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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2256/2023

JTAPI/628/2024 du 24.06.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : TAXATION D'OFFICE;NULLITÉ;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LIFD.132.al3; LPFisc.39.al2; Cst
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2256/2023 ICCIFD

JTAPI/628/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 juin 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Michel CABAJ, avocat, avec élection de domicile

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne les taxations 2020 et 2021 de la société genevoise A______ SA (ci-après : la société).

Taxation 2020

2.             Par bordereaux datés du 7 avril 2022, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé d’office la société pour l’année 2020, après l’avoir enjointe sans succès de retourner sa déclaration fiscale, par lettre recommandée du 16 février 2022, distribuée le 18 du même mois.

3.             Par lettre du 4 juillet 2022 envoyée par courrier « A plus » et distribuée le lendemain, l’AFC-GE a sommé la contribuable de s’acquitter de l’ICC 2020. Par lettre du même jour, l’AFC-GE l’a également intimée de payer l’IFD 2020.

4.             Ces deux sommations étant demeurées vaines, l’AFC-GE a fait notifier à la contribuable deux commandements de payer le 9 mars 2023, qui n’ont pas été frappés d’opposition.

Taxation 2021

5.             Le 26 janvier 2023, l’AFC-GE a taxé d’office la contribuable pour l’année 2021, après l’avoir vainement sommée de remettre sa déclaration fiscale par lettre recommandée du 12 décembre 2022, distribuée le 16 du même mois.

6.             Le même jour, la société, sous la plume de son mandataire, B______ SA, soit pour elle Monsieur C______, a sollicité un délai au 31 mars suivant pour transmettre sa déclaration fiscale, faisant valoir que l’un de ses administrateurs, Monsieur D______, avait été victime d’un accident vasculaire cérébral (ci-après : AVC) le 3 octobre 2022.

En annexe était produit un certificat médical établi le 13 janvier 2023 par le Dr E______, à teneur duquel M. D______ avait été frappé d’une incapacité de travail totale en raison d’un AVC, du 13 janvier au 12 février 2023.

7.             Le 2 février 2023, l’AFC-GE a rejeté la demande de prolongation de délai, au motif que la contribuable avait été taxée d’office.

8.             Le 11 avril 2023, la société a transmis sa déclaration fiscale 2021 par téléversement.

9.             Étant donné que la société n’a pas réglé l’ICC et l’IFD 2021 dans les délais prescrits, l’AFC-GE lui a envoyé deux sommations par courrier « A plus » le 22 avril 2023, qui ont été distribuées le 25 avril suivant.  

10.         Le 15 mai 2023, la précité a envoyé à l’AFC-GE une copie de sa déclaration fiscale 2021.

11.         Par décisions du 24 mai 2023, l’AFC-GE a déclaré irrecevable pour cause de tardiveté la réclamation du 16 mai 2023 formée à l’encontre de ses taxations d’office 2021.

12.         Par courriel du 29 juin 2023, la société a invité l’AFC-GE à lui communiquer une copie de ses taxations d’office 2021, indiquant qu’elle ne les avait jamais reçues.

13.         L’AFC-GE a donné suite à cette demande, par courriel du 29 juin 2023.

14.         Le 3 juillet 2023, elle lui a également transmis ses taxations 2019 et 2020.

Procédure de recours

15.         Par acte du 3 juillet 2023, la société, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre des bordereaux de taxation 2021 du 26 janvier 2023, de la décision du 24 mai suivant, ainsi que des bordereaux de taxation 2020 du 7 avril 2022.

Elle a conclu, préalablement, à l’audition de M. C______, principalement, à la constatation de la nullité des taxations 2020 et 2021, subsidiairement à leur réforme en ce sens qu’elle soit taxée sur la base de ses états financiers, le tout sous suite de frais et dépens.

Ce n’était que dans le cadre de la décision du 24 mai 2023 qu’elle avait appris l’existence de ses bordereaux 2021 et c’était au plus tôt le 29 juin 2023 qu’elle avait pris connaissance du contenu de ses taxations d’office 2021. Aucun bordereau ne lui avait été notifié le 26 janvier 2023. À l’égard de la taxation d’office 2021, son recours devait être déclaré recevable. Elle n’avait pris connaissance du contenu de ses taxations d’office 2019 et 2020 que le 3 juillet 2023. À l’égard de l’année 2020, le recours était également recevable.

L’absence de notification régulière des bordereaux de taxation d’office 2021 l’avait privée de son droit d’élever réclamation, respectivement d’interjeter recours. Elle se croyait en toute bonne foi autorisée à déposer ses comptes après le 1er février 2023. En l’absence de notification régulière de toute éventuelle taxation d’office, elle n’avait aucune raison de s’inquiéter d’une éventuelle procédure de réclamation.

En 2021, elle avait réalisé un bénéfice de CHF 478.- et bénéficiait de pertes reportables de CHF 130'108.-. Or, l’AFC-GE avait arrêté son bénéfice à CHF 187'500.- sans pertes reportées. Cette taxation ne correspondait pas à la réalité, s’écartant sans motif de la taxation 2019. Le tribunal devait en constater la nullité.

En 2020, tandis qu’elle avait réalisé une perte de CHF 82'341.- et bénéficiait de pertes reportées de CHF 130'108.-, l’AFC-GE avait fixé son bénéfice net à CHF 150'000.- sans pertes reportées. D’un montant ne correspondant pas à la réalité, cette taxation était également nulle et le tribunal devait le constater.

16.         Par lettre du 11 juillet 2023, le tribunal a accusé réception du recours et a notamment invité la société à lui transmettre la décision sur réclamation 2020.

17.         Par pli du 12 juillet 2023, la société a complété son recours. Elle ne disposait pas de la décision sur réclamation 2020. Dès lors, elle avait saisi directement le tribunal dans le cadre du recours à l’encontre de ses bordereaux de taxation 2021, par souci d’économie de procédure. Toutefois, si le tribunal estimait que la voie de la réclamation devait être préalablement empruntée, son acte de recours devait être transmis à l’AFC-GE comme valant réclamation.

18.         Dans sa réponse du 4 septembre 2023, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La réclamation du 16 mai 2023, formée à l’encontre des bordereaux du 26 janvier 2023, avait été élevée manifestement hors délai. La société ne saurait se prévaloir de l’AVC ayant frappé M. D______, dès lors qu’elle était représentée par un mandataire. Aucun motif de révision n’était par ailleurs réalisé.

Faute de réclamation, la taxation d’office 2020 du 7 avril 2022 était devenue définitive et exécutoire. L’argumentation de la recourante selon laquelle elle n’avait pris connaissance des bordereaux de cette année qu’en juillet 2013 relevait d’un abus de droit, car elle avait été sommée de s’acquitter des impôts de cette période fiscale et des commandements de payer lui avaient été notifiés. Elle aurait dû agir dans un délai raisonnable. Or, elle avait remis sa déclaration fiscale plus de seize mois après la sommation de paiement. Aucun motif de révision n’était non plus réalisé.

Enfin, il n’y avait pas lieu de se prononcer sur le fond des taxations, puisque les recours ne pouvaient porter que sur la question de la tardiveté de la réclamation.

19.         Par réplique du 15 février 2024, la société a fait valoir que l’intimée passait sous silence le fait qu’elle lui avait requis, le 13 mars 2023, la production de ses états financiers 2016 à 2020, ce qu’elle avait fait le jour-même. En outre, le 28 avril 2023, l’AFC-GE lui avait demandé de signer la page de synthèse de sa déclaration fiscale, ce qu’elle avait fait le 15 mai suivant. Ainsi, déclarer irrecevable la réclamation contrevenait aux règles de la bonne foi, ce d’autant que la taxation d’office se révélait arbitraire. Enfin, l’AFC-GE n’avait pas prouvé la notification de la taxation d’office 2020.

20.         Dans sa duplique du 21 février 2024, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

Recours à l’encontre de la taxation 2021

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD, en tant qu’il porte sur cette période fiscale.

3.             La société requiert l’audition de M. C______, administrateur de son précédent conseil, B______ SA.

4.             Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, ce droit ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1). Par ailleurs, le droit d'être entendu ne comprend pas celui d'être entendu oralement (art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

5.             En l’espèce, la société sollicite l’audition de M. C______, qui devrait porter sur des entretiens téléphoniques avec l’AFC-GE. Notamment, le 31 janvier 2023, aurait été évoquée la remise de sa déclaration fiscale 2021. En outre, dans une conversation postérieure au 26 janvier 2023 entre ce mandataire et l’autorité intimée, la taxation d’office 2021 n’aurait pas été mentionnée.

Le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause sur le litige. En effet, la contribuable a pu faire valoir ses arguments, dans le cadre de son recours et de sa réplique, et produire tout moyen de preuve utile à l’appui de ses allégués. L’audition de M. C______ n’apparaît pas utile, car ainsi qu’il sera exposé ci-dessous, le tribunal laissera ouverte la question de savoir si la société a effectivement reçu ses bordereaux le 26 janvier 2023. Enfin, l’audition d’un témoin ne constitue pas un acte d’instruction obligatoire. Il ne sera donc pas ordonné.

6.             Lorsque les décisions sur réclamation sont des décisions d'irrecevabilité, seule la question de l'irrecevabilité peut faire l'objet du recours, mais non pas la taxation en tant que telle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3).

Il en résulte que le tribunal ne peut se prononcer sur le fond de la taxation 2021, puisque les décisions du 24 mai 2023 se bornent à déclarer irrecevable la réclamation formée par la société à l’encontre des taxations relatives à cette année fiscale. Se pose cependant la question de leur éventuelle nullité. En effet, dans son recours, la contribuable soulève ce grief, en relevant que celles-ci s’écartent sans motif de la taxation 2019. Elle fait valoir qu’en 2021, elle a réalisé un bénéfice de CHF 478.- en bénéficiant de pertes reportables de CHF 130'108.-. Or, l’AFC-GE a arrêté son bénéfice à CHF 187'500.- sans pertes reportées.

7.             Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_501/2021 du 19 novembre 2021 consid. 5.2 et 5.3), la nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Si l'autorité augmente systématiquement le revenu estimé d'une année à l'autre sans prendre de mesures d'investigation ou de clarification pour vérifier la plausibilité de ces augmentations, cela conduit à qualifier son appréciation de manifestement inexacte au sens de l'art. 132 al. 3 LIFD. Une telle façon de procéder ne saurait en soi être considérée comme une violation si flagrante des obligations de l'autorité fiscale qu'elle aurait pour conséquence la nullité de la taxation d'office. Une telle nullité n'est admise que si l'autorité de taxation apprécie la situation du contribuable d'une manière sciemment contradictoire vis-à-vis des informations dont elle dispose, et ce dans une mesure si grossière qu'elle apparaît comme l'expression d'un arbitraire injustifiable (arrêt du Tribunal fédéral arrêt 2C_679/2016 du 11 juillet 2017 consid. 5.2.4, dans lequel l'autorité fiscale avait reçu copie des avis de salaire du contribuable et connaissait ainsi son revenu réel, mais avait nonobstant procédé à une augmentation systématique et massive du revenu imposable en contradiction grossière avec les pièces claires dont elle disposait).  

8.             En l’espèce, il ne peut être reproché à l’AFC-GE d’avoir apprécié la situation de la recourante de manière grossièrement contraire aux pièces du dossier, étant donné que celle-ci n’a pas retourné sa déclaration fiscale 2021, bien qu’ayant été sommée de s’exécuter. L’AVC ayant frappé M. D______ ne saurait justifier un tel retard. En effet, outre ce dernier, la société comportait deux administrateurs. Dès lors, la taxation d’office 2021 n’est pas nulle.

9.             La société conteste la tardiveté retenue par l’AFC-GE.

10.         Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_884/2019 du 10 mars 2020 consid. 7.2 et les réf.), en vertu du principe de la bonne foi, l'intéressé est tenu de se renseigner sur l'existence et le contenu de la décision dès qu'il peut en soupçonner l'existence, sous peine de se voir opposer l'irrecevabilité d'un éventuel moyen pour cause de tardiveté. Le principe de la bonne foi oblige en effet celui qui constate un prétendu vice de procédure à le signaler immédiatement, à un moment où il pourrait encore être corrigé, et lui interdit d'attendre, en restant passif, afin de pouvoir s'en prévaloir ultérieurement devant l'autorité de recours.  

Contrevient évidemment aux règles de la bonne foi celui qui omet de se renseigner pendant plusieurs années ; il en va de même pour celui qui reste inactif pendant deux mois. En revanche, on ne peut reprocher aucun retard à celui qui consulte son dossier auprès de l'autorité quelques jours après avoir eu connaissance de l'existence d'une condamnation pénale. Est de même irréprochable celui qui réagit le jour même où il constate le début de travaux dont l'autorisation de les exécuter ne lui a pas été notifiée (ATA/1783/2019 du 10 décembre 2019 consid. 4c).

11.         En l’espèce, la recourante soutient qu’elle n’a pris connaissance de ses bordereaux 2021 au plus tôt le 29 juin 2023, après les avoir sollicités de l’AFC-GE, mais qu’en revanche, aucune décision de taxation ne lui a été communiquée le 26 janvier 2023.

Certes, il ne peut être exclu qu’aucun bordereau concernant l’année 2021 lui ait été transmis, en particulier le 26 janvier 2023. Toutefois, les sommations l’enjoignant de s’acquitter de l’ICC 2021, envoyées par courrier « A plus », lui ont été remises le 25 avril 2023, ainsi qu’il ressort du système du suivi des envois (« Track & Trace ») mis en place par la Poste. Dès lors, elle devait se renseigner auprès de l’AFC-GE dans un délai raisonnable au sujet de l’existence d’une éventuelle décision fixant le montant de ses impôts 2021. Or, elle n’a sollicité ces bordereaux qu’en juillet 2023, soit trois ans après la communication de la susdite sommation. Étant demeuré passive si longtemps, elle ne saurait, en vertu du principe de la bonne foi, prétendre qu’elle n’a jamais eu connaissance de ces décisions auparavant.

L’échange de courriels entre l’AFC-GE et la société, intervenu entre le 9 mars et le 15 mai 2023, n’est d’aucun secours à cette dernière. En effet, celle-ci y informe notamment l’autorité intimée qu’elle lui transmet ses comptes 2020 et 2021, ainsi que sa déclaration fiscale 2021. Cependant, il ne ressort d’aucun de ces courriels – en particuliers ceux datés des 28 avril, 1er et 15 mai 2023 – qu’elle s’est renseignée ou a contesté les sommations susmentionnées.

Il en résulte que c’est à juste titre que l’AFC-GE a déclaré irrecevable pour cause de tardiveté la réclamation de la société relative à sa taxation 2021.

 

Recours à l’encontre de la taxation 2020

12.         La société n’a jamais réclamé contre sa taxation 2020, si bien que celle-ci est entrée en force.

Cela étant, elle soutient qu’elle n’a pris connaissance des bordereaux de cette année-là le 3 juillet 2023 uniquement, après les avoir demandés à l’AFC-GE. Elle a saisi directement le tribunal. Toutefois, si celui-ci n’était pas compétent, son acte de recours devait être transmis à l’autorité intimée comme valant réclamation.

Certes, il ne peut être exclu qu’elle n’ait jamais été taxée pour l’année 2020. Toutefois, la sommation l’enjoignant de s’acquitter de l’ICC 2020, envoyée par courrier « A plus » lui a été remise le 5 juillet 2020 ainsi qu’il ressort du système du suivi des envois (« Track & Trace ») mis en place par la Poste. En outre, les commandements de payer relatifs à cette même période fiscale lui ont été notifiés le 9 mars 2023 et ils n’ont pas été frappés d’opposition.

Dès lors, la contribuable devait se renseigner auprès de l’AFC-GE dans un délai raisonnable au sujet de l’existence d’une éventuelle décision fixant le montant de son imposition 2020. Or, elle n’a sollicité ces bordereaux qu’en juillet 2023, soit trois ans après la susdite sommation. Étant demeuré passive si longtemps, elle ne saurait, en vertu du principe de la bonne foi, prétendre qu’elle n’a jamais eu connaissance de ces décisions auparavant.

L’échange de courriels entre l’AFC-GE et la société, intervenu entre le 9 mars et le 15 mai 2023, n’est d’aucun secours à cette dernière, pour les mêmes motifs que ceux exposés en lien avec la taxation 2020. Cependant, il ne ressort d’aucun de ces courriels – en particuliers ceux datés des 28 avril, 1er et 15 mai 2023 – qu’elle s’est renseignée ou a contesté la sommation susmentionnée.

Au vu du comportement contraire à la bonne foi de la recourante, il n’y a pas lieu de renvoyer l’acte du 3 juillet 2023 afin que l’AFC-GE le traite comme une réclamation.

13.         La société soutient que sa taxation 2020, tout comme celle de l’année suivante, est nulle, dès lors qu’elle s’écarte manifestement de la réalité. Elle fait valoir qu’en 2020, elle a réalisé un bénéfice de CHF 82'341.- en bénéficiant de pertes reportables de CHF 130'108.-. Or, l’AFC-GE a arrêté son bénéfice à CHF 150'000.- sans pertes reportées.

L’intéressée ne peut être suivie, pour les motifs qui ont été exposés ci-dessus, en ce qui concerne la taxation 2021. En effet, il ne peut être reproché à l’AFC-GE d’avoir apprécié la situation de la recourante de manière grossièrement contraire aux pièces du dossier, étant donné que celle-ci n’a pas retourné sa déclaration fiscale 2020, bien qu’ayant été sommée de s’exécuter. Sa taxation d’office 2020 n’est donc pas nulle.

14.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable en tant qu’il porte sur la période fiscale 2020.

15.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 3 juillet 2023 par A______ SA contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 24 mai 2023 ;

2.             met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Philippe FONTAINE et Pascal DE LUCIA, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière