Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2518/2024

JTAPI/53/2025 du 20.01.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : RETARD;RESTITUTION DU DÉLAI;EMPÊCHEMENT NON FAUTIF
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2518/2024 ICCIFD

JTAPI/53/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 janvier 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______ n’ayant pas déposé sa déclaration fiscale 2022 dans le délai, par rappels des 24 avril et 22 mai 2023, l’administration fiscale cantonale
(ci-après : AFC-GE) l’a invité à le faire, attirant son attention sur le fait que, à défaut, il s’exposerait à une taxation d’office et une amende.

2.             Le contribuable n’ayant donné aucune suite à ces rappels, l'AFC-GE l’a taxé d’office, par bordereaux du 6 décembre 2023.

3.             Par courrier du 5 juin 2024, le contribuable a expliqué à l'AFC-GE n’avoir pas pu former une réclamation dans le délai légal en raison de problèmes judiciaires qu’il avait eus avec son ex-épouse. De plus, étant l’associé-gérant d'une société, il ne pouvait déposer sa déclaration fiscale 2022 tant que les comptes de cette dernière n'étaient pas établis. Il sollicitait un délai jusqu'en septembre 2024 pour transmettre cette déclaration.

4.             Par décisions du 25 juin 2024, considérant ce courrier comme une réclamation, l'AFC-GE l’a déclarée irrecevable, au motif qu’elle ne répondait pas aux exigences « des moyens de preuve » en matière de taxation d’office.

5.             Par acte du 29 juillet 2024, M. A______ a recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à leur annulation.

Le retard de sa réclamation était dû aux procédures judiciaires qu’il avait dû engager contre son ex-épouse et à la pandémie de COVID-19, laquelle avait eu des conséquences désastreuses sur la gestion des affaires administratives de la société dont il était l’associé-gérant.

Il a produit un certificat de salaire 2022 indiquant un salaire inférieur à celui taxé d’office et sollicité un délai pour compléter son recours et déposer sa déclaration fiscale 2022.

6.             Par courrier du 6 août 2024, le tribunal a imparti au recourant un délai au 21 août suivant pour compléter son recours.

7.             Par courrier du 21 août 2024, le recourant a transmis au tribunal une copie de la « demande de reconsidération » qu’il avait adressée le même jour à l'AFC-GE. Il a sollicité la suspension de la présente procédure jusqu’à droit connu sur cette demande.

8.             Le 4 septembre 2024, l'AFC-GE s’est opposée à la suspension de la procédure, au motif que les taxations querellées n’étaient pas entrées en force et qu’en conséquence, le demande de reconsidération déposée auprès d’elle était « prématurée ».

9.             Par décision incidente du 9 septembre 2024 (DITAI/461/2024), le tribunal a refusé la suspension de l’instruction du recours. Cette décision, non contestée, est entrée en force.

10.         Dans sa réponse du 12 septembre 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours, au motif de la tardiveté de la réclamation, d’une part, et de l’absence de preuves démontrant le caractère manifestement inexact des taxations d’office, d’autre part.

Par ailleurs, les conditions d’une révision de ces taxations n’étaient pas données.

11.         Invité par le tribunal à répliquer, le recourant n’a pas donné suite.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             En invoquant les motifs tendant à une restitution du délai de réclamation, le recourant admet la tardiveté de sa réclamation du 5 juin 2024. Il demande que les taxations d’office du 6 décembre 2023 soient néanmoins examinées au fond.

4.             Or, en matière de décision d’irrecevabilité, seule cette question peut faire l’objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l’autorité de recours doit d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) sont ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (cf. ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2).

Il en résulte que les griefs du recourant relatifs au bien-fondé des taxations d’office précitées sont irrecevables.

5.             Aux termes des art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les trente jours qui suivent sa notification.

Les art. 132 al. 3 LIFD et 39 al. 2 LPFisc précisent que le contribuable qui a été taxé d'office peut déposer une réclamation contre cette taxation uniquement pour le motif qu'elle est manifestement inexacte, cette réclamation devant être motivée et indiquer, le cas échéant, les moyens de preuve. L'obligation de motiver la réclamation contre une taxation d'office est une exigence formelle dont le non-respect entraîne l'irrecevabilité (ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_509/2015 du 2 février 2016 consid. 6.1 et les références citées).

6.             Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d'être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n'est par le législateur lui-même. Ainsi, celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos (cf. ATA/286/2020 du 10 mars 2020).

Les règles relatives à ce type de délais nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d'égalité de traitement et d'intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est en principe pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (cf. not. ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; ATA/286/2020 du 10 mars 2020).

7.             Selon les art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, une réclamation tardive n'est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu'il l'a déposé dans les 30 jours après la fin de l'empêchement.

8.             Selon la jurisprudence, les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable et son éventuel représentant n'ont pas respecté le délai légal en raison d'un empêchement imprévisible, dont la survenance ne leur est pas imputable à faute (arrêts du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2 et les références citées ; 2C_737/2018 du 20 juin 2019 consid. 4.1 non publié aux ATF 145 II 201). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).

A titre d’exemple, la maladie ou l'accident peuvent être considérés comme un empêchement non fautif et, par conséquent, permettre une restitution d'un délai, s'ils mettent la partie recourante ou son représentant légal objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par soi-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêt du Tribunal fédéral 2C_287/2022 du 4 mai 2022 consid. 5.1). Même une incapacité de travail totale n'exclut pas une simple activité administrative tendant à confier à un mandataire externe la défense de ses intérêts (arrêt du Tribunal fédéral 2F_33/2020 du 22 décembre 2020 consid. 4 et les réf.).

Par ailleurs, un surcroît de travail ou une inattention ne constituent pas des motifs de restitution du délai (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, n° 13, p. 1736).

9.             La restitution du délai est subordonnée à une requête motivée, qui doit être déposée - avec la réclamation - dans les trente jours suivant la fin de l'empêchement. Si, par exemple, le contribuable invoque une maladie (par ex. une dépression), il doit démontrer, par des moyens de preuve pertinents, tant sa réalité que le fait qu'elle l'a concrètement empêché de déposer sa réclamation en temps utile (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_716/2010 du 25 janvier 2011 consid. 2).

Enfin, en l’absence d’explications suffisamment précises et de justificatifs fournis dans le cadre de la réclamation, concernant la pandémie de COVID-19, il n’y a lieu de retenir ni motif sérieux ni de cas de force majeure, au sens de la loi, justifiant une restitution de délai (cf. JTAPI/439/2023 du 24 avril 2023 consid. 10 ;  JTAPI/1360/2022 du 12 décembre 2022 consid. 14).

10.         En l’espèce, le recourant allègue l’existence des difficultés administratives et d’organisation, provoquées notamment par la pandémie du COVID-19, qui l’auraient empêché de déposer sa réclamation en temps utile, mais ne les documente pas. En tout état, de telles circonstances ne constituent pas en soi un empêchement justifiant une restitution du délai de réclamation. En effet, même si elles étaient prouvées, le recourant n’a pas démontré, ni même allégué, qu’il se serait trouvé de ce fait empêché de faire appel à un tiers pour s’occuper de ses affaires fiscales. On ne voit en outre pas en quoi la pandémie du COVID-19 aurait été de nature à l'empêcher de mandater un représentant.

Il en va de même des autres motifs qu’il invoque. En effet, s’il a été en mesure d’engager diverses procédures judiciaires à l’encontre de son ex-épouse, il devait alors l’être également pour la procédure de réclamation auprès de l'AFC-GE. En tout état, l’on ne perçoit pas en quoi ces procédures judiciaires l’auraient empêché de mandater un tiers pour gérer ses affaires fiscales. Les difficultés à réunir les justificatifs n’empêchaient par ailleurs en rien le dépôt de son acte de réclamation en temps utile, tout en demandant à l'AFC-GE un délai supplémentaire pour fournir les preuves nécessaires. Dès lors, le délai de réclamation ne saurait être restitué pour ce motif, qui ne concerne pas le délai de réclamation en tant que tel.

Dans ses conditions, une restitution du délai de réclamation est exclue.

11.         Pour le surplus, et tant que de besoin, force est de constater, avec l'autorité intimée, que les conditions d'entrée en matière sur une reconsidération des taxations litigieuses ne sont manifestement pas remplies en l'espèce.

En effet, à teneur des art. 147 LIFD et 55 LPFisc, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé (par quoi il faut entendre reconsidéré, le terme de révision étant en effet destiné au réexamen des décisions judiciaires ; cf. ATA/920/2019 du 21 mai 2019 consid. 2d et la référence citée) en faveur du contribuable, à sa demande ou d'office : lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a) ; lorsque l'autorité qui a statué n'a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu'elle connaissait ou devait connaître ou qu'elle a violé de quelque autre manière l'une des règles essentielles de la procédure (let. b) ; lorsqu'un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).

La révision est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu'il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 147 al. 2 LIFD ;
art. 55 al. 2 LPFisc). En d'autres termes, même en présence d'un motif de révision, si le contribuable ou son représentant omet, de manière négligente, de faire valoir celui-ci dans la procédure ordinaire, la révision n'est pas possible, la jurisprudence se montrant stricte à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Le seul facteur décisif est ainsi celui de savoir si le contribuable aurait déjà pu présenter ses motifs dans la procédure ordinaire, le but de la procédure extraordinaire et subsidiaire de révision n'étant pas de réparer les omissions évitables du contribuable commises au cours de la procédure ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 consid. 5.3 et les références citées). Il appartient en effet à ce dernier de contrôler la décision de taxation lorsqu'il la reçoit et de signaler en temps utile les vices dont elle serait affectée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_491/2015 du 9 août 2016 consid. 6.3 et les arrêts cités).

12.         En l'occurrence, le recourant ne se prévaut pas d'un fait ou d'un moyen de preuve nouveau susceptibles de lui conférer un droit à ce qu'il soit entré en matière sur une éventuelle reconsidération des taxations en cause. Le vice matériel dont ils se prévaut, à savoir l’inexactitude des taxations d’office, relève de l'application du droit et ne constitue donc pas un motif de reconsidération obligatoire. Qu'il l’ait découvert tardivement est sans portée, dès lors qu'en faisant preuve de la diligence raisonnablement exigible de sa part, il aurait aisément pu le déceler à temps, en s'adressant, par exemple, à un conseil. Il apparaît ainsi que les arguments et explications qu'il avance aujourd'hui auraient pu et dû être invoqués au cours de la procédure ordinaire, au moyen d'une réclamation déposée en temps utile, ce qu'il n'a pas fait. Il en résulte que si l'AFC-GE avait perçu sa requête du 5 juin 2024 comme une demande de reconsidération, elle n'aurait pas été dans l'obligation d'entrer en matière à son égard.

13.         Compte tenu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

14.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 29 juillet 2024 par Monsieur A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 25 juin 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Laurence DEMATRAZ et Giedre LIDEIKYTE HUBER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier