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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2594/2024

JTAPI/336/2025 du 31.03.2025 ( ICC ) , ADMIS

ATTAQUE

Descripteurs : DROITS DE MUTATION;RÉDUCTION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LDE.8A
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2594/2024 ICC

JTAPI/336/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 mars 2025

 

dans la cause

 

Maître A______

 

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne les droits d’enregistrement.

2.             Par acte authentique du 3 février 2023, Monsieur B______ et Madame C______ ont acquis en copropriété, à raison d’une moitié chacun, la parcelle n° 1______ sise sur la commune de D______, chemin du E______ 2______. Ils ont notamment signé un contrat d’entreprise générale portant sur la construction d’une habitation mitoyenne.

3.             Par acte notarié du 16 mai 2024, Mme C______ a vendu ses droits de copropriété d'une demie à Madame F______, laquelle en était déjà en possession et en jouissance, pour le prix de CHF 660'603.-.

4.             Le 17 mai 2024, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) a notifié à Maître A______, notaire ayant instrumenté la vente du 16 mai précédent (ci-après : le notaire), un bordereau de droits d’enregistrement d’un montant de CHF 9'623.-, somme qui se déterminait comme suit :

Opérations

Val./nbre

Droits

Cent. add.

Total

Vente immobilière

660'603.00

19'818.30

19'818.30

Autres actes et opérations

1

2.00

2.20

4.20

19'820.30

2.20

19'822.50

Rabais art. 8A LDE (Casatax) pour Mme F______

-10'199.50

9'623.00

5.             Par pli du 25 juillet 2024, le notaire a élevé réclamation à l’encontre de ce bordereau. C’était à tort que l’AFC-GE considérait qu’en cas d’aliénation d’une part de copropriété, l’acquéreur ne pouvait pas bénéficier d’une réduction entière du droit de vente. Si la villa avait été achetée par M. B______ et Mme C______ en copropriété à raison d’une demie, ils auraient sans conteste pu bénéficier de la réduction totale « Casatax ». L'esprit de la loi était de favoriser au maximum l'acquisition de tout objet et ce, quel que soit le nombre d'acquéreurs.

6.             Par décision du 31 juillet 2024, l’AFC-GE a rejeté la réclamation, en se fondant notamment sur une décision de la Commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA).

Le principe défendu par le notaire permettrait à plusieurs acquéreurs de bénéficier du rabais maximum sur chacune des quotes-parts et ainsi de profiter d’allégements fiscaux multiples. La volonté du législateur consistait à accorder le rabais maximum pour l'acquisition d’un seul logement pour un prix maximum fixé par la loi, mais certainement pas à l’occasion de chaque transfert d’une part de copropriété du logement en question. Ainsi, l'achat d'une quote-part de copropriété d'un logement donnait droit au rabais d'impôt réduit dans les mêmes proportions. Cette pratique était justifiée dans la mesure où la revente d'une part de copropriété dans le délai de surveillance donnait lieu à une reprise de droits équivalente à la part revendue et non à une reprise totale.

7.             Par acte du 9 août 2024, le notaire a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de la décision du 31 juillet précédent, sous suite de frais.

Le cas d’espèce ne constituait pas un nouveau transfert de copropriété du bien dont l’acquéreur serait déjà copropriétaire, comme dans le cas de la jurisprudence citée par l’autorité intimée, mais une première acquisition d’une part de copropriété par un tiers acquéreur. L'interprétation de l'art. 8A de la loi sur les droits d’enregistrement du 9 octobre 1969 (LDE - D 3 30) et de la jurisprudence citée dans la décision attaquée, étaient complètement erronée.

8.             Dans sa réponse du 11 octobre 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le 16 mai 2024, Mme F______ n’avait pas acquis de Mme C______ la parcelle n° 1______ dans sa totalité, mais sa part sur le bien qu’elle avait acheté en copropriété avec M. B______ une année auparavant. Ce dernier était demeuré copropriétaire de l’immeuble à raison d’une demie. Mme F______ avait ainsi bénéficié d’une partie de la réduction « Casatax » correspondante à sa part, de la même manière que Mme C______ et M. B______ en avaient chacun profité lors d’acquisition du bien en 2022/2023. La taxation était intervenue dans le respect de l’art. 4 du règlement d'application de l'art. 8A de la loi sur les droits d'enregistrement du 1er mars 2004 (RDE - D 3 30.03). L'acquéreuse ne saurait obtenir, pour sa part correspondant à la moitié du bien immobilier, la réduction des droits d'enregistrement correspondant à une part supérieure à cette moitié de l'immeuble. C'était à tort que le recourant défendait le principe selon lequel plusieurs acquéreurs pouvaient bénéficier du rabais maximum sur chacun des quotes-parts acquises d'un immeuble et ainsi de bénéficier d'allègements fiscaux multiples.

9.             Par réplique du 22 octobre 2024, le recourant a maintenu que l’état de fait de la présente cause différait de celui ressortant de la jurisprudence citée par l’autorité intimée. En effet, l’acquisition effectuée par Mme F______ en 2024 constituait son premier achat d’une part de copropriété de la villa en question. Ainsi, aucune raison ne s’opposait à ce qu’elle bénéficie de la pleine réduction « Casatax », ce d'autant que ni Mme C______ ni M. B______ n'avaient bénéficié de la réduction « Casatax » à l'époque de l'achat susmentionné. 

10.         Dans sa duplique du 22 novembre 2024, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 179 al. 1 et 2 LDE).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 63 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), étant précisé que la notaire, débiteur des droits, dispose de la qualité pour recourir (art. 161 al. 1
let. a LDE).

3.             Le notaire estime que c’est à tort que l’AFC-GE a diminué de moitié la réduction « Casatax » octroyée dans le bordereau du 17 mai 2024. Il prétend à une déduction entière.

4.             À teneur de l’art. 8A al. 1 LDE, en cas de transfert qui a pour objet la propriété d’un immeuble destiné à servir de résidence principale à l’acquéreur, les droits d’enregistrement sur l’acte de vente sont réduits de CHF 15'000.- pour les opérations n’excédant pas CHF 1 million. Ces montants sont indexés annuellement à l’indice genevois de la construction.

L’art. 1 al. 6 RDE règle l’indexation prévue par l’art. 8A LDE. Pour l’année 2024, la réduction du droit de vente se monte à CHF 20'399.-.

Lorsque l'immeuble est acquis par plusieurs personnes, en copropriété ou en propriété commune, la réduction des droits d'enregistrement fait l'objet d'une répartition en fonction des quotes-parts des copropriétaires ou des communistes (art. 4 RDE).

5.             À teneur de l’art. 163 al. 1 LDE, les droits afférents à tous actes et opérations comportant translation de la propriété, de la nue-propriété ou de l’exercice de l’usufruit de biens meubles ou immeubles sont supportés par les nouveaux propriétaires ou titulaires. Les droits afférents à une soulte dans les actes d’échange sont à la charge du débiteur de celle-ci.

6.             L’AFC-GE fonde sa décision sur la DCCR/1652/2010 du 15 novembre 2010, en force.

Dans cette affaire, un couple avait acquis en 2007 et en copropriété, deux appartements sis sur la commune du Grand-Lancy, le prix total incluant un contrat d’entreprise. Les conjoints avaient obtenu le bénéfice de la réduction « Casatax ». En 2009, le mari avait vendu sa part à son épouse. En taxant cette seconde opération l’AFC-GE, n’avait accordé que la moitié de ce rabais.

Saisie par le notaire sur ce point, la CCRA a confirmé la taxation incriminée. Elle a retenu que la réduction des droits d’enregistrement ne pouvait concerner qu’un seul logement à la fois par propriétaire. Il n’était en l’occurrence pas contesté que l’épouse avait toujours habité les appartements bâtis sur la parcelle en question. En 2009, elle n’avait pas acquis le logement du Grand-Lancy, mais uniquement la part de copropriété de son mari. Elle avait en réalité déjà bénéficié d’une partie de la réduction « Casatax », ensuite de la vente de 2007. En effet, en application de l’article 4 RDE, le montant de la réduction obtenue s’était réparti par moitié entre chacun des deux conjoints. Pour le même logement, elle ne saurait obtenir deux fois la réduction des droits d’enregistrement et ne pouvait revendiquer que la moitié de celle-ci.

7.             Le but de l’art. 8A LDE, conformément aux travaux préparatoires, est de faciliter l'acquisition de la propriété de son propre logement par l'allégement des droits d'enregistrement (MGC 2001-2002/VI A 1725, 1732 ; DCCR/195/2009 du 9 mars 2009). L’initiative populaire – retirée – ainsi que le contre-projet, accepté, ayant conduit à l’adoption de l’article 8A LDE visaient à enrayer les effets dissuasifs que pouvaient produire la LDE sur l’accès à la propriété et tentaient, en abaissant les droits d’enregistrement sur certaines transactions immobilières, de rendre la législation genevoise plus ouverte à la propriété de son logement (Gregor T. CHATTON, Quelques réflexions au sujet du nouvel article 8A de la loi genevoise sur les droits d’enregistrement et de sa constitutionnalité in RDAF 2005 II 1, 9).

8.             En l’espèce, l’autorité intimée ne peut être suivie.

Elle fonde son refus sur la DCCR/1652/2010 susmentionnée. Cependant, comme le relève à juste titre le recourant, l’état de fait visé par cette décision diffère de la présente cause. Contrairement au litige soumis à la CCRA, celui porté devant le tribunal ne concerne pas la situation d’un copropriétaire acquérant la part d’un autre copropriétaire. En effet, Mme F______ n’était pas copropriétaire de la parcelle n° 1______ avant la vente du 16 mai 2024.

Refuser à la prénommée la réduction « Casatax » entière contreviendrait au but de l’art. 8A LDE, qui consiste à faciliter l'acquisition de son propre logement par l'allégement des droits d’enregistrement. En outre, l’art. 4 RDE – qui justifie une répartition des droits d’enregistrement en fonction des quotes-parts – ne s’applique pas en l’espèce, étant donné que Mme C______ n’a vendu sa part qu’à une seule personne, en l’occurrence à Mme F______ et non à des copropriétaires ou à des propriétaires en main commune.

Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et le dossier, renvoyé à
l’AFC-GE pour nouvelle taxation octroyant à Mme F______ une réduction « Casatax » complète.

9.             En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui obtient gain de cause, est dispensée du paiement d’un émolument. L’avance de frais de CHF 700.-, versée à la suite du dépôt du recours, lui sera restituée.

10.         Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 août 2024 par Maître A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 31 juillet 2024 ;

2.             l’admet au sens des considérants ;

3.             dit qu’il n’est pas perçu d’émolument et ordonne la restitution au recourant de son avance de frais de CHF 700.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Laurence DEMATRAZ et Giedre LIDEIKYTE HUBER, juges assesseures.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier