, une demande de laissez-passer avait été adressée aux autorités tunisiennes. Ils demanderaient par ailleurs prochainement un certificat d'aptitude au vol à l'OSEARA, au vu du certificat médical du 19 mai 2025 versé à la procédure. En lien avec la délivrance des laissez-passer, elle versait à la procédure un courrier du SEM du 21 mai 2025. Depuis décembre 2024, la situation s'était débloquée et un vol spécial avait notamment pu être organisé. Dans le cas de M. A______, il y avait eu deux situations de blocage : la première, en décembre, était liée aux autorités tunisiennes, qui ne délivraient plus de laissez-passer ; la seconde avait découlé du dépôt de sa demande d'asile, qui avait empêché toutes démarches de leur part en vue de l'exécution du renvoi.

Le conseil de l'intéressé a versé un chargé de pièces et conclu à la libération immédiate de son client, dont le renvoi était inexécutable, impossible, illicite et inexigible, compte-tenu du principe de non refoulement en lien avec son homosexualité, de l'intensification de la répression des homosexuels en Tunisie, du refus des autorités tunisiennes de lui délivrer jusqu'alors un laissez-passer et de sa situation médicale. Subsidiairement, il a conclu, à l’assignation à résidence de son client chez sa sœur, Mme F______, 1______, rue de B______ G______, sa détention administrative apparaissant disproportionnée, de même d'ailleurs que son renvoi. Plus subsidiairement encore, il a conclu à la mise en liberté immédiate de son client, au plus tard le 19 juin 2025, si son départ ne devait pas avoir eu lieu par le vol réservé en sa faveur ce jour-là.

La représentante de l'OCPM a conclu au rejet de la demande de mise en liberté. La violation du principe de non refoulement avait déjà été examinée et écartée tant par le tribunal que la chambre administrative. La situation ayant évolué depuis décembre 2024 en lien avec la délivrance de laissez-passer, le renvoi apparaissait possible à ce stade. La procédure ad hoc sera suivie afin de tenir compte de l'état de santé de M. A______. Sous l'angle du principe de célérité, le vol du 19 juin 2025 était le premier vol utile qui avait pu être réservé compte tenu des délais nécessaires pour la délivrance du laissez-passer. Enfin, le précité ne saurait être assigné à résidence, compte tenu du risque important qu'il disparaisse dans la clandestinité.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) est compétent pour examiner les demandes de levée de détention faites par l'étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. g de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l'art. 80 al. 5 LEI, l’étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée. L’autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d’une procédure orale.

3.             Cela étant, l'art. 7 al. 4 let. g LaLEtr prévoit que la personne détenue peut déposer en tout temps une demande de levée de détention.

4.             Sur ce point, il a été jugé que le droit cantonal peut déroger au droit fédéral, dans la mesure où il étend les droits de la personne détenue (DCCR du 27 mars 2008 en la cause MC/023/2008 et du 24 avril 2008 en la cause MC/026/2008).

5.             Le tribunal statue alors dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine sur la demande de levée de détention (art. 9 al. 4 LaLEtr).

6.             En l'espèce, la demande de levée de la détention administrative formée par M. A______ le 19 mai 2025 est recevable et la décision du tribunal intervient dans le respect du délai légal susmentionné.

7.             Selon l'art. 80 al. 6 LEI, la détention est levée dans les cas suivants :

a. le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ;

b. la demande de levée de la détention est admise ;

c. la personne détenue doit subir une peine ou une mesure privative de liberté.

8.             Selon l'art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (« principe de célérité ou de diligence »). Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI).

9.             Le principe de célérité est considéré comme violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune mesure en vue du renvoi ou de l'expulsion n'a été effectuée par les autorités compétentes de droit des étrangers (cantonales ou fédérales), sauf si le retard est imputable en premier lieu au comportement des autorités étrangères ou de l'étranger concerné (ATF 139 I 206 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_387/2023 du 7 août 2023 consid. 7.1, les deux avec les arrêts cités). Les autorités ne peuvent toutefois se prévaloir du manque de collaboration de l'étranger que pour autant qu'elles-mêmes ne soient pas restées inactives (ATF 139 I 206 consid. 2.3). En d'autres termes, le manque de collaboration de l'étranger ne justifie pas l'inactivité des autorités, qui doivent mener la procédure de renvoi avec sérieux et insistance (ATF 139 I 206 consid. 2.3). À cet égard, les autorités ne sont pas tenues de procéder schématiquement à certains actes mais doivent prendre des dispositions ciblées conçues pour faire avancer l'exécution du renvoi (ATF 139 I 206 consid. 2.1). Elles doivent en particulier tenter d'établir l'identité de l'étranger et d'obtenir rapidement les documents nécessaires à son renvoi, même sans la collaboration de l'intéressé (ATF 139 I 206 consid. 2.3 et la référence citée). Elles doivent aussi relancer les autorités étrangères et non pas se contenter d'attendre passivement que celles-ci se manifestent (arrêt du Tribunal fédéral 2C_428/2023 du 11 octobre 2023 consid. 5.2 et les références citées).

10.         Un constat de violation du principe de célérité conduit en principe à la libération du détenu (ATF 139 I 206 consid. 2.4).

11.         Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

12.         Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

13.         Comme énoncé ci-dessus, celle-ci doit en particulier être levée lorsque son motif n'existe plus ou si, selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, l'exécution du renvoi s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles ou qu'elle ne peut être raisonnablement exigée, cette dernière disposition légale renvoyant à l'art. 83 al. 1 à 4 LEI.

14.         Selon ces dispositions, l'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans l'un de ces États (al. 2), n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3) et ne peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

15.         L'impossibilité peut être juridique (refus de l'État d'origine de reprendre la personne; ATF 125 II 217 consid. 2 = RDAF 2000 I 811) ou matérielle (état de santé grave et durable ne permettant pas de transporter la personne). La jurisprudence fédérale exige qu'un pronostic soit établi dans chaque cas. Si l'exécution dans un délai prévisible paraît impossible ou très improbable, la détention doit être levée (ATF 127 II 168 consid. 2c = RDAF 2002 I 390 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.312/2003 du 17 juillet 2003 ; ATA/92/2017du 3 février 2017 consid. 5b).

16.         L'impossibilité suppose en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (ATA/43/2020 du 17 janvier 2020 consid. 8b ; ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10 ; ATA/776/2019 du 16 avril 2019 consid. 7 et les références citées), étant rappelé que tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut s'en prévaloir (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 ; ATA/221/2018 du 9 mars 2018).

17.         S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

18.         En l’espèce, s'agissant de la légalité de la détention de M. A______, confirmée à plusieurs reprises par le tribunal, ainsi que par la chambre administrative, la dernière fois le 29 avril 2025, elle ne saurait être remise en cause sur le principe, aucun changement pertinent n’étant intervenu depuis lors dans sa situation.

La proportionnalité de sa détention doit également être retenue, en l’absence de circonstance nouvelle justifiant une autre appréciation, et étant souligné que dans le cadre de la présente procédure, l’intéressé a une nouvelle fois indiqué ne pas vouloir retourner en Tunisie et souhaiter retrouver ses fils en Italie. M. A______ ne saurait dès lors être assigné à résidence chez sa sœur, comme il le souhaite, le risque qu’il disparaisse, cas échéant, dans la clandestinité étant évident.

Pour le surplus, comme retenu par la chambre administrative dans son arrêt du 29 avril 2025, rien ne permet de considérer aujourd'hui que les renvois en Tunisie seraient impossibles, cette instance ayant au contraire relevé qu’il ressortait du courriel du SEM produit par l’OCPM que des retours non-volontaires vers la Tunisie avaient été exécutés aux mois de février, mars et avril 2025, de sorte que les autorités tunisiennes délivraient à nouveau des laissez-passer. La représentante de l’OCPM a de plus indiqué qu’un vol spécial avait pu être organisé depuis le début de l’année et que les deux éléments qui avaient mis un frein au refoulement de M. A______ n’étaient plus d’actualité. Partant, s’il est exact que le laissez-passer n’a pas pour autant été délivré à ce jour, rien ne permet d’exclure que sa délivrance ne pourrait pas intervenir dans un avenir proche. En tout état, les autorités ont d’ores et déjà réservé une place sur un vol du 19 juin 2025 et requis la délivrance d’un laissez-passer en sa faveur, ce qui démontre qu’elles continuent d’agir avec diligence et célérité.

La situation médicale de l’intéressé - qui n’a fondamentalement pas changé depuis le dernier jugement du tribunal et l’arrêt de la chambre administrative du 29 avril 2025 -, de même que son homosexualité, ont enfin également été prises en compte par les juridictions précitées, sans qu’elles ne considèrent qu’elles rendraient son renvoi inexigible. En tout état et en particulier, il ne résulte nullement du dossier un risque réel d'être exposé à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé en cas de renvoi, étant précisé que son aptitude au vol sera évaluée par un médecin mandaté par le SEM pour assurer, lors du départ, la surveillance médicale, ceci conformément à l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 (OERE - RS 142.281).

Le maintien en détention administrative de M. A______ apparait ainsi toujours comme la seule mesure susceptible d'assurer sa disponibilité effective au moment de l'exécution du renvoi et le tribunal retiendra qu'il n’existe aucune impossibilité à l’exécution du renvoi de l’intéressé, renvoi qui demeure par ailleurs exigible.

19.         Au vu de ce qui précède, la demande de mise en liberté sera rejetée. En tant que de besoin, la détention administrative sera confirmée jusqu'au 11 août 2025, date jusqu'à laquelle elle a été prolongée selon jugement du tribunal du 9 avril 2025. A toutes fins utiles, le tribunal rappellera que l’OCPM doit pouvoir disposer du temps nécessaire pour organiser un nouveau renvoi par un vol de degré supérieur si, notamment, l’intéressé ne prend pas place à bord du vol du 19 juin 2025. Dans cette mesure, sa conclusion tendant à sa mise en liberté à cette date doit être écartée, étant précisé que, dans le cas contraire, sa détention administrative prendra immédiatement fin.

20.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de mise en liberté formée le 19 mai 2025 par Monsieur A______ ;

2.             la rejette et confirme en tant que de besoin la détention jusqu'au 11 août 2025 ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière