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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3209/2023

JTAPI/885/2024 du 09.09.2024 ( ICC ) , ADMIS PARTIELLEMENT

ATTAQUE

Descripteurs : DÉDUCTION POUR FRAIS D'ENTRETIEN D'IMMEUBLE;CHARGES COMMERCIALES(DROIT FISCAL);LOCAL PROFESSIONNEL
Normes : LIFD.32.al2; LIPP.34.letd
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3209/2023 ICC

JTAPI/885/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 septembre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Romain JORDAN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation cantonale 2022 de Madame A______.

2.             L’intéressée exploite un restaurant à B______ sous la forme d’une entreprise individuelle dans un immeuble faisant partie de sa fortune commerciale et dont elle est copropriétaire par moitié.

3.             En 2022, elle y a fait installer une pergola bioclimatique lui ayant coûté CHF 109'164.-, montant qu’elle a comptabilisé comme charge commerciale.

4.             Le 19 mai 2023, la contribuable a répondu à une demande de renseignements de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) du 3 mai précédent. Les coûts de construction de la pergola avait été comptabilisés comme charge et non comme investissement, car les installations ne se revendraient pas. Elle a produit copie du compte « entretien des locaux », ainsi que des factures. 

5.             Par bordereau d’ICC du 19 juillet 2023, l’AFC-GE a taxé la contribuable pour l’année 2022.

Ce faisant, elle a refusé la déduction de la charge commerciale et a ajouté un montant de CHF 54'582.- à la valeur des actifs commerciaux.

La déduction pour frais d’entretien de son immeuble commercial avait été limitée aux coûts engagés dans le but de maintenir la valeur de ce bien, à savoir CHF 30'860.-, ce montant étant ramené à CHF 15'430.- étant donné qu’elle était copropriétaire pour moitié de l’immeuble. Les frais liés à l’installation de la pergola avaient été qualifiés de travaux à plus-value augmentant la valeur de l’immeuble à concurrence de CHF 54'582.- (CHF 109'164.- / 2).

6.             Le 28 juillet 2023, la contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ce bordereau.

Les dépenses engagées pour la construction de la pergola ne représentaient pas des frais d’amélioration de l’immeuble, mais des coûts tendant à l’augmentation du confort et du service rendu à la clientèle, engagés afin de maintenir le caractère de standing élevé de son restaurant. S’il s’était agi d’un immeuble à prépondérance privée, jamais elle n’aurait fait entreprendre de tels travaux. Il s’agissait donc d’une charge commerciale. Par ailleurs, si l’immeuble était vendu, la pergola serait vraisemblablement détruite.

7.             Par décision du 31 août 2023, l’AFC-GE a rejeté la réclamation.

L’aménagement d’une pergola qui n’existait pas avant la période fiscale ne représentait pas une charge, mais un investissement à activer, qui pouvait faire l’objet d’amortissements.

8.             Par acte du 2 octobre 2023, la contribuable, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à l’annulation de la décision du 31 août et du bordereau du 28 juillet 2023, ainsi qu’à la déduction des coûts de construction de la pergola, le tout sous suite de frais et dépens.

Avant l’installation de la pergola, le restaurant utilisait des parasols et des tentes. En cas d’orages ou de fortes pluies, la clientèle devait être rapatriée à l’intérieur. Les coûts de construction de la pergola était nécessaires à l’acquisition du revenu. La structure n’avait pas impliqué de déposer une demande d’autorisation de construire et la structure était facilement démontable.

9.             Dans sa réponse du décembre 2023, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La pergola aurait dû être comptabilisée comme un actif. Sa construction représentait une dépense d’investissement dont la durée d’utilisation s’étendait sur plusieurs périodes et qui devait être activée au bilan et non pas comme une dépense d’entretien déductible immédiatement.

10.         La contribuable n’a pas produit d’écriture de réplique.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l'art. 49 LPFisc.

3.             Selon les art. 27 LIFD et 30 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l’usage commercial ou professionnel.

À teneur des art. 32 al. 2, 1ère phr. LIFD et 34 let. d LIPP, le contribuable qui possède des immeubles privés peut déduire les frais nécessaires à leur entretien, les frais de remise en état d’immeubles acquis récemment, les primes d’assurances relatives à ces immeubles et les frais d’administration par des tiers.

Ne peuvent être déduits les frais d’acquisition, de production ou d’amélioration d’éléments de fortune (art. 34 let. d LIFD ; art. 38 let. c LIPP).

4.             Les art. 32 et 34 let. d LIFD concernent les déductions liées à la fortune privée. Dans l’arrêt 2C_1166/2016 du 4 octobre 2017, traduit in RDAF 2018 II 156, le Tribunal fédéral s’est penché sur la question de la déductibilité des frais d’entretien des immeubles commerciaux.

Devant le Tribunal fédéral, l’administration fiscale cantonale, recourante, plaidait que les frais de remise en état devaient être pris en compte par le biais d’amortissements.

Le Tribunal fédéral a rappelé que tous les frais de remise en état ne sont pas déductibles. Il faut examiner dans chaque cas si les dépenses en question préservent ou augmentant la valeur de l’immeuble (consid. 2.1).

L’art. 34 let. d LIFD s’applique de la même manière aux personnes privées qu'aux professionnels. Le fait que les indépendants ne puissent pas déduire, outre les frais d'acquisition, de production ou d'amélioration, certains frais de remise en état d'immeubles (amortis) ne trouve pas d'ancrage dans la législation de l'impôt fédéral direct. Celle-ci ne contient pas de norme correctrice selon laquelle les frais de remise en état d'immeubles commerciaux (amortis) - indépendamment d'une amélioration - devraient être activés (consid. 4.2).

En outre, le fait que la répartition de frais d'acquisition sur la durée d'utilisation de l'actif ait pour conséquence la formation de réserves latentes, avant tout lorsque l'immeuble est simultanément entretenu et rénové par des dépenses d'entretien, est inhérent au système et doit être accepté par l'autorité fiscale. Ces réserves latentes ne seront prises en compte fiscalement que si un bénéfice en capital est réalisé ensuite de l'aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable (art. 18 al. 2, 1ère phr. LIFD, (consid. 4.3).

Il faut ainsi examiner dans chaque cas d'espèce, comme pour les immeubles privés, si les frais de remise en état ont un caractère de conservation de valeur ou d'amélioration (consid. 4.4).

5.             L'information fiscale n° 1/2021 « Déductibilité des frais d'entretien des immeubles privés » établie par l'AFC-GE le 1er février 2021 (ci-après : l'information) précise quels frais engagés par le propriétaire sur un bien immobilier appartenant à sa fortune privée peuvent être déduits, ainsi que la période fiscale au cours de laquelle ces coûts peuvent être déduits. Cette information, qui annule et remplace l'information n° 1/2011 du 1er février 2011, s'applique sur le plan de l'ICC et de l’IFD, à compter de la période fiscale 2020.

6.             En l’espèce, dans les comptes commerciaux annexés à sa déclaration fiscale 2022, la recourante a enregistré comme charge un montant de CHF 109'164.-, représentant les coûts d’installation de la pergola de son restaurant. Elle explique que les frais engagés sont nécessaires à l’acquisition de son revenu. Avant l’installation de la pergola, le restaurant utilisait des parasols et des tentes et, en cas de pluie, les clients devaient être rapatriés à l’intérieur de son établissement.

Conformément à la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_878/2010 du 19 avril 2011 consid. 6.1), les dépenses engagées pour l’installation d’une pergola ne constituent pas des frais d’entretien déductibles. Ces coûts représentent des dépenses d’investissement immobilier (cf. art. 34 let. d LIFD, disposition qui s’applique de la même manière aux immeubles privés et commerciaux). Elles ne représentent donc pas des charges justifiées par l’usage commercial et ne peuvent donc être déduites à ce titre du bénéfice de la recourante.

Cependant, c’est à tort que l’AFC-GE a ajouté CHF 54'582.- à la valeur des actifs commerciaux de la recourante, considérant que la moitié de la valeur des travaux représentait un investissement à activer, qui pouvait faire l’objet d’amortissements. En effet, un tel procédé n’est pas conforme à la jurisprudence rappelée ci-dessus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1166/2016 précité).

7.             Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement et le dossier, renvoyé à l’AFC-GE pour nouvelle taxation.

8.             En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui obtient partiellement gain de cause, est condamnée au paiement d’un émolument réduit s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l’avance de frais de CHF 200.- lui sera restitué.

Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 800.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 2 octobre 2023 par Madame A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 31 août 2023 ;

2.             l'admet partiellement, dans le sens des considérants ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelle décision de taxation ;

4.             met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             ordonne la restitution à Madame A______ du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

6.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale cantonale, à verser à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 800.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Laurence DEMATRAZ et Caroline GOETTE, juges assesseures.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière