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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3981/2024

JTAPI/1198/2024 du 06.12.2024 ( LVD ) , REJETE

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE
Normes : LVD.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3981/2024 LVD

JTAPI/1198/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 6 décembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Ninon PULVER, avocate, avec élection de domicile

contre

Madame B______, représentée par Me Andreia RIBEIRO, avocate, avec élection de domicile

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 25 novembre 2024, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de onze jours à l'encontre de Monsieur A______, lui interdisant de s'approcher et de contacter Madame B______ et de pénétrer à son adresse privée, située ______[GE].

2.             Selon cette décision, M. A______ était présumé avoir saisi les bras de Mme A______ en date des 24 et 25 novembre 2024.

3.             Selon rapport de renseignements rédigé par la police le 25 novembre 2024, une intervention avait eu lieu au domicile des époux suite à des cris poussés par une femme. Sur place, Mme B______ avait expliqué s'être disputée avec son conjoint, M. A______, dans la nuit et au matin du 25 novembre 2024. M. A______ était alors absent du domicile, car il était allé amener les filles du couple à l'école.

4.             Entendue dans la journée au poste de police, Mme B______ a expliqué qu'elle avait rencontré son futur mari en 2015 via Internet. Elle lui avait rendu visite en Suisse quelques jours, puis était retournée au Brésil, où il était lui-même venu lui rendre visite à quelques reprises. Elle était tombée enceinte de ses œuvres en 2018. Elle était déjà partie vivre dans un foyer à deux reprises, durant quatre mois, puis durant neuf mois, suite à des conflits apparus à partir de 2023. Elle avait voulu trouver un appartement, mais il lui avait demandé de revenir vivre avec lui. Elle avait fait une dépression pour laquelle elle était actuellement en traitement. Durant la nuit du 24 au 25 novembre 2024, vers une heure du matin, elle avait vu sur le deuxième téléphone de son mari qu'il parlait à d'autres femmes et à des transsexuels. Elle était allée le réveiller et une dispute avait commencé. Il s'était levé et avait quitté la maison. Il était revenu 30 minutes plus tard se coucher dans le lit, comme si de rien n'était. Les filles dormaient durant cette dispute et n'avaient pas été réveillées. Au matin, après avoir préparé les filles pour aller à l'école, elle était allée chercher son mari dans le lit, car c'était lui qui voulait les conduire. Il avait commencé par dire qu'il espérait que tout était prêt et qu'il ne manquait rien. Elle avait souri et ils avaient commencé à se disputer. Il l'avait saisie par les bras et elle l'avait griffé au visage afin qu'il la lâche. Elle avait tout de suite appelé sa fille Sophia pour qu'elle voit ce qui lui faisait. Elle admettait avoir déjà griffé son époux et lui avoir donné des coups de poing dans le dos pour se défendre. Elle souhaitait que son mari soit éloigné, le temps qu'il trouve un appartement.

5.             Également entendu au poste de police, M. A______ a expliqué que son épouse et lui étaient actuellement en conflit et qu'ils allaient se séparer. Son épouse avait déposé une demande de séparation un mois plus tôt. Il y avait déjà eu une séparation durant neuf mois à partir de mai 2023 et son épouse était revenue au domicile conjugal en mars 2024. Ils se disputaient régulièrement. Il s'occupait principalement des enfants, l'aînée étant la fille d'une première union de son épouse. Mme B______ avait des problèmes psychiatriques. Elle consultait régulièrement et prenait des médicaments, mais il n'y avait pas d'évolution positive. La nuit du 24 au 25 novembre 2024, son épouse l'avait réveillé vers minuit en l'agressant au sujet d'une publication sur un réseau social. Elle avait fait une crise parce qu'il avait ajouté une personne dans ses contacts. Elle s'était montrée agressive et l'avait insulté, puis avait crié par la fenêtre « concierge de merde ». Elle l'avait frappé à coups de poings dans le dos. Il avait réagi en lui saisissant les mains afin de l'empêcher de continuer à le frapper. Il lui avait dit qu'il allait la lâcher si elle arrêtait de le frapper. Il l'avait alors lâchée et elle avait continué à crier en l'insultant. Comme il avait compris que sa fille aînée ne dormait pas, il était allé la voir dans sa chambre et lui avait expliqué qu'il allait sortir pour calmer la situation. L'enfant lui avait répondu qu'elle avait entendu sa maman crier et qu'elle était folle. Il était ensuite sorti durant une heure. Lorsqu'il était rentré, tout le monde dormait et il était également allé se coucher. Au matin, avant d'emmener ses filles à l'école, il avait demandé à sa femme si elle avait préparé le goûter. Elle avait répondu que non et il avait alors répondu que si c'était comme ça, elle emmènerait elle-même les filles à l'école. Il s'en était suivi une dispute durant laquelle son épouse l'avait insulté. Alors qu'il allait vers elle, elle l'avait giflé. Elle avait appelé sa fille aînée dans l'espoir qu'il lui rende un coup et que l'enfant puisse en être témoin. Il tenait les bras de sa femme pour l'empêcher de continuer à le frapper. Elle lui avait demandé de la lâcher, ce qu'il avait fait. Elle en avait profité pour le frapper à nouveau et le griffer au visage. Il portait une grosse marque sur la pommette gauche. Par la suite, il s'était simplement éloigné pour aller préparer un goûter et partir avec les filles. Il n'avait pas frappé son épouse et lui avait simplement saisi les bras. En revanche, elle l'avait saisi par les cheveux pour les tirer et il en avait fait de même. Depuis l'été précédent, la situation était devenue compliquée et ils s'étaient disputés plus souvent. Cela devenait hebdomadaire depuis qu'ils avaient pris la décision de se séparer.

6.             Par courrier du 29 novembre 2024 reçu par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 2 décembre 2024, M. A______ a fait opposition sous la plume de son conseil à la mesure d'éloignement, précisant qu'il s'opposait également à toute prolongation de cette mesure, principalement parce qu'il était concierge de l'immeuble et que l'appartement conjugal était lié à son contrat de travail. Il devait donc impérativement pouvoir rester sur place pour exercer son emploi.

7.             A l'audience du 6 décembre 2024, sur question du tribunal de savoir la manière dont son union conjugale avait évolué et s'il y avait eu précédemment des formes de violences physiques ou psychiques, Mme B______ a déclaré avoir fait une dépression post-partum suite à son accouchement en 2018. Elle avait été amenée à quitter le domicile conjugal durant neuf mois en mai 2023, car son couple ne pouvait plus fonctionner. Ils avaient de fréquentes disputes. De son point de vue, ce qui n'allait principalement pas, c'était d'une part le fait qu’elle se sentait très isolée et d'autre part le fait que son mari entretenait des liens avec d'autres femmes, ce qui la mettait très en colère. S'agissant de son isolement, son mari avait exprimé le fait qu'il ne souhaitait pas qu’elle travaille avant que leur fille ait atteint l'âge de quatre ans. De plus, il ne parlait avec elle qu'en portugais, et ne souhaitait pas non plus qu’elle s'inscrive à des cours pour apprendre le français et tenter de s'intégrer un peu plus. Un peu avant son départ en 2023, la situation s'était nettement aggravée et elle subissait des attaques verbales de la part du beau-père de son mari qui la traitait par exemple de macaque et lui disait qu'il fallait qu’elle rentre au Brésil. Son mari avait lui aussi commencé à lui parler très mal. Plus généralement, lors de leurs disputes, il n'était pas possible d'avoir un vrai échange avec lui, car il refusait d'entendre quoi que ce soit. Durant son séjour de neuf mois en foyer, elle avait pu faire connaissance avec d'autres personnes et trouver un stage. Cela lui avait fait du bien. Son mari lui avait ensuite demandé de revenir à la maison en lui disant qu'il l'aimait et qu'il avait changé. Comme elle avait encore des sentiments pour lui, elle avait accepté de revenir à la maison, mais en réalité elle s’était rendue compte que rien n'avait changé. Elle avait proposé d’entamer une thérapie conjugale, mais au bout de trois séances, il n’avait plus voulu s'y rendre. Elle aurait pu prendre un appartement à l'époque où elle était en foyer, mais il s'y était opposé en disant qu'à partir de là, ils n'arriveraient plus à revivre ensemble. Actuellement, elle était en thérapie auprès d'une psychologue qu’elle voyait une fois par semaine, ainsi qu'auprès d'un psychiatre qu’elle voyait de manière plus espacée. Elle était en dépression et prenait des médicaments.

M. A______ a expliqué que lorsqu’il avait rencontré son épouse, il pensait qu'elle était déjà sous Rivotril. Il était que vrai que pendant sa grossesse en 2018, il avait eu des contacts sur Internet avec d'autres femmes, ce qui n'était sans doute pas approprié. Ils avaient eu ensuite des disputes régulières durant lesquelles il arrivait que son épouse s'en prenne verbalement à la mémoire de sa mère. Elle savait que c’était un sujet difficile pour lui car elle était décédée lorsqu’il avait 14 ans. Du coup, lorsqu'elle insultait sa mémoire, en faisant des allusions au fait qu'elle serait décédée durant des actes sexuels avec des hommes, cela lui était très pénible.

Sur ces paroles, M. A______ a exprimé son émotion.

Durant leur séparation de neuf mois, elle avait vu d'autres hommes et il avait vu d'autres femmes et pour lui c'était légitime des deux côtés, vu la situation, tandis que pour elle, c’était une chose qu'elle n’était pas parvenue à dépasser après coup. Il tenait à préciser qu’il n’avait pas décidé tout seul d'arrêter la thérapie conjugale, mais que c’était une décision qu’ils avaient prise ensemble. Leurs séances les amenaient à chaque fois à revenir sur des éléments du passé et le thérapeute disait qu'il fallait qu’ils se concentrent sur l'avenir, sans quoi ils ne parviendraient pas à avancer. Il tenait à insister sur le fait qu’il n’avait jamais été violent physiquement à l'égard de sa femme et qu’il se contentait de la maîtriser lorsqu'elle se montrait violente de son côté. Il lui était arrivé de lui tirer les cheveux lorsqu'elle en faisait de même, mais sans plus.

Sur question du tribunal de savoir comment était organisé leur couple sur le plan financier, étant donné qu’elle ne travaillait pas et n'avait pas de revenu, Mme B______ a expliqué que son mari lui avait donné CHF 200.- par mois à partir du moment où leurs deux enfants avaient eu droit aux allocations familiales. Elle ne manquait de rien. Cet argent était destiné à lui permettre de se faire des petits plaisirs, par exemple comme d'aller boire un café avec quelqu'un, mais elle a expliqué qu’elle gardait cet argent pour pouvoir faire des cadeaux à Noël à sa famille, à son mari et à leurs enfants.

Sur ces paroles, Mme B______ a exprimé son émotion.

Cependant, durant les sept années de leur union, c'est toujours lui qui lui avait acheté ses habits et les habits de leurs enfants, de même que c’était lui qui se chargeait d'aller au marché en lui demandant de quoi elle avait besoin pour faire la cuisine. Lorsqu’elle était revenue à la maison en mars 2024, elle avait pris du poids à cause des antidépresseurs et il lui fallait quelques nouveaux habits. Son mari lui avait donné CHF 200.- avec lesquels elle avait pu s'acheter un ou deux pantalons et chemisiers, mais plus tard, il lui avait dit qu'il ne lui donnerait plus rien.

Sur interpellation du tribunal concernant ce que son épouse venait d'expliquer, M. A______ a déclaré qu'il n’avait dans l'ensemble rien à ajouter, sinon que lorsqu'elle était revenue à la maison en mars 2024 et qu’il lui avait donné CHF 200.- pour qu'elle s'achète de nouveaux habits, elle avait dans un premier temps refusé et c’était lui qui avait dû insister en lui disant qu’il n'avait pas toujours cet argent à disposition. Il était vrai également que lorsque leurs disputes étaient devenues plus aigües ces derniers temps, il avait finalement refusé de lui donner de l'argent, car il ne voyait pas pourquoi il aurait fait ce geste alors que de son côté elle l'insultait. Il tenait quand même à souligner que ni sa femme ni ses enfants n’avaient jamais manqué de rien.

Le conseil de Mme B______ a expliqué qu’il résultait des démarches que sa mandante avait déjà faites et des réponses qu'elle avait obtenues de l'Hospice Général, que cette institution n'entrait pas en matière pour lui verser une aide et cas échéant lui attribuer un logement tant que les deux époux faisaient ménage commun. Leur séparation physique était ainsi un préalable à une intervention de l'Hospice Général. Cela étant, sa mandante ne pouvait aujourd'hui plus envisager un retour en foyer sans ses filles. Il faudrait donc que quelque chose puisse se débloquer lors d'une discussion entre les époux.

Le conseil de M. A______ a expliqué en avoir également parlé avec son mandant, qui avait pour principale préoccupation de pouvoir poursuivre son emploi de concierge, et qui, du fait de cette situation, pouvait être informé de la disponibilité de logements avec un peu plus de facilité. Son mandant avait eu la veille un contact avec une intervenante en C______ (C______), qui interviendrait durant une durée d'un mois sur décision du SPMi.

Le conseil de Me A______ a plaidé et conclu à l'annulation de la mesure d'éloignement.

Le conseil de Mme B______ a plaidé et s'en est rapporté à justice.

La représentante du commissaire de police a plaidé et conclu au rejet de l'opposition.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition est recevable au sens de l'art. 11 al. 1 LVD.

3.             La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

4.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

5.             En l'espèce, les époux convergents sur le fait que leur couple a traversé une période marquée par de nombreuses disputes depuis le retour de Mme A______ au domicile conjugal en mars 2024, disputes qui les ont régulièrement conduits à des gestes d'agression physique réciproques. Auparavant, le groupe connaissait déjà des difficultés depuis quelques années, ce qui a conduit Mme B______ à quitter le domicile conjugal en mai 2023 et à s'établir durant neuf mois dans un foyer d'accueil temporaire.

Les éléments du dossier, ainsi que ceux qui ressortent de l'audience tenue ce jour par le tribunal ne mettent pas en évidence le fait que, lors des disputes du couple, M. A______ s'en serait pris physiquement à son épouse. Il semblerait au contraire que la violence physique ait plutôt été initiée, lors de ces disputes, par Mme A______.

Dans le cadre de la présente procédure, il convient cependant de ne pas s'en tenir à cette première approche, car il importe avant tout de déterminer si la mesure litigieuse est nécessaire pour prévenir de nouveaux actes de violence, et donc de se poser surtout la question de savoir si la personne éloignée, à savoir en l'occurrence M. A______, est la plus susceptible d'être l'instigatrice de nouvelles violences.

Si les procès-verbaux d'audition des deux époux à la police, le 25 novembre 2024, donnent relativement peu d'indications à ce sujet, il est toutefois apparu, durant l'audience de ce jour, que Mme A______ s'est vraisemblablement retrouvée dans une situation de grande dépendance à l'égard de son époux, ne parlant pas français et ne disposant d'aucune source de revenus propre, dans la mesure où son époux s'opposait à ce qu'elle prenne un emploi avant que leur fille ait atteint un certain âge. Il faut souligner que, de manière frappante, M. A______ ne s'est pas spontanément prononcé sur les allégations de son épouse à ce sujet, préférant revenir sur le détail des événements qui s'étaient déroulés les 24 et 25 novembre 2024. De même, il n'a pas contesté non plus les explications que son épouse a données durant la suite de l'audience, sur le fait que c'était lui qui, durant plusieurs années, se chargeait de lui acheter ses habits et d'acheter les habits de ses enfants, ou encore se chargeait d'acheter au marché les produits dont son épouse avait besoin pour faire la cuisine. M. A______ a même confirmé le fait qu'il avait finalement décidé de ne plus donner d'argent du tout à son épouse durant la période la plus récente, étant donné qu'elle l'insultait. Ces divers éléments évoquent la forte probabilité d'une violence économique exercée dans le couple par M. A______ à l'encontre de son épouse (https://www.violencequefaire.ch/la-violence-economique/ ; consulté le 6 décembre 2024), étant précisé que le temps d'audience que le tribunal a pu consacrer à la présente procédure n'a vraisemblablement permis de mettre à jour qu'une partie des aspects de cette violence ou d'une éventuelle violence psychologique dont Mme A______ semble elle-même n'avoir pas réellement pris conscience (ainsi lorsqu'elle évoque incidemment le fait que son beau-père la traitait de « macaque » et que son mari reprenait ce genre de violence en « lui parlant très mal »).

A ces divers éléments s'ajoute encore le passif du couple concernant l'attitude de M. A______ à l'égard des autres femmes, le précité ayant également admis les contacts qu'il avait eus avec d'autres femmes durant la grossesse de son épouse et/ou sa période de dépression post-partum. Manifestement, cette problématique reste d'actualité, au moins sous la forme des soupçons que son épouse continue à nourrir, comme cela ressort des explications qu'elle a données à la police le 25 novembre 2024 sur les raisons de la dispute survenue durant la nuit précédente.

6.             Au vu de ce qui précède, il apparaît que M. A______ porte une responsabilité importante dans la survenance des moments de crise au sein du couple. En prononçant son éloignement du domicile conjugal, le commissaire de police a ainsi prononcé une mesure propre à prévenir de nouvelles violences et adaptée à la situation.

7.             Par conséquent, l'opposition sera rejetée et la mesure d'éloignement confirmée dans son principe et sa durée.

8.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

9.             Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 29 novembre 2024 par Monsieur A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 25 novembre 2024 pour une durée de onze jours, soit jusqu'au 6 décembre 2024 à 17h00 ;

2.             la rejette ;

3.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière