Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/900/2024 du 12.09.2024 ( ICCIFD ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 9 septembre 2024
|
dans la cause
Monsieur A______, représenté par Société fiduciaire FIDIAL SA, avec élection de domicile
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. Dans sa déclaration fiscale 2017 datée du 18 janvier 2019 et qui ne comporte pas de signature, Monsieur A______ (ci-après : le contribuable ou le recourant) a mentionné dans les observations : “n’ayant pas tous les éléments à notre disposition, cette déclaration est déposée à titre provisoire et sera corrigée ultérieurement“.
2. Etait notamment mentionné un salaire brut de CHF 144'000.- pour une activité réalisée auprès de B______ SA (ci-après : la SA suisse), avec la déduction de cotisations AVS de CHF 8'897.- et LPP de CHF 2'200.-.
3. Il ressort du Registre du commerce que cette société, radiée le ______ 2024, avait le contribuable comme administrateur unique depuis octobre 2015.
4. Par une demande de renseignements du 21 septembre 2021 visant la période fiscale 2017, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a demandé au contribuable de lui faire parvenir un certificat de salaire couvrant les mois de janvier à décembre des années 2017, 2018 et 2019.
5. Après avoir obtenu deux prolongations de délai, la fiduciaire du contribuable a fait parvenir à l’AFC-GE, en annexe à un courrier du 15 décembre 2021, des bulletins de paie pour les mois de novembre 2017, 2018 et 2019 établis par la C______ (ci-après : la SAS française). Toutes ces fiches mentionnent comme adresse du contribuable le ______ (France). Pour l’année 2017, le salaire mensuel brut s’élevait à EUR 2'838.75 et net à EUR 2'000.-. Le cumul imposable mentionné sur la dernière ligne du bulletin de paie s’élevait à EUR 11'004.65.
6. D’après une plaquette de présentation produite par l’AFC-GE, la SAS française est présidée par Monsieur D______. Depuis 2006, la famille E______ est actionnaire de référence de cette société, qui avait été constituée en 1949.
7. Le 19 janvier 2022, l’AFC-GE a émis les bordereaux IFD et ICC 2017 du contribuable. Ceux-ci intégraient notamment un salaire brut de CHF 144'000.- sous déduction de cotisations sociales de CHF 8'897.- et de prévoyance de CHF 2'200.- ainsi que des frais professionnels de CHF 3'897.- pour l’IFD et CHF 1'697.- pour l’ICC.
8. Contre ces bordereaux, qu’elle indique avoir reçu le 24 janvier 2022, la fiduciaire du contribuable a émis une réclamation afin de préserver les droits de son client. N’étant pas encore en possession de tous les éléments, elle indiquait qu’elle la motivera ultérieurement.
9. Dans le cadre de l’examen de cette réclamation, l’AFC-GE a, par un courrier du 28 février 2022, invité le contribuable à se référer aux avis de taxation ICC et IFD ainsi que la copie de la répartition intercantonale et lui a demandé s’il retire ou maintient sa contestation et, dans ce dernier cas, de préciser sur quels points elle doit être prise en compte.
10. Après avoir obtenu par téléphone une prolongation de délai, la fiduciaire a, par un courrier recommandé du 14 avril 2022, relevé que la taxation litigieuse était basée sur une déclaration provisoire comme cela était mentionné dans les observations. Elle joignait une déclaration définitive dans laquelle le revenu imposable était nul. Celle-ci mentionne comme unique salaire un montant de CHF 12'232.- réalisé auprès de la SAS française, sous déduction de frais forfaitaires professionnels de CHF 2'000.- pour l’IFD et CHF 599.- pour l’ICC.
11. Le 12 mai 2022, l’AFC-GE a envoyé au contribuable un rappel de sa demande de renseignements du 28 février 2022 et lui a accordé un dernier délai au 2 juin 2023 pour y répondre. Aucune réponse n’a été donnée dans ce délai.
12. Par des décisions du 23 juin 2022, l’AFC-GE a rejeté la réclamation du 25 février 2022 et maintenu ses taxations indiquant qu’elle ne pouvait pas entrer en matière faute de réponse à ses demandes de renseignements.
13. Par un pli porté du 22 juillet 2022, la fiduciaire du contribuable a formé un recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre ces décisions, qu’elle indique avoir reçues le 29 juin 2022. Rappelant le déroulement des faits, elle relève en premier lieu avoir répondu à la demande de renseignements du 28 février 2022 en joignant à son courrier du 14 avril 2022, une déclaration fiscale définitive. Considérant que la motivation des décisions querellées est erronée, le recourant en demande l’annulation et conclut à ce que des bordereaux tenant compte de la déclaration définitive soient émis ainsi qu’à l’allocation d’une juste indemnité pour participer aux frais de la procédure.
14. Après avoir demandé des prolongations de délai pour produire sa réponse, l’AFC-GE a proposé de suspendre l’instruction de la procédure. Avec l’accord des deux parties, cette instruction a été suspendue par une décision du tribunal du 14 décembre 2022.
15. Par des courriers du 16 janvier 2024, le tribunal a informé les parties que l’instruction de la procédure était reprise d’office et fixé un délai aux parties pour lui faire savoir si de nouveaux actes d’instruction étaient requis.
16. Dans sa réponse du 31 janvier 2024, l’AFC-GE conclut au rejet du recours. Après avoir rappelé le déroulement des faits jusqu’au dépôt du recours, elle souligne avoir demandé à la fiduciaire du recourant par un courriel du 5 septembre 2022 de lui produire un formulaire L921 permettant de déterminer la dépense annuelle signé par le contribuable et un certificat de salaire ou une attestation de la SA suisse pour confirmer qu’aucun salaire n’a été versé en 2017. Aucune réponse n’a été reçue malgré une relance du 23 janvier 2024. Elle souligne par ailleurs que, pour la période 2016, le contribuable avait demandé à être taxé de manière séparée de son épouse en produisant une convention conclue le 23 juillet 2017 mentionnant une séparation de sa deuxième épouse en décembre 2016 et l’absence de versement de toute contribution d’entretien. Procédant à une analyse de la fiche de salaire du mois de novembre 2017 établie par la SAS française et des dépenses alléguées par le contribuable dans sa première déclaration fiscale du 18 janvier 2019, soit des primes d’assurance de CHF 6'369.- et une contribution à l’entretien de son ex-épouse de CHF 17'904.-, elle relève que les revenus déclarés ne permettent pas de couvrir ces montants, ni le train de vie usuel. Soulignant enfin qu’aucune attestation n’a été délivrée par la SA suisse et que le contribuable n’a pas allégué avoir été aidé financièrement par des parents ou des proches, l’AFC-GE considère qu’il n’a pas collaboré à l’établissement des faits et qu’il faut s’en tenir aux montants qu’il a initialement déclarés.
17. Le recourant, à qui cette écriture a été transmise, n’y a pas répliqué.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.
3. Le présent litige a trait à l’imposition 2017 du recourant.
4. Le tribunal observe en premier lieu que la déclaration 2017 datée du 18 janvier 2019 ne mentionne pas sur quels points elle était incomplète et devait être corrigée. En particulier, aucune réserve sur le salaire déclaré réalisé auprès de la SA suisse ou son encaissement n’était formulée.
5. Dans ces circonstances et tenant compte également des réponses incomplètes à ses demandes de renseignements, l’AFC-GE était fondée à établir des taxations en se basant notamment sur le revenu déclaré, même si celui-ci n’était justifié par aucun certificat de salaire. En particulier, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir procédé à une taxation d’office qui, de toute manière, aurait placé le recourant dans une situation juridique moins favorable, puisqu’elle aurait impliqué un renversement du fardeau de la preuve (Commentaire romand art. 132 LIFD N 29).
6. Après le dépôt du recours, l’AFC-GE avait notamment demandé au contribuable de produire un certificat de salaire ou une attestation de la SA suisse confirmant qu’aucune rémunération ne lui avait été versée.
7. Il peut difficilement lui être reproché de ne pas avoir sollicité directement cette attestation de l’employeur comme le lui autorisent les art. 127 al. 2 LIFD et 32 al.2 LPFisc, puisque l’unique administrateur de cette société est le recourant lui-même. Il n’est de toute manière aujourd’hui plus possible d’effectuer une telle démarche, puisque cette société a été radiée du Registre du commerce le ______ 2024. L’AFC-GE n’a dès lors pas failli à son devoir d’instruire le dossier.
8. En matière fiscale, les règles générales du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, ont pour effet que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment. Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération. Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours en matière fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_722/2017 du 13 décembre 2017 consid. 5.2 et les références citées).
9. En l’espèce, le recourant n’a fourni aucune explication à la mention dans la déclaration fiscale initialement déposée d’un salaire réalisé auprès de la SA suisse, qui n’apparaît plus dans la déclaration définitive. Malgré plusieurs demandes de l’AFC-GE, il n’a fourni aucun justificatif ou attestation. L’intimée relève par ailleurs à juste titre que le revenu mentionné dans la déclaration définitive est manifestement insuffisant pour couvrir le train de vie du recourant et que, malgré sa demande, il n’a pas justifié celui-ci, ni l’origine des fonds qui ont permis de le financer.
10. Le tribunal retient dès lors que le recourant n’a, ni démontré une éventuelle fausseté ou erreur dans le salaire mentionné dans sa déclaration provisoire du 18 janvier 2019, ni justifié l’exactitude de la déclaration définitive du 14 avril 2022. Il ne pourra dès lors que confirmer les bordereaux émis.
11. Le recours sera rejeté.
12. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 22 juillet 2022 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 23 juin 2022 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Antoine BERTHOUD, président, Laurence DEMATRAZ, Caroline GOETTE, juges assesseurs
Au nom du Tribunal :
Le président suppléant
Antoine BERTHOUD
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |