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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3812/2023

JTAPI/902/2024 du 09.09.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3812/2023 ICCIFD

JTAPI/902/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 septembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Domicilié en France voisine et salarié à Genève, Monsieur A______ (ci-après : le contribuable ou le recourant) est soumis au régime de l'impôt à la source.

2.             D'après le relevé établi par son employeur, son salaire brut réalisé en 2019 de CHF 66'727.- a été soumis à une retenue à la source au barème C3 de CHF 2'689.05.

3.             Par un courrier du 18 juillet 2022, expédié à l'adresse de l'ancien employeur du contribuable, le Service de l'impôt à la source de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) lui a demandé de produire une photocopie de son acte de mariage et les justificatifs des revenus réalisés en Suisse ou à l'étranger par son épouse. Sans réponse, un rappel lui a été envoyé à la même adresse le 29 août 2022.

4.             Cette demande ayant été renouvelée à l’adresse du nouvel employeur du contribuable, son épouse y a répondu en joignant une copie de l’extrait de son acte de mariage et de ses fiches de salaire.

5.             Le 28 novembre 2022, l’AFC-GE a émis un bordereau rectificatif d’impôt à la source du couple tenant compte des salaires bruts réalisés par les deux époux et des retenues à la source effectuées par leurs employeurs respectifs. Sur un total brut de CHF 104'915.- au barème Cr2, le montant total s’élevait à CHF 11'812.75 et le solde à payer à CHF 3'476.55.

6.             Par un courrier du 15 décembre 2022, le contribuable a formé une réclamation contre ce bordereau. Il indiquait s’être officiellement séparé de son épouse le 23 novembre 2018 et produisait à titre de justificatif une déclaration qu’il avait effectuée le 23 novembre 2018 à la gendarmerie par laquelle il annonçait quitter le domicile conjugal ainsi qu’une ordonnance de non-conciliation du 4 janvier 2021 du Tribunal de B______ (France). Le contribuable indiquait par ailleurs que, malgré une garde partagée des enfants jusqu’en septembre 2019, il n’a pas perçu d’allocations familiales. Il demandait une rectification de son imposition tenant compte de ces éléments.

7.             L’ordonnance précitée du 4 janvier 2021 fixe la résidence habituelle chez leur mère avec un large droit de visite au père et condamne ce dernier à verser une contribution d’entretien de EUR 300.- pour chacun de ses deux enfants.

8.             Dans le cadre de l’instruction de cette réclamation, l’AFC-GE a demandé au contribuable, par un courrier du 6 février 2023 envoyé à l’adresse de son employeur, de lui transmettre les justificatifs des pensions alimentaires versées durant l’année 2019 en faveur de ses enfants. Sans réponse de sa part, un rappel recommandé lui a été envoyé à la même adresse le 14 avril 2023.

9.             Par un courrier recommandé expédié à l’adresse du domicile en France du contribuable, l’AFC-GE lui a indiqué qu’elle entendait rectifier en sa défaveur son imposition à la source de la période 2019 en tenant compte du barème “personne seule”.

10.         Par une décision du 14 août 2023, expédiée à l’adresse de l’employeur du contribuable, l’AFC-GE a statué sur sa réclamation et rectifié en sa défaveur le bordereau du 28 novembre 2022. Au revenu brut de CHF 67'479.-, qui comprenait une compensation reçue de son assurance de CHF 752.- était appliqué le barème A0. Au taux de 11.44%, l’impôt à la source s’élevait à CHF 7'719.60.-, ce qui représentait un solde de CHF 4'970.40 après imputation des retenues déjà effectuées de CHF 2'749.20. Après l’ajout de frais de recommandés de CHF 80.-, le solde dû s’élevait à CHF 5'050.40.

11.         Par un courrier daté du 12 septembre 2023 envoyé à l’AFC-GE et reçu par cette dernière le 13 septembre 2023, le contribuable a indiqué souhaiter contester cette décision s’agissant du barème. Il indiquait que lui-même et son épouse avaient décidé de se séparer durant l’année 2019 et, après une période de réflexion, avoir entamé une procédure de divorce le 30 août 2019, ce qui ressort d’une attestation de non-conciliation. Pour cette raison, il ne peut être considéré comme "personne seule" qu’à partir du 30 août 2019. Il soulignait par ailleurs que ses deux enfants, nés en 2007 et 2012 étaient à sa charge jusqu’à la rentrée scolaire début septembre 2019, car ils étaient scolarisés à C______ (France), joignant les attestations. Il a dès lors passé les trois quarts de l’année en ménage commun avec son épouse et ses enfants à charge et ne trouve pas juste d’être considéré comme seul pendant toute l’année, mettant en outre en avant une situation financière devenue difficile en raison du divorce.

12.         Le 15 novembre 2023, le contribuable a écrit au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) pour lui indiquer qu’il contestait la décision de l’AFC-GE du 14 août 2023. Ayant été conseillé par cette dernière de lui écrire directement, il indique se retrouver hors délai, mais joint à titre de preuve le courrier précité du 12 septembre 2023, auquel il n’a jamais reçu de réponse. Il s’est rendu compte de la situation après avoir reçu un rappel de paiement et s’excuse d’agir hors délai.

13.         Répondant à une demande du tribunal, le recourant lui a faire parvenir en annexe à un courrier du 24 novembre 2023 la preuve de son envoi en recommandé du courrier du 12 septembre 2023.

14.         Dans sa réponse du 30 janvier 2024, l’AFC-GE admet avoir bien reçu ce dernier, qui vaut effectivement recours. Celui-ci a dès lors été interjeté en temps utile et doit être déclaré recevable. Sur le fond, elle conclut à son rejet, rappelant que, pour la période 2019, l’état civil au 31 décembre détermine le barème pour toute l’année et que la séparation des époux n’est pas contestée. L’AFC-GE souligne avoir sollicité les justificatifs des pensions alimentaires versées, documents qui ne lui ont jamais été remis, si bien qu’aucune déduction n’ait été accordée à ce titre.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             En l’absence d’une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause. En l’espèce, l’impôt à la source de la période 2019 n’est pas régi par la teneur actuelle des art. 83 et ss. LIFD, entrés en vigueur le 1er janvier 2021, mais de leur version antérieure. Pour le droit cantonal, il ne s’agit pas de la LISP du 16 janvier 2020, mais de la loi du 23 septembre 1994 et de son règlement d’application (RISP).

4.             Le système d’imposition à la source a pour fonction de se substituer à l’ICC et à l’IFD perçus selon la procédure ordinaire (art. 32 al. 1 LHID et 17 aLISP). Pour l'IFD, l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) établit le barème des retenues d’après les taux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (art. 85 al. 1 LIFD). En accord avec l’autorité cantonale, elle fixe, en outre, les taux qui doivent être incorporés dans le barème cantonal au titre de l’impôt fédéral direct (art. 85 al. 2 LIFD) Le barème tient compte des frais professionnels (art. 26 LIFD) et des primes et cotisations d’assurances (art. 33 al. 1 let. d, f et g LIFD) sous forme de forfait, ainsi que des charges de famille du contribuable (art. 35, 36 et 86 al. 1 LIFD). Les retenues opérées sur le revenu des époux vivant en ménage commun qui exercent tous deux une activité lucrative sont calculées selon des barèmes qui tiennent compte du cumul des revenus des conjoints (art. 9 al. 1 LIFD), des déductions prévues à l’art. 86 al. 1 LIFD et de la déduction accordée en cas d’activité lucrative des deux conjoints (art. 33 al. 2 LIFD ; art. 86 al. 2 LIFD). Pour l'ICC, le barème des retenues est établi d’après les taux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (art. 3 al. 1 LISP). Les retenues comprennent les impôts fédéral, cantonal et communal, ce dernier correspondant à la charge fiscale moyenne des communes du canton (art. 3 al. 2 aLISP). Les taux de l’impôt fédéral sont fixés par la législation fédérale (art. 3 al. 3 aLISP). Le même barème s’applique dans tout le canton (art. 3 al. 4 aLISP). Le barème tient compte des frais professionnels, des primes et des cotisations d’assurance sous forme de forfait, ainsi que des charges de famille (art. 4 al. 1 aLISP). L’impôt concernant les époux vivant en ménage commun et qui exercent tous deux une activité lucrative est calculé selon des barèmes qui tiennent compte du cumul des revenus des conjoints, des déductions prévues à l'art. 4 al. 1 aLISP et de la déduction accordée en cas d’activité des deux conjoints (art. 4 al. 2 aLISP).

5.             Les barèmes prévus aux art. 3 et 4 aLISP sont, pour le revenu brut de la période en cause (prestations en nature comprises) et compte tenu de la situation familiale, recensés dans un tableau annexé au RISP, et qui est adopté chaque année (art. 1 al. 1 aRISP). L'état civil et les charges de famille pris en considération sont ceux du contribuable au 31 décembre de l’année en cours ou à la date de fin d’assujettissement si elle est antérieure (art. 1 al. 2 aRISP).

6.             D'après les art. 9 al. 1 LIFD et 8 al. 1 LIPP, les revenus des époux qui vivent en ménage commun sont additionnés, quel que soit le régime matrimonial applicable. A contrario, en cas de divorce ou de séparation durable de fait ou de droit durant la période fiscale, les époux sont imposés séparément pour l'ensemble de la période fiscale (art. 42 al. 2 LIFD et 66 al. 3 LIPP ; ATF 138 II 300 consid. 2.1).

7.             En l’espèce, le recourant allègue et démontre s’être séparé de son épouse dans le courant de l’année 2019 et avoir engagé une procédure de divorce. Il demande expressément à être considéré comme une personne seule à partir du 31 août 2019. Tel est par conséquent son état civil au 31 décembre de cette année, statut qui est déterminant pour fixer le barème applicable à la totalité de la période.

8.             Il ressort par ailleurs clairement des indications du recourant et des pièces qu’il a produites que, à cette même date, il ne faisait plus ménage commun avec ses enfants mineurs qui, dès la rentrée scolaire 2019, vivaient chez leur mère. C’est donc avec raison que l’AFC-GE lui a appliqué le barème A0 en tant que personne seule sans charge de famille.

9.             Cette dernière a notamment relevé dans sa réponse au recours du 9 janvier 2024 que le recourant n’a produit aucun justificatif de contributions versées à l’entretien de sa famille depuis la séparation, qui auraient pu être admises en déduction. Le recourant n’a pas réagi à cette écriture et n’a, à aucun moment de la procédure, ni allégué, ni démontré le montant de pensions alimentaires qu’il aurait versées en 2019. Aucune déduction à ce titre ne peut dès lors lui être accordée.

10.         Même si le tribunal est conscient du fait que, en cas de séparation en cours d’année, l’application du barème "personne seule" peut conduire à une imposition élevée ne tenant pas compte des charges supportées jusqu’à la séparation, il est tenu par l’application du texte de la loi, qui ne prévoit aucune exception au système de la date déterminante. En particulier, une taxation tenant compte de la capacité contributive serait contraire au droit (ATA/932/2004 du 30.11.2004).

11.         Le recours sera rejeté.

12.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 16 novembre 2023 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 14 août 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Antoine BERTHOUD, président, Laurence DEMATRAZ et Caroline GOETTE, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

Le président suppléant

Antoine BERTHOUD

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière