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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/21/2024

JTAPI/794/2024 du 19.08.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : LOYER;REVENU DE LA FORTUNE IMMOBILIÈRE(DROIT FISCAL)
Normes : LIFD.21.al1.leta; LIPP.24.al1.leta
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/21/2024 ICCIFD

JTAPI/794/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 août 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par GESTOVAL SOCIÉTÉ FIDUCIAIRE SA, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2021 de Madame A______.

2.             L’intéressée est propriétaire de plusieurs immeubles locatifs à Genève, dont l’un se trouve au passage B______ n°1______ (ci-après : l’immeuble B______) et l’autre à la C______ n°2______ (ci-après : l’immeuble C______).

3.             Dans sa déclaration fiscale 2021, elle a indiqué que l’état des loyers de l’immeuble B______ et de l’immeuble C______ se chiffraient à respectivement CHF 611'750.- et à CHF 368'878.-.

Étaient joints les comptes de gestion de ces biens, ainsi que des documents transactionnels relatifs aux modalités de paiements d’arriérés de loyer de locaux sis dans les deux immeubles ci-dessus.

4.             Par bordereaux datés du 8 mars 2023, l’AFC-GE a taxé la contribuable pour l’année 2021. Pour ce faire, elle a arrêté l’état locatif des immeubles B______ et C______ à respectivement CHF 738'210.- et à CHF 449'822.-.

5.             Le 20 mars 2023, la contribuable a élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux. Il n’y avait pas lieu de tenir compte des loyers qui n’avaient pas été encaissés, même s’ils étaient dus.

6.             Par décisions du 30 novembre 2023, l’AFC-GE a rejeté la réclamation. Les loyers dus étaient imposables en vertu de l’existence d’un rapport contractuel de bail à loyer, même en l’absence de versement par le locataire. Toutefois, une demande de révision pouvait être introduite si ces montants se révélaient irrécouvrables.

7.             Par acte du 3 janvier 2024, la contribuable, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en demandant, en substance, que l’AFC-GE se fonde sur les loyers effectivement encaissés pour déterminer la valeur fiscale de ses immeubles À l’appui de ses conclusions, elle s’est fondée sur le guide de la déclaration fiscale 2021. C’était à tort que l’AFC-GE soutenait que les loyers dus étaient imposables en vertu de l’existence d’un rapport contractuel de bail à loyer, même en l’absence de versement des loyers par le locataire.

8.             Dans sa réponse du 5 mars 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. Pour taxer la contribuable, elle avait pris en compte l’état locatif au 31 décembre 2021, qui devait mentionner les loyers effectivement perçus ou exigibles, tels que figurant dans les contrats de bail, sans déduction des charges, durant les douze mois de l’année.

9.             La recourante n’a pas produit d’écriture de réplique.

10.         Le détail des pièces et des écritures des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

Impôt sur le revenu

3.             La recourante demande d’être taxée sur la base des loyers qu’elle a effectivement encaissés.

4.             Est imposable le rendement de la fortune immobilière, en particulier tous les revenus provenant de la location, de l’affermage, de l’usufruit ou d’autres droits de jouissance (art. 21 al. 1 let. a LIFD ; art. 24 al. 1 let. a de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 – LIPP – D 3 08).

5.             Dans sa jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 9C_713/2022 du 6 novembre 2023 consid. 5.1 ; 2C_710/2017 du 29 octobre 2018 consid. 5.3), le Tribunal fédéral a rappelé que le revenu n'est imposable que s'il est réalisé. Cette condition essentielle constitue le fait générateur de l'imposition du revenu. La réalisation détermine le point d'entrée de l'avantage économique dans la sphère fiscale du contribuable. Tant que l'avantage économique n'est pas réalisé, il demeure une expectative non encore imposable. Un revenu est considéré comme réalisé lorsqu'une prestation est faite au contribuable ou que ce dernier acquiert une prétention ferme sur laquelle il a effectivement un pouvoir de disposition. En règle générale, l'acquisition d'une prétention est déjà qualifiée de revenu dans la mesure où son exécution ne paraît pas incertaine. Ce n'est que si cette exécution paraît d'emblée peu probable que le moment de la perception réelle de la prestation est pris en considération.

Le caractère incertain de l'exécution de la créance ne saurait être reconnu qu'en cas d'insolvabilité du débiteur. L'incertitude sur la capacité du débiteur à honorer sa dette doit certainement être admise lorsque ce dernier est insolvable. Elle devra l'être également lorsque le débiteur est récalcitrant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1035/2020 du 12 novembre 2021 consid. 5.2).

6.             Les revenus provenant du transfert de l’usage ou de la mise à disposition sont réalisés lors de l’acquisition du droit, dans la mesure où celle-ci n’est pas incertaine. Dans la règle, l’échéance détermine le moment de la réalisation des revenus locatifs (Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, I. Teil, 2019, art. 21, § 19, p. 659 et les réf. citées).

7.             En l’espèce, la recourante ne conteste pas, à juste titre, l’imposabilité en tant que telle des loyers. Cependant et contrairement à ce qu’elle soutient, les revenus locatifs ne sont pas imposables au moment où elle les encaisse, mais dès qu’elle acquiert un droit ferme au paiement de ces créances, c’est-à-dire lors de leur échéance. Il importe dès lors peu que certains locataires n’aient pas réglé l’intégralité des loyers à la fin de l’année 2021.

Cela étant, il convient d’examiner si les créances de loyer détenues par la recourante pourraient être qualifiées d’incertaines, ou que leur valeur seraient nulles, parce que ses locataires seraient insolvables ou récalcitrants.

L’intéressée ne le prétend pas. Certes, il ressort du dossier que l’un de ses locataires a rencontré des difficultés de trésorerie. En effet, de 2020 à 2022, il n’a pas acquitté la totalité des loyers dus pour la location de locaux situés dans les deux immeubles susmentionnés. En 2022, la recourante lui a soumis une proposition transactionnelle portant sur le paiement de ces arriérés, ainsi que sur des baisses de loyer. Ledit locataire ne peut toutefois être qualifié d’insolvable, ni de récalcitrant, sinon l’on voit mal pour quelle raison la contribuable lui aurait soumis une telle offre. Elle aurait, au contraire, laissé suivre la procédure d’évacuation pendante devant la chambre des baux et loyers de la Cour de justice, dont il est fait état dans la pièce produite à l’appui de ses écritures.

Enfin et quoi qu’en dise la recourante, il ne ressort pas du guide fiscal 2021 que seuls les loyers effectivement versés sont soumis à l’impôt. De toute manière, ce document, qui ne constitue qu’une aide apportée aux contribuables pour leur permettre de remplir leur déclaration fiscale, n’a pas force de loi.

Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté sur ce point.

Impôt sur la fortune

8.             La recourante demande de se fonder sur les loyers effectivement encaissés pour déterminer la valeur fiscale des immeubles B______ et C______.

9.             À teneur de l’art. 50 let. a LIPP, la valeur des immeubles locatifs est calculée en capitalisant l'état locatif annuel aux taux fixés chaque année par le Conseil d'État, sur proposition d'une commission d'experts, composée paritairement de représentants de l'administration fiscale et de personnes spécialement qualifiées en matière de propriétés immobilières et désignées par le département.

10.         Ce mode d’évaluation de la valeur fiscale des immeubles locatifs, non contesté par la recourante, a été entériné par le Tribunal fédéral (arrêt 2C_66/2020 du 8 juin 2020 consid. 5.1).

11.         L’intéressée ne peut être suivie.

En effet, du moment que, pour le calcul de l’impôt sur le revenu, ce n’est pas le montant des loyers effectivement perçus qui est déterminant, mais le total des loyers dus, ce montant doit également être intégré à l’état locatif servant de base à l’estimation de la valeur fiscale des immeubles B______ et C______.

12.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

13.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03, la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 3 janvier 2024 par Madame A______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 30 novembre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 700.-lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Federico ABRAR et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière