Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/966/2024 du 27.09.2024 ( LVD ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 27 septembre 2024
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dans la cause
Monsieur A______
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
Madame B______
1. Par décision du 25 septembre 2024, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de douze jours à l'encontre de Monsieur A______, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Madame B______, située ______[GE], et de contacter ou de s'approcher de celle-ci.
2. Cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et indiquant notamment que M. A______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'association C______, dont les coordonnées étaient mentionnées, afin de convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 ; LVD - F 1 30), était motivée comme suit :
« Description des dernières violences :
En date du 25.09.2024 une dispute a éclaté entre M. A______ et sa femme, Mme B______, au sein de leur domicile, sis ______[GE]. Durant cet épisode de violence, M. A______ s'est emparé d'un couteau et a endommagé des affaires appartenant à Mme B______. Des coups et des injures ont également été échangés entre les partenaires.
Descriptions des violences précédentes :
Le couple explique avoir une relation conflictuelle : A plusieurs reprises, des coups auraient été échangés ainsi que des injures ».
3. M. A______ a immédiatement fait opposition à cette décision devant le commissaire de police. A cette occasion, il a été informé qu’il lui appartenait de se rendre en tout temps atteignable et de contacter téléphoniquement le tribunal dans les 24h suivant son opposition (ou le premier jour ouvrable qui suit un férié) afin d’obtenir la date de son audition auprès de cette juridiction et venir chercher sa convocation.
4. Il résulte en substance du rapport de renseignements établi par la police le 25 septembre 2024 que le jour en question, aux alentours de 11h00, une patrouille de police était intervenue au domicile des intéressés, à la demande du CECAL, pour un conflit de couple durant lequel un coup de couteau avait été porté.
Sur place, ils avaient été mis en présence de Mme B______ et de M. A______. Ce dernier présentait une blessure à l'avant-bras gauche et avait expliqué avoir reçu un coup de couteau de la part de sa femme. De ce fait, il avait été pris en charge par une ambulance et amené aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Quant à Mme B______, elle avait expliqué avoir été menacée par son mari avec un couteau et qu'il se serait lui-même asséné le coup de couteau ayant engendré sa blessure.
5. Les intéressés ont été entendus le 25 septembre 2024. Le contenu de leurs déclarations sera repris, en tant que de besoins, dans la partie en droit.
6. Bien qu'informés téléphoniquement le 26 septembre 2024 et, pour Madame, par courrier simple expédié le même jour, de l’audience du 27 septembre 2024, M. A______ et Mme B______ ne se sont pas présentés.
Lors de cette audience, à laquelle étaient présents une interprète en langue portugaise ainsi que le représentant du commissaire de police, ce dernier a conclu au rejet de l’opposition de M. A______ et à la confirmation de la décision du 25 septembre 2024. Il a versé à la procédure le formulaire de demande d’autorisation de séjour (regroupement familial) déposé le 25 juillet 2024 par M. A______ auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM), lequel mentionnait un numéro de téléphone ainsi qu’une adresse e-mail. Cette demande était en cours d’examen.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).
2. Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition est recevable au sens de l'art. 11 al. 1 LVD.
3. La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
4. La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).
Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).
Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).
Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.
Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de
a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;
b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.
La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).
Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).
Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.
5. En l'espèce, le dossier transmis par l'officier de police et les déclarations de M. A______ et Mme B______ devant la police permettent sans conteste de retenir la survenance de violences domestiques entre les époux. À cet égard, la question n'est pas de savoir lequel des époux est plus responsable que l'autre de la situation, ce qui est bien souvent impossible à établir. L'essentiel est de séparer les conjoints en étant au moins à peu près certain que celui qui est éloigné du domicile conjugal est lui aussi l'auteur de violences.
Par conséquent et étant rappelé que les mesures d'éloignement n'impliquent pas un degré de preuve, mais une présomption suffisante des violences et de la personne de leur auteur, le tribunal confirmera, en l'espèce, la mesure d'éloignement prononcée à l'égard de M. A______. Prise pour une durée de 12 jours, elle n'apparaît pas d'emblée disproportionnée.
L'opposition à la mesure sera donc rejetée.
6. Il sera rappelé à M. A______ qu'il est toujours tenu de prendre contact et de convenir d'un entretien avec une institution habilitée à recevoir les auteurs présumés de violence domestique, puis de se présenter à cet entretien (art. 10 al. 1 et 2 LVD).
7. Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).
8. Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable l'opposition formée le 25 septembre 2024 Monsieur A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 25 septembre 2024 pour une durée de douze jours ;
2. la rejette ;
3. dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;
4. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;
5. dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Marielle TONOSSI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| Le greffier |
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