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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3763/2021

JTAPI/1157/2024 du 25.11.2024 ( ICCIFD ) , ADMIS PARTIELLEMENT

ATTAQUE

Descripteurs : DUCROIRE;PERTE(ARGENT);DETTE;DOUBLE IMPOSITION;BÉNÉFICE
Normes : LIFD.27.al2.letb; LHID.10.al1.letc; Cst.127.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3763/2021 ICCIFD

JTAPI/1157/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 novembre 2024

 

dans la cause

 

Messieurs A______ et B______, représentés par Me Antoine BERTHOUD, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2016 de Messieurs A______ et B______, alors liés par un partenariat enregistré.

2.             Durant l’année en cause, M. A______ exerçait la profession d’avocat au Barreau de Genève sous la forme d’une entreprise individuelle. Dans sa déclaration fiscale 2016, il a indiqué que sa comptabilité était tenue selon la méthode de l’encaissements – décaissements. Son compte de résultat faisait état d’un montant de CHF 300'490.-, déduit des produits d’exploitation et libellé « ajustements débiteurs / pertes sur clients ». 

3.             Donnant suite à une demande de renseignements de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC‑GE) du 26 mai 2020 en rapport avec le montant susmentionné, M. A______ a expliqué, par pli du 31 août suivant, qu’il y avait eu les années précédentes, un report d’impayés par des clients dont les dettes auraient dû être enregistrées dans le compte de pertes et profits. Il n’existait aucun espoir de recouvrer ses créances à l’encontre de débiteurs insolvables, décédés, incarcérés, ou partis à l’étranger.

4.             Par bordereaux du 18 septembre 2020, l’AFC-GE a taxé les contribuables pour l’année 2016 sans admettre en déduction la somme de CHF 300'490.-.

5.             Le 19 octobre 2020, les contribuables ont élevé réclamation à l’encontre des bordereaux du 18 septembre précédent, contestant le refus de l’AFC-GE d’admettre la charge en question.

6.             Par pli du 12 avril 2021, les précités ont complété leur réclamation en produisant des pièces justificatives. Le comptable de M. A______ avait procédé à un ajustement afin d’assainir sa comptabilité, dans le but que celle-ci reflète la réalité.

7.             Le 29 avril 2021, ils ont encore transmis à l’AFC-GE des extraits du registre des poursuites, qui démontraient, selon eux, l’insolvabilité des débiteurs du précité.

8.             Par décisions du 30 septembre 2021, l’AFC-GE a rejeté la réclamation.

Depuis 2008, M. A______ utilisait la méthode de l’encaissement et décaissement, de sorte qu’il ne pouvait ni comptabiliser des provisions, ni des pertes sur débiteurs, ni non plus d’ajustement débiteurs / pertes sur clients. En conséquence, la perte sur débiteurs de CHF 300'490.- ne pouvait être admise.

9.             Par acte du 1er novembre 2021, les contribuables, sous la plume de leur conseil, ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu’à ce que l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC‑CH) ait statué sur leur requête en fixation de for fiscal pour l’IFD. Principalement, ils ont conclu à l’annulation des décisions du 30 septembre précédent, de la reprise de CHF 300'490.- et à ce que la moitié des éléments imposables soit attribué au canton du Valais, le tout sous suite de dépens.

M. A______ avait annoncé son changement de domicile pour le Valais le 27 janvier 2016 et avait été taxé en IFD par ce canton. Simultanément au recours déposé devant le tribunal de céans, une requête en fixation de for fiscal pour l’IFD avait été déposée devant l’AFC-CH.

Les honoraires déclarés par le précité correspondaient, non seulement aux encaissements, mais également à l’ajout, au moment du bouclement, des factures émises. Seul ce mode de faire expliquait la présence de débiteurs pour des montants substantiels qui s’étaient accumulés au cours des exercices antérieurs. Dans une comptabilité tenue exclusivement sur la base des encaissements, les soldes débiteurs pouvant apparaître étaient des menus frais liés aux dossiers (débours). La motivation des décisions querellées était erronée, puisque la comptabilité des périodes antérieures à 2016 avait été clôturée en tenant compte des factures émises. Pour cette raison, elles devaient être annulées et les reprises, annulées.

Les contribuables disposaient chacun d’un domicile distinct, l’un à Genève et l’autre en Valais. Ce dernier canton avait taxé l’intégralité des éléments imposables, hormis le revenu de l’activité indépendante. Or, en cas de domicile de conjoints ou de partenaires enregistrés dans deux cantons différents, les éléments imposables devaient être répartis par moitié entre eux.

10.         Par décision du 25 novembre 2021 (DITAI/559/2021), le tribunal a suspendu l’instruction de la cause, d’entente entre les parties. La suspension a été prorogée les 7 décembre 2022 (DITAI/545/2022) et 21 avril 2023 (DITAI/174/2023).

11.         Par décision du 24 janvier 2023, l’AFC-CH a attribué au canton de Genève le for fiscal des recourants pour les années 2016 et 2017 concernant l’assujettissement illimité en matière d’IFD.

12.         Par pli du 15 juin 2023, donnant suite à une demande de renseignements de l’autorité intimée du 9 mai précédent, les recourants ont produit un tableau détaillant les créances irrécouvrables. Celles-ci totalisaient CHF 299'006.-, au lieu de CHF 300'490.-, somme ressortant des comptes.

13.         Dans sa réponse du 19 juin 2024, l’AFC-GE a conclu à l’admission partielle du recours.

La conclusion des recourants en lien avec la fixation du for fiscal était devenue sans objet, au vu de la décision de l’AFC-CH du 24 janvier 2023.

S’agissant de la question de la répartition intercantonale, il ne ressortait pas des comptes de M. A______ qu’une partie de son chiffre d’affaires aurait été réalisée en Valais et l’AFC-CH avait laissé ouverte la question de savoir s’il existait un assujettissement limité du précité dans ce canton. Il ne pouvait, dès lors, être procédé à une répartition intercantonale entre Genève et le Valais.

Les comptes produits par les contribuables allaient dans le sens d’une comptabilité tenue selon le principe de la facturation. Dans une démarche pragmatique, l’AFC-GE avait demandé de remplir un tableau indiquant notamment le montant des créances dues. Afin de respecter le principe de périodicité, l’AFC-GE avait admis une déduction de 5 % de la créance si la facture était datée de 2016 ou exigible cette même année, même si aucune démarche n’avait été entreprise. Elle acceptait une déduction de l’intégralité du montant de la créance, si des démarches de recouvrement avaient été entreprises en 2016 pour une facture datée de cette année ou antérieure, mais qui n’était pas prescrite. En revanche, n’était pas acceptée la déduction des créances prescrites en 2016 et celles exigibles antérieurement et pour lesquelles aucune démarche de recouvrement n’avait été entreprise en 2016.

Le montant total de la déduction, se chiffrait à CHF 68'235.-.

14.         Par réplique du 22 juillet 2024, les contribuables ont maintenu leur recours.

Sur un total de CHF 299'006.-, l’autorité intimée avait admis uniquement une perte définitive de CHF 61'618.- et une provision de CHF 6'617.-, sur un total de factures émises en 2016 s’élevant à CHF 132'334.-, écartant ainsi en totalité une perte résiduelle de CHF 105'054.-.

En raison des exigences accrues posées par la jurisprudence (ATF 142 II 307), les créances d’honoraires du recourant, soit au total CHF 105'054.-, étaient devenues définitivement irrécouvrables, ce qui justifiait que bon nombre d’entre elles avaient dû être épurées dans sa comptabilité. Cette perte définitive devait être admise en déduction.

C’était à tort que l’AFC-GE avait limité à 5 % la provision admissible pour les factures émises en 2016 contre les débiteurs réputés insolvables ou partis à l’étranger ou qui, pour d’autres raisons, devaient être considérés comme irrécouvrables. La perte ou la provision de CHF 132'334.- devait être admise en déduction.

S’y ajoutait la perte non contestée de CHF 61'618.-.

Au total, l’intégralité du montant de CHF 299'006.- devait pouvoir être défalqué.

M. A______ avait déployé une activité considérable relatives à des procédures en Valais. Il y disposait de ses propres locaux, qui devaient dès lors être qualifiés d’établissement stable. La solution adoptée par les autorités valaisannes, consistant à taxer dans chaque canton la moitié du revenu de l’activité indépendante du recourant pourrait être retenue, même si M. A______ affirmait avoir accompli plus de la moitié de son activité professionnelle en Valais au cours de l’année 2016.

15.         Dans sa duplique du 12 août 2024, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

Assujettissement illimité

3.             Dans leurs recours, les contribuables soutiennent que chacun d’eux dispose d’un domicile distinct, l’un à Genève et l’autre en Valais, de sorte que leurs éléments imposables devraient être répartis par moitié entre eux.

4.             Les précités ne peuvent être suivis. En effet, par décision du 24 janvier 2023, l’AFC-CH a attribué au canton de Genève leur for fiscal pour l’année 2016 concernant l’assujettissement illimité en matière d’IFD. Cette solution s’applique également pour l’ICC, étant donné qu’il n’existe pas de différence essentielle entre la notion de domicile au sens de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et celle prévue par la LIFD (ASA 65 609, 616).

Il s’ensuit que les recourants sont tous deux assujettis de manière illimitée à Genève, tant pour l’ICC que pour l’IFD. La question de savoir si M. A______ est assujetti de manière limitée en Valais sera examinée plus loin.

Perte sur débiteurs

5.             Les recourants concluent à une déduction de CHF 299'006.- représentant une perte sur débiteurs.

6.             Les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les pertes effectives sur des éléments de la fortune commerciale, à condition qu'elles aient été comptabilisées (art. 27 al. 2 let b LIFD ; art. 10 al. 1 let. c LHID).

7.             Une perte commerciale est certaine lorsque le contribuable démontre qu'il a mis en œuvre les procédures et démarches que l'on peut raisonnablement attendre d'un créancier ou d'un porteur de droit à l'égard de son bien. Elle est définitive lorsque, à vues humaines, il n'apparaît pas possible d'attendre le retour à l'état antérieur, ni de compter sur une appréciation réelle de la valeur du bien en cause. Les pertes sur créances deviennent effectives au moment où l'insolvabilité est constatée officiellement par un acte de défaut de biens. Dans ce cadre, une reconnaissance de dette constitue certes un titre de mainlevée, mais atteste uniquement de l'existence de la créance, non de l'impossibilité de son recouvrement. Par ailleurs, s'agissant des provisions sur débiteurs, le risque de perte doit être évalué au regard de la solvabilité de ces derniers, sur la base des faits passés ou présents, par exemple en fonction des retards intervenus dans les paiements, de l'évolution antérieure de la situation financière, de l'état des poursuites en cours ou de la qualité des éventuelles garanties (ATA/1351/2017 du 3 octobre 2017 consid. 5).

8.             Les créances ne doivent figurer au bilan que pour le montant qui est recouvrable, compte tenu du risque de perte. Ce risque de perte s’apprécie essentiellement au regard de la solvabilité du débiteur. Cette solvabilité sera évaluée sur la base des faits passés ou présents, par exemple en fonction des retards intervenus dans les paiements, de l’évolution antérieure de la situation financière, de l’état des poursuites en cours ou de la qualité des éventuelles garanties. Lorsqu’un risque de perte est constaté, une correction de valeur, c’est-à-dire une provision pour ducroire, doit être enregistrée dans les comptes. D'une manière générale, une provision pour ducroire de 5 % sur les débiteurs suisses et de 10 % sur les débiteurs étrangers est admise d'un point de vue fiscal. Cette provision est admise en pratique, par mesure de simplification et sans autre justification commerciale (Robert DANON in Yves NOËL, Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, 2ème édition, 2017, art. 63, n. 30-31, p. 1241 et les réf.).

9.             À l’instar du revenu imposable et conformément aux principes de l'étanchéité des exercices et de la périodicité de l’impôt, les déductions ne sont admises que lorsqu’elles trouvent leur cause dans des événements ayant lieu durant la période de calcul (ATF 137 II 353 consid. 6.1). En application de ces principes, chaque exercice est considéré comme un tout autonome, sans que le résultat d’un exercice puisse avoir une influence sur les suivants. Le contribuable ne saurait choisir l’année fiscale au cours de laquelle il fait valoir les déductions autorisées. Chaque dépense ou recette doit être attribuée à l’exercice durant lequel est née l’obligation ou la prétention juridique (ATA/534/2018 du 29 mai 2018 consid. 7a).

10.         Dans l’arrêt cité par les contribuables (ATF 142 II 307 traduit in JdT 2017 I 51), le Tribunal fédéral a rappelé les règles applicables en matière de recouvrement des honoraires d’avocat. Celui-ci doit, avant de poursuivre son client, obtenir la levée du secret professionnel par l’autorité de surveillance, sous peine de commettre une violation du secret professionnel au sens de l’art. 321 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

À Genève, les compétences dévolues à l’autorité de surveillance des avocats sont exercées par la commission du barreau (art. 14 de la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 - LPAv - E 6 10).

11.         En l’espèce, afin de déterminer les montants admis en déduction, l’autorité intimée s’est fondée sur le tableau produit par les contribuables en annexe à leur lettre du 15 juin 2023. Celui-ci indique le montant dû, avec et sans frais, la date de la facture, la date d’exigibilité de la créance, les démarches éventuellement entreprises en vue du recouvrement, le montant récupéré, ainsi que l’échéance de la prescription.

12.         Dans sa réponse, l’AFC-GE a admis en déduction la totalité du montant des factures de l’année 2016 ou des années antérieures, si celles-ci n’étaient pas prescrites cette année-là, pour autant que des démarches de recouvrement aient été entreprises, soit au total CHF 61'618.-. Ce poste n’est ainsi plus litigieux.

L’AFC-GE a accepté une déduction de 5 % du montant des créances si leur facture y relative était datée de 2016 ou exigible cette même année et si aucune démarche de recouvrement n’avait été entreprise. La déduction s’élève à CHF 6'618.- (CHF 132'334.- * 5 %). En revanche elle a rejeté toute déduction pour des créances prescrites en 2016, ainsi que pour celles exigibles antérieurement et pour lesquelles aucune démarche de recouvrement n’a été entreprise en 2016.

13.         Les contribuables ne partagent pas le point de vue de l’autorité intimée. Ils demandent la déduction intégrale des honoraires irrécouvrables de M. A______, soit CHF 105'054.-, en se prévalant de la jurisprudence du Tribunal fédéral qui, selon eux, a rendu plus complexe le recouvrement des honoraires d’avocat.

En outre, ils sollicitent la défalcation totale vis-à-vis du montant des créances vis-à-vis d’autres insolvables, en CHF 132'334.- tels la société C______, tombée en faillite. Dans ce dernier cas, le recouvrement apparaissait d’emblée impossible.

14.         L’ATF 142 II 307 n’est d’aucun secours aux recourants. Il apparaît certes, au vu de cette jurisprudence, que le recouvrement des créances d’honoraires d’avocat, en l’occurrence CHF 105'054.-, est soumis à des exigences accrues, à savoir que l’avocat obtienne de la part de la commission du barreau la levée préalable de son secret professionnel. Toutefois, les contribuables ne font pas valoir que ces exigences auraient rendues vaines toutes poursuites à l’encontre des débiteurs de M. A______, ni non plus que la commission du barreau aurait refusé de le délier du secret professionnel à l’encontre de l’un ou de l’autre de ses clients, à l’encontre desquels il souhaitait intenter des poursuites en vue de recouvrer ses honoraires impayés.

En ce qui concerne les factures exigibles en 2016 et envoyées à des débiteurs à l’encontre desquels il n’a entrepris aucune démarche de recouvrement, M. A______ n’a pas démontré que les montants dus par ses débiteurs apparaîtraient impossible à récupérer. Il n’existe dès lors pas de perte qui puisse être qualifiée de certaine ou de définitive. Dès lors, ainsi que l’a retenu l’autorité intimée, seule une provision forfaitaire de 5 % est admissible, étant rappelé que celle-ci est acceptée sans justification commerciale.

S’agissant des factures dues antérieurement 2016, prescrites ou non cette année-là et adressées à des débiteurs à l’encontre desquels il n’a entrepris aucune démarche de recouvrement, M. A______ n’a pas non plus prouvé que les montants exigibles se révéleraient impossible à récupérer. Il n’existe dès lors pas non plus de perte qui puisse être qualifiée de certaine ou de définitive. Cela étant, comme le risque éventuel a pris naissance avant 2016, M. A______ n’est pas fondé à constituer cette année-là une provision forfaitaire concernant ces créances, sauf à violer le principe de périodicité, ainsi que l’a retenu l’AFC-GE.

Il en résulte que le recours doit être admis partiellement en tant qu’il concerne la perte sur débiteurs.

Répartition intercantonale

15.         Les recourants demandent que le bénéfice de l’activité indépendante de M. A______ soit réparti entre les cantons de Genève et du Valais.

16.         La double imposition par les cantons est interdite. La Confédération prend les mesures nécessaires (art. 127 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 – RS 101).

17.         Les personnes physiques qui, au regard du droit fiscal, ne sont ni domiciliées ni en séjour dans le canton sont assujetties à l’impôt à raison du rattachement économique lorsqu’elles y exploitent une entreprise ou un établissement stable, y possèdent des immeubles, en ont la jouissance ou font du commerce immobilier (art. 4 al. 1 LHID).

18.         L’assujettissement à raison du rattachement économique dans un autre canton que celui du domicile s’étend à la période fiscale entière, même s’il est créé, modifié ou supprimé pendant l’année. Dans ce cas, la valeur des éléments de fortune est réduite proportionnellement à la durée du rattachement. Au surplus, le revenu et la fortune sont répartis entre les cantons concernés conformément aux règles du droit fédéral relatives à l’interdiction de la double imposition intercantonale, applicables par analogie (art. 68 al. 2 LHID).

19.         En matière de répartition intercantonale du bénéfice des entreprises, il existe deux méthodes.

Dans le cadre de la méthode directe, le bénéfice total de l’exploitation est réparti entre les établissements stables (y compris le siège) qui présentent un bénéfice selon leur comptabilité séparée, après la répartition d’éventuels domiciles fiscaux spéciaux. Ceci en proportion des bénéfices attestés du siège et de l’établissement stable (quotes-parts). Dans le cas de la méthode indirecte, la répartition du bénéfice d’exploitation global intervient après la répartition d’éventuels domiciles fiscaux spéciaux selon les facteurs auxiliaires entre le siège et tous les établissements stables, donc également ceux qui ont subi une perte (puisque ceux-ci disposent également des facteurs auxiliaires déterminants pour la détermination des quotas). Par rapport aux facteurs auxiliaires (quotes-parts). Ainsi, le siège ou les établissements stables qui ont réalisé un bénéfice reprennent en fin de compte une part de l’établissement stable déficitaire. Cette prise en charge des pertes est définitive (Hannes TEUSCHER, Frank LOBSIGER, in Martin ZWEIFEL, Michael BEUSCH, Daniel DE VRIES REILINGH, Interkantonales Steuerrecht, 2ème édition, 2021, § 31, n. 9-10, p. 325).

Pour les entreprises commerciales, la répartition du bénéfice se fait en règle générale selon la méthode indirecte ; cela n’est toutefois possible que si la méthode directe, à laquelle le Tribunal fédéral a en principe accordé la priorité sur la méthode indirecte, n’aboutit pas à un résultat plus approprié. Le bénéfice est réparti entre les établissements stables (y compris le siège) à l’aide du chiffre d’affaires. Le chiffre d’affaires comprend le bénéfice total, y compris le rendement neutre (p. ex. rendement des titres), mais à l’exclusion du rendement immobilier attribué exclusivement au canton de situation de l’immeuble (Hannes TEUSCHER, Frank LOBSIGER, op. cit. § 31., n. 32-33, p. 330-331).

20.         En l’espèce, les recourants soutiennent que M. A______ dispose d’un établissement stable en Valais où il a conduit de nombreuses procédures en 2016. Il convient donc, selon eux, de répartir par moitié entre les cantons de Genève et du Valais le bénéfice de l’activité indépendante du précité.

Les contribuables ne peuvent être suivis. En effet, ils n’ont produit aucune pièce comptable permettant de déterminer à combien se montent les éventuels éléments imposables d’actifs et de passifs, ainsi que de produits et de charges, qui pourraient être attribués au canton du Valais. Le contrat de bail conclu le 6 octobre 2014 et portant sur un bureau à D______(VS) ne saurait constituer un justificatif suffisant.

Partant, il n’y a pas lieu de procéder à une répartition intercantonale des éléments imposables.

21.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement, dans le sens des considérants qui précèdent.

22.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui obtiennent partiellement gain de cause, sont condamnés au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l’avance de frais de CHF 200.- leur sera restitué.

Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 900.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée aux recourants (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 1er novembre 2021 par Messieurs A______ et B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 30 septembre 2021 ;

2.             l’admet partiellement, dans le sens des considérants ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais de CHF 700.- ;

4.             ordonne la restitution aux recourants du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

5.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser aux recourants une indemnité de procédure de CHF 900.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Laurence DEMATRAZ et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière