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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/12/2024

JTAPI/616/2024 du 24.06.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/12/2024 ICCIFD

JTAPI/616/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Pour l’année fiscale 2022, les époux A______ et B______ (ci-après : les contribuables) ont été soumis au régime de l’impôt à la source (ci-après : IS).

2.             Par demande de rectification de l’IS 2022 (formulaire « DRIS/TOU ») du 26 mars 2022, ils ont sollicité la correction du barème d’imposition, sans avoir requis une taxation ordinaire ultérieure (ci-après : TOU). Ils ont joint leurs certificats de salaire respectifs.

3.             Par courrier du 26 avril 2023, les contribuables ont indiqué à l'AFC-GE souhaiter bénéficier d’une TOU.

4.             Le 12 juin 2023, donnant suite à leur demande du 26 mars 2023, l'AFC-GE a notifié aux contribuables un bordereau rectificatif, précisant que leur demande tendant à une TOU était tardive, car déposée après le 31 mars 2023.

5.             Le 14 juin 2023, les contribuables ont formé réclamation, expliquant avoir coché par erreur la mauvaise case dans leur demande du 26 mars 2023, alors qu’en réalité, ils voulaient déposer une déclaration fiscale 2022 ordinaire afin de pouvoir bénéficier de plusieurs déductions applicables aux quasi-résidents.

6.             Par décision sur réclamation du 7 décembre 2023, l'AFC-GE a confirmé la tardiveté de la demande tendant à une TOU.

7.             Par acte du 2 janvier 2024, les contribuables ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à son annulation.

En raison d’une mauvaise compréhension des indications figurant sur la plateforme électronique « E-démarches » de l'AFC-GE, ils avaient coché par erreur la case « DRIS » dans leur demande du 26 mars 2023. Depuis de nombreuses années, ils effectuaient une déclaration de quasi-résidents. Pour l’année 2022, ils avaient également « monté un dossier complet afin de faire valoir [leur] correctif » en temps utile. Ils n’avaient toutefois par reçu « le lien » leur permettant de saisir leur déclaration en ligne. Le maintien de la taxation litigieuse les mettrait dans une situation financière difficile.

8.             Le 26 janvier 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours, motif pris de la tardiveté de la demande du 26 avril 2023, aucun motif justifiant ce retard n’étant invoqué.

9.             Par réplique du 31 janvier 2024, respectivement duplique du 9 février suivant, les parties ont maintenu leurs conclusions respectives.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE en matière d’IS (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 cum art. 17 de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 16 janvier 2020 - LISP - D 3 20 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc (cum art. 17 LISP) et 140 LIFD.

3.             Le litige porte sur la question de savoir si la demande des recourants tendant à une taxation ordinaire ultérieure a été déposé dans le délai légal.

4.             Selon l’art. 137 LIFD, le contribuable peut, jusqu’au 31 mars de l’année fiscale qui suit l’échéance de la prestation, exiger que l’autorité de taxation rende une décision relative à l’existence et l’étendue de l’assujettissement: a) s’il conteste l’impôt à la source indiqué sur l’attestation mentionnée à l’art. 88 ou 100 LIFD ou b) si l’employeur ne lui a pas remis l’attestation mentionnée à l’art. 88 ou 100 LIFD (al. 1).

Selon la jurisprudence, le délai de l'art. 137 al. 1 LIFD s'applique pleinement au contribuable qui entend faire valoir des déductions supplémentaires qui dépassent les montants forfaitairement inclus (art. 86 al. 1 LIFD) dans le barème d'imposition (cf. arrêt du Tribunal fédéral  2C_684/2012 du 5 mars 2013 consid. 5.4 in Archives 82, p. 153 ; ATF 135 II 274 consid. 5.4).

5.             Le droit cantonal connaît une disposition similaire à l’art. 137 LIFD. Selon l’art. 38E al. 1 LPFisc, entré en vigueur le 1er janvier 2021, le contribuable peut, jusqu’au 31 mars de l’année fiscale qui suit l’échéance de la prestation, exiger que l’autorité fiscale rende une décision relative à l’existence et l’étendue de l’assujettissement s’il conteste l’impôt à la source indiqué sur l’attestation mentionnée à l’art. 38A al. 1 let. b LPFisc (let. a) ou si l’employeur ne lui a pas remis l’attestation mentionnée à l’art. 38A al. 1 let. b LPFisc (let. b).

Selon l’exposé des motifs (PL 12'548, p. 35s), la possibilité de demander une rectification dans le délai échéant le 31 mars de l’année suivant l’année fiscale visée doit permettre de demander la rectification de l’IS. Celle-ci peut porter sur l’assujettissement, l’assiette, la modification du barème ou une erreur dans le taux appliqué ou le montant de la retenue. Il est encore précisé que l’art. 38E LPFisc introduit « expressément un délai fixe pour ces demandes de rectification et ce, quel que soit le motif » et que « pour les demandes relatives aux barèmes et aux taux, la position retenue est plus restrictive que la jurisprudence en vigueur jusqu’à ce projet de loi ».

6.             Selon la jurisprudence cantonale récente, les travaux préparatoires relatifs à la révision du droit cantonal indiquent clairement qu’il appartient au contribuable de se manifester en demandant une rectification de l’IS ou « une taxation ordinaire » avant le 31 mars suivant l’année fiscale visée pour l’ensemble des éléments déterminants. En d’autres termes, passé le délai du 31 mars, le contribuable est forclos pour remettre en cause les éléments de taxation (ATA/549/2024 du 30 avril 2024 consid. 3).

Précédemment, dans un cas où, en utilisant la plateforme « E-Démarches » de l'AFC-GE avant le 31 mars, un contribuable avait coché par erreur la case « Demande de rectification de l’imposition à la source » (DRIS) au lieu de « Demande/Annonce de taxation ordinaire ultérieure » (TOU), puis avait requis, après le 31 mars, cette dernière taxation, le tribunal de céans a confirmé la tardivité de cette requête, relevant que l’erreur invoquée ne constituait pas un cas d’empêchement justifiant une restitution de délai (JTAPI/398/2024 du 29 avril 2024).

7.             Il convient de rappeler aussi que les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public et ne sont donc en principe pas susceptibles d'être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n'est par le législateur lui-même (ATA/286/2020 du 10 mars 2020 ; ATA/1157/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2a). Ainsi, celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos (cf. ATA/286/2020 du 10 mars 2020 ; ATA/1157/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2a).

Les règles relatives à ce type de délais nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d'égalité de traitement et d'intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est en principe pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (cf. not. ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine ; 125 V 65 consid. 1 ; ATA/286/2020 du 10 mars 2020).

8.             Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).

Une inattention ne constitue pas un motif de restitution du délai (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, n° 13, p. 1736).

Les cas de force majeure sont également réservés. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/599/2023 du 6 juin 2023 consid. 3.3 et les références citées). Pour établir l’existence d’un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l’assujetti (ATA/815/2022 du 17 août 2022 consid. 2).

9.             En l’espèce, les contribuables, soumis à l’imposition à la source pour l’année 2022, disposaient d’un délai au 31 mars 2023 pour demander une taxation ordinaire ultérieure, ce qu’ils n’ont pas fait. Ils expliquent avoir eu l’intention de le faire, mais avoir commis une erreur en cochant involontairement la case « Demande de rectification de l’imposition à la source » au lieu de « Demande/Annonce de taxation ordinaire ultérieure ». Ce n’est ainsi que dans leur courrier du 26 avril 2023 que l'AFC-GE a eu connaissance de leur souhait de bénéficier d’une taxation ordinaire ultérieure. Or, l’erreur dont ils se prévalent ne constitue pas un cas d’empêchement retenu par la jurisprudence pour obtenir une restitution de délai. Si, comme ils le prétendent, les options disponibles sur la plateforme « E-Démarches » de l'AFC-GE n’étaient pas clairement formulées pour les non-initiés, l’on pouvait alors raisonnablement s’attendre de leur part qu’ils s’adressent à cette dernière pour qu’elle les clarifie. Le dossier ne contient aucun élément de preuve démontrant qu’ils l’ont fait. Dans la mesure où ils ont constaté, le 26 mars 2023 déjà, ne pas pouvoir remplir et déposer en ligne une déclaration fiscale ordinaire, rien ne les empêchaient de réagir immédiatement afin d’y parvenir avant le 31 mars 2023, d’autant que, comme ils l’allèguent, ils avaient déjà constitué « un dossier complet » en vue de leur déclaration de quasi-résidents 2022.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le refus de l’AFC-GE d’entrer en matière sur la demande du 26 avril 2023, en raison de sa tardiveté.

10.         Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

11.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours.

Le solde de cette avance, soit CHF 200.-, sera restitué aux recourants.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 2 janvier 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 7 décembre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution aux recourants du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Philippe FONTAINE et Pascal DE LUCIA, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière