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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2191/2024

JTAPI/678/2024 du 04.07.2024 ( LVD ) , ADMIS

ATTAQUE

Descripteurs : MESURE D'ÉLOIGNEMENT(EN GÉNÉRAL)
Normes : LVD.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2191/2024 LVD

JTAPI/678/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 4 juillet 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Daniela LINHARES, avocate, avec élection de domicile

 

contre

Monsieur B______, représenté par Me Duy-Lam NGUYEN, avocat, avec élection de domicile

 


 

EN FAIT

1.             Par décision du 20 juin 2024, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement d'une durée de quinze jours à l'encontre de Monsieur B______, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de Madame A______, située ______[GE], et de contacter ou de s'approcher de Mme A______, y compris le séquestre de tous les moyens donnant accès au domicile susmentionné.

2.             Selon cette décision, prononcée sous la menace de la sanction prévue à l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0) et indiquant notamment que M. B______ devait, dans un délai de trois jours ouvrables, prendre contact avec l'une des institutions habilitées à convenir d'un entretien socio-thérapeutique et juridique, dont les coordonnées étaient mentionnées (cf. art. 10 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2055 : LVD – F 1 30), était motivée comme suit :

« Description des dernières violences :

Lésions corporelles simples, voies de fait, injures, pressions psychologiques, incitation au suicide ».

Il n'était pas fait mention de violences précédentes.

3.             M. B______ a fait immédiatement opposition à cette décision auprès du commissaire de police le 20 juin 2024.

4.             Il ressort du rapport de renseignements établi par la police le 20 juin 2024 que la veille, Mme A______ s'était présentée au poste de gendarmerie de ______ afin de déposer plainte contre son compagnon, M. B______, pour violences conjugales. Selon les dires de celle-ci, ils étaient en couple depuis juillet 2021. Ils avaient une fillette âgée de dix mois prénommée C______. La famille résidait au ______[GE].

Au mois de novembre 2023, elle avait découvert que son compagnon consommait de la cocaïne lors de ses sorties. Il consommait en outre passablement d'alcool. La situation s'était fortement dégradée et M. B______ avait commencé à l'insulter en la traitant de « salope, conne, imbécile, mère indigne, sale latina ».

Le 18 juin 2024, ce dernier était rentré du travail vers 21h00. Il lui avait dit qu'elle ferait mieux de se suicider en sautant du balcon et que leur fille était mieux sans elle. Il l'avait traitée de « salope » et de « rat d'égout ». Elle s'était rendue dans la chambre où il l'avait suivie. Ils discutaient. Lorsqu'elle avait voulu sortir de la chambre, elle avait repoussé son bras et son compagnon avait avancé vers elle, ce qui avait eu pour conséquence de la faire tomber sur le canapé. Il l'avait ensuite tirée par le bras et l'avait fait descendre du canapé avant de la tirer une seconde fois, par les deux bras, puis de la saisir par le col et les cheveux. De peur, elle lui avait assené une gifle. Il avait répliqué en la giflant sur le côté droit du visage, à proximité de son œil droit, avant de lui faire une prise avec son coude au niveau du coup, ce qui lui avait fait très mal.

Elle a ajouté que M. B______ consommait quotidiennement de la marijuana et qu'il fumait régulièrement à la maison. Elle a encore précisé que ce dernier faisait de la boxe à très haut niveau, qu'il possédait un coup de poing américain et qu'il était dangereux pour elle.

Elle souhaitait qu’il soit éloigné du domicile. Elle a remis aux policiers un certificat médical établi le 19 juin 2024 par le Docteur D______, à teneur duquel, sur le plan physique, avaient été constatées : des ecchymoses des deux bras, des dermabrasions au bras gauche, ainsi qu'une cervicalgie avec douleurs aux amplitudes des rotations latérales.

5.             Le 19 juin 2024, sur convocation orale, M. B______ s'est présenté au poste de police afin d'être entendu en qualité de prévenu, accompagné de son conseil. En substance, il a contesté les faits lui étant reprochés, mis à part le fait d'avoir dit à sa compagne que cela ne lui ferait rien si elle se suicidait et qu'il consommait en soirée de l'alcool à raison de trois ou quatre verres.

6.             Il ressort en outre de ce rapport que M. B______ est déjà connu des services de police notamment pour des violences conjugales en date du 15 février 2021, avec une ex-compagne. A ce propos, il a confirmé avoir été auditionné pour des faits de violence conjugale. Il a précisé que son ex-compagne avait finalement retiré sa plainte et qu'il n'avait pas été condamné suite à cette affaire.

7.             M. B______ a refusé la perquisition de son domicile. Il s'est en outre opposé à la fouille des données de son téléphone portable.

8.             A l'issue de son audition, l’intéressé a déposé une contre-plainte à l'encontre de Mme A______ pour diffamation, calomnie et voies de fait.

9.             Les intéressés ont été entendus le même jour.

10.         A cette occasion, Mme A______ a déclaré que le couple n'était pas marié. Son compagnon travaillait comme E______ au F______. Elle ne travaillait pas. Elle s'occupait de leur fille C______. Son compagnon consommait de la cocaïne lorsqu'il sortait, ce qu'il faisait beaucoup. Elle ne l'avait jamais vu consommer de la cocaïne depuis qu'ils avaient leur fille. Elle l'avait déjà vu en consommer avant la naissance d'C______. Pour sa part, elle ne consommait pas. Elle restait seule avec leur fille. Il consommait passablement d'alcool. En raison des mensonges et des sorties nocturnes de ce dernier qui « rentrait dans des états pas possibles », le couple avait eu des problèmes. Il lui était arrivé de rentrer, vomissant dans la chambre, s'endormant devant la porte. Leur relation s'était fortement détériorée. Elle ne pouvait plus concevoir cette vie avec un enfant, ce qu'elle avait essayé de lui faire comprendre. Ils étaient allés voir une psychologue, mais cela n'avait rien donné. En réalité, il lui avait défendu de parler de sa consommation de drogue. Ils s'étaient séparés plusieurs fois. Il revenait en pleurant, lui disant qu'il allait changer, faire des efforts, mais à chaque fois, il recommençait.

Le jour de l'Ascension, cette année, il était rentré ivre alors qu'il devait s'occuper de leur fille. Là, elle avait pris la décision de se séparer définitivement et elle le lui avait fait savoir. Il était tellement ivre, qu'il n'avait pas réagi. Elle lui avait dit de quitter l'appartement, mais il avait refusé. Elle avait appelé la police. Il était parti lorsqu'il avait entendu le policier. Depuis ce jour-là, elle lui demandait de quitter le domicile pour le bien de leur fille, mais il ne le voulait pas. Le bail était à leurs deux noms. Par contre, les meubles qui se trouvaient dans l'appartement lui appartenaient.

La situation s'était fortement détériorée. Il voulait absolument qu'elle quitte l'appartement sans leur fille, ce qu'elle ne souhaitait pas. De ce fait, il lui faisait vivre un enfer et l'injuriait quotidiennement. Il lui interdisait de toucher à quoi ce soit dans l'appartement. Lorsqu'elle avait appris qu'il consommait de la cocaïne, elle avait endommagé l'un de ses meubles en écrivant dessus « sac à merde ».

Le 4 juin 2024, il était venu vers elle, accompagné de son frère, pour tenter de lui faire signer un document stipulant que la garde de leur fille serait partagée à 50% et qu'elle n'aurait pas le droit de toucher à ses affaires ni de contacter sa famille. Elle avait refusé de le signer.

Elle avait déjà eu contact avec le Service de protection des mineurs (ci-après : SPMi). Elle l'avait informé des mauvaises habitudes de M. B______ concernant sa conduite de véhicule sous l'emprise de la drogue.

La veille au soir, 18 juin 2024, il était rentré du travail entre 21h00 et 22h00. Elle avait couché leur fille. Elle était sur le canapé qu'ils avaient acheté en commun, avec son ordinateur. C'était le seul endroit où elle avait le droit de s'asseoir et de dormir. Il s'était assis à côté d'elle pour regarder la télévision. Il avait commencé à lui dire qu'il savait qu'elle l'avait trompé, ce qui était totalement faux. Elle avait tenté de lui dire qu'il se trompait. Il lui avait dit qu'il avait eu des avances d'autres femmes, mais qu'il ne pouvait rien faire par sa faute. Il avait poursuivi en lui disant qu'elle ferait mieux de se suicider, car leur fille serait mieux sans elle. Elle lui avait répondu qu'il devait se reprendre. Elle était restée calme malgré la situation. Voyant cela, il l'avait injuriée en la traitant de « salope » et de « rat d'égout ». Elle n'avait pas répliqué. En réponse, il lui avait dit de se suicider maintenant et de sauter du balcon. Ils vivaient au cinquième étage. Elle lui avait répondu qu'il regretterait tout cela, qu'elle cherchait un appartement et qu'elle allait bientôt partir. Elle s'était dit qu'elle devait sortir de cette pièce, car elle avait peur.

Elle s'était rendue dans la chambre. Il l'avait suivie. Il lui avait demandé où elle allait s'asseoir, car il lui interdisait tout sauf le canapé du salon. Elle lui avait répondu qu'elle ne s'assiérait pas sur le lit, mais sur un vieux canapé, ce à quoi, il avait répondu non, qu'il était hors de question qu'elle s'assoie. Elle se sentait coincée, car il était devant la porte. Elle avait tenté d'avancer et il avait fait un mouvement vers l'avant. Elle ne voulait pas qu'il la touche, alors elle avait repoussé son bras. Il lui avait dit de ne pas le toucher et il avait avancé vers elle. Elle avait reculé et était tombée sur le canapé. Il l'avait tirée par le bras et l'avait fait descendre du canapé. Elle s'était relevée. Il lui avait pris les deux bras et elle avait essayé de reculer. Elle s'était assise sur le canapé et il l'avait prise par le cou et les cheveux. Elle avait eu peur et lui avait asséné une gifle. Là, il avait répliqué et l'avait giflée sur le côté droit du visage, vers l'œil, et il lui avait fait une sorte de prise avec son coude sur son cou. Elle n'avait plus bougé. Elle avait très mal. Elle était sonnée. Il avait sorti son téléphone. Elle ne savait pas pourquoi. Elle s'était dit qu'il fallait qu'elle enfuie. Elle avait réussi à sortir de la chambre et elle s'était enfuie de l'appartement en courant. Il l'avait poursuivie. Il la filmait pendant qu'elle courait dans les escaliers. Elle était sortie de l'immeuble et elle avait tout de suite appelé un ami pour qu'il vienne la chercher en voiture.

Elle souhaitait récupérer sa fille qui se trouvait avec le père de M. B______, ce dont il l'avait informé au moment de son audition par message. Il lui avait dit qu'elle pourrait la prendre dans deux jours.

Elle n'avait plus envie de se trouver en face de lui. Elle avait peur de le voir.

Sur question des policiers, elle a ajouté qu'elle pensait que son compagnon consommait de la drogue depuis un moment, en tous les cas, déjà avant qu'elle ne le connaisse. Elle était contre et le lui avait bien fait comprendre. Il le lui avait avoué après un certain temps, après qu'elle avait vu des messages sur son téléphone. Il communiquait avec un certain G______, qui avait un numéro français et qui vivait vers le Salève à une adresse qu'elle ne connaissait pas. M. B______ consommait quotidiennement de la marijuana. Elle l'avait vu fumer régulièrement à leur domicile. Il était dangereux pour elle. Elle n'avait pas connaissance d'éventuelles violences sur d'autres personnes. Par contre, il faisait de la boxe à un très haut niveau. Il n'avait pas d'arme à la maison, à l'exception d'un coup de poing américain qui se trouvait dans un carton. Elle sollicitait une mesure d'éloignement. Les affaires de sa fille se trouvaient au domicile. Elle a enfin transmis un constat médical attestant de ses blessures.

A l'issue de son audition, elle a déposé plainte pénale contre M. B______.

11.         Entendu le même jour en qualité de prévenu, M. B______ a, pour sa part, contesté les faits lui étant reprochés. Le 18 juin 2024, il était rentré du travail. Il s'était changé puis il était allé voir A______ pour qu'ils aient une discussion sans dispute ni bruit, car leur fille dormait. Il était revenu sur le moment où ils s'étaient rencontrés. Il était dégouté et déçu, car elle lui avait avoué qu'elle l'avait trompé une semaine auparavant et que cela lui avait fait du bien. Il lui avait dit que lorsqu'il était en Colombie en vacances, il avait eu l'occasion de la tromper, mais il n'avait rien fait. Il lui a dit qu'il n'avait plus de sentiments pour elle, ce qui était faux, et qu'il ne voulait pas lui faire du mal. Il était très étonné de son comportement, de la manière dont elle l'avait sali auprès de son entourage. Elle disait des « faussetés » sur lui. Il lui avait dit que, si elle se suicidait, cela ne lui ferait rien et qu'il tournerait la page en l'oubliant très vite, ajoutant qu'il l'aurait vite remplacée. A ce moment-là, elle l'avait giflé. Il avait reculé et lui avait dit qu'elle l'avait agressé. Elle était venue vers lui pour le rouer de coups. Il s'était protégé avec ses bras en les levant et l'avait repoussée. Il lui avait demandé de s'en aller, car elle l'avait agressé. Elle avait mis ses chaussures et elle était partie. Il l'avait suivie et lui avait dit qu'il irait voir la police. Il lui avait aussi demandé si elle viendrait le lendemain garder leur fille, car elle n'était pas censée être à l'appartement ce soir-là. D'un commun accord, elle ne devait pas être là lorsqu'il gardait leur fille. Suite à cela, elle était partie en souriant.

Il n'avait pas été violent. Tout ce que Mme A______ avait raconté était faux. Il sortait un week-end sur deux. Au cours des deux derniers mois, il n'était sorti qu'à trois reprises. C’étaient les seuls moments où il voyait ses amis. Le reste du temps, il travaillait, faisait du sport et s'occupait de sa fille. Il buvait de l'alcool, mais de manière limitée. Lorsqu'il sortait, il buvait environ trois ou quatre verres. Il ne consommait ni marijuana ni cocaïne. Il n'avait jamais traité Mme A______ de « salope, conne, imbécile, mère indigne, sale latina ». Il savait qu'elle avait pris contact avec la SMPi. Elle leur avait dit des « faussetés ». G______ était un ami.

Il avait effectivement été entendu en 2021 pour des faits de violences conjugales, mais sa compagne de l'époque avait finalement retiré sa plainte. Il n'avait pas été condamné suite à cette affaire.

Il n'avait pas de coup de poing américain. Il avait un antécédent pour excès de vitesse. Il avait une trace du côté de l'œil gauche suite à la gifle que lui avait assénée Mme A______ le 18 juin 2024.

Il a ajouté que Mme A______ avait contacté le SPMi pour retirer ses dires à son sujet. Son but était d'avoir la garde exclusive de leur fille et d'obtenir une pension de CHF 1'900.-. Elle voyait une avocate depuis des semaines, mais elle refusait de lui donner son identité.

A l'issue de son audition en qualité de prévenu, il a déposé plainte pénale à l'encontre de Mme A______ des chefs de diffamation, calomnie et voies de fait.

12.         A l'audience du 21 juin 2024 devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), M. B______ a maintenu son opposition. Il a confirmé ses déclarations à la police. Il contestait l'agression contre Mme A______. Ils avaient une garde alternée à raison de deux jours de suite chacun. Le 18 juin 2024, c'était son père qui devait garder leur fille, mais Mme A______ l'avait appelé pour lui demander s'il était possible qu'elle rentre pour dormir à la maison, parce que, le lendemain, elle avait rendez-vous avec son avocate et devait s'occuper de leur fille. Vu qu'elle était à proximité du domicile et qu'elle devait y récupérer des affaires, il avait dit à son père qu'il pouvait s'en aller. Il lui avait demandé de lui confirmer sa demande par écrit, ce qu'elle avait fait. Depuis qu'ils étaient est en phase de séparation, ils avaient convenu que seule la famille pouvait venir à l'appartement, mais plus les amis. Il lui avait demandé de ne plus utiliser ses affaires, car elle les cassait, les abîmait, les jetait par la fenêtre.

Il était d'accord avec le principe de la séparation amiable. Il ne souhaitait pas reprendre la vie commune.

Il n'avait pas de dépendance à l'alcool. Il ne fumait pas de marijuana quotidiennement et ne prenait pas de cocaïne. Sur conseil de son avocat, il avait refusé la perquisition de son domicile et la fouille de son téléphone portable. C'était disproportionné.

Il lui arrivait de sortir après le travail avec des collègues boire une bière. Tout le reste était faux. Il ne sortait pas régulièrement et ne rentrait pas ivre. Il travaillait régulièrement les week-ends durant cette phase de séparation et ils avaient un accord : ils sortaient chacun leur tour. Au cours des deux derniers mois, Mme A______ était davantage sortie que lui. Elle était DJ en boîte de nuit et sortait toute la nuit avec ses amis. Elle avait fait cela les trois derniers week-ends. C'était lui qui m'occupe de la petite et il commençait à travailler très tôt le matin. Quand elle rentrait, ses habits puaient la fumée et il avait trouvé des paquets de CBD dans ses affaires.

Il avait vu le constat médical. Il ne savait pas comment elle s'était fait cela. Ce n'était pas lui. Cela faisait un moment qu’il ne cherchait plus à comprendre, il ne savait pas pourquoi elle mentait.

Mme A______ voulait débuter une thérapie de couple. Lui avait de la peine à s'ouvrir aux inconnus. Ils avaient fait trois séances. Ensuite, Mme A______ avait décidé que la thérapeute n'était pas compétente, contrairement à lui. Il avait continué seul la thérapie. A ce jour, il poursuivait la thérapie, mais cela faisait plus d'un mois qu'il n'avait pas vu la thérapeute en raison de ses horaires de travail et du fait qu'il s'occupait de sa fille. A______ et la psychologue n'étaient pas d'accord. C'était Mme A______ qui avait décidé de se séparer. C'était le jour où elle avait réussi son permis de conduire, il s'était occupé d'C______. Elle voulait fêter la réussite de son permis et mettre leurs différends de côté. Il avait répondu non. Il avait un rendez-vous ce jour-là avec son entraîneur de sport. Elle lui avait reproché d'avoir mis deux bouteilles de bière dans son sac. Après son départ, elle lui avait envoyé un message lui disant qu'elle était partie avec leur fille. Mme A______ l'avait dénoncé le lendemain au SPMi. Il s'était filmé lui et Mme A______ après leur dispute du 18 juin. Il venait de se faire agresser.

Il a déposé un bordereau de pièces, dont des captures d'écran de la vidéo du 18 juin 2024, une vidéo du 18 juin 2024 après la gifle de Mme A______, diverses photographies du journal de bord de Mme A______ de 2023 et 2024, des extraits des représentations d'artiste de Mme A______, des photographies des dégâts causés par Mme A______ en mai 2024, ainsi que diverses photographies de la famille. Les trois vidéos ont été remises sur une clé UBS à l'attention du tribunal uniquement, faute de supports en nombre suffisant, ces vidéos n'ont pas été transmises à Mme A______ et à la représentante du commissaire de police.

Ses deux antécédents au casier judiciaire concernaient des excès de vitesse. Il n'avait pas conduit après avoir consommé de l'alcool ou des stupéfiants. La procédure pénale pour violences conjugales avait été classée suite au retrait de plainte de son ex-compagne.

Il ne souhaitait pas trouver un accord. Son père habitait à proximité de son domicile. Pour le bien d'C______ et pour le sien, il persistait dans son opposition.

Il n'avait pas contacté Mme A______ depuis le prononcé de la mesure d'éloignement.

S'agissant de sa situation personnelle, il a déclaré travailler en qualité d'auxiliaire. Il percevait un salaire mensuel s'élevant entre CHF 4'600.- et CHF 5'200.-. Il était au bénéfice d'un contrat fixe depuis le 8 mai 2024 pour une durée de quatre mois.

13.         Mme A______ a maintenu ses déclarations à la police. Elle avait appelé M. B______ le 18 juin 2024 pour savoir si elle pouvait dormir à la maison. C'était prévu que sa mère prenne C______. Depuis qu'ils étaient séparés, elle ne savait pas s'il était d'accord d'être face à ses parents et que sa mère vienne au domicile chercher C______. Il ne voulait pas qu'elle amène des personnes à l'appartement. Il considérait que c'était chez lui. Il lui interdisait notamment de toucher à ses affaires : lit, canapé, couverts, table et machine à laver. Au moment de leur emménagement, ils avaient décidé de garder plutôt ses meubles à lui et elle s'était séparée des siens. Elle avait juste le droit de s'asseoir sur le canapé qu'ils avaient acheté en commun.

C'était compliqué, ils s'étaient séparés plusieurs fois et remis ensemble. Elle avait décidé qu'elle ne reviendrait plus en arrière lorsqu'il était rentré ivre à l'appartement le jour de l'Ascension. C'était à partir de là qu'elle avait initié les démarches auprès du Bureau de la médiation pour une séparation amiable. Elle ne souhaitait pas reprendre la vie commune.

M. B______ buvait régulièrement des bières avec ses collègues après le travail. Lorsqu'ils étaient en phase de séparation, il sortait très souvent et rentrait ivre. Ils se disputaient. Il lui disait qu'il allait changer, ce qu'il n'avait pas fait. Elle décidait, la plupart du temps, quand il rentrait ivre, d'aller se réfugier chez sa mère avec leur fille.

Elle confirmait les déclarations qu'elle avait faites à la police s'agissant des faits du 18 juin 2024.

Il y avait des antécédents de violence verbale. Il leur était arrivé de s'insulter mutuellement lors de disputes. Depuis qu'il était venu avec son frère le mardi 4 juin 2024, il l'insultait quotidiennement en la traitant de "pauvre conne", "salope", "pauvre latina", "rat d'égout" et "bouffonne". Plusieurs fois, il lui avait dit qu'elle devrait se suicider. Elle avait appelé le SPMI suite à son rendez-vous au Bureau des médiations le 22 mai 2024. M. B______ ne s'était pas présenté au rendez-vous.

Lorsqu'il était rentré ivre, à l'Ascension, il avait refusé de sortir de l'appartement. Elle avait appelé son frère et la police, mais elle n'avait pas déposé de main courante.

Elle a produit deux photographies de ses ecchymoses aux bras gauche et droit, prises par une amie.

Elle avait eu très peur au moment des faits. Si elle ne s'était pas enfuie directement, c'était parce qu'elle avait mis un moment à retrouver ses esprits après la gifle qu'il lui avait assénée. Elle avait très peur. Par ailleurs, elle avait conscience que sa fille était dans l'appartement et que si elle partait, ce serait sans elle. Elle s'était enfuie en pyjama. Elle avait pris son sac à main, qui contenait son portemonnaie, ainsi que son ordinateur car M. B______ l'avait menacée de le casser. Le t-shirt qu'elle portait sur les photographies était celui qu'elle portait le soir des faits. Elle n'avait pas appelé la police, car M. B______ avait cessé de la suivre après qu'elle était sortie de l'appartement. Elle avait appelé un ami, H______, qui était informé de sa situation. Il lui avait rappelé qu'elle avait rendez-vous avec son avocate le lendemain. Elle avait déposé plainte le lendemain vu son rendez-vous déjà fixé avec son conseil le 19 juin 2024.

Il lui était arrivé de fumer de la CBD légale. Quand elle travaillait comme DJ, elle ne buvait pas.

M. B______ lui avait envoyé deux messages le 20 juin 2024 à 8h24 et 8h27 depuis le téléphone de son père. Elle les soumettait au tribunal. Il lui demandait comment C______ avait dormi et de lui envoyer une photo de l'enfant dans le lit bébé, ce qu'elle avait fait.

Avec l'aide de son conseil, elle a indiqué qu'elle n'avait jamais donné son consentement à être filmée et qu'en conséquence, elle demandait à ce que ces images soient retirées du dossier. Elle déposerait plainte pénale.

S'agissant de sa situation personnelle, elle a expliqué qu'elle était au chômage et qu'elle percevait des indemnités chômage à hauteur d'environ CHF 1'500.-.

14.         Par l'intermédiaire de son conseil, M. B______ a maintenu son opposition. Il a conclu à « l'octroi de l'effet suspensif, à l'annulation de la mesure d'éloignement, ainsi qu'à l'octroi de l'assistance juridique, sous suite de frais et dépens en cas de refus d'octroi de l'assistance juridique, subsidiairement, à ce qu'il soit autorisé à se rendre au domicile deux fois par semaine pour garder sa fille, étant précisé que le passage d'C______ se ferait par un tiers pour éviter toute rencontre avec Mme A______ ».

15.         La représentante du commissaire de police a conclu au rejet de l'opposition et au maintien de la mesure d'éloignement.

16.         Par l'intermédiaire de son conseil, Mme A______ a conclu, préalablement, à ce que soit constatée l'inexploitabilité des pièces produites à l'audience et à l'irrecevabilité des conclusions de M. B______ se rapportant à l'octroi de l'assistance juridique et à la fixation de l'exercice des relations personnelles avec C______. Principalement, elle a conclu au rejet de l'opposition formée par M. B______ et à la confirmation de la mesure d'éloignement.

17.         Par jugement du 21 juin 2024, le tribunal a rejeté l'opposition de M. B______.

Même si les déclarations des parties étaient pour l'essentiel contradictoires, il en ressortait néanmoins clairement que la situation était conflictuelle et qu'elle s'était détériorée au cours des derniers mois. Les parties avaient en effet expliqué s'être séparées à plusieurs reprises, avoir provisoirement mis en place une garde alternée pour leur fille âgée de 10 mois, et ne pas souhaiter reprendre la vie commune.

S'agissant des faits du 18 juin 2024, les parties admettaient également qu'elles avaient eu une altercation au domicile. Bien que M. B______ contestât tout acte de violence à l'égard de Mme A______, force était de constater que les déclarations de ce dernier étaient contredites par les lésions attestées par constat médical du 19 juin 2024, sans qu'il ne fût nécessaire de se référer aux pièces produites en audience par M. B______, en particulier la vidéo du 18 juin 2024, étant rappelé que les mesures d’éloignement n’impliquent pas un degré de preuve, mais une présomption suffisante des violences et de leur auteur.

La question n'était pas de savoir lequel des intéressés était plus responsable que l'autre de la situation, ce qui était bien souvent impossible à établir. L'essentiel était de séparer les concubins en étant au moins à peu près certain que celui qui était éloigné du domicile conjugal était lui aussi l'auteur de violences, ce qui était le cas en l'espèce.

Dans ces circonstances, vu en particulier le caractère récent des événements, de la situation visiblement conflictuelle et complexe dans laquelle les deux intéressés se trouvaient et de la volonté clairement exprimée par les parties de ne pas poursuivre la vie commune, la perspective qu'ils se trouvent immédiatement sous le même toit apparaissait inopportune, quand bien même il était évident qu'une mesure d'éloignement administrative ne permettrait pas, à elle seule, de régler la situation. Il fallait au surplus tenu compte de la situation de plus grande vulnérabilité de Mme A______, sans emploi et avec un revenu limité, contrairement à celle de M. B______.

18.         Par acte du 26 juin 2024, M. B______, sous la plume de son conseil, a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice en concluant principalement à la nullité de la mesure d'éloignement, subsidiairement à son annulation.

19.         Par acte du 28 juin 2024, parvenu au tribunal le même jour, Mme A______ a demandé la prolongation de la mesure d'éloignement pour une durée supplémentaire de 30 jours.

20.         M. B______ s'est fait excuser à l'audience du 2 juillet 2024 pour raisons professionnelles, mais s'est fait représenter par son conseil.

21.         Lors de cette audience, Mme A______, sur question du tribunal de savoir pour quelle raison elle souhaitait prolonger l'éloignement de M. B______, a expliqué qu'elle avait assez peur dans la situation actuelle. Les quinze jours de l'éloignement étaient passés assez vite et elle craignait ce qui pourrait se passer au retour de M. B______ à la maison dans deux jours. Elle avait besoin de recouvrer ses esprits et de réfléchir à la suite avec son avocate. Son compagnon avait très mal accepté la perspective d'une séparation, dont elle avait elle-même commencé à parler depuis novembre 2023 après avoir réalisé qu'il n'avait pas cessé sa consommation de cocaïne, consommation qu'elle considérait auparavant comme récréative et qu'il lui avait promis d'arrêter à partir de la naissance de leur fille, de manière à pouvoir prendre en charge cette dernière de façon responsable et également pour lui permettre de reprendre son activité de DJ. La situation s'était dégradée au fil des mois. Elle avait essayé de l'aider en impliquant sa famille, en particulier les frères de M. B______, mais ces derniers et elle-même avaient dû constater qu'il n'admettait pas sa consommation et qu'il n'était donc pas possible de l'aider. Elle avait également pris l'initiative en mars-avril 2024 d'aller voir un thérapeute de couple, car même si elle avait décidé tout d'abord d'une séparation, M. B______ lui avait demandé de l'aide et il lui avait semblé qu'ils pouvaient tenter de se donner une chance, mais il n'avait pas poursuivi cette démarche au-delà du premier rendez-vous. Puis elle s'était tournée vers le bureau des médiations et elle s'était rendue à un rendez-vous où ils auraient dû être tous les deux, mais où il lui avait annoncé qu'il ne viendrait pas. C'était lors de ce rendez-vous qu'on l'avait incitée à signaler la situation au SPMI. Depuis ce signalement, M. B______ ne fumait plus de marijuana à la maison et ne rentrait plus ivre. A sa connaissance, il n'avait toutefois pas eu de contact direct avec le SPMI. Elle a précisé avoir elle-moi-même été consommatrice de cocaïne de ses 22 à 25 ans puis qu'elle avait arrêté. Elle a signalé également que le jour de l'Ascension 2024, son compagnon était rentré vers les 7 heures du matin dans un état qui lui faisait penser qu'il avait à nouveau consommé ou en tout cas bu excessivement. Elle avait eu de la peine à lui faire comprendre qu'il devait à présent prendre en charge leur fille pour qu'elle puisse à son tour quitter la maison. Pour finir, après l'avoir réveillé, elle lui avait mis leur bébé dans les bras, tout en poursuivant ses préparatifs. Comme elle entendait pleurer leur bébé depuis plusieurs minutes, elle était allée voir et elle avait retrouvé M. B______ en position assise avec leur fille dans ses bras mais son propre corps reposant sur elle car il s'était à nouveau endormi. Elle avait alors repris l'enfant en réalisant qu'il n'était plus possible de poursuivre ainsi. Elle avait fait une tentative pour que son frère vienne l'évacuer, ce qu'il lui avait dit ne pas pouvoir faire. Elle avait alors trouvé la solution d'appeler la police tout en mettant le téléphone sur haut-parleur, ce qui avait fini par pousser M. B______ à quitter l'appartement. Son frère était tout de même arrivé ensuite.

Concernant l'avenir, M. B______ avait indiqué lors de l'audience précédente devant le tribunal qu'il souhaitait désormais se séparer, mais encore peu avant, il lui disait qu'il voulait qu'ils repoussent au milieu de l'été la réalisation de cette séparation, arguant du fait qu'à ce moment-là ils pourraient peut-être envisager les termes d'une poursuite de leur vie de couple.

Elle voulait aussi exprimer le fait que ce qui rendait très difficile à envisager la poursuite de la vie commune même temporairement, c'était qu'aux environs du début du mois de juin, de manière plus ou moins concomitante avec la visite de l'un de ses frères pour lui faire signer un accord de garde partagée, il avait commencé à lui interdire de toucher à ce qui lui appartenait dans la maison, sachant que lorsqu'ils avaient emménagé ensemble, elle s'était débarrassée d'un certain nombre de ses propres meubles. D'habitude, elle devait donc s'installer sur le seul meuble qu'ils avaient en commun, à savoir le canapé devant la télévision, sur lequel elle ne pouvait se coucher que lorsqu'il en était lui-même parti. Le 17 juin, elle s'était assise sur le canapé qui appartenait à M. B______ dans leur ancienne chambre conjugale et il s'était énervé en la prenant par les bras et en lui disant qu'elle n'avait pas le droit d'y être et qu'elle devait s'assoir par terre. Elle sentait qu'elle perdait sa dignité à ses yeux et qu'il n'avait plus un minimum de respect pour la mère de sa fille.

Le tribunal a noté que Mme A______ avait tenu ces derniers propos en pleurant et en exprimant beaucoup d'émotion.

Sur question du tribunal, elle n'avait eu aucun contact de la part de M. B______ durant l'éloignement dont il faisait l'objet, sauf le SMS qui avait été envoyé via son père.

Sur question du conseil de M. B______, elle a confirmé qu'après l'épisode du 9 mai 2024, il lui était arrivé de laisser leur fille à sa garde, notamment durant des nuits entières. Le père de M. B______ participait concrètement à cette garde en s'occupant lui-même de sa fille lorsque c'était normalement le tour de M. B______. Elle ne s'est pas opposée à une garde partagée.

Sur question du conseil de M. B______ qui souhaitait lui montrer la vidéo que M. B______ disait avoir tournée le soir du 17 juin 2024 et qu'elle n'avait pas vue jusqu'ici, elle a confirmé que M. B______ tenait son téléphone durant cette dispute et qu'il était très vraisemblablement en train de tourner une vidéo même si elle n'en avait pas vraiment eu conscience, du moment qu'il se filmait parfois lui-même et parfois elle-même. Il n'avait néanmoins pas pu tout filmer, notamment lorsqu'il la tirait par terre en la tenant avec ses deux mains.

Sur question du conseil de M. B______, elle a confirmé qu'elle était l'auteure du courrier de juin 2024 auquel il était fait allusion au chiffre 43 du recours de M. B______.

Sur question du conseil de M. B______, qui lui soumettait la pièce 13 du recours, à savoir plusieurs photos dont M. B______ affirmait qu'il s'agissait de dégâts qu'elle avait causés à ses effets personnels (allégué 36 du recours de M. B______), elle a confirmé qu'elle était effectivement responsable des dégâts aux cintres que l'on voyait sur ces photos, mais par contre elle n'avait causé aucun dommage aux habits.

Sur question de Me NGUYEN, qui lui soumettait des extraits du journal intime que M. B______ sans son consentement a photographié (pièce 6 du bordereau de ce jour communiquée par clé USB et pièce 2 du bordereau du 21 juin 2024), il s'agissait effectivement de son journal intime, mais il s'agissait d'extraits choisis qui étaient nuancés par d'autres passages ailleurs.

Le conseil de M. B______ a déposé à l'audience sa réponse à la demande de prolongation ainsi que deux clés USB contenant le chargé de pièces accompagnant cette réponse et la copie de la vidéo réalisée par M. B______ le 18 juin 2024, une copie de ces documents étant transmises à sa partie adverse.

Le conseil de M. B______ a indiqué que ce dernier poursuivait actuellement de son côté sa psychothérapie et qu'il avait toujours été ouvert à une démarche conjointe.

Le tribunal a par la suite informé le conseil de M. B______ qu'il refusait que des questions supplémentaires soit posées au sujet des éléments qui viseraient à démontrer que M. B______ n'avait pas commis de violences à l'encontre de Mme A______, respectivement que ce serait cette dernière qui ferait preuve de violence au sein du couple. Le tribunal prenait note du fait que Me NGUYEN contestait ce procédé qui violait selon lui le droit d'être entendu de M. B______.

Mme A______, sur question du conseil de M. B______ de savoir si elle avait des meubles en propriété exclusive dans leur appartement, a répondu que ce n'était pas le cas puisqu'il était meublé uniquement avec des choses qui appartenait précédemment à M. B______ ou qui avaient été offertes par ses parents. Leurs seuls achats communs concernaient quelques petits objets, des meubles de salle de bains, l'armoire de la chambre à coucher et le canapé devant la télévision. Jusqu'ici, elle n'avait pas eu le temps de racheter de nouveaux meubles et elle avait tout simplement d'autres priorités.

Le tribunal a informé le conseil de M. B______ qu'il commençait à avoir du mal à comprendre le lien entre ses questions et l'objet de la procédure. Pour cette même raison, le tribunal lui a indiqué qu'il refusait que d'autres questions soient posées en ce qui concernaient les ressources financières de Mme A______ et plus précisément ses cachets en tant que DJ voire d'autres sources de revenus. Le conseil de M. B______ a derechef relevé qu'il s'agissait d'une violation du droit d'être entendu de M. B______.

Mme A______, par l'intermédiaire de son conseil, a conclu à la prolongation de la mesure d'éloignement conformément à la demande déposée le 28 juin 2024, ainsi qu'au rejet des conclusions prises en réponse par M. B______ et s'en rapportait sur la recevabilité de cette réponse elle-même, sous réserve d'un accord qui interviendrait entre les parties.

Le conseil de M. B______ a conclu au rejet de la demande de prolongation de la mesure d'éloignement et persistait dans l'intégralité des conclusions prises dans sa réponse à la demande de prolongation, sous réserve d'un accord qui interviendrait entre les parties.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des demandes de prolongation des mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 2 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer avant l'échéance de la mesure, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).

2.             Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, la demande de prolongation est recevable au sens de l'art. 11 al. 2 LVD.

3.             La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).

Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).

Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).

Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.

Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de

a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;

b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.

La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de 30 jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).

Elle peut être prolongée pour 30 jours au plus. Depuis le prononcé initial de la mesure, sa durée totale ne peut excéder nonante jours (art. 11 al. 2 LVD).

En vertu de l'art. 12 LVD, la mesure d'éloignement est assortie de la menace des peines prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), qui prévoit que « celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d'une amende ».

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).

Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.

4.             En l'espèce, le tribunal précisera d'emblée, comme il l'a annoncé aux parties lors de l'audience du 2 juillet 2024, qu'il n'est pas l'autorité de recours contre le jugement qu'il a rendu le 21 juin 2024, ni autorité de révision de ce jugement, et que dans cette mesure, il s'en tiendra, dans le cadre du présent jugement, aux considérations de son jugement du 21 juin 2024, sa compétence étant désormais limitée à la question de savoir s'il se justifie de prolonger la mesure d'éloignement.

5.             Il en découle que les développements auxquels s'est livré M. B______ dans sa réponse du 2 juillet 2024, qui consistent pour l'essentiel à tenter de remettre en question la responsabilité des violences que le tribunal lui a attribuées dans son jugement du 21 juin 2024, sont hors de propos.

6.             Au demeurant, le tribunal relèvera que, comme il l'a noté au procès-verbal de l'audience qu'il a tenue le 2 juillet 2024, Mme A______ a manifesté lors de cette audience, notamment en évoquant la scène qui s'était déroulée le 17 juin 2024, un degré d'émotion qui laisse très peu de doute sur la réalité des violences physiques et psychologiques dont elle a été victime. De surcroît, tout en cherchant à contester toute violence (notamment en se fondant sur l'absence de traces de violences verbales dans ses échanges de messages avec sa compagne), M. B______ a néanmoins reconnu avoir dit à Mme A______ que son suicide serait une solution, ce qui est un propos d'une très grande violence psychologique. Il n'a en outre pas hésité à s'emparer du journal intime de Mme A______ et, sans son consentement, à en produire des extraits dans la procédure, ce qui constitue une autre forme de violence psychologique – dont il semble d'ailleurs n'avoir pas du tout conscience.

7.             S'agissant de la prolongation de la mesure d'éloignement, force est de constater que les parties, pourtant assistées chacune par un avocat et donc susceptibles de communiquer entre elles par leur intermédiaire, n'ont pas réussi pour l'heure à renouer le fil d'un dialogue. Selon les explications données par Mme A______ durant l'audience du 2 juillet 2024 – que l'absence de M. B______ à cette audience ne donne aucune raison de remettre en cause –, son compagnon n'a pas réussi à réaliser, durant les dernières semaines, que la volonté de Mme A______ de se séparer était devenue irrémédiable. Il a cherché à temporiser sans raison clairement compréhensible, laissant la situation se tendre progressivement au fil du temps jusqu'aux événements du 17 juin 2024. Dans ces conditions, un retour de M. B______ au domicile familial, sans préparation ni amorce de dialogue par l'intermédiaire de leurs avocats respectifs, présente un risque élevé de nouvelles violences, ce d'autant que la situation, loin de s'apaiser, semble au contraire se crisper autour des revendications des deux parties au sujet des liens avec leur fille et de leurs droits relatifs à la jouissance du logement familial.

8.             Compte tenu de ceci, le tribunal fera donc suite à la demande de Mme A______ et prolongera l'éloignement de M. B______ de son domicile et de sa compagne jusqu'au 3 août 2024 à 17h00.

9.             Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).

10.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (cf. rapport du 1er juin 2010 de la Commission judiciaire et de la police du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi 10582-A du Conseil d'État modifiant la LVD, in MGC 2009-2010/IX A, D. Examen de détail, ad art. 11 al. 1 LVD).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande formée par Madame A______ le 28 juin 2024 tendant à la prolongation de la mesure d'éloignement prononcée par le commissaire de police le 20 juin 2024 à l’encontre de Monsieur B______ ;

2.             l'admet ;

3.             prolonge la mesure d'éloignement pour une durée de 30 jours, soit jusqu'au 3 août 2024 à 17h00, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, dont la teneur figure dans les considérants ;

4.             renonce à percevoir un émolument ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

6.             dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au commissaire de police et au tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour information.

Genève, le

 

 

La greffière